janvier 2024
Carte blanche sur le foncier
Réindustrialisation des territoires, redécouverte de l’action foncière
Réindustrialisation des territoires, redécouverte de l’action foncière,
Riurba no
15, janvier 2024.
URL : https://www.riurba.review/article/15-foncier/reindustrialisation/
Article publié le 23 oct. 2024
- Abstract
- Résumé
Reindustrializing the city, rediscovering land use action
This article focuses on land governance in medium-sized industrial towns. Although the contemporary goal of reindustrialization has brought the land issue back to the fore, its actual role remains little studied in the research work related to medium-sized industrial towns. The article characterizes the governance of industrial land through a comparative analysis of case studies of two French industrial parks. It reveals the specific modalities of collective action around the triptych “speed, anticipation, indeterminacy” and the close link between land and technical networks dedicated to water, energy and transport, now at the heart of the sustainability transition.
L’article porte sur la gouvernance du foncier au sein des villes moyennes industrielles. Même si l’objectif contemporain de réindustrialisation a fait réapparaître l’enjeu foncier, son rôle effectif reste peu étudié dans les travaux sur les villes moyennes industrielles. La caractérisation de cette gouvernance du foncier industriel est réalisée à partir d’une analyse comparative de deux cas de zones d’activités économiques situées en Normandie. Celle-ci met à jour les modalités spécifiques de l’action collective autour du triptyque « vitesse, anticipation, indétermination » et l’articulation étroite du foncier avec les réseaux techniques dédiés à l’eau, à l’énergie et au transport, aujourd’hui au cœur de la transition écologique.
post->ID de l’article : 5198 • Résumé en_US : 5220 • Résumé fr_FR : 5217 •
Introduction
Après plusieurs décennies d’éclipse, l’enjeu foncier du développement industriel a fait très récemment irruption dans l’agenda politique national. Formalisé dans un rapport public de juillet 2023 qui esquisse une « stratégie nationale de mobilisation pour le foncier industriel[1]Titre du rapport issu d’une mission interministérielle confiée au préfet Rollon Mouchel-Blaisot. », il trouve son aboutissement législatif dans la récente loi relative à l’industrie verte[2]Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte., dont plusieurs articles font référence à l’enjeu foncier. Deux mots d’ordre principaux émergent de ces travaux. Le premier est celui de mobilisation du foncier, dans un contexte marqué par la difficulté accrue des porteurs de projets industriels à trouver les espaces nécessaires, et par l’impératif de sobriété incarné par l’objectif 2050 de zéro artificialisation nette (ZAN[3]Loi « Climat et résilience » du 22 août 2021.). Ceci pousse à optimiser et/ou à recycler le foncier économique existant ou en friche[4]L’obligation d’inventaire des ZAE par les autorités compétentes (notamment les intercommunalités depuis la loi NOTRe de 2016) promue par la loi Climat et résilience de 2021 constitue à la fois un indice et une réponse à ce problème de connaissance. Le rapport Mouchel-Blaisot a estimé les besoins de foncier industriel à 22 000 ha à l’horizon 2030 et distingue trois grandes sources pour y répondre : 3 500 ha issus de la densification des fonciers existants ; 10 000 ha issus de la réhabilitation des friches ; 8 500 ha issus de l’artificialisation d’espaces naturels ou agricoles.. Le second mot d’ordre est celui de la facilitation/accélération des processus d’implantation, via notamment le raccourcissement des délais de contrôle réglementaire jugés trop longs en France par rapport à d’autres pays dans le monde[5]Un rapport public est paru sur ce thème en janvier 2022, sous la houlette de Laurent Guillot, intitulé « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France ». Le système d’identification de « sites industriels clés-en-main » [en ligne.
Nous proposons dans ce qui suit de rendre compte des actions foncières pour l’industrie mises en œuvre dans deux villes moyennes normandes depuis plusieurs décennies. À l’heure de l’impératif de réindustrialisation et de la redécouverte du rôle qu’y joue le foncier, il s’agira de comprendre les ressorts de l’action foncière pour l’industrie à partir de territoires qui se sont appuyés, de façon intentionnelle et organisée, sur l’action foncière pour stimuler leur développement industriel. Dans une première section, nous reviendrons sur les travaux sur les villes moyennes industrielles. S’ils ont été nombreux à analyser leurs trajectoires économiques, peu font référence au rôle du facteur foncier ; celui-ci y est le plus souvent considéré comme une ressource banale, non stratégique, dont la caractéristique essentielle est son différentiel de prix par rapport aux agglomérations urbaines plus importantes. Une autre lignée de travaux, centrée sur le développement territorial des espaces périurbains et ruraux, propose un autre regard sur le foncier : celui-ci y apparaît central dans la formation des dynamiques territoriales ; il n’y est pas réduit au seul paramètre de son prix mais constitue un objet de gouvernance. On s’est inspiré de cette seconde approche pour construire une nouvelle grille d’analyse du foncier industriel. L’objet qu’il s’agit alors d’appréhender n’est pas la conception du règlement d’urbanisme mais la gouvernance des zones d’activité, tout au long de leur durée de vie. Une seconde section rend compte de la mise en œuvre de cette nouvelle grille d’analyse à travers une étude comparative de deux cas : le CIRIAM à Flers et la zone Vire-La Graverie à Vire Normandie. Les sections trois et quatre présentent et discutent les résultats des enquêtes réalisées. La section trois décrit les modalités spécifiques de constitution de l’offre foncière (anticipation) et d’appariement avec les projets industriels à implanter (indétermination). La quatrième section évoque trois caractéristiques de l’action foncière pour l’industrie : la vitesse, le couplage de la ressource foncière avec d’autres ressources, et l’encastrement de l’action foncière dans un projet territorial autonome, non réductible à la seule satisfaction des besoins des industriels.
Villes moyennes, industrie et gouvernance du foncier
L’industrie tient une place particulière dans le tissu des villes moyennes, en France mais plus généralement en Europe (Bole, Kozina et Tiran, 2019[6]Bole D, Kozina J, Tiran J. (2019). « Variety of industrial towns in Slovenia: a typology of their economic performance », Bulletin of Geography. Socio-economic Series, n° 46, p. 71‑83. ; Hamdouch, Demaziere et Banovac, 2017[7]Hamdouch A, Demaziere C, Banovac K. (2017). « The socio-economic profiles of small and medium-sized towns: insights from European case studies », Tijdschrift voor economische en sociale geografie, n° 108, p. 456‑471. ; Servillo, Atkinson et Hamdouch, 2017[8]Servillo L, Atkinson R, Hamdouch A. (2017). « Small and medium-sized towns in Europe: conceptual, methodological and policy issues », Tijdschrift voor economische en sociale geografie, n° 108, p. 365‑379.). La part relative du secteur industriel dans l’emploi local y est structurellement plus importante, rendant ainsi beaucoup plus problématique toute évolution négative dans ce secteur (Aubert et Diallo, 2016[9]Aubert F, Diallo A. (2016). « L’industrie rurale entre déterminants urbains et dynamiques territoriales », Pour, n° 229, p. 53‑61.). Les villes moyennes ont joué un rôle historique déterminant dans la modernisation de l’économie française après-guerre, « âge d’or du développement industriel des villes moyennes », qui verra la France parachever son industrialisation (Dodier, 1996[10]Dodier R. (1996). « L’évolution récente des systèmes fordistes : l’exemple des villes moyennes des Pays de la Loire », Norois, n° 171, p. 545‑556. ; Santamaria, 2012[11]Santamaria F. (2012). « Les villes moyennes françaises et leur rôle en matière d’aménagement du territoire : vers de nouvelles perspectives ? », Norois, n° 223, p. 13‑30.). Les travaux ayant porté sur l’industrie dans les villes petites et moyennes ont été principalement centrés sur l’analyse de leurs trajectoires économiques depuis cet âge d’or des années 1960 et 1970. Si l’image publique prédominante a été et est encore celle de la désindustrialisation, les travaux académiques ont mis en évidence une pluralité de dynamiques. Ce centrage sur l’étude de la pluralité des trajectoires a coïncidé avec une moindre attention accordée aux mécanismes et facteurs des dynamiques industrielles observées, le plus souvent attribuées à des facteurs géographiques contingents et « city-specific » (Gros-Balthazard, 2020[12]Gros-Balthazard M. (2020). « Les trajectoires des territoires industriels français : expansion, industrialisation, mutation, rétraction », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, n° 3, p. 369‑407. ; Martin et al., 2016[13]Martin R, Sunley P, Tyler P, Gardiner B. (2016). « Divergent cities in post-industrial Britain », Cambridge Journal of Regions, Economy and Society, n° 9, p. 269‑299.). Un schéma explicatif a néanmoins été développé qui relativise les facteurs dits génériques comme le foncier et donne la prééminence aux ressources dites « spécifiques » : celles-ci se logent dans « un savoir-faire local, un environnement particulier… » (Talandier, 2008[14]Talandier M. (2008). « Une autre géographie du développement rural : une approche par les revenus », Géocarrefour, n° 83, p. 259‑267.), dans l’ « institutional thickness » (Amin, 1999[15]Amin A. (1999). « An institutionalist perspective on regional economic development », International Journal of Urban and Regional Research, n° 23, p. 365‑378.), dans les jeux d’acteurs et les dynamiques relationnelles, qu’elles soient interpersonnelles ou formellement organisées[16]On trouvera trois illustrations de ce type de raisonnement dans trois études monographiques consacrées à l’industrie dans des villes petites et moyennes, publiées dans le n° 63 de la revue Echogéo en 2023. [En ligne. Dans tous ces travaux, les facteurs matériels ou infrastructurels, comme le foncier, s’ils ne sont pas absents, sont secondaires[17]Même si certains cas paraissent étonnants : Talandier s’étonnait ainsi que certains territoires ruraux s’avéraient « plutôt dynamiques en termes d’emplois », alors qu’ils étaient « spécialisés dans les activités de production « génériques », c’est-à-dire des activités qui « ne reposent pas sur les spécificités territoriales des zones d’implantation (comme un savoir-faire local, un environnement particulier…) mais sur des avantages comparatifs génériques (coût du foncier notamment) » (souligné par nous) (Talandier, 2008). : « L’accent est mis sur la mobilisation des ressources spécifiques dans les processus de développement territorial […] et, probablement parce que peu spécifique, la ressource foncière y est peu présente » (Guéringer, Hamdouch et Wallet, 2016[18]Guéringer A, Hamdouch A, Wallet F. (2016). « Foncier et développement des territoires ruraux et périurbains en France. Une mise en perspective », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, n° 4, p. 693‑712.). À partir d’une synthèse des travaux sur la thématique du foncier dans les territoires ruraux et périurbains, Guéringer, Hamdouch et Wallet montraient, a contrario du raisonnement précédent, l’importance des modes de régulation du foncier dans les dynamiques de développement territorial : « De fait, le système foncier peut devenir un élément déterminant des dynamiques territoriales, agissant selon les cas comme facteur de blocage ou facteur de développement […], mais dans tous les cas définissant des enjeux complexes […]. Gouvernance foncière et développement territorial apparaissent alors intrinsèquement liés » (Guéringer, Hamdouch et Wallet, 2016[19]Op. cit.).
En effet, depuis une quinzaine d’années, des travaux initialement centrés sur le devenir de l’agriculture et des terres agricoles, et l’évolution de leurs modes de régulation sous l’effet notamment de la périurbanisation, ont conduit à un renouvellement de l’analyse de la question foncière.Loin de constituer un seul paramètre dans une décision d’implantation (un prix), le foncier, objet pleinement politique (Jarrige, Négrier et Smyrl, 2015[20]Jarrige F, Négrier E, Smyrl M. (2015). « Sous le foncier, la politique », Pôle Sud, n° 42, p. 5‑9.), s’avère au cœur de nouvelles formes d’action collective, en particulier au sein des territoires ruraux et périurbains. C’est cette nouvelle perspective sur le foncier qu’entend incarner la notion de « gouvernance du foncier » (Bertrand, 2013[21]Bertrand N. (dir.). (2013). Terres agricoles périurbaines : une gouvernance foncière en construction, Versailles, QUAE, 250 p. ; Guéringer[22]Guéringer A. (2008). « “Systèmes fonciers locaux” : une approche de la question foncière à partir d’études de cas en moyenne montagne française », Géocarrefour, n° 83, p. 321‑329., 2008 Sencébé et Rivière-Honegger, 2018[23]Sencébé Y, Rivière-Honegger A. (2018). « Les gouvernances plurielles de la terre », Études rurales, n° 201, p. 8‑25.). Plusieurs enseignements méthodologiques peuvent y être associés ; on en retiendra plus particulièrement trois.
Premièrement, a contrario des approches par le marché qui envisagent le foncier comme l’objet de transactions commerciales, une approche par la gouvernance place le foncier au cœur d’une action publique, où se côtoient des acteurs publics et privés (notamment des propriétaires) et des mondes professionnels divers, au-delà de la seule profession agricole (Sencébé, Pinton et Alphandéry, 2013[24]Sencébé Y, Pinton F, Alphandéry P. (2013). « Le contrôle des terres agricoles en France. Du gouvernement par les pairs à l’action des experts », Sociologie, n° 4, p. 251‑268.).
Deuxièmement, dans une perspective de gouvernance, l’enjeu foncier ne saurait se réduire à la production de zonages au terme d’un processus de planification. Le foncier ne constitue pas seulement la traduction d’un projet (planifié) de territoire ; il peut aussi être le levier d’un projet de développement territorial (Crague, 2009[25]Crague G. (2009). « Le développement économique dans l’aménagement urbain », dans Bourdin A, Prost R (dir.), Projets et stratégies urbaines – regards comparatifs, Marseille, Parenthèses/ GIP EPAU, n. p. ; 2019a[26]Crague G. (2019a). « Construire un cluster industriel dans une métropole – L’opération Cancéropole/Oncopole à Toulouse », dans Crague G (dir.), Faire la ville avec l’industrie, Paris, Presses des Ponts. ; Perrin, Soulard et Chia, 2016[27]Perrin C, Soulard CT, Chia E. (2016). « La gouvernance du foncier agricole périurbain : entre planification urbaine et projets de développement », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, n° 4, p. 713‑736.).
Enfin, les approches par la gouvernance ont permis de souligner la variété de fait des gouvernances du foncier, selon les époques ou les contextes territoriaux. Guéringer Hamdouch et Wallet invitaient ainsi, en 2016, à « des investigations plus systématiques pour approfondir leur compréhension », afin de « mieux documenter les dimensions et interprétations de la question foncière à l’interface de la recherche et des pratiques évolutives des acteurs de terrain, dans un contexte marqué par une créativité renforcée des acteurs locaux – et notamment la société civile au-delà de sa composante agricole – pour élaborer des solutions innovantes de maîtrise, d’acquisition et de gestion du foncier » (Guéringer, Hamdouch et Wallet, 2016[28]Op. cit.).
En définitive, le présent article propose de rendre compte d’une forme particulière de gouvernance du foncier, celle associée au développement de l’industrie au sein des villes moyennes. Même si les travaux récents sur l’industrie dans les villes moyennes lui accordent peu d’attention, rappelons que le foncier a été au fondement historique de l’industrialisation (Coulomb, 1988[29]Coulomb P. (1988). « Les systèmes fonciers locaux : approche historique des rapports entre formes d’usage du sol et croissance industrielle », Études rurales, n° 110-112, p. 85‑91.). Selon P. Coulomb (1999[30]Coulomb P. (1999). « La politique foncière agricole en France : une politique foncière “à part” ? La déstabilisation de la politique des structures. La transmission du patrimoine de l’exploitation agricole familiale en France », dans Jouve AM, Bouderbala N. (dir.), Politiques foncières et aménagement des structures agricoles dans les pays méditerranéens : à la mémoire de Pierre Coulomb, Montpellier, CIHEAM (Cahiers Options Méditerranéennes), p. 69‑94.), ce sont aussi les formes de régulation du foncier qui expliqueraient le développement historiquement inégal de l’industrie dans les régions françaises. En conséquence, l’approche par la gouvernance du foncier proposée ici vise à rendre visible et à comprendre le rôle effectif de la ressource foncière dans le développement industriel des villes moyennes. Ce faisant, on montrera que ce rôle ne saurait se limiter au seul paramètre du coût du foncier. Comme cela a pu être souligné dans une étude de cas métropolitaine (Arab et Crague, 2023[31]Arab N, Crague G. (2023). « Une gouvernance métropolitaine de la réindustrialisation. Les enseignements du projet de mutation de la Vallée de la Chimie lyonnaise », Géographie, économie, société, n° 25, p. 269‑291.), le foncier peut constituer le cœur d’un jeu d’acteurs, souvent complexe, fragile, mais néanmoins déterminant pour assurer le (re)développement territorial de l’industrie.
La gouvernance du foncier pour l’industrie
au prisme de la zone d’activité économique (ZAE)
Pour saisir la gouvernance du foncier tendue vers le développement industriel, une analyse comparative de deux études de cas a été menée.
Dans chacune des études de cas, l’objet étudié n’est pas une ville ou un territoire dans son ensemble mais une zone d’activité économique (ZAE). Comme l’a clairement montré Thomas (2021[32]Thomas L. (2021). « Le foncier d’activités économiques, variable d’ajustement des modèles de développement local ? : une application à la région Provence, Alpes, Côte d’Azur », thèse de doctorat, Université d’Avignon.), la mobilisation du foncier pour l’industrie a principalement pris la forme de zones géographiques dédiées. Même si elles ne font pas l’objet d’une définition stricte et partagée[33]Thomas rappelle les efforts de définition qui ont été menés dans la foulée de la loi NOTRe, qui, rappelons-le, a confié la gestion exclusive des zones d’activités aux intercommunalités. Voici des éléments de définition apportés par le ministère de l’Intérieur suite à une question posée au Sénat en 2018 (cité par Thomas) : « Il n’existe pas de définition juridique d’une zone d’activité, qui procède de la volonté des collectivités territoriales et de leurs groupements. Toutefois, plusieurs critères au sens de faisceau d’indices peuvent être pris en compte pour identifier les zones d’activités. Une zone d’activité répond à une volonté de développement économique coordonné et doit faire l’objet d’une cohérence d’ensemble » [senat.fr, et que d’autres types de foncier économique peuvent être identifiés[34]Thomas identifie quatre types de foncier économique : de droit, de fait, de proximité, de projet., ces zones sont la manifestation principale et commune du foncier mis à disposition des entreprises, notamment industrielles, par les autorités publiques locales[35]C’est à partir de l’identification des ZAE dans les documents d’urbanisme que Thomas a pu estimer le foncier économique et son évolution au sein de la région PACA.. Elles sont, à ce titre, inscrites dans des documents d’urbanisme qui « permettent de manière plus ou moins stricte d’encadrer les usages du sol », et assurent « une certaine traçabilité et continuité dans l’existence de ces zones d’activités ».
Même si les zones d’activités procèdent d’une décision publique, la présence de l’autorité publique peut prendre fin lorsque la dernière parcelle de foncier a été commercialisée. Il existe ainsi de nombreuses zones d’activités dont le fonctionnement échappe de fait à l’autorité publique locale. Tel n’est pas le cas des ZAE qui seront ici étudiées. L’une des ZAE étudiée, située dans la communauté d’agglomération de Flers, est de création récente, et l’aménageur gestionnaire est toujours en activité ; toutes les parcelles n’ont pas encore été vendues. La seconde étude de cas porte sur une zone d’activités située à Vire Normandie, dont les premiers aménagements datent des années 1960 et qui fait toujours l’objet d’un suivi minutieux par les services techniques intercommunaux.
Centrer l’analyse sur l’objet ZAE a pour objectif d’aller au-delà des seules pratiques de planification spatiale. Comme le suggère la définition rappelée ci-dessus, c’est bien la planification spatiale concrétisée par un document d’urbanisme qui donne naissance à une zone d’activités. Limiter l’analyse à cette seule inscription réglementaire s’avère toutefois insuffisant pour saisir ce qui se joue dans le rapport entre autorités publiques et industriels à l’occasion de la création et de la gestion d’une ZAE. Cela laisse en effet dans l’ombre l’ensemble des projets concrets d’implantation ou de disparition d’entreprises, qui, au-delà des documents d’urbanisme, vont contribuer au fonctionnement et former la trajectoire effective d’une ZAE, au-delà des destinations initialement envisagées[36]Le travail de Thomas sur l’évolution des ZAE de PACA, en particulier leur fragilisation sous l’effet d’un processus de résidentialisation, montre clairement la nécessité d’analyser les ZAE au-delà des documents réglementaires qui les ont fondées (Thomas, 2021, op. cit.).. Enquêter sur une ZAE suppose donc de rendre compte de son devenir sur une certaine période de temps, afin non seulement de saisir les intentions qui ont présidé à sa création, mais aussi de rendre compte des projets d’implantation, effectifs ou non, et des retraits d’entreprises qui ont rythmé l’existence de la ZAE sur une certaine période de temps. La période pour l’analyse des deux ZAE étudiées couvre les deux dernières décennies.
Les ZAE étudiées sont situées dans deux villes moyennes de Normandie, respectivement dans la commune de Vire Normandie (communauté de communes de l’Intercom de la Vire au Noireau, département du Calvados) et celle de Caligny (communauté d’agglomération Flers Agglo, département de l’Orne) (figure 1). L’enquête sur Caligny-Flers fait partie des quatre études de cas réalisées dans le cadre d’un contrat de recherche portant sur le rôle de l’aménagement dans l’interventionnisme économique local (Crague, 2019b[37]Crague G (dir.). (2019b). Faire la ville avec l’industrie – Métropoles et villes moyennes : 4 retours d’expérience, Paris, Presses des Ponts, 173 p.). Au cours de cette enquête, certains de nos interlocuteurs locaux ont été amenés à contraster la façon d’aménager typique du CIRIAM avec celle qui avait cours à la même époque à Vire-Normandie. Cette suggestion, issue du terrain, a conduit au choix du second terrain, celui de Vire-Normandie, qui a par ailleurs bénéficié de l’appui du programme POPSU-Territoires.
Les deux intercommunalités étudiées comptent environ 50 000 habitants. L’industrie y représente près d’un quart des emplois, soit deux fois plus qu’en France dans son ensemble (tableau 1). Les deux ZAE sont donc situées au sein de villes moyennes industrielles.
Le Campus industriel de recherche et d’innovation appliquées aux matériaux (CIRIAM) correspond à une zone d’activités de 100 ha située dans la commune de Caligny comprenant (figure 2) l’entreprise Faurecia (usine, centre de R&D et direction « monde » des mécanismes de siège), un centre d’essais dynamiques (plateforme technologique mutualisée dédiée à des clients industriels), un centre de formation hébergeant une formation d’ingénieur par apprentissage de l’ENSICAEN, un restaurant inter-entreprises, une unité d’assemblage et de stockage de l’entreprise Lemoine (fabrication de bâtonnets ouatés) et un site de fabrication de l’entreprise Thermocoax[38]Indiqué comme « projet industriel en cours » dans la figure 2.. La décision de créer le CIRIAM est prise au milieu des années 2000. Elle est initiée par l’intention des autorités publiques locales de maintenir l’entreprise industrielle Faurecia implantée jusque-là sur trois sites au cœur de la ville de Flers et menaçant de se délocaliser en Europe de l’Est (Crague, 2019c[39]Crague G. (2019c). « Maintenir l’industrie dans une ville moyenne. L’opération CIRIAM/Normand’Innov à Flers », dans Crague G. (dir.), Faire la ville avec l’industrie, Paris, Presses des Ponts.). Le CIRIAM est identifié au sein du PLUi de Flers Agglo comme un pôle économique à vocation régionale, dont la destination est l’industrie (zone UZi).
La création d’une zone industrielle au nord de la ville de Vire est décidée dans les années 1960 (Pasquier et al., 1962[40]Pasquier A, Brier MA, Brochard J et al. (1962). « La région de Vire. Données et Problèmes d’aménagement du Bocage », Études normandes n° 42(144), p. 1‑414. ; Rolland, 2017[41]Rolland F. (2017). Histoire industrielle du pays virois : 1800-2017, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet.) (figure 3a) et s’est développée tout au long des décennies qui ont suivi, par secteurs (figure 3b). L’ensemble de ces secteurs à vocation économique est clairement identifié dans le SCOT du Bocage en 2013 comme un même ensemble dédié à l’activité économique, sous l’appellation « Pôle d’activités économiques Vire-La Graverie ». Cette zone est identifiée dans le PLU de Vire (2016) comme un secteur Ux qui « correspond à des secteurs ayant une vocation d’activités économiques. Les activités concernées sont celles qui, de par leur nature, leur taille, ne peuvent être implantées dans des zones d’habitat ». Le PLU n’identifie pas de sous-destination industrielle proprement dite[42]Même si le rapport de présentation du PLU évoque des secteurs à vocation industrielle (cf. figure 2b)., mais différencie au sein de l’ensemble des activités économiques celles qui relèvent du commerce et des services. La zone d’activités Vire-La Graverie comprend un peu plus de 200 ha hors zones commerciales.
Pour chacune des ZAE étudiées, un travail monographique a été entrepris, structuré selon l’approche « gouvernance du foncier » décrite ci-dessus. Le matériau empirique repose dans les deux cas sur un corpus documentaire constitué, d’une part, d’articles de la presse locale et, d’autre part, des documents d’urbanisme (SCOT du Bocage et PLU de Vire, PLUi de Flers Agglo). Il a été complété par une série d’entretiens semi-directifs (voir détails en annexe).
L’analyse de la gouvernance du foncier industriel s’est appuyée sur une démarche comparative : la différenciation des deux unités comparées est géographique (et non temporelle), selon une « approche par les cas » (et non « par les variables »), de type qualitative, où les catégories d’analyse s’élaborent « pendant et après l’enquête » (et non « avant ») (Vigour, 2005[43]Vigour C. (2005). La comparaison dans les sciences sociales : pratiques et méthodes, Paris, La Découverte, 335 p.). Le travail comparatif ne repose pas sur une jauge ou un indicateur préétabli avant l’enquête de terrain ; au contraire, la mise en regard des deux cas vise à faire émerger les variables significatives, les points saillants, les similitudes et les différences. Prendre appui sur deux cas permet de les confronter l’un à l’autre et, par suite, d’enrichir et d’approfondir l’interprétation des matériaux empiriques (Berthoud, 2007[44]Berthoud G. (2007). « La comparaison anthropologique : ébauche de la méthode », Revue européenne des sciences sociales, n° XLV‑138, p. 67‑82.). Comme l’indique Louis Dumont, c’est en « contrastant avec d’autres » que l’on peut « prendre conscience de ce qui autrement va sans dire » (Dumont, 1983, chapitre 1[45]Dumont L. (1983). Essais sur l’individualisme : une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Paris, Seuil, 279 p.).
Offres de foncier et projets industriels : anticipation et indétermination
Rendre compte de la gouvernance du foncier pour l’industrie suppose d’examiner comment est constituée l’offre foncière et selon quelles modalités celle-ci est appariée aux projets industriels en quête d’implantation. Plusieurs enseignements peuvent être tirés de nos enquêtes.
Le premier est intimement lié à l’objet de recherche, à savoir la ZAE. En proposant une offre foncière à destination des industriels sous la forme d’une ZAE, une autorité publique locale constitue de fait une offre groupée, c’est-à-dire une offre qui ne répond pas à une demande individuelle mais cible une demande plurielle. Les projets industriels sont donc, au moment de la fondation de la zone, pour partie indéterminés. La gestion de cette indétermination constitue une caractéristique importante de la gestion publique des ZAE étudiées.
Dans le cas du CIRIAM, des parcelles mises à disposition des entreprises sont pour partie pré-commercialisées au moment de l’inauguration de la ZAE, en 2009 (déménagement de Faurecia, installation de la formation d’ingénieur de l’ENSICAEN, création du centre d’essais dynamiques), mais toutes ne le sont pas. Les gestionnaires de la ZAE parient sur l’effet levier de ces implantations initiales sur les installations futures. Celles-ci seront effectives tout au long de la décennie après la création du CIRIAM : l’entreprise Lemoine[46]PME familiale et exportatrice, fabriquant des bâtonnets ouatés, dont le siège social est historiquement situé dans l’Orne. en 2014, une nouvelle licence professionnelle mécatronique-robotique en 2019, l’entreprise Thermocoax[47]Entreprise historiquement installée dans l’Orne (le nouveau site du CIRIAM réunit deux anciens sites ornais), spécialisée dans la fabrication de câbles et plaques chauffants pour l’industrie, intégrée en 2019 dans un groupe international spécialisé dans l’ingénierie industrielle (Spirax-Sarco). en 2021 ; 2021 verra aussi la construction d’une extension de l’usine Faurecia. Au terme de ces installations successives, un agrandissement de la ZAE est décidé et engagé en 2023, qui vise à ajouter 40 ha aux 60 ha initiaux.
On retrouve une histoire analogue pour la zone de Vire-La Graverie, mais celle-ci aura démarré dès le début des années 1960, lorsque la commune crée dans le nord de son territoire les premières parcelles dédiées à l’activité. Celles-ci accueilleront très rapidement des industriels déjà implantés dans la région, d’abord la Société générale d’équipements (SGE), première grande entreprise industrielle de la ville (qui deviendra Labinal[48]Puis Filtrauto et enfin Sogefi, toujours présente à Vire aujourd’hui.), puis Guy Degrenne qui déménage son entreprise de Sourdeval dans le Sud-Manche à Vire au milieu des années 1960. Les décennies suivantes verront ainsi à la fois s’étendre l’espace mis à disposition de l’industrie (la dernière en date étant la zone de la Papillonière et son extension récente de 25 à 50 ha) et se multiplier les implantations industrielles[49]Sans prétendre à l’exhaustivité : Compagnie des fromages et Richemonts, France location, Legoupil industrie, La Normandise, Alliance des viandes de France, Chauvin Arnoux, Mecacorp, Tecal Verbrugge, Soprelec, Netto Décor, Messageries laitières.. L’enquête n’a pas permis de rendre compte des pratiques de gestion du foncier industriel sur l’ensemble de la durée de vie de la zone de Vire-La Graverie, mais des témoignages ont pu être recueillis sur les actions menées depuis le début des années 2000[50]Date qui correspond à l’arrivée d’un technicien dédié à l’action foncière (toujours en poste au moment où ces lignes sont écrites) et à la création, en 2001, de la communauté de communes de Vire (celle-ci préfigurait la création de la commune nouvelle de Vire-Normandie en 2016).. Trois caractéristiques essentielles sont évoquées par les gestionnaires du foncier industriel (élus comme techniciens) pour décrire leurs pratiques. D’abord, une production anticipée de foncier économique avant même l’existence d’une demande effective d’implantation[51]Environ 100 ha de foncier économique ont été constitués depuis le début des années 2000. « On a systématiquement un parc d’avance », soit entre 20 et 50 ha, qui se constituent petit à petit à coup d’acquisitions foncières, de préférence à l’amiable.. Ensuite, une indétermination de la demande. Celle-ci a deux sources principales : la première est liée à la production anticipée évoquée ci-dessus ; la seconde est liée à l’incertitude des processus de décision d’implantation industrielle. Nos interlocuteurs ont, par exemple, évoqué un projet d’implantation d’un industriel étranger, sur lequel ils ont travaillé pendant plusieurs mois, en lien étroit avec les managers de l’entreprise, et qui n’a finalement pas abouti. Enfin, dernière caractéristique : l’incertitude sur la demande est pour partie compensée par l’existence d’un dynamisme de l’industrie locale. L’impact de ce dynamisme sur l’usage du foncier industriel repose sur deux éléments principaux. D’abord, un effet taille : la zone de Vire-La Graverie dispose d’un tissu industriel conséquent et diversifié, construit au fil de plusieurs décennies. Ensuite, les responsables publics locaux sont, au moins partiellement, informés des projets de développement des industriels locaux. L’anecdote suivante permettra d’illustrer ce point : la parcelle initialement prévue pour implanter l’industriel étranger évoqué ci-dessus sera finalement occupée par une nouvelle implantation d’un industriel virois.
En amont et en-deçà de la création des ZAE via les règlements d’urbanisme, l’autorité publique locale explore et constitue un stock de foncier afin de le mettre à disposition des industriels. Les enquêtes menées à Vire comme à Flers signalent l’importance du gisement des terres agricoles pour ce faire.
Dans le cas du CIRIAM, c’est la SAFER de Basse-Normandie (société d’aménagement foncier et d’établissement rural[52]Les SAFER, créées dans les années 1960, sont des sociétés anonymes, sans but lucratif, qui remplissent des missions d’intérêt général sous la tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances, dans le champ de l’aménagement du foncier rural.), dont les services étaient bien connus de la ville, qui a été mise à contribution pour identifier le foncier nécessaire. Le cahier des charges était particulièrement contraint, qui plus est, dans un contexte structurellement difficile[53]La propriété foncière caractéristique du bocage est faite de petites parcelles « où le moindre hectare compte ».. Il s’agissait de repérer une parcelle de 80 ha, localisée à proximité de la ville de Flers, bien desservie, notamment par le réseau électrique de haute puissance, et compatible avec la création d’un réseau fibre. Mais il fallait aussi que l’achat de terrains agricoles pour réaliser un projet industriel ne rencontre aucune résistance de la part de la profession agricole et de ses organisations représentatives. On constate ainsi que l’enjeu foncier est très loin de se réduire à la seule question de son coût. La SAFER a effectivement pu identifier et mobiliser une parcelle qui convenait, propriété d’un exploitant agricole qui cessait son exploitation. Les compétences spécifiques de la SAFER ont joué un rôle crucial dans la constitution du foncier nécessaire à l’opération CIRIAM.
Dans le cas de la zone de Vire-La Graverie, le foncier a là aussi été constitué à partir des terres agricoles. Jusqu’en 2008, cette action foncière n’a pas été déléguée à un organisme spécialisé (type SAFER) mais prise en charge directement, pendant 25 ans, par un élu spécialisé, adjoint « aux affaires foncières » : responsable des « acquisitions foncières […] il connaissait la valeur de chaque parcelle et en connaissait l’histoire. Les espaces du Maupas, des Neuvillières, […] la Papillonière[54]Il s’agit là de trois secteurs composant la zone de Vire-La Graverie. […] furent l’objet de son attention et de son savoir-faire[55]Propos tenu par l’ancien maire de Vire en hommage à son ancien adjoint. ». Cet élu était lui-même exploitant agricole et par ailleurs responsable de plusieurs structures locales caractéristiques de la profession agricole (président de la FDSEA, de l’antenne locale de la MSA). C’est donc via la présence au cœur de l’exécutif élu d’un représentant de la profession agricole qu’ont été organisés la négociation et l’achat de terrains agricoles nécessaires à la création et au développement de la ZAE de Vire. Au début des années 2000, l’action foncière prise en charge par cet élu a bénéficié de l’appui d’un technicien nouvellement recruté[56]Celui-ci était toujours en poste au moment où ces lignes sont écrites, chargé du développement économique et, notamment, de l’action foncière., qui « a appris le métier à son contact » (connaissance des parcelles et de leur histoire, compétences de négociateur et d’acheteur foncier). La fin du mandat de l’élu en charge des affaires foncières, en 2008, a mis fin à cette gestion interne. C’est vers la SAFER que la ville et l’intercommunalité se sont alors tournées pour nouer un partenariat visant à perpétuer l’intermédiation avec les propriétaires de terres agricoles.
Formes de l’action foncière pour l’industrie :
vitesse, compléments et indépendance
Au-delà du mode de formation et de structuration de l’offre de foncier industriel, l’action publique mise en œuvre comporte trois caractéristiques importantes : la vitesse d’exécution au moment des projets d’implantation, le couplage de la ressource foncière avec d’autres ressources (matérielles et/ou immatérielles), l’ancrage de l’investissement foncier dans un projet autonome de développement territorial.
Dans le cas du CIRIAM à Flers comme de la zone de Vire-La Graverie, la vitesse d’exécution constitue un trait caractéristique de l’ingénierie publique mise en œuvre au moment de l’implantation d’un projet industriel. Car, en effet, après l’identification d’un foncier et son fléchage pour l’industrie et l’implantation effectif d’un établissement industriel, une intervention publique décisive est réalisée afin de répondre, d’une part, aux besoins opérationnels de l’entreprise et, d’autre part, aux contraintes réglementaires. Le déménagement des trois sites historiques de Faurecia au sein du CIRIAM s’est effectué dans des délais très courts, « sous pression » et à « flux tendus », puisqu’il s’agissait d’assurer la continuité des fabrications tout en changeant de site. Les techniciens virois ont eux aussi témoigné de leur réactivité à répondre aux cahiers des charges des industriels en utilisant l’expression suggestive « d’opération commando » : ceci peut se traduire par la conception rapide d’une solution d’épuration des eaux ou par la mise en œuvre expresse d’un travail de terrassement nécessitant de mobiliser des agents publics de nuit. La capacité à concevoir une implantation répondant à l’ensemble des contraintes réglementaires constitue l’autre champ d’action important où la vitesse est de mise. Nos enquêtes ont mis en évidence l’engagement des autorités publiques, tant du côté des services de régulation de l’État (mise en place d’un fonctionnement en mode projet des différentes autorités compétentes sous l’égide du préfet), que du côté des élus et techniciens des collectivités territoriales qui n’hésitent pas à jouer de leur influence afin de faire advenir les autorisations à temps.
Au cœur de la compétence des autorités publiques gestionnaires de foncier industriel, la vitesse d’exécution repose sur deux briques organisationnelles. La première a déjà été évoquée ci-dessus et trouve ici sa pleine légitimation : constituer une offre foncière de façon anticipée vise (aussi) à être en capacité de répondre au plus vite à une demande d’implantation, puisque le foncier à proposer est préparé à l’avance (il ne reste plus qu’à « l’aménager » pour répondre au cahier des charges du projet industriel). La seconde brique organisationnelle repose sur les compétences techniques disponibles au sein de l’organisation publique et mobilisables à la demande. Pour le CIRIAM, il s’agit des compétences de l’aménageur public SHEMA qui agit pour le compte de la collectivité publique via une convention d’aménagement conclue pour dix ans (et prolongée de quatre ans). Dans le cas de Vire, les compétences techniques à mobiliser ont été créées à dessein au début des années 2000 au sein même des services techniques[57]On a déjà évoqué plus haut l’embauche d’un technicien dédié à l’action foncière et au développement économique. Lors d’une demande d’implantation, il travaille avec les techniciens chargés des services eau et assainissement, de la voierie et de l’instruction des permis de construire., et ceux-ci ont pris l’habitude de fonctionner en mode projet (transverse) pour répondre aux demandes des industriels.
Une seconde caractéristique importante marque l’action foncière pour l’industrie : celle-ci ne se réduit pas à la seule fourniture d’un support foncier mais est systématiquement enrichie par la mise à disposition de ressources complémentaires. Nos enquêtes à Vire et Flers ont permis de mettre en évidence une stratification dans les compléments à l’offre foncière. Le complément a minima a déjà été évoqué ci-dessus : il s’agit de ce qu’on appelle traditionnellement l’aménagement « Voirie et réseau divers » (VRD), autrement dit la connexion physique d’un terrain avec l’ensemble des infrastructures nécessaires au fonctionnement d’un établissement industriel (eau et assainissement, énergie, voirie). Ces différents branchements complémentaires, fréquemment considérés comme des opérations banales et peu spécifiques, sont loin d’être anecdotiques. D’abord, parce qu’il s’agit souvent d’investissements coûteux. Ensuite, parce qu’un projet d’implantation industrielle peut être l’occasion pour un industriel de se conformer à la réglementation environnementale, et l’autorité publique gestionnaire peut alors faire office de conseil et d’appui. Les techniciens eau et assainissement de Vire ont pu jouer un tel rôle auprès des industriels au cours des années 2000, suite à la mise en service d’une nouvelle station d’épuration.
Cette première strate complémentaire (les réseaux techniques) peut s’enrichir d’une seconde strate, liée à l’immobilier. Ce phénomène a été plus particulièrement rencontré dans le cas du CIRIAM et de la construction de l’usine pour l’entreprise Faurecia. Car, en effet, le transfert des sites Faurecia au sein du CIRIAM supposait que l’entreprise soit locataire de ses futurs locaux. Une ingénierie immobilière a donc été mise en œuvre par l’aménageur public SHEMA. Celui-ci a notamment pu s’appuyer sur son expérience de montages immobiliers à destination des entreprises. Elle s’est concrétisée par la constitution d’une société privée de portage immobilier, dont la SHEMA, la Caisse des dépôts et consignations et un investisseur privé sont les principaux actionnaires. Cette société ad hoc est propriétaire des locaux dont Faurecia est le locataire.
Enfin, on a pu identifier une troisième strate de ressources complémentaires, là aussi dans le cas du CIRIAM. L’aménagement de la zone d’activités a en effet constitué un point d’appui pour créer deux infrastructures complémentaires aux réseaux techniques évoqués ci-dessus. Il s’agit, d’une part, d’une plateforme technologique (centre d’essais dynamiques) et, d’autre part, d’une antenne d’une école d’ingénieur (ENSICAEN) destinée à porter un parcours en apprentissage spécialisé dans la mécanique des matériaux. Un investissement immatériel est donc intimement associé à l’investissement foncier et infrastructurel.
Enfin, une dernière caractéristique de l’action foncière a pu être identifiée au cours de nos enquêtes sur le CIRIAM de Flers et sur la zone de Vire-La Graverie. Même si les actions et investissements publics, dans le foncier et ses compléments, visent à répondre à des besoins industriels, il serait réducteur d’en faire l’unique finalité des décideurs publics. On a ainsi pu mettre en évidence, pour le CIRIAM et pour la zone de Vire-La Graverie, que ces actions prenaient leur sens dans un projet autonome de développement territorial. Cette inscription dans un projet territorial est la plus explicite dans le cas du CIRIAM. Si la création du CIRIAM visait bien à maintenir l’entreprise Faurecia au sein du territoire, l’aménagement foncier et les investissements immatériels connexes visaient avant tout à accompagner la montée en gamme des PME locales et l’accroissement des compétences de la main-d’œuvre locale. Dans le cas de la zone de Vire-La Graverie, l’existence d’un projet territorial propre, c’est-à-dire pour partie indépendant des besoins formulés par les industriels, s’est manifestée à l’occasion d’un projet industriel particulier. Confronté à des difficultés économiques, un industriel virois s’est en effet tourné vers la collectivité publique pour lui demander de prendre à son compte ses actifs immobiliers afin de soulager son bilan. La collectivité a répondu par la négative, refusant ainsi d’endosser un risque lié à un projet économique qu’elle ne maitrisait pas. Elle manifeste ainsi clairement une forme d’autonomie et d’indépendance par rapport au destin de l’industriel implanté sur son territoire. Ceci ne l’a toutefois pas empêché d’accompagner ledit industriel dans son projet, d’une part, en se portant garante et, d’autre part, en activant ses réseaux afin de trouver des établissements financiers susceptibles d’opérer le portage immobilier. Cet épisode, tout comme l’exemple du CIRIAM, illustrent une situation d’ « autonomie ancrée » mise en évidence par le sociologue Peter Evans (Evans, 1995[58]Evans PB. (1995). Embedded autonomy: states and industrial transformation, Princeton NJ, Princeton University Press, 323 p.), et par ailleurs, au cœur des nouvelles politiques industrielles promues par l’économiste Dani Rodrik (Rodrik, 2004[59]Rodrik D. (2004). « Industrial Policy for the Twenty-First Century », CEPR Discussion Papers, n° 4767.) : « autonomie », car le destin du territoire ne se confond pas avec celui de l’industriel ; « ancrée », parce que les deux parties se connaissent et interagissent.
Conclusion
L’analyse des villes moyennes industrielles a été marquée par le modèle du district industriel, et l’idée chère à Alfred Marshall que « les secrets de l’industrie […] sont pour ainsi dire dans l’air » (Marshall, 1990[60]Marshall A. (1990). « Organisation industrielle : la concentration d’industries spécialisées dans certaines localités », Revue française d’économie, n° 5, p. 155‑170.). Ce seraient donc les savoirs et compétences, ou le capital immatériel qui en expliqueraient le dynamisme. Cette perspective a laissé dans l’ombre le rôle de la ressource foncière, même si de rares travaux avaient noté le rôle de l’outil « parc industriel » au sein des emblématiques districts industriels d’Émilie-Romagne en Italie (Brusco et Righi, 1989[61]Brusco S, Righi E. (1989). « Local government, industrial policy and social consensus: the case of Modena (Italy) », Economy and Society, n° 18, p. 405‑424.). Le foncier fait l’objet d’un regain d’intérêt dans la période récente, dans le sillage du renouveau de la politique industrielle et d’une volonté politique unanime de réindustrialiser l’économie française. Une première séquence de réflexions collectives s’est conclue par le rapport du Préfet Rollon Mouchel-Blaisot, qui a conduit à formuler des objectifs quantitatifs à l’horizon 2030 (22 000 ha à mobiliser pour la réindustrialisation) et des recommandations réglementaires. Il ne s’agit là que d’une étape ; la concrétisation de cette nouvelle offre de foncier industriel nécessitera l’organisation de nouvelles gouvernances locales du foncier. Le présent article vise ainsi à contribuer aux politiques publiques en cours, à partir de l’analyse des gouvernances du foncier pour l’industrie qui préexistent dans certains territoires industriels. Plusieurs enseignements peuvent en être tirés.
Plusieurs rapports publics ont mis en exergue la nécessité de l’accélération/simplification des procédures réglementaires qui encadrent les implantations industrielles. Notre enquête montre que la vitesse est une caractéristique organisationnelle de la gouvernance du foncier pour l’industrie. La réduction des délais d’instruction ne procède donc pas seulement de la simplification réglementaire mais se loge aussi dans les routines locales de travail collectif, organisées selon un mode projet (voire commando).
Plus généralement, le rapport au temps (vitesse, anticipation, indétermination) constitue une caractéristique essentielle des gouvernances du foncier industriel étudiées. Cette dimension constitue un point aveugle des travaux récents sur le management des parcs industriels (Van Beers et al., 2020[62]Van Beers D, Tyrkko K, Flammini A et al. (2020). « Results and lessons learned from assessing 50 industrial parks in eight countries against the international framework for eco‐industrial parks », Sustainability (Switzerland), n° 12(24), p. 1‑33. ; Rodríguez-Pose et Hardy, 2014[63]Rodríguez-Pose A, Hardy D. (2014). « Evaluating park performance », dans Technology and industrial parks in emerging countries. Panacea or pipedream, New York, Springer, p. 59‑66.). Elle est notamment absente du guide international consacré aux « éco-parcs industriels » publié en 2017 par la Banque mondiale et l’Organisation des nations unies pour le développement industriel (ONUDI). Le management des parcs industriels y est décrit via une grille de critères essentiellement synchroniques (l’existence d’une structure de gestion dédiée, la fourniture de services mutualisés, le maintien des infrastructures et la gestion des parties prenantes – firmes, État, territoire). L’approche par la gouvernance du foncier met ainsi en évidence des formes d’action collectives qui se distinguent de celle du « management de parc industriel ». Leur analyse mériterait d’être approfondie et élargie à d’autres villes, en France et à l’international.
Nos enquêtes ont montré l’importance jusqu’à peu des terres agricoles, et l’ingénierie publique associée, pour constituer une offre anticipée de foncier et répondre à l’implantation de projets industriels. Quand bien même l’industrie représenterait une faible part des surfaces artificialisées[64]4,5 %, selon le rapport Mouchel-Blaisot, op. cit. Le travail de Lauriane Thomas pour la région PACA arrive à des conclusions similaires (Thomas, 2021, op. cit.)., l’objectif zéro artificialisation nette 2050 amène à reconsidérer ces pratiques. Le ZAN redonne de la valeur à certains fonciers déjà artificialisés, lesquels constituent de nouveaux gisements potentiels, mais leurs caractéristiques (propriétaire, nature du bâti préexistant, pollutions passées) nécessitent une mise à jour de l’ingénierie foncière locale. Une autre perspective pourrait toutefois être explorée. Il apparaît en effet que, même s’ils font partie des sols non artificialisés, les sols destinés à l’agriculture intensive sont marqués par une dégradation très nette de la biodiversité, alors que certains espaces artificialisés peuvent conduire à la renchérir (Cavailhès, 2020[65]Cavailhès J. (2020). « Artificialisation des sols : de quoi parle-t-on ? », Constructif, n° 57, p. 21‑24. ; Desrousseaux et al., 2019[66]Desrousseaux M, Béchet B, Le Bissonnais Y, (dir.). (2019). Sols artificialisés : déterminants, impacts et leviers d’action, Versailles, Quae. ; Geffroy, 2018[67]Geffroy L. (2018). « Où sont passés les oiseaux des champs ? », CNRS Le journal, 6 décembre.). Construire des usines sur des sols agricoles appauvris par des pratiques intensives, selon des modalités qui garantiraient la restauration des sols et de la biodiversité, pourrait constituer une manière de coupler enjeux environnementaux et de réindustrialisation. Enfin, nos enquêtes rappellent que l’implantation d’un projet industriel suppose la mise à disposition non pas d’une seule parcelle mais d’une parcelle aménagée. Celle-ci est alors l’occasion de discuter et négocier non seulement la ressource foncière mais un ensemble de ressources complémentaires : l’accès à l’eau, à l’assainissement, aux réseaux de transport et d’énergie, la gestion des déchets. Toutes ces ressources sont au cœur de la transition écologique, sous la responsabilité des autorités publiques locales. Il en résulte donc que, loin de constituer un enjeu autonome[68]Le programme Territoires d’industrie, qui entre dans sa phase 2 (2023-2027), différencie l’axe « accélérer la transition écologique et énergétique » de l’axe « mobiliser un foncier industriel adapté » (voir dossier de presse, la gouvernance du foncier pour l’industrie relève et participe aujourd’hui pleinement de la transition écologique de l’industrie. En témoigne le récent appel à projet national visant à favoriser le développement de « Zones industrielles bas carbone ».
Annexe
Description de la campagne d’entretiens
Pour chacune des monographies de ZAE, on a interrogé les élus et techniciens communaux et/ou intercommunaux qui en ont la charge, ou l’ont eue dans le passé (c’est notamment le cas à Vire). Elles ont été complétées par des interviews d’acteurs publics impliqués dans la création ou la gestion de la ZAE étudiée (conseil régional et CCI dans le cas du CIRIAM ; aménageur public SHEMA[69]Société hérouvillaise d’économie mixte pour l’aménagement, dont l’aire d’action s’étend aujourd’hui à l’ensemble de la Normandie. et gestionnaire des infrastructures routières départementales dans le cas de la zone de Vire-La Graverie). Des représentants des industriels implantés ont aussi été interviewés (Faurecia pour le CIRIAM ; 4 industriels virois). Les entretiens relatifs au cas virois ont été réalisés en 2021 et 2022 ; ceux relatifs au cas de Flers entre 2016 et 2019.
[1] Titre du rapport issu d’une mission interministérielle confiée au préfet Rollon Mouchel-Blaisot.
[2] Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte.
[3] Loi « Climat et résilience » du 22 août 2021.
[4] L’obligation d’inventaire des ZAE par les autorités compétentes (notamment les intercommunalités depuis la loi NOTRe de 2016) promue par la loi Climat et résilience de 2021 constitue à la fois un indice et une réponse à ce problème de connaissance. Le rapport Mouchel-Blaisot a estimé les besoins de foncier industriel à 22 000 ha à l’horizon 2030 et distingue trois grandes sources pour y répondre : 3 500 ha issus de la densification des fonciers existants ; 10 000 ha issus de la réhabilitation des friches ; 8 500 ha issus de l’artificialisation d’espaces naturels ou agricoles.
[5] Un rapport public est paru sur ce thème en janvier 2022, sous la houlette de Laurent Guillot, intitulé « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France ». Le système d’identification de « sites industriels clés-en-main » [en ligne] créé en 2020 constitue une réponse à cet enjeu d’accélération. Le rapport Mouchel-Blaisot propose d’en augmenter le nombre.
[6] Bole D, Kozina J, Tiran J. (2019). « Variety of industrial towns in Slovenia: a typology of their economic performance », Bulletin of Geography. Socio-economic Series, n° 46, p. 71‑83.
[7] Hamdouch A, Demaziere C, Banovac K. (2017). « The socio-economic profiles of small and medium-sized towns: insights from European case studies », Tijdschrift voor economische en sociale geografie, n° 108, p. 456‑471.
[8] Servillo L, Atkinson R, Hamdouch A. (2017). « Small and medium-sized towns in Europe: conceptual, methodological and policy issues », Tijdschrift voor economische en sociale geografie, n° 108, p. 365‑379.
[9] Aubert F, Diallo A. (2016). « L’industrie rurale entre déterminants urbains et dynamiques territoriales », Pour, n° 229, p. 53‑61.
[10] Dodier R. (1996). « L’évolution récente des systèmes fordistes : l’exemple des villes moyennes des Pays de la Loire », Norois, n° 171, p. 545‑556.
[11] Santamaria F. (2012). « Les villes moyennes françaises et leur rôle en matière d’aménagement du territoire : vers de nouvelles perspectives ? », Norois, n° 223, p. 13‑30.
[12] Gros-Balthazard M. (2020). « Les trajectoires des territoires industriels français : expansion, industrialisation, mutation, rétraction », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, n° 3, p. 369‑407.
[13] Martin R, Sunley P, Tyler P, Gardiner B. (2016). « Divergent cities in post-industrial Britain », Cambridge Journal of Regions, Economy and Society, n° 9, p. 269‑299.
[14] Talandier M. (2008). « Une autre géographie du développement rural : une approche par les revenus », Géocarrefour, n° 83, p. 259‑267.
[15] Amin A. (1999). « An institutionalist perspective on regional economic development », International Journal of Urban and Regional Research, n° 23, p. 365‑378.
[16] On trouvera trois illustrations de ce type de raisonnement dans trois études monographiques consacrées à l’industrie dans des villes petites et moyennes, publiées dans le n° 63 de la revue Echogéo en 2023. [En ligne].
[17] Même si certains cas paraissent étonnants : Talandier s’étonnait ainsi que certains territoires ruraux s’avéraient « plutôt dynamiques en termes d’emplois », alors qu’ils étaient « spécialisés dans les activités de production « génériques », c’est-à-dire des activités qui « ne reposent pas sur les spécificités territoriales des zones d’implantation (comme un savoir-faire local, un environnement particulier…) mais sur des avantages comparatifs génériques (coût du foncier notamment) » (souligné par nous) (Talandier, 2008).
[18] Guéringer A, Hamdouch A, Wallet F. (2016). « Foncier et développement des territoires ruraux et périurbains en France. Une mise en perspective », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, n° 4, p. 693‑712.
[19] Op. cit.
[20] Jarrige F, Négrier E, Smyrl M. (2015). « Sous le foncier, la politique », Pôle Sud, n° 42, p. 5‑9.
[21] Bertrand N. (dir.). (2013). Terres agricoles périurbaines : une gouvernance foncière en construction, Versailles, QUAE, 250 p.
[22] Guéringer A. (2008). « “Systèmes fonciers locaux” : une approche de la question foncière à partir d’études de cas en moyenne montagne française », Géocarrefour, n° 83, p. 321‑329.
[23] Sencébé Y, Rivière-Honegger A. (2018). « Les gouvernances plurielles de la terre », Études rurales, n° 201, p. 8‑25.
[24] Sencébé Y, Pinton F, Alphandéry P. (2013). « Le contrôle des terres agricoles en France. Du gouvernement par les pairs à l’action des experts », Sociologie, n° 4, p. 251‑268.
[25] Crague G. (2009). « Le développement économique dans l’aménagement urbain », dans Bourdin A, Prost R (dir.), Projets et stratégies urbaines – regards comparatifs, Marseille, Parenthèses/ GIP EPAU, n. p.
[26] Crague G. (2019a). « Construire un cluster industriel dans une métropole – L’opération Cancéropole/Oncopole à Toulouse », dans Crague G (dir.), Faire la ville avec l’industrie, Paris, Presses des Ponts.
[27] Perrin C, Soulard CT, Chia E. (2016). « La gouvernance du foncier agricole périurbain : entre planification urbaine et projets de développement », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, n° 4, p. 713‑736.
[28] Op. cit.
[29] Coulomb P. (1988). « Les systèmes fonciers locaux : approche historique des rapports entre formes d’usage du sol et croissance industrielle », Études rurales, n° 110-112, p. 85‑91.
[30] Coulomb P. (1999). « La politique foncière agricole en France : une politique foncière “à part” ? La déstabilisation de la politique des structures. La transmission du patrimoine de l’exploitation agricole familiale en France », dans Jouve AM, Bouderbala N. (dir.), Politiques foncières et aménagement des structures agricoles dans les pays méditerranéens : à la mémoire de Pierre Coulomb, Montpellier, CIHEAM (Cahiers Options Méditerranéennes), p. 69‑94.
[31] Arab N, Crague G. (2023). « Une gouvernance métropolitaine de la réindustrialisation. Les enseignements du projet de mutation de la Vallée de la Chimie lyonnaise », Géographie, économie, société, n° 25, p. 269‑291.
[32] Thomas L. (2021). « Le foncier d’activités économiques, variable d’ajustement des modèles de développement local ? : une application à la région Provence, Alpes, Côte d’Azur », thèse de doctorat, Université d’Avignon.
[33] Thomas rappelle les efforts de définition qui ont été menés dans la foulée de la loi NOTRe, qui, rappelons-le, a confié la gestion exclusive des zones d’activités aux intercommunalités. Voici des éléments de définition apportés par le ministère de l’Intérieur suite à une question posée au Sénat en 2018 (cité par Thomas) : « Il n’existe pas de définition juridique d’une zone d’activité, qui procède de la volonté des collectivités territoriales et de leurs groupements. Toutefois, plusieurs critères au sens de faisceau d’indices peuvent être pris en compte pour identifier les zones d’activités. Une zone d’activité répond à une volonté de développement économique coordonné et doit faire l’objet d’une cohérence d’ensemble » [senat.fr].
[34] Thomas identifie quatre types de foncier économique : de droit, de fait, de proximité, de projet.
[35] C’est à partir de l’identification des ZAE dans les documents d’urbanisme que Thomas a pu estimer le foncier économique et son évolution au sein de la région PACA.
[36] Le travail de Thomas sur l’évolution des ZAE de PACA, en particulier leur fragilisation sous l’effet d’un processus de résidentialisation, montre clairement la nécessité d’analyser les ZAE au-delà des documents réglementaires qui les ont fondées (Thomas, 2021, op. cit.).
[37] Crague G (dir.). (2019b). Faire la ville avec l’industrie – Métropoles et villes moyennes : 4 retours d’expérience, Paris, Presses des Ponts, 173 p.
[38] Indiqué comme « projet industriel en cours » dans la figure 2.
[39] Crague G. (2019c). « Maintenir l’industrie dans une ville moyenne. L’opération CIRIAM/Normand’Innov à Flers », dans Crague G. (dir.), Faire la ville avec l’industrie, Paris, Presses des Ponts.
[40] Pasquier A, Brier MA, Brochard J et al. (1962). « La région de Vire. Données et Problèmes d’aménagement du Bocage », Études normandes n° 42(144), p. 1‑414.
[41] Rolland F. (2017). Histoire industrielle du pays virois : 1800-2017, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet.
[42] Même si le rapport de présentation du PLU évoque des secteurs à vocation industrielle (cf. figure 2b).
[43] Vigour C. (2005). La comparaison dans les sciences sociales : pratiques et méthodes, Paris, La Découverte, 335 p.
[44] Berthoud G. (2007). « La comparaison anthropologique : ébauche de la méthode », Revue européenne des sciences sociales, n° XLV‑138, p. 67‑82.
[45] Dumont L. (1983). Essais sur l’individualisme : une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Paris, Seuil, 279 p.
[46] PME familiale et exportatrice, fabriquant des bâtonnets ouatés, dont le siège social est historiquement situé dans l’Orne.
[47] Entreprise historiquement installée dans l’Orne (le nouveau site du CIRIAM réunit deux anciens sites ornais), spécialisée dans la fabrication de câbles et plaques chauffants pour l’industrie, intégrée en 2019 dans un groupe international spécialisé dans l’ingénierie industrielle (Spirax-Sarco).
[48] Puis Filtrauto et enfin Sogefi, toujours présente à Vire aujourd’hui.
[49] Sans prétendre à l’exhaustivité : Compagnie des fromages et Richemonts, France location, Legoupil industrie, La Normandise, Alliance des viandes de France, Chauvin Arnoux, Mecacorp, Tecal Verbrugge, Soprelec, Netto Décor, Messageries laitières.
[50] Date qui correspond à l’arrivée d’un technicien dédié à l’action foncière (toujours en poste au moment où ces lignes sont écrites) et à la création, en 2001, de la communauté de communes de Vire (celle-ci préfigurait la création de la commune nouvelle de Vire-Normandie en 2016).
[51] Environ 100 ha de foncier économique ont été constitués depuis le début des années 2000. « On a systématiquement un parc d’avance », soit entre 20 et 50 ha, qui se constituent petit à petit à coup d’acquisitions foncières, de préférence à l’amiable.
[52] Les SAFER, créées dans les années 1960, sont des sociétés anonymes, sans but lucratif, qui remplissent des missions d’intérêt général sous la tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances, dans le champ de l’aménagement du foncier rural.
[53] La propriété foncière caractéristique du bocage est faite de petites parcelles « où le moindre hectare compte ».
[54] Il s’agit là de trois secteurs composant la zone de Vire-La Graverie.
[55] Propos tenu par l’ancien maire de Vire en hommage à son ancien adjoint.
[56] Celui-ci était toujours en poste au moment où ces lignes sont écrites, chargé du développement économique et, notamment, de l’action foncière.
[57] On a déjà évoqué plus haut l’embauche d’un technicien dédié à l’action foncière et au développement économique. Lors d’une demande d’implantation, il travaille avec les techniciens chargés des services eau et assainissement, de la voierie et de l’instruction des permis de construire.
[58] Evans PB. (1995). Embedded autonomy: states and industrial transformation, Princeton NJ, Princeton University Press, 323 p.
[59] Rodrik D. (2004). « Industrial Policy for the Twenty-First Century », CEPR Discussion Papers, n° 4767.
[60] Marshall A. (1990). « Organisation industrielle : la concentration d’industries spécialisées dans certaines localités », Revue française d’économie, n° 5, p. 155‑170.
[61] Brusco S, Righi E. (1989). « Local government, industrial policy and social consensus: the case of Modena (Italy) », Economy and Society, n° 18, p. 405‑424.
[62] Van Beers D, Tyrkko K, Flammini A et al. (2020). « Results and lessons learned from assessing 50 industrial parks in eight countries against the international framework for eco‐industrial parks », Sustainability (Switzerland), n° 12(24), p. 1‑33.
[63] Rodríguez-Pose A, Hardy D. (2014). « Evaluating park performance », dans Technology and industrial parks in emerging countries. Panacea or pipedream, New York, Springer, p. 59‑66.
[64] 4,5 %, selon le rapport Mouchel-Blaisot, op. cit. Le travail de Lauriane Thomas pour la région PACA arrive à des conclusions similaires (Thomas, 2021, op. cit.).
[65] Cavailhès J. (2020). « Artificialisation des sols : de quoi parle-t-on ? », Constructif, n° 57, p. 21‑24.
[66] Desrousseaux M, Béchet B, Le Bissonnais Y, (dir.). (2019). Sols artificialisés : déterminants, impacts et leviers d’action, Versailles, Quae.
[67] Geffroy L. (2018). « Où sont passés les oiseaux des champs ? », CNRS Le journal, 6 décembre.
[68] Le programme Territoires d’industrie, qui entre dans sa phase 2 (2023-2027), différencie l’axe « accélérer la transition écologique et énergétique » de l’axe « mobiliser un foncier industriel adapté » (voir dossier de presse).
[69] Société hérouvillaise d’économie mixte pour l’aménagement, dont l’aire d’action s’étend aujourd’hui à l’ensemble de la Normandie.