janvier 2024
Carte blanche sur le foncier
Carte blanche ?
Négociations autour des outils de captation
des plus-values foncières en France,
en Angleterre et aux Pays-Bas
Carte blanche ? Négociations autour des outils de captation des plus-values foncières en France, en Angleterre et aux Pays-Bas,
Riurba no
15, janvier 2024.
URL : https://www.riurba.review/article/15-foncier/carte-blanche/
Article publié le 26 oct. 2024
- Abstract
- Résumé
Carte blanche? Negotiating the capture of land value in France, England and the Netherlands
In Europe, local authorities use a variety of instruments aimed at recovering a financial contribution from developers in order to capture part of land value to finance and produce the need of facilities and infrastructure generated by urban development. Depending on national land policies, this may be through taxes, negotiations or direct intervention in land markets. The comparison of three countries – France, the UK and the Netherlands – which have historically chosen different approaches, highlights the growing importance of developer’s contributions. This cross-country analysis of practices for capturing capital gains on land raises questions about the implementation of these instruments, their outcomes and limits.
En Europe, les collectivités locales mobilisent une diversité d’instruments leur permettant de récupérer une partie des plus-values foncières pour financer et produire les besoins d’équipements et infrastructures générés par l’urbanisation. Selon les contextes nationaux, ce peut être par le biais de mécanismes fiscaux, de négociations ou par une intervention directe sur les marchés fonciers. La comparaison entre trois pays – la France, l’Angleterre et les Pays-Bas – ayant historiquement choisi des approches différentes, souligne toutefois le poids croissant des instruments fondés sur les contributions des promoteurs. Cette analyse croisée des pratiques de captation des plus-values foncières questionne la mise en place de ces outils, leurs effets et leurs limites.
post->ID de l’article : 5262 • Résumé en_US : 5278 • Résumé fr_FR : 5275 •
Introduction
Depuis le début des années 2000, les grandes villes européennes sont concernées par une croissance forte et inédite des prix fonciers et immobiliers. Plusieurs facteurs expliquent cette inflation, parmi lesquels la concentration des activités à plus forte valeur ajoutée dans les métropoles, l’amélioration de la solvabilité des ménages ou encore le poids croissant des investisseurs financiers dans la production urbaine (Guironnet et Halbert, 2018[1]Guironnet A, Halbert L. (2018). « Produire la ville pour les marchés financiers », Espaces et sociétés, n° 174, p. 17-34.). Cette inflation des prix fonciers et immobiliers soulève des questions importantes en matière de justice spatiale et sociale. En parallèle, les États et les gouvernements locaux font face à des besoins importants de financement des politiques et des infrastructures urbaines pour répondre à différents enjeux allant de l’adaptation au changement climatique à la production de logements abordables. Bien que les besoins de financement soient criants, les mesures de consolidation et d’austérité budgétaire mises en œuvre dans différents pays européens (Artioli et Adisson, 2020[2]Artioli F, Adisson F. (2020). « Four types of urban austerity: Public land privatisations in French and Italian cities », Urban Studies, n° 57(1), p. 75-92.) pèsent sur les ressources des gouvernements locaux et leur imposent de chercher de nouvelles sources de financement.
Face à ces tensions, de nombreuses réflexions (ré-)émergent à l’échelle européenne et internationale autour de l’idée de capter une partie des plus-values foncières et immobilières pour participer au financement des besoins d’infrastructures, d’équipements, de services et d’espaces publics générés par l’urbanisation. Cette notion de « captation des plus-values foncières » (land-value capture en anglais) fait l’objet d’une littérature conséquente et d’une terminologie foisonnante (Munoz-Gielen, 2010[3]Muñoz Gielen D. (2010). Capturing value increase in urban redevelopment, Leiden, Sidestone Press.). Ce concept peut être défini comme le fait de « mobiliser au profit de la communauté dans son ensemble tout ou partie de l’accroissement de valeur du prix des terrains ne résultant pas de l’action des propriétaires (unearned increment), mais d’investissements publics dans des infrastructures ou bien des changements administratifs dans les normes et réglementations relatives à l’occupation des sols »[4]Texte d’origine: « The notion of value capture is to mobilize for the benefit of the community at large some or all of the land value increments (unearned income or plus values) by actions other than the landowner’s, such as public investments in infrastructure or administrative changes in land use norms and regulations ». (Smolka, 2013, p. 2[5]Smolka MO. (2013). Implementing value capture in Latin America: policies and tools for urban development, Report for the Lincoln Institute of Land Policy.). En effet, lors de la réalisation de grands projets urbains, l’augmentation des valeurs foncières ne résulte pas uniquement d’externalités positives liées au développement de nouvelles infrastructures ou services, mais également de la modification des règles d’occupation des sols. L’urbanisation nouvelle participe ainsi à une augmentation de la valeur des terrains qui opère en plusieurs phases – avant, pendant et après les projets (Hendricks et al., 2023[6]Hendricks A, Auzins A, Maliene V. (2023). « Chapter 1: Terminology and concept clarifications », dans Halleux JM, Hendricks A, Nordahl B, Maliene V (dir.), Public value of increasing property values across Europe, Zurich, VDF, 285 p.) – en même temps qu’elle induit des besoins supplémentaires de services, d’équipements et d’infrastructures. L’enjeu pour les acteurs publics est alors de récupérer tout ou partie des plus-values foncières résultant d’actions autres que celles des acteurs privés (promoteurs et propriétaires) afin de financer les investissements publics nécessaires pour accompagner le développement urbain et répondre aux besoins des habitants.
En Europe comme ailleurs, les gouvernements déploient différents outils visant à capter tout ou partie des plus-values foncières pour financer les besoins d’équipements liés au développement urbain. Ces pratiques font l’objet d’un nombre croissant de publications scientifiques (Altermann, 2012[7]Alterman R. (2012). « Land use regulations and property values: the “Windfalls Capture” idea revisited », dans Brooks N, Donaghy K, Knaap GJ (dir.), The Oxford Handbook of Urban Economics and Planning,p. 755-786. ; Whitehead, 2016[8]Whitehead C. (2016). « The economics of development value and planning gain », dans Crook T, Henneberry J, Whitehead C (dir.), Planning gain: providing infrastructure and affordable housing, Wiley Blackwell, Malaysia. ; Halleux et al., 2023[9]Halleux JM, Hendricks A, Nordahl B, Maliene V (dir.). (2023). Public value of increasing property values across Europe, Zurich, VDF, 285 p.) et opérationnelles (OECD et Lincoln Institute, 2022[10]OCDE et Lincoln Institute of Land Policy. (2022). Global compendium of land value capture policies, OECD regional development studies, Paris, OECD Publishing [En ligne). Celles-ci pointent la diversité des instruments mobilisés, allant d’une intervention directe des acteurs publics sur les marchés fonciers, aux taxes ou aux contributions négociées avec les promoteurs. Dépendants des contextes nationaux, politiques et administratifs dans lesquels ils s’inscrivent, ces outils traduisent également la diversité des cadres de régulation de la propriété privée et des relations entre acteurs publics et promoteurs immobiliers dans l’aménagement. Si ces outils sont actuellement largement promus à l’échelle internationale comme de « bonnes pratiques » pour financer l’urbanisation (Suzuki et al., 2015[11]Op. cit.; OCDE et Lincoln Institute, 2022[12]Suzuki H, Murakami J, Hong YH et al. (2015). Financing transit-oriented development with land values: adapting land value capture in developing countries, Washington DC, World Bank Publications.), des débats émergent autour de leurs usages et de leurs effets sur le financement des infrastructures, les transformations urbaines et les disparités sociospatiales.
Cet article propose de contribuer à ces débats à partir d’une analyse croisée des pratiques de captation des plus-values foncières mises en œuvre en Angleterre, en France et aux Pays-Bas. Il s’appuie sur les résultats du programme de recherche Financing Clean Air, qui explore le rôle des outils de captation des plus-values foncières pour le financement des politiques de transition, dans les secteurs du logement et des transports[13]Le programme de recherche Financing Clean Air, dirigé par A. Lord, étudie la mobilisation des mécanismes de Land Value Capture pour financer l’amélioration de la qualité de l’air urbain. Il associe différents partenaires : University of Liverpool, Université Gustave Eiffel (Créteil), Radboud Universiteit (Nimègue), Tongji University (Shanghai), Xi’an Jiaotong Liverpool University (Suzhou), Université Paris I Panthéon-Sorbonne.. L’article propose une perspective synthétique sur les outils déployés dans les trois pays à partir d’une revue de la littérature et de la documentation existante (rapports institutionnels, débats parlementaires, publications d’expertises). L’analyse donne à voir des dynamiques convergentes dans les trois contextes, marquées par une importance croissante des outils reposant sur des négociations entre acteurs publics et privés. En conclusion, l’article discute des effets de ces outils sur le financement de l’urbanisation et les transformations urbaines.
La captation des plus-values foncières :
des origines à la diversification des outils de l’action publique
Aux origines de la captation
des plus-values foncières :
des enjeux de justice sociale
L’idée de recourir au capital privé pour cofinancer des investissements publics n’est pas nouvelle. Dans la Rome antique, les propriétaires fonciers étaient mis à contribution pour la construction d’aqueducs (Smolka, 2013[14] Op. cit.). Au XIXe siècle, les opérations immobilières ont également ponctuellement servi au financement d’équipements publics (comme dans le cas du réaménagement de Paris sous Haussmann). Cependant, « il s’agissait de techniques ponctuelles » et non d’instruments « réglementaires ou fiscaux aux usages routinisés » (Aveline-Dubach, 2023[15]Aveline-Dubach N. (2023). « La captation de valeur foncière et son application à grande échelle en Asie du nord-est », dans Aveline-Dubach N (dir.), Globalisation financière et production immobilière, Londres, ISTE/WILEY.).
L’idée de capter plus largement les plus-values foncières est formalisée au cours du XIXe siècle par les théoriciens de la rente foncière, en lien avec des préoccupations relatives à la justice sociale. David Ricardo a ainsi montré que la classe aristocratique britannique, formée de grands propriétaires absentéistes (les landlords), tirait parti d’un surplus de production fourni par les exploitants de leurs terres (les farmers). John Stuart Mill, dans les Principes d’économie politique (1848), fait également le constat de l’enrichissement des propriétaires des terres agricoles, qui bénéficient du profit généré par le travail des paysans. Mill qualifie cette situation d’injuste dans la mesure où le propriétaire capte seul la rente foncière. Il développe la notion de « plus-value sociale » (social increment) pour indiquer que la hausse des prix du foncier n’est jamais l’œuvre de son seul propriétaire, mais plutôt de la communauté (les ouvriers agricoles qui exploitent la terre lui apportent collectivement de la valeur). John Stuart Mill a ainsi été le premier à recommander la récupération des plus-values de l’urbanisation en prélevant un impôt sur les propriétaires qui « grow richer, as it were in their sleep, without working, risking, or economizing » (Mill, 1848[16]Mill JS. (1848). Principles of political economy, with some of their applications to social philosophy, Londres, William James Ashley.).
L’intérêt porté à la question foncière en France se retrouve notamment avec Jean-Jacques Rousseau pour qui la privatisation de la terre était en contradiction avec son caractère de bien collectif : « Le premier homme qui, ayant clôturé un terrain, s’avisa de dire Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le véritable fondateur de la société civile » (Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité, 1754). Plus tard, ce même point de vue sera repris par Proudhon dans le célèbre aphorisme, « la propriété, c’est le vol ». Dans les deux cas, l’idée défendue est que l’intervention de l’État est légitime pour corriger une injustice sociale. La question foncière offre ainsi des points communs entre Proudhon, Rousseau et leur contemporain Mill. Bien que le langage de Mill ait rarement été aussi provocateur que celui de Proudhon, son plaidoyer en faveur d’une taxation des loyers urbains était principalement justifié par des raisons morales (Prest, 1981[17]Prest AR. (1981). The taxation of urban land, Manchester, Manchester University Press.), avec le concept de « unearned increment », c’est-à-dire d’augmentation « non méritée » de la valeur foncière qui serait, par conséquent, une cible légitime de récupération par l’État.
Cette idée a ensuite été diffusée par Henry George dans son ouvrage, Progress and Poverty (1879[18]George H (dir.). (1897). Progress and poverty: an inquiry into the cause of industrial depressions and of increase of want with the increase of wealth, 4e éd., New York, Random House.). L’économiste revenait sur ce qu’il qualifiait d’ « énigme du siècle », à savoir le maintien d’une très grande pauvreté dans les villes alors même qu’elles sont les lieux du progrès matériel. Pour George, ce paradoxe vient du fait que la richesse issue du progrès est toujours captée par les propriétaires terriens via la rente foncière. Il propose que tout ou partie de cette rente soit captée par les autorités publiques par le biais d’un impôt unique. Selon lui, un tel instrument de socialisation de la rente aurait le pouvoir d’abolir la pauvreté et de résoudre une grande partie des maux sociaux. En pratique, l’introduction d’un tel impôt foncier général n’a pas été tentée, principalement pour des raisons politiques et par crainte d’une confrontation directe avec les élites foncières (Hughes et al., 2020[19]Hughes C, Sayce S, Shepherd E, Wyatt P. (2020). « Implementing a land value tax: considerations on moving from theory to practice », Land Use Policy, n° 94, p. 1-7.).
Le développement d’instruments pluriels
de captation des plus-values foncières
Ces approches théoriques de la captation des plus-values foncières, porteuses de positions politiques fortes vis-à-vis de formes d’accaparement individuelles des plus-values générées collectivement, ont progressivement laissé la place à des instruments visant à capter des plus-values foncières pour participer au financement de l’urbanisation. Les outils mis en œuvre pour capter tout ou partie de l’augmentation de la valeur foncière varient considérablement d’un pays à l’autre, comme le souligne un rapport récent de l’OCDE et du Lincoln Institute (2022[20]Op. cit.). La littérature internationale sur ces outils, concentrée sur les États-Unis, l’Europe de l’Ouest et quelques pays d’Asie, a produit de multiples typologies.
Certains auteurs distinguent les instruments de taxation (tax-based) de ceux fondés sur le développement urbain (development-based) (Suzuki et al., 2015[21] Op. cit.). D’autres typologies différencient les outils « récurrents » de taxation des plus-values foncières, telles que des taxes foncières ou taxes sur les transactions, des outils « non récurrents » liés à des prélèvements publics ponctuels, justifiés par des augmentations de la valeur foncière liées à des interventions spécifiques (nouvelles infrastructures, changement de zonage, etc.) (Halleux et al., 2023[22] Op. cit.). Cette typologie est proche d’une autre qui sépare les formes « passives » de captation des plus-values (reposant principalement sur l’utilisation des taxes existantes pour capturer les augmentations des valeurs), de formes plus « actives » relevant de la mise en place d’outils dédiés pour capter les plus-values liées à des actions publiques. Enfin, les outils de captation des plus-values foncières sont parfois classés selon leur caractère « contraignant », « négocié » ou « volontaire », traduisant des relations différenciées entre acteurs publics et privés (Heeres et al., 2016[23]Heeres N, Sander L, Tillema T, Arts J. (2016). « Beyond financial value capturing? Interactions between value capturing and cooperation at the interface of road infrastructure and land use planning », Town Planning Review, n° 87(2), p. 179‑204.).
Dans une typologie largement reprise dans d’autres travaux (Halleux et al., 2023[24] Op. cit.), Rachel Altermann (2012[25] Op. cit.) distingue trois types d’instruments. Une première catégorie d’instruments « macro » renvoie à une intervention directe des acteurs publics sur les marchés fonciers, à travers, par exemple, la nationalisation du sol, ou les pratiques de réserve foncière ou de remembrement à une large échelle. Un second ensemble d’instruments relève d’outils de captation « directe » des plus-values foncières liées à une décision des acteurs publics. Ces outils sont directement issus de la conception ricardo-géorgienne de la rente et recouvrent principalement des formes de taxation portant sur des périmètres précis, bénéficiant d’une décision publique conduisant à l’accroissement des valeurs foncières. Un troisième ensemble relève d’instruments « indirects ». Contrairement aux instruments « directs », ceux-ci n’ont pas pour objectif la redistribution ou la captation des plus-values « non méritées », mais la création de revenus destinés à cofinancer des besoins d’infrastructure liés à l’urbanisation. Qualifiés aussi d’outils « development-based », ils sont le plus souvent mis en œuvre à l’échelle d’un projet et suivent une approche plus pragmatique visant à faire contribuer les promoteurs immobiliers aux coûts induits par un nouveau projet d’aménagement. Ces outils prennent des formes variées selon les contextes géographiques. Ils recouvrent des instruments comme le Tax-Increment Financing (TIF), les contributions imposées aux promoteurs (developers obligations) sous forme pécuniaire ou en nature (don de foncier, aménagement d’espaces publics, construction de logements abordables), mais aussi les contributions non négociables comme la taxe d’aménagement en France. Mais ils peuvent aussi prendre d’autres formes : aménagement conjoint public-privé ; vente de droit à bâtir par les gouvernements locaux au-delà de certaines limites réglementaires ; opérations de remembrement foncier et de renouvellement urbain, etc. Si, au départ, ces contributions servaient au financement des besoins d’infrastructure (réseaux, voiries, etc.) liés aux projets, dans de nombreux pays, les gouvernements ont progressivement inclus d’autres types de biens à la liste de ceux pouvant être financés par ces contributions, tels que des espaces publics, des équipements scolaires, sportifs, culturels, mais également du logement abordable et des aménités écologiques (Munoz-Gielen et van der Krabben, 2019[26]Munoz Gielen D, van der Krabben E (dir.). (2019). Public infrastructure, Private Finance-developer obligations and responsabilities, Londres, Routledge.).
Des débats autour des pratiques actuelles
de captation des plus-values foncières
Quelle que soit la typologie d’outil retenue, les travaux soulignent un recours croissant à ces instruments indirects de captation des plus-values foncières. En effet, si des formes directes de taxations des plus-values ont ponctuellement été mises en œuvre, elles sont peu développées en raison de plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’application de telles taxes se heurte à la difficulté à évaluer, dans l’augmentation des valeurs des biens, la part due aux décisions et investissements publics. Ensuite, des difficultés techniques liées à la définition des zones de taxation et au risque d’un traitement inégal des propriétaires sont souvent mises en avant (Medda, 2012[27]Medda F. (2012). « Land value capture finance for transport accessibility: a review », Journal of Transport Geography, n° 25, p. 154-161.). Enfin, les réticences des propriétaires à une taxation des plus-values foncières limitent le déploiement de tels outils (Alterman, 2012[28] Op. cit.).
À l’inverse, les outils indirects fondés sur des contributions ponctuelles des acteurs privés se développent dans un contexte d’érosion des budgets des collectivités publiques qui incite à la diversification des sources de financement. Le choix de ces instruments s’explique en particulier par leur adaptabilité aux contextes locaux et leur meilleure acceptabilité par les propriétaires fonciers et les promoteurs immobiliers (Hendricks et al., 2021[29]Hendricks A, Lacoere P, van der Krabben E, Oorschot C. (2021). « Limits of negotiable developer obligations », Sustainability, n° 13(20), p. 11364. ; van Zoest et Daamen, 2024[30]Van Zoest S, Daamen TA. (2024). « Explaining value capture implementation in New York, London, and Copenhagen: negotiating distributional effects », Urban Affairs Review [En ligne). Ces outils sont mis en avant dans certains travaux comme une voie pertinente pour financer des infrastructures urbaines face aux impératifs de décarbonation et de désartificialisation des villes (Dunning et Lord, 2020[31]Dunning RJ, Lord A. (2020). « Viewpoint. Preparing for the climate crisis: what role should land value capture play? », Land Use Policy, n° 99. [En ligne ; Welch et al., 2024[32]Welch P, Silva E, Smolka M, Cotter A. (2024). Local solutions: financing climate action through land value capture, No. Paper 2401, International Center for Public Policy, Andrew Young School of Policy Studies, Georgia State University.).
Néanmoins, le poids croissant des instruments indirects, en particulier ceux fondés sur des contributions des promoteurs, qualifiés également d’approches « entrepreneuriales » de la captation des plus-values foncières (Aveline-Dubach, 2023[33] Op. cit.), font l’objet d’une mise en débat récente dans la recherche. Plusieurs limites sont pointées. Tout d’abord, les montants des contributions des promoteurs sont souvent établis sur des critères de « connexion, causalité et proportionnalité » parfois difficiles à caractériser, comme l’ont montré Hendricks et al. (2021[34] Op. cit.) à partir de l’analyse comparée des contributions des promoteurs mises en œuvre en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas. Par exemple, le volume des besoins d’équipements ou de services publics induits par un nouveau projet est parfois mal estimé par les collectivités publiques. Ensuite, la mise en place de telles contributions pose des questions en termes de limites spatiales (pour le financement des équipements « sur site » ou « hors site »). Certains travaux pointent aussi des limites liées au poids des acteurs de l’industrie immobilière dans les négociations et à un manque de transparence de ceux-ci sur leurs bilans, contraignant la définition de contributions financières équitables entre promoteurs ou à la hauteur des besoins de biens publics générés par les projets. Enfin, plus récemment, la pertinence de ces outils en termes de justice sociale et spatiale, et leurs effets sur l’accroissement des prix fonciers et immobiliers sont interrogés. Laura Wolfs-Powers (2019[35]Wolf-Powers L. (2019). « Reclaim value capture for equitable urban development », Metropolitics. 28 mai. [En ligne) propose ainsi un regard critique sur les dispositifs de Tax-Increment Financing mobilisés aux États-Unis pour des projets de renouvellement urbain, fondés sur l’anticipation d’un accroissement des valeurs foncières et immobilières. L’autrice discute en particulier l’utilisation faite par les collectivités des ressources captées par le biais de ces outils. Celles-ci servent parfois davantage au financement des transformations sociales et d’une gentrification des quartiers concernés qu’à un « développement équitable » répondant aux besoins des habitants. L. Wolf-Powers (2023[36]Wolf-Powers L. (2023). « Dilemmas of 21st Century land value capture: examining Henry George’s legacy in a new gilded age », Environment and Planning A: Economy and Space, n° 1.) souligne ainsi l’importance d’un retour aux théories fondatrices géorgiennes de la captation des plus-values foncières comme levier de justice sociale.
Afin de contribuer à ces débats, nous proposons une analyse comparée des outils de captation des plus-values foncières mis en œuvre dans trois pays européens : la France, où la taxation du développement est la norme ; les Pays-Bas, où l’intervention des acteurs publics sur les marchés fonciers a longtemps été le principal outil de financement de l’urbanisation ; et l’Angleterre, dont le modèle est fondé sur des contributions négociées des promoteurs. Si chaque pays a historiquement privilégié des approches différentes, l’étude montre le recours croissant à des instruments fondés sur des contributions des promoteurs immobiliers au financement de l’aménagement. Cette analyse croisée permet ainsi de discuter de ces évolutions, de leurs implications sur les rapports entre acteurs publics et privés, et des débats associés.
France :
permanence de la taxe d’aménagement,
développement des contributions négociées
et interventionnisme foncier
En France, le monde de l’aménagement a connu des évolutions importantes depuis une vingtaine d’années avec un poids croissant des opérations en renouvellement urbain et une réduction du nombre de projets en extension urbaine ; un renforcement des enjeux environnementaux (Rode, 2023[37]Rode S. (2023). Écologiser l’urbanisme. Pour un ménagement de nos milieux de vie partagés, Bordeaux, Le bord de l’eau.) ; et des recompositions importantes dans la répartition des rôles entre collectivités locales, aménageurs, promoteurs et investisseurs dans les projets. En effet, alors qu’en France les acteurs publics ont historiquement un rôle important dans la maîtrise foncière, le pilotage et le financement des opérations d’aménagement, les évolutions récentes soulignent le poids croissant des acteurs privés (promoteurs et investisseurs), de l’amont à l’aval des projets d’aménagement (Halpern et Pollard, 2013[38]Halpern C, Pollard J. (2013). « Les acteurs de marché font-ils la ville ? », EspacesTemps.net, 17 juin [En ligne ; Citron, 2017[39]Citron P. (2017). « Produire la ville grâce aux opérateurs immobiliers : quel modèle pour l’aménagement privé en zone dense ? », Métropoles, n° 20. [En ligne ; Maurice, 2017[40]Maurice R. (2017). « L’inversion des rôles ? Aménageurs, promoteurs immobiliers et pouvoirs publics dans la régulation des ZAC du Grand Lyon », Métropoles, n° 20. ; Souami et al., 2023[41]Souami T, Llorente M, Drozdz M. (2023). Financement de l’aménagement urbain. Acteurs – Innovations, Paris, Le Moniteur.). De nombreux travaux mettent ainsi en avant le recul de la filière « publique » de l’aménagement – comme l’atteste la diminution du nombre de ZAC pilotées par des collectivités locales ou des aménageurs publics – au profit d’une filière « négociée » (Llorente et Vilmin, 2012[42]Llorente M. Vilmin T. (2012). Analyse socio-économique de projets urbains complexes : facteurs et conditions de réussite, Rapport de recherche, PUCA, Programme « L’urbanisme de projet en chantier », 64 p.) fondée sur de nouveaux outils allant des ZAC concédées à des aménageurs privés, aux macro-lots ou aux appels à projets urbains innovants (Behar et al., 2018[43]Béhar D, Bellanger E, Delpirou A. (2018). « La production urbaine en chantier : héritages, enjeux et perspectives des appels à projets innovants », Métropolitiques, 7 juin. [En ligne). Ces dynamiques s’expliquent par des évolutions réglementaires (ouverture à la concurrence en 2005 du marché des concessions d’aménagement), par la contraction des ressources budgétaires des collectivités locales, limitant leur capacité à investir dans les projets d’aménagement (Delpech et Navarre, 2020[44]Delpech C, Navarre F. (2020). « Quels moyens financiers pour le bloc communal ? », L’Économie politique, n° 85(1), p. 8-22. ; Grandclément et al., 2024[45]Grandclement A, Halbert L, Adisson F, Lasserre-Bigorry F, Navarre F. (2024, à paraître). « The geographies of local austerity policies: a quantitative analysis of local budgets in France », Regional Studies, p. 1-15.) ; mais également par des stratégies propres de grands groupes de l’industrie immobilière, investissant le marché de l’aménagement pour sécuriser l’accès au foncier pour leurs filiales de promotion (Citron, 2017[46]Op. cit.). Ces évolutions engagent des modifications importantes de l’économie et du financement des projets d’aménagement (Souami et al., 2023[47] Op. cit.). Dans un contexte budgétaire contraint, les collectivités cherchent à faire contribuer les acteurs privés (aménageurs et promoteurs) au financement des coûts d’urbanisation (Idt et al., 2023[48]Idt J, Llorente M, Miot Y, Vilmin T. (2023). L’économie de l’aménagement en pratiques, Paris, Le Moniteur.).
L’importance centrale de la taxe d’aménagement
En France, l’idée selon laquelle une partie des plus-values liées à des projets d’aménagement ou d’immobilier doit être récupérée pour financer des équipements ou biens publics nécessaires est ancienne (Vilmin, 2006[49]Vilmin T. (2006). « Qui finance l’aménagement urbain, le contribuable ou le bénéficiaire ? » Revue d’économie financière, n° 86(5), p. 167-72.) et s’appuie principalement sur la fiscalité. Parmi les différentes taxes visant une récupération des plus-values (taxes foncières, mais également celles sur les transactions immobilières et sur les plus-values – voir Portier et Guelton, 2023[50]Portier A, Guelton S. (2023). « Les taxes sur les plus-values foncières et immobilières, outil de la régulation des prix fonciers ? », Fonciers en débats, décembre. [En ligne), la taxe d’aménagement concerne en particulier les aménageurs et les promoteurs. Créée en 2010 en remplacement de plusieurs taxes existantes, elle est obligatoire dans les communes disposant d’un plan local d’urbanisme (PLU) et elle est payée par le bénéficiaire d’un permis de construire ou d’aménager, en fonction du nombre de mètres carrés de surface de plancher créés[51]Des exemptions sont prévues pour la construction de logements très sociaux, d’équipements publics ou de certains locaux d’activités.. L’assiette de la taxe est établie au niveau national par l’État, et le taux d’imposition est fixé par les municipalités ou par les intercommunalités (entre 1 % et 5 %), taux auquel s’ajoute celui perçu par les départements et, dans le cas de l’Île-de-France, par la région. Les collectivités compétentes ont la possibilité d’appliquer un taux unique pour l’ensemble de leur territoire ou un taux majoré allant jusqu’à 20 % dans des zones spécifiques concernées par des projets d’aménagement et des besoins d’équipements importants. Les recettes peuvent être consacrées au financement d’infrastructures urbaines variées, comme des espaces publics, des équipements (crèches, écoles ou autres) ou des aménagements liés aux mobilités (voies cyclables, réseaux, etc.). Les ressources sont affectées au budget général de la collectivité et peuvent être réinvesties hors site.
Cette taxe d’aménagement est très courante en France, et 80 % des communes la perçoivent[52]En 2021, les recettes annuelles ont représenté 1 270 milliard d’euros pour l’ensemble des communes (Direction générale des collectivités locales. (2022). Les chiffres-clés des collectivités locales, for Lincoln Institute of Land Policy, 7 June 2019. Cambridge, MA)., avec des taux variables (Cocquière et Jingand, 2018[53]Coquière A, Jingand O. (2018). Financement des équipements publics, quels outils pour accompagner l’effort de construction ? Paris, IAU Île-de-France.). Il existe néanmoins encore peu de travaux permettant de documenter les pratiques de fixation des taux par les communes, les rapports des promoteurs à cette taxe ou encore les usages faits des recettes générées par la taxe. L’étude du projet Brazza à Bordeaux, réalisée par Guelton et Pouillaude (2022[54]Guelton S, Pouillaude A. (2022). « Can the French development tax be a strategic land value capture instrument? », Town Planning Review, n° 94(2), p. 1-26.), apporte sur ce point un éclairage utile. Dans ce projet, la métropole de Bordeaux avait initialement choisi de fixer un taux majoré de taxe d’aménagement (à 20 %) afin de financer un programme ambitieux d’espaces publics, d’équipements scolaires et sportifs, etc. Au fil du projet, la métropole a réduit ce taux à 10 % sous la pression des promoteurs et par crainte que ceux-ci ne se retirent du projet et répercutent la taxe sur une augmentation forte des prix des logements. Ce choix a eu des conséquences sur la qualité du projet : la métropole a renoncé à près de la moitié de son programme d’équipements faute de financements suffisants (annulation d’un projet scolaire et d’un stade, etc.).
Ainsi, les quelques études existantes soulignent différents enseignements concernant l’usage de cette taxe (Cocquière et Jingand, 2018[55]Op. cit. ; Guelton et Pouillaude, 2022[56]Op. cit. ; Guelton et al., 2023[57]Guelton S, Pouillaude A, Cissé AM. (2023). La taxe d’aménagement, levier d’une urbanisation dense, rapport, Réseau Finances Locales.). Tout d’abord, ces taux sont fortement différenciés selon les choix politiques locaux, les contextes et les dynamiques des marchés immobiliers. Par exemple, dans les secteurs détendus, certaines collectivités fixent volontairement des taux de taxe d’aménagement bas pour attirer des opérateurs (Idt et al., 2023[58]Op. cit.). Ensuite, comme le montre le cas du projet Brazza, la fixation des taux impose aux communes des équilibres entre des enjeux urbains (liés à la production de logement, etc.) et d’autres liés aux besoins de ressources pour les équipements. Dans le cas des secteurs faisant l’objet de taux majorés, ceux-ci sont souvent négociés en amont avec les promoteurs, ce qui peut potentiellement limiter la récupération des plus-values foncières. En outre, certaines collectivités locales, du fait d’un manque d’ingénierie, ont des difficultés à évaluer les effets de l’urbanisation sur les besoins d’investissement et les coûts de fonctionnement, comme l’illustrent des travaux sur la densification urbaine dans le diffus (Idt et al., 2016[59]Idt J, Pellegrino M, Baudry S. (2016). Les acteurs publics face aux phénomènes de densification spontanée : une comparaison franco-italienne, Paris, rapport de recherche du PUCA.). Enfin, les modalités de fixation et de perception de la taxe d’aménagement (impliquant des décalages temporels importants) compliquent également l’usage des ressources de cette taxe par les collectivités (Coquière et Jingand, 2018[60]Op. cit.).
Des contributions négociées
dans le cadre des opérations d’aménagement
Si l’imposition via la taxe d’aménagement est privilégiée, deux instruments de participation directe des aménageurs et promoteurs aux équipements sont également mobilisés dans le cadre de projets urbains. Dans les zones d’aménagement concerté (ZAC), la collectivité et/ou son aménageur disposent de différents leviers pour obtenir des contributions des opérateurs. Celles-ci peuvent être incluses dans la vente des charges foncières ou peuvent être formalisées dans des conventions. Si l’éventail des contributions possibles est large, il doit répondre à deux exigences fixées dans la loi en matière de causalité (un lien direct doit être établi entre les contributions demandées et les besoins réels générés par les nouvelles constructions) et de proportionnalité (les contributions doivent être proportionnelles à l’utilisation qui en est faite par les futurs usagers des nouveaux bâtiments). Ces contributions directes sont importantes pour le financement des équipements sur site (Baraud-Serfaty et al., 2024[61]Baraud-Serfaty I, Pauchon A, Sabbah C. (2024). Transparence sur les ZAC, rapport technique, Paris, Institut des Hautes Études pour l’Action dans le Logement (IDHEAL), 128 p.).
Si ces dispositifs de contribution étaient fortement mobilisés avant les années 2010, le nombre de ZAC diminue depuis. Hors des ZAC, les communes et intercommunalités disposent d’autres outils pour faire contribuer des opérateurs aux besoins d’équipements. Créé en 2014, le projet urbain partenarial (PUP) permet aux collectivités locales d’obtenir des promoteurs privés une participation au financement des infrastructures publiques liées à un projet urbain privé. Le contenu de ces conventions est très hétérogène, mais le régime de contribution doit respecter les mêmes exigences de « causalité » et de « proportionnalité » que pour une ZAC. Hors de ces dispositifs contractuels, les contributions des opérateurs peuvent également prendre d’autres formes. Les intercommunalités et communes peuvent, par exemple, utiliser le zonage des plans locaux d’urbanisme (via la création d’emplacements réservés ou de servitude de mixité sociale ou d’orientations d’aménagement programmatiques) pour contraindre les promoteurs à réaliser un équipement ou une part de logement social dans les nouveaux projets. Ces contributions peuvent également être plus informelles. Il n’est pas rare que les communes négocient directement avec les promoteurs, en amont du dépôt des permis de construire, l’intégration de logements abordables (Dupuy, 2010[62]Dupuy G. (2010). « Le maire, le promoteur et l’accession sociale. Les négociations entre promoteurs et élus locaux sur les programmes de logements », Métropolitiques. [En ligne) ou la prise en charge d’aménagements de voirie, d’espaces publics, d’équipements divers, qui sont rétrocédés ensuite à la collectivité (Idt et al., 2016[63]Op. cit. ; Adisson et al., 2023[64]Adisson F, Halbert L, Maisetti N. (2023). « Chapitre 9. L’austérité urbaine en banlieue. Consolidation budgétaire, coalitions de développement urbain et mixité sociale contrariée », dans Artioli F, Le Galès P, La métropole parisienne, une anarchie organisée, Paris, Presses de Sciences Po, p. 249‑272.).
Toutefois, ces dispositifs de contribution directe des promoteurs font l’objet de débats. Tout d’abord, si la loi encadre fortement les montants des contributions qui peuvent être fixées aux promoteurs, ceux-ci font l’objet régulièrement de procédures judiciaires (Coquière et Jingand, 2018[65]Op. cit.). Ensuite, les contributions demandées par les collectivités locales aux opérateurs sont très inégales selon les projets et les contextes. Les revenus générés par ces contributions sont souvent soumis à des aléas et sont inférieurs aux coûts publics générés par le développement, comme l’illustre l’importance des subventions d’équilibres données par les collectivités dans plusieurs projets de ZAC (Idt et al., 2023[66]Op. cit.). Les difficultés sont aussi assez semblables à celles mises en évidence pour la taxe d’aménagement : difficulté à estimer le montant des coûts d’équipements et de fonctionnement ; capacités inégales de négociation des collectivités ; opacité des bilans de certains promoteurs…
Le recours à des formes plus interventionnistes
de captation des plus-values foncières
Ces limites posent la question de la permanence et de la réactivation de formes plus interventionnistes de captation des plus-values foncières fondées. Parmi celles-ci, si les outils fondés sur des acquisitions publiques de foncier ont moins été utilisés en France qu’aux Pays-Bas, la Loi d’orientation foncière de 1967 avait créé, en plus des ZAC, les zones d’aménagement différées (ZAD), visant explicitement à acquérir des terrains pour un projet d’aménagement, au prix en vigueur avant l’annonce d’un investissement public ou d’un changement de zonage. Certaines collectivités locales ont fortement mobilisé cet outil (comme c’est le cas, par exemple, de Rennes Métropole) et continuent de mener des politiques foncières interventionnistes. Depuis les années 2010, cette politique foncière interventionniste trouve en outre une actualité nouvelle avec le développement des établissements publics fonciers (EPF). Ces opérateurs accompagnent les collectivités dans leurs projets d’aménagement en acquérant et portant, et parfois remembrant, le foncier avant de vendre les terrains aux acteurs de l’aménagement et de la construction, en contrepartie du respect d’un cahier des charges pouvant inclure des orientations en matière d’équipements, de production de logement social et/ou de prescriptions relatives à la qualité environnementale du bâti (Baltzer, 2018[67]Baltzer F. (2018). « Quelle politique foncière pour l’Île-de-France ? », L’Économie politique, n° 78, p. 40-53.). S’ils ne constituent pas des instruments de captation des plus-values foncières à proprement parler, leur action permet néanmoins de soutenir une filière publique de l’aménagement (Llorente et Vilmin, 2012[68] Op. cit.). Les capacités d’action des EPF sont toutefois très hétérogènes, certains disposant de ressources importantes, comme en Île-de-France (Idt, 2023[69]Idt J. (2023). « Chapitre 5. Le patchwork francilien de l’aménagement urbain. Grands projets, petites opérations, transformations urbaines à leurs marges », dans Artioli F, Le Galès P (dir.), La métropole parisienne, une anarchie organisée, Paris, Presses de Sciences Po, p. 147-167.), d’autres de moyens plus restreints.
L’analyse des pratiques de captation des plus-values foncières pour financer l’urbanisation en France souligne ainsi un recours croissant aux contributions négociées, qui est lié à des évolutions plus larges des modes de régulation de l’aménagement et au poids croissant des acteurs privés dans la production urbaine. Toutefois, l’importance des besoins d’équipements et d’infrastructures dans un contexte de pression sur les ressources des collectivités relance régulièrement les débats sur la mise en place d’outils plus récurrents de taxation, en particulier pour le financement des projets de transport.
Pays-Bas :
d’un monopole public sur le foncier à l’essor d’outils négociés
Les Pays-Bas et leur modèle fondé sur une maîtrise publique du foncier ont longtemps fait figure d’exemple dans le champ des politiques foncières. En effet, le système d’aménagement néerlandais est historiquement caractérisé par une intervention directe des acteurs publics, en particulier les municipalités, sur les marchés fonciers. Ce mode d’intervention qui permettait aux municipalités de contrôler finement l’occupation des sols et de financer l’urbanisation a cependant été remis en question au début des années 2000 sous l’effet de plusieurs facteurs. D’une part, le passage d’une logique d’extension à une logique de renouvellement urbain, et la montée des prix fonciers et immobiliers (Buitelaar et Verhage, 2013[70]Buitelaar E, Verhage R. (2013). « Le mythe se fissure : nouveaux défis des politiques foncières aux Pays-Bas », Études foncières, n° 161, p. 12-20.), ont rendu l’acquisition de terrains plus difficile et plus coûteuse pour les municipalités. D’autre part, ce modèle était fondé sur un consensus politique entre acteurs publics et privés (Needham, 1997[71]Needham B. (1997). « Land policy in the Netherlands », Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie, n° 88(3), p. 291-296.), progressivement remis en question dans les années 2000, notamment sur le registre d’un droit à la propriété foncière privée (Ploeger et Bounjouh, 2017[72]Ploeger H, Bounjouh H. (2017). « The Dutch urban ground lease: a valuable tool for land policy? », Land Use Policy, n° 63, p. 78-85. [En ligne). La crise de 2008, qui a considérablement fragilisé les finances publiques et en particulier celles des municipalités menant une politique foncière active, a achevé de remettre en question ce modèle (Dubbeling, 2014[73]Dubbeling DJ. (2014). « Actief grondbeleid groeinde kostenpost voor gemeenten », Bouwmartk, n° 54(3), p. 8-9. ; van Oosten et al., 2018[74]Van Oosten T, Witte P, Hartmann T. (2018). « Active land policy in small municipalities in the Netherlands: “We don’t do it, unless…” », Land Use Policy, n° 77(C), p. 829-836.). Des réformes législatives entamées avant la crise mais accélérées par celle-ci ont conduit au développement de nouveaux outils pour financer l’urbanisation, davantage fondés sur les contributions des promoteurs (de Wolff, 2007[75]De Wolff H. (2007). « The new Dutch land development act as a tool for value capturing », ENHR Conference « Sustainable Urban Areas », Rotterdam, 06-200D7. ; Muñoz Gielen et Lenferink, 2018[76]Muñoz Gielen D, Lenferink S. (2018). « The role of negotiated developer obligations in financing large public infrastructure after the economic crisis in the Netherlands », European Planning Studies, n° 26(4), p. 768-791.). Les acteurs publics néerlandais sont ainsi passés ces vingt dernières années d’une position interventionniste à une position de régulation des initiatives privées (Buitelaar et Verhage, 2013[77]Op. cit.).
Usages et intérêts de la politique foncière active
Le modèle de la politique foncière active aux Pays-Bas est caractérisé par une intervention directe des municipalités dans l’achat et la viabilisation des terrains, avant de les céder à des promoteurs, des associations de logement social ou des particuliers, le plus souvent sous un régime de bail emphytéotique leur permettant de conserver la propriété du foncier (Needham, 1997[78]Op. cit.). Il s’est généralisé après la Seconde Guerre mondiale pour faciliter la reconstruction et la production massive de logements, mais s’inscrit dans une tradition d’intervention de la puissance publique dans le champ du foncier aux Pays-Bas (Buitelaar et Verhage, 2013[79]Op. cit. ; Ploeger et Bounjouh, 2017[80]Op. cit.).
Le modèle de la politique foncière active présente plusieurs avantages pour les municipalités. C’est tout d’abord un outil de contrôle de l’urbanisation et de l’usage des sols. En effet, dans le cadre d’un bail emphytéotique, le contrat liant la municipalité, propriétaire du sol, à l’occupant du terrain se fait sous un régime de droit privé, et peut contenir des dispositions très précises concernant le volume et le type d’activité autorisés. Cela permet aux municipalités de « contribuer activement à la mise en œuvre de leur propre plan d’occupation des sols » (Buitelaar et Verhage, 2013, p. 14[81]Op. cit.). Par ailleurs, ce modèle facilite la production de logements sociaux et abordables, puisqu’il évite aux associations de logement social de porter le coût du foncier, dans une logique similaire aux Community Land Trust ou aux organismes de foncier solidaires. La politique foncière active apparaît également comme un outil de financement de l’aménagement urbain. Le produit de la location des terrains permet de couvrir leur coût de viabilisation et la production d’équipements publics. Comme le précisent Ploeger et Bounjouh (2017[82]Op. cit.) dans leur étude du bail emphytéotique néerlandais, tout changement dans le volume ou le type d’activité entraîne une renégociation du bail, dont le prix peut augmenter pour financer les besoins en infrastructures ou équipements générés par ces évolutions. Ainsi, l’intervention des municipalités sur les marchés fonciers répond à une double logique, puisqu’il s’agit à la fois d’un outil d’aménagement et d’une ressource financière pour les municipalités, visant la captation publique des plus-values foncières (Buitelaar et al., 2007[83]Buitelaar E, Lagendijk A, Jacobs W. (2007). « A theory of institutional change: illustrated by Dutch City-Provinces and Dutch land policy », Environment and Planning A: Economy and Space, n° 39(4), p. 891-908. [En ligne).
Cependant, après avoir été érigée en modèle (Buitelaar, 2010[84]Buitelaar E. (2010). « Cracks in the myth: challenges to land policy in the Netherlands », Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie, n° 101(3), p. 349-356. ; Desjardins et Persyn, 2012[85]Desjardins X, Persyn N. (2012). « Les Pays-Bas : toujours un modèle ? », Les Cahiers de l’IAU IdF, n° 163, p. 12-13.), la politique foncière active montre un certain nombre de limites à la fin des années 1990. Comme dans le cas français, le passage d’une logique d’expansion urbaine, où les municipalités achetaient des terres agricoles à bas coût et revendaient des terrains viabilisés et constructibles, à une logique de renouvellement urbain rend l’équation financière moins intéressante. La hausse des prix fonciers, la fragmentation de la propriété et les coûts de dépollution dans le cas du réaménagement de friches industrielles limitent les capacités d’intervention de la puissance publique. De plus, les années 2000 sont marquées par un revirement idéologique dans les grandes villes néerlandaises, conduisant à une contestation du système de bail emphytéotique. Cette contestation porte à la fois sur le manque de clarté quant à la fixation des prix et sur l’essor d’une notion de droit à la propriété privée (Ploeger et Bounjouh, 2017[86] Op. cit.). Enfin, des débats émergent autour de la double casquette des municipalités, à la fois responsables de la planification urbaine et propriétaires fonciers (Needham, 1997[87] Op. cit. ; van der Krabben et al., 2011[88]Van der Krabben E, Ploegmakers H, Samsura A. (2011). « The Netherlands: the public development of land », dans Tira M, Van der Krabben E, Zanon B (dir.), Land management for urban dynamics: innovative methods and practices in a changing Europe, Pise, Maggioli Editore.), ce qui fait craindre une tension entre les objectifs urbains et la recherche d’une valorisation financière maximale.
La crise de 2008
et le développement de nouveaux outils
pour le financement de l’aménagement
Il est difficile de quantifier la part des municipalités ayant eu recours à la politique foncière active, et dans quelles proportions. Néanmoins, les nombreux travaux portant sur les Pays-Bas en font l’outil principal de financement de l’aménagement urbain (Muñoz Gielen et Lenferink, 2018[89] Op. cit.). La crise de 2008 marque cependant une rupture majeure. En effet, si l’intervention des municipalités sur les marchés fonciers était jusqu’alors une source de revenus, elle s’est transformée en un gouffre financier du fait de l’effondrement des marchés immobiliers et de la demande de logements et de bureaux (Dubbeling, 2014[90] Op. cit. ; van Oosten et al., 2018[91] Op. cit.). La crise a alors accéléré la transition d’une politique foncière active à une politique dite facilitatrice, dans laquelle la puissance publique n’intervient plus directement mais adopte un rôle de régulation des activités du secteur privé, dans une logique de transfert du risque (ministère du Logement, de l’Aménagement et de l’Environnement, ministère des Finances, 2001[92]Ministerie van VROM, Ministerie van Financiën. (2001). Nota Grondbeleid (Land Policy Memorandum), La Haye.). Cette transition va de pair avec un renforcement des outils à disposition des collectivités locales pour assurer la contribution du secteur privé au financement de l’aménagement urbain, des infrastructures et des équipements publics.
Dans une analyse préalable à la réforme de la loi sur l’aménagement urbain (Wet Ruimtelijke Ordening – WRO) de 2008, de Wolff (2007[93]Op. cit.) présente les outils préexistants pour permettre aux municipalités d’assurer une contribution des acteurs privés aux coûts d’équipements lorsqu’elles ne maîtrisent pas le foncier. Le premier renvoie à une forme de contribution négociée du propriétaire foncier aux coûts d’aménagements portés par les autorités publiques. Le second est une taxe s’appliquant à l’ensemble des propriétaires fonciers bénéficiant d’un nouvel équipement public. En raison de la complexité de la procédure et de la difficulté à calculer la proportion dans laquelle chaque propriétaire bénéficie de cet équipement, cette taxe est rarement appliquée dans les projets urbains. Pour accroître la capacité des autorités locales à négocier – voire à exiger – une contribution des promoteurs privés, la réforme de 2008 crée deux nouveaux outils : d’une part, l’anterieure overeenkomst, un accord négocié entre le promoteur et la collectivité, dont la nouveauté est que le montant n’est plus limité aux coûts d’aménagement, et que les ressources générées peuvent participer au financement d’infrastructures situées en dehors du site de projet si elles sont inscrites dans le schéma directeur local (Hendricks et al., 2021[94]Op. cit.) ; d’autre part, l’exploitatieplan est un document élaboré par la collectivité, estimant la hausse des valeurs foncières en fonction du changement d’affectation des terrains. Il permet aux acteurs publics d’exiger une contribution des promoteurs proportionnelle à cette hausse, et de refuser la délivrance des autorisations d’urbanisme tant que celle-ci n’est pas versée (Muñoz Gielen, 2010[95]Op. cit. ; Muñoz Gielen et Lenferink, 2018[96]Op. cit. ; Pedro, 2021[97]Pedro M. (2021). « Vers un abandon de la politique foncière active ? L’évolution des modalités de captation des plus-values foncières aux Pays-Bas », Foncier en Débats, mai. [En ligne). Si, en théorie, l’éventail des contributions négociées avec les promoteurs est large, celles-ci sont cependant limitées en pratique par plusieurs exigences qui font écho au cas français : la causalité « technique » ou « matérielle », entre le développement à payer et l’infrastructure ou l’installation spécifique (Munoz Gielen et al., 2023[98]Munoz-Gielen D, Francisco BC, Burcher JC, Felipe PJ. (2023). « The role of jurisprudence in public value capture in urban development: a comparative analysis from Dutch, English, Spanish and Colombian courts », Land Use Policy, n° 127, p. 106573.), et la proportionnalité, auxquelles s’ajoute la viabilité économique du projet pour le promoteur (Hendricks et al., 2021[99]Op. cit.).
La politique foncière néerlandaise et les instruments de financement de l’aménagement par la captation des plus-values foncières se sont diversifiés en quelques décennies. D’un modèle fondé sur l’intervention directe des municipalités sur les marchés fonciers, les Pays-Bas ont évolué vers un modèle de politique facilitatrice laissant une plus grande place à la négociation avec les acteurs privés. Cette transition, présente dans le débat politique néerlandais depuis les années 1990, est motivée par une évolution du contexte urbain et financier. Elle a été accélérée par la crise de 2008 qui a considérablement fragilisé les finances municipales et mis au centre du débat la notion de partage des risques entre acteurs publics et privés. Dans un contexte d’austérité, les orientations politiques de l’État actent la fin d’une politique foncière active à grande échelle. Cependant, ils ne marquent pas la disparition de l’intervention des acteurs publics sur les marchés fonciers, qui reste un outil à disposition des municipalités.
Angleterre :
l’importance des contributions négociées des promoteurs
au financement de l’urbanisation
Le principe de captation des plus-values foncières générées par un investissement ou une décision publique est ancien en Angleterre, puisque les premières formes de taxation remontent au XVe siècle, avec la création d’un impôt sur les plus-values foncières résultant d’aménagements anti-inondations (Davies, 1984, dans Plimmers et McGill, 2003[100]Plimmers F, McGill G. (2003). Land value taxation: betterment taxation in England and the potential for change. Paris, FIG Proceedings, FIG working week.). Néanmoins, ces instruments sont restés « localisés et spécifiques » (ibid.) jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et l’introduction d’une taxe sur les plus-values foncières dans la loi de 1947 sur l’aménagement du territoire (Town and Country Planning Act). La littérature sur la captation des plus-values foncières en Angleterre identifie, à partir de cette première loi, deux phases caractérisées par des logiques et des instruments différents. Dans la première, l’État anglais cherche à réguler le marché foncier en introduisant des instruments fiscaux pour capter les plus-values foncières. La seconde, qui débute dans les années 1980, sous l’ère Thatcher, est caractérisée par une approche néolibérale qui s’appuie principalement sur des mécanismes de contributions des promoteurs (Catney et Henneberry, 2019[101]Catney P, Henneberry J. (2019). « Change in the political economy of land value capture in England », Town Planning Review, n° 90(4), p. 339-358. [En ligne ; Foye, 2022[102]Foye C. (2022). « Section 106, viability, and the depoliticization of English land value capture policy », International Journal of Urban and Regional Research, n° 46(2), p. 269‑86.).
La difficile mise en place du « betterment levy »
comme mécanisme de taxation
des plus-values foncières
Catney et Henneberry (2019[103]Op. cit.) proposent une lecture diachronique des outils de captation des plus-values foncières mis en place en Angleterre, considérant que leur forme correspond à différentes approches du rôle de l’État et à des évolutions du contexte politique et de l’aménagement du territoire anglais. Ils distinguent ainsi plusieurs phases. Avant 1947, la puissance publique n’a que peu de contrôle sur l’aménagement. Les propriétaires fonciers possèdent un droit d’aménager leurs terrains qui, s’il leur est refusé par les acteurs publics, ouvre le droit à une compensation payable par les autorités locales. La totalité des plus-values foncières est ainsi captée par les propriétaires privés. Si des tentatives d’introduction d’une taxe sur les plus-values foncières ont lieu dans les années 1920 et 1930, ce n’est qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale qu’un consensus politique apparaît pour réformer le cadre législatif de l’aménagement du territoire. Le Town and Country Planning Act de 1947 introduit une nouvelle approche de l’aménagement du territoire, avec ce que les auteurs nomment une « nationalisation des droits à construire » (Catney et Henneberry, 2019[104]Op. cit., p. 6.), c’est-à-dire la mise en place d’un système d’autorisations d’urbanisme associé à une taxe (betterment levy) permettant à la puissance publique de capter la totalité des plus-values générées par l’aménagement (Plimmers et McGill, 2003[105] Op. cit.). Cette approche, considérée comme une tentative de contrôle du marché foncier par les acteurs publics, s’est rapidement montrée inefficace car elle n’incitait pas les propriétaires à céder leur terrain pour des projets (Crook et al., 2016[106]Crook T, Henneberry J, Whitehead C. (2016). Planning gain: providing infrastructure and affordable housing, Hoboken, NJ, Wiley-Blackwell.), et qu’en même temps, les autorités locales disposaient de moyens limités pour acquérir un foncier largement contrôlé par les propriétaires privés. De plus, la mise en place d’outils de captation des plus-values foncières apparaît comme un marqueur politique fort, défendu par les travaillistes et repoussé par les conservateurs. Le contexte d’alternance politique conduit à une grande instabilité de ces instruments : la taxe créée en 1947 est supprimée en 1951 par les conservateurs, rétablie avec un taux minoré à 40 % dans le Land Commission Act de 1967, avant d’être à nouveau abolie par les conservateurs en 1971. Le Community Land Act (1975) et le Development Land Tax Act (1976) réintroduisent des mécanismes de taxation des plus-values et renforcent la capacité des acteurs publics à intervenir sur les marchés fonciers. Toutefois, l’opposition des conservateurs et des propriétaires fonciers, la difficulté des autorités locales à s’emparer de ces outils, mais aussi, à partir de 1976, la pression croissante sur les finances publiques et la récession du secteur de la construction ont contribué à l’échec de cette politique (Plimmers et McGill, 2003[107] Op. cit. ; Catney et Henneberry, 2019[108] Op. cit.).
Le tournant néolibéral et l’introduction d’outils
de contribution des promoteurs : la Section 106
et le CIL (Community Infrastructure Levy)
Au cours des années 1980, sous Thatcher, les transformations profondes de l’État, les mesures d’austérité budgétaire et le tournant néolibéral des politiques publiques associé à une privatisation des services urbains en réseau (Pike et al., 2019[109]Pike A, O’Brien P, Strickland T, Thrower G, Tomaney J. (2019). « Financialising city statecraft and infrastructure », dans Pike A, O’Brien P, Strickland T, Financialising city statecraft and infrastructure, Londres, Edward Elgar Publishing.) et du foncier public (Christophers, 2017[110]Christophers B. (2017). « The State and financialization of public land in the United Kingdom », Antipode, n° 49(1), p. 62‑85.) engagent une refonte importante des outils de captation des plus-values foncières. Les dispositifs antérieurs sont remplacés par des outils fondés sur des contributions négociées des promoteurs (planning obligations) dont les contours ont été en particulier précisés dans le Town and Country Planning Act de 1990 et le Planning Act de 2008.
Deux mécanismes sont mis en place pour assurer la captation des plus-values foncières. Premièrement, l’article 106 du Town and Country Planning Act de 1990 permet aux municipalités de négocier au cas par cas des contributions des promoteurs pour financer des équipements situés à proximité directe des projets (on site). Ces accords négociés et la liste des équipements, biens, services concernés sont connus de l’industrie immobilière et des acteurs de la planification sous le terme de « section 106 ». Les demandes formulées par les municipalités aux promoteurs, en termes d’équipements, sont diversifiées et ont varié au fil du temps (Burgess et al., 2011[111]Burgess G, Monk S, Whitehead C. (2011). « Delivering local infrastructure and affordable housing through the planning system: the future of planning obligations through Section 106 », People, Place and Policy, n° 5(1), p. 1-11.), mais l’article 106 est de plus en plus utilisé pour financer la production de logements abordables, par le biais d’un quota de logements à réserver dans chaque projet. Par exemple, une autorité locale avec un objectif de production de logement abordable de 30 % impose qu’un développement de 100 nouveaux logements en contienne 70 à vendre sur le marché libre et 30 destinés à de la location sociale (social rent) correspondant à un loyer inférieur à celui du marché libre.
Un deuxième outil, le Community Infrastructure Levy (CIL), ou taxe sur les infrastructures communautaires, est introduit par le Planning Act de 2008. Dans une logique similaire à la taxe d’aménagement française, il s’agit d’une charge fixe sur le développement dont le taux (£ par m² créé) est fixé localement, après une consultation publique et un examen indépendant. Cette contribution est appliquée sur la plupart des nouveaux développements qui créent une surface au sol supplémentaire nette de 100 m² ou plus, ou créent au moins un nouveau logement, bien que des exceptions et des exemptions potentielles s’appliquent. Au moment de la rédaction de cet article, sur les 336 collectivités locales d’Angleterre, 159 (47 %) avaient choisi de mettre en œuvre le CIL. Ces CIL ont été en particulier mis en place pour le financement de différents projets d’infrastructure, dont la Elizabeth line (anciennement CrossRail) à Londres. En effet, le gouvernement anglais a considéré que le financement de cette nouvelle ligne de métro devait être porté à l’échelle locale par le Grand Londres, et non par des financements nationaux. En plus d’un Mayoral CIL, qui s’applique à l’ensemble des nouveaux développements dans le Grand Londres (avec quelques exemptions pour les équipements éducatifs et de santé et les logements construits en autopromotion), l’autorité londonnienne a également mobilisé l’outil du Business Rate supplement (BRS), une taxe foncière payée par les acteurs économiques (O’Brien et al., 2019[112]O’Brien P, Pike A, Tomaney J. (2019). « Governing the “ungovernable”? Financialisation and the governance of transport infrastructure in the London “Global City-Region” », Progress in Planning, n° 132.).
Par conséquent, à l’échelle locale, différents instruments peuvent être utilisés pour exiger des contributions des promoteurs afin de capter tout ou partie de l’augmentation « non méritée » de la valeur foncière résultant de l’attribution d’un permis de construire. Ces dispositifs se cumulent : par exemple, sur le territoire d’une autorité locale où un CIL a été adopté, un projet prévoyant la création de nouveaux logements sera également soumis à une contribution au titre de la section 106 qui sera, très probablement, utilisée pour la fourniture de logements abordables. En complément, le projet immobilier sera aussi redevable des cotisations CIL. Ces contributions financières peuvent alors être utilisées par l’autorité locale pour financer des infrastructures spécifiques au site, telles qu’une route d’accès ou un espace vert communautaire, ou pour des avantages sociétaux plus larges, tels que des infrastructures de transport (par exemple, voir Smith, 2023[113]Smith M. (2023). « Financing cleaner transportation: understanding changing trends in capturing developer contributions towards sustainable transport infrastructure », Planning Practice Research, n° 38(2), p. 218-235 [En ligne). Les recherches les plus récentes montrent que l’application, par les autorités locales, des contributions des promoteurs (planning obligations) et du CIL a permis aux promoteurs de contribuer aux équipements à hauteur de 7 milliards de livres sterling au cours de l’année 2018/19, comme l’illustre le tableau 1.
Les résultats présentés illustrent ainsi le volume important des contributions des promoteurs au financement des biens publics par ces deux mécanismes. Les autorités locales ont réussi, année après année, à exiger des contributions qui se sont concrétisées, entre autres, par la production de logements abordables, d’équipements scolaires, d’infrastructures de transport et d’espaces verts.
Des limites
Si ces instruments constituent des leviers importants pour le financement des infrastructures, des équipements publics et du logement social, les travaux de recherche soulignent toutefois plusieurs limites.
Premièrement, si la pratique de la négociation s’inscrit dans le caractère discrétionnaire du système de planification anglais, elle se traduit par des disparités locales fortes en fonction de l’intervention des acteurs locaux et des dynamiques des marchés immobiliers (Crook et Whitehead, 2019[115]Crook T, Whitehead C. (2019). « Capturing development value, principles and practice: why is it so difficult? », Town Planning Review, n° 90(4), p. 359‑81.). Le caractère négocié des obligations signifie en effet que les recettes dépendent en particulier de la capacité des techniciens et des élus des municipalités à négocier avec les promoteurs et à fixer des montants adaptés aux besoins. Dans ces négociations, la mesure de la viabilité économique des projets (Development viability assessment) conditionne le montant des contributions des promoteurs, comme c’est le cas aux Pays-Bas. Cependant, de nombreux travaux soulignent des biais dans ces évaluations du fait de difficultés méthodologiques, d’un manque de transparence des promoteurs immobiliers sur leurs bilans, de conflits d’intérêts des consultants et de l’inégale capacité des autorités publiques à mener des contre-évaluations (Mc Allister, 2017[116]Mc Allister P. (2017). « The calculative turn in land value capture: lessons from the English planning system », Land Use Policy, n° 63. p. 122-129.).
Deuxièmement, faire fonctionner deux systèmes superposés signifie qu’ils interagissent inévitablement. En pratique, à l’échelle locale, cela se traduit par le fait que la présence du CIL limite ce qu’une autorité peut obtenir des contributions négociées (article 106). En effet, le logement abordable est la principale contribution résultant des contributions au titre de l’article 106 – 4,6 milliards de livres sterling sur un total de 7 milliards en 2018-2019 (tableau 1). Cependant, des études récentes montrent que le CIL peut grever, lorsque le marché immobilier est peu dynamique, les contributions des promoteurs au logement abordable, au titre de l’article 106 (Lord, Cheang et Dunning, 2022[117]Lord A, Cheang CW, Dunning R. (2022). « Understanding the geography of affordable housing provided through land value capture: evidence from England », Urban Studies, n° 59(6), p. 1219-1237.).
Troisièmement, la négociation de ces contributions est également un point de débat. En Angleterre, la lenteur de ce processus est régulièrement mise en avant par les élus de droite pour soutenir la critique de ces outils contraignant la promotion immobilière et retardant les projets. S’il n’existe aucune preuve claire que la fixation de ces contributions allonge la durée des opérations d’aménagement, cette caricature d’une prétendue lenteur bureaucratique des urbanistes en Angleterre sert au parti conservateur à justifier des programmes de réforme de ces outils (Malnick, 2022[118]Malnick E. (2022). « Liz Truss: I’ll put an end to “Stalinist” housing targets », Telegraph, July 16. [En ligne). La cristallisation de certaines discussions sur des enjeux techniques confirme le propos de Foye (2022[119] Op. cit.), qui souligne une dépolitisation ancienne des débats sur la captation des plus-values foncières en Angleterre.
Conclusion
Cet article passe en revue les pratiques de trois pays européens – la France, les Pays-Bas et l’Angleterre – de captation de la hausse de la valeur du foncier résultant de l’attribution de droits à construire. Nos résultats mettent en évidence trois approches contrastées face à un même enjeu de politique publique. L’approche française mobilise fortement la taxe d’aménagement complétée par des contributions plus négociées. L’approche néerlandaise se caractérise par une stratégie active d’acquisition et de remembrement foncier pour financer les équipements publics. Cette politique foncière plus interventionniste est également mise en œuvre en France. Cependant, elle implique un engagement et des risques financiers plus élevés pour les collectivités, comme le montre l’expérience néerlandaise, expliquant le recours croissant à des instruments fondés sur des contributions négociées. Enfin, l’approche anglaise apparaît comme un hybride, combinant certains aspects de l’approche française (le CIL se rapprochant de la taxe d’aménagement) et des contributions importantes de l’industrie immobilière.
Les évolutions récentes indiquent ainsi des tendances communes aux trois pays étudiés, convergentes avec les dynamiques observées à l’échelle internationale. L’analyse souligne l’importance croissante des formes négociées de participation des acteurs privés au financement des coûts d’urbanisation. Ces outils présentent des différences en termes de dispositif juridique, de modalité de perception des contributions et d’utilisation des ressources générées (allant des équipements au financement du logement social). Toutefois, dans les trois pays, le choix de ces instruments apparaît être le corollaire d’une recomposition plus large des modèles d’aménagement (avec un recul de l’interventionnisme public), de politiques de consolidation budgétaire (dans des degrés variables selon les pays) et de réticences à la mise en place d’outils plus récurrents de captation des plus-values foncières ou de socialisation de la rente.
L’essor de ces instruments fondés sur le développement immobilier soulève des débats importants. Tout d’abord, les exemples montrent que les ressources générées ne couvrent qu’une partie des coûts engendrés par l’urbanisation, et dépendent fortement des contextes territoriaux et des dynamiques des marchés immobiliers et fonciers. Ensuite, ces instruments sont fortement négociés par les opérateurs. Or les collectivités locales disposent de ressources techniques et politiques inégales dans ces négociations. Enfin, le recours croissant à des instruments de financement fondés sur les projets a des effets non neutres sur la production urbaine. Certains exemples cités montrent comment les acteurs publics doivent arbitrer entre des logiques financières et urbaines. Plus largement, ces outils de financement des infrastructures par l’aménagement urbain sont fondés sur des modèles de développement axés sur la croissance urbaine et la densification. Ils rendent également les financements des équipements publics plus sensibles à la conjoncture économique et aux fluctuations des marchés. Ces outils ont ainsi des effets non neutres sur les transformations sociales et matérielles des territoires. Cet article invite alors à prolonger l’analyse critique et comparée de ces pratiques de captation des plus-values foncières par des travaux empiriques pour interroger leurs conséquences sur la production urbaine, l’offre de biens publics et les disparités territoriales.
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[4] Texte d’origine: « The notion of value capture is to mobilize for the benefit of the community at large some or all of the land value increments (unearned income or plus values) by actions other than the landowner’s, such as public investments in infrastructure or administrative changes in land use norms and regulations ».
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[11] Op. cit.
[12] Suzuki H, Murakami J, Hong YH et al. (2015). Financing transit-oriented development with land values: adapting land value capture in developing countries, Washington DC, World Bank Publications.
[13] Le programme de recherche Financing Clean Air, dirigé par A. Lord, étudie la mobilisation des mécanismes de Land Value Capture pour financer l’amélioration de la qualité de l’air urbain. Il associe différents partenaires : University of Liverpool, Université Gustave Eiffel (Créteil), Radboud Universiteit (Nimègue), Tongji University (Shanghai), Xi’an Jiaotong Liverpool University (Suzhou), Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
[14] Op. cit.
[15] Aveline-Dubach N. (2023). « La captation de valeur foncière et son application à grande échelle en Asie du nord-est », dans Aveline-Dubach N (dir.), Globalisation financière et production immobilière, Londres, ISTE/WILEY.
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[20] Op. cit.
[21] Op. cit.
[22] Op. cit.
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[24] Op. cit.
[25] Op. cit.
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[27] Medda F. (2012). « Land value capture finance for transport accessibility: a review », Journal of Transport Geography, n° 25, p. 154-161.
[28] Op. cit.
[29] Hendricks A, Lacoere P, van der Krabben E, Oorschot C. (2021). « Limits of negotiable developer obligations », Sustainability, n° 13(20), p. 11364.
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[33] Op. cit.
[34] Op. cit.
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[46] Op. cit.
[47] Op. cit.
[48] Idt J, Llorente M, Miot Y, Vilmin T. (2023). L’économie de l’aménagement en pratiques, Paris, Le Moniteur.
[49] Vilmin T. (2006). « Qui finance l’aménagement urbain, le contribuable ou le bénéficiaire ? » Revue d’économie financière, n° 86(5), p. 167-72.
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[51] Des exemptions sont prévues pour la construction de logements très sociaux, d’équipements publics ou de certains locaux d’activités.
[52] En 2021, les recettes annuelles ont représenté 1 270 milliard d’euros pour l’ensemble des communes (Direction générale des collectivités locales. (2022). Les chiffres-clés des collectivités locales, for Lincoln Institute of Land Policy, 7 June 2019. Cambridge, MA).
[53] Coquière A, Jingand O. (2018). Financement des équipements publics, quels outils pour accompagner l’effort de construction ? Paris, IAU Île-de-France.
[54] Guelton S, Pouillaude A. (2022). « Can the French development tax be a strategic land value capture instrument? », Town Planning Review, n° 94(2), p. 1-26.
[55] Op. cit.
[56] Op. cit.
[57] Guelton S, Pouillaude A, Cissé AM. (2023). La taxe d’aménagement, levier d’une urbanisation dense, rapport, Réseau Finances Locales.
[58] Op. cit.
[59] Idt J, Pellegrino M, Baudry S. (2016). Les acteurs publics face aux phénomènes de densification spontanée : une comparaison franco-italienne, Paris, rapport de recherche du PUCA.
[60] Op. cit.
[61] Baraud-Serfaty I, Pauchon A, Sabbah C. (2024). Transparence sur les ZAC, rapport technique, Paris, Institut des Hautes Études pour l’Action dans le Logement (IDHEAL), 128 p.
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[63] Op. cit.
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[65] Op. cit.
[66] Op. cit.
[67] Baltzer F. (2018). « Quelle politique foncière pour l’Île-de-France ? », L’Économie politique, n° 78, p. 40-53.
[68] Op. cit.
[69] Idt J. (2023). « Chapitre 5. Le patchwork francilien de l’aménagement urbain. Grands projets, petites opérations, transformations urbaines à leurs marges », dans Artioli F, Le Galès P (dir.), La métropole parisienne, une anarchie organisée, Paris, Presses de Sciences Po, p. 147-167.
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[77] Op. cit.
[78] Op. cit.
[79] Op. cit.
[80] Op. cit.
[81] Op. cit.
[82] Op. cit.
[83] Buitelaar E, Lagendijk A, Jacobs W. (2007). « A theory of institutional change: illustrated by Dutch City-Provinces and Dutch land policy », Environment and Planning A: Economy and Space, n° 39(4), p. 891-908. [En ligne].
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[86] Op. cit.
[87] Op. cit.
[88] Van der Krabben E, Ploegmakers H, Samsura A. (2011). « The Netherlands: the public development of land », dans Tira M, Van der Krabben E, Zanon B (dir.), Land management for urban dynamics: innovative methods and practices in a changing Europe, Pise, Maggioli Editore.
[89] Op. cit.
[90] Op. cit.
[91] Op. cit.
[92] Ministerie van VROM, Ministerie van Financiën. (2001). Nota Grondbeleid (Land Policy Memorandum), La Haye.
[93] Op. cit.
[94] Op. cit.
[95] Op. cit.
[96] Op. cit.
[97] Pedro M. (2021). « Vers un abandon de la politique foncière active ? L’évolution des modalités de captation des plus-values foncières aux Pays-Bas », Foncier en Débats, mai. [En ligne].
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[99] Op. cit.
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[103] Op. cit.
[104] Op. cit., p. 6.
[105] Op. cit.
[106] Crook T, Henneberry J, Whitehead C. (2016). Planning gain: providing infrastructure and affordable housing, Hoboken, NJ, Wiley-Blackwell.
[107] Op. cit.
[108] Op. cit.
[109] Pike A, O’Brien P, Strickland T, Thrower G, Tomaney J. (2019). « Financialising city statecraft and infrastructure », dans Pike A, O’Brien P, Strickland T, Financialising city statecraft and infrastructure, Londres, Edward Elgar Publishing.
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[112] O’Brien P, Pike A, Tomaney J. (2019). « Governing the “ungovernable”? Financialisation and the governance of transport infrastructure in the London “Global City-Region” », Progress in Planning, n° 132.
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[117] Lord A, Cheang CW, Dunning R. (2022). « Understanding the geography of affordable housing provided through land value capture: evidence from England », Urban Studies, n° 59(6), p. 1219-1237.
[118] Malnick E. (2022). « Liz Truss: I’ll put an end to “Stalinist” housing targets », Telegraph, July 16. [En ligne].
[119] Op. cit.