frontispice

L’atelier-projet
en sciences du territoire
Un module de formation
vers l'insertion professionnelle

• Sommaire du no 12

Éric Grasset Université Lyon 3. Laboratoire d’études rurales (Ler, Université Lyon 2) Emmanuel Thimonier-Rouzet Université Lyon 3 - UMR 5600 Environnement, ville, société (EVS) CNRS - UrbaLyon

L’atelier-projet en sciences du territoire : un module de formation vers l'insertion professionnelle, Riurba no 12, juillet 2021.
URL : https://www.riurba.review/article/12-atelier-2/atelier-projet/
Article publié le 1er oct. 2023

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Éric Grasset, Emmanuel Thimonier-Rouzet
Article publié le 1er oct. 2023
  • Abstract
  • Résumé

The project-based learning workshop in territorial sciences: an employability training

Based on thirty years of experimentation in the Department of Land-use planning at Lyon 3 University, this paper aims to put into perspective the project-based learning workshop –collective work of a group of students fulfilling a non-fictitious order from stakeholder-partners – while being supervised by both teacher-researchers and sponsors. The authors investigate the pedagogical tool, its impact and purpose, not only on the quality of the training provided, but above all in its interaction with the working world. In doing so, they highlight its key role in enhancing student employability.

Basé sur trente ans d'expérimentation au sein de la filière aménagement de l’université Lyon 3, cet article invite à mettre en perspective l’atelier-projet – travail collectif d’un groupe d’étudiants – en réponse à une commande réelle issue d’acteurs-partenaires, travail encadré à la fois par les enseignants-chercheurs et les commanditaires. Les auteurs questionnent l’outil pédagogique, ses impacts et sa finalité, non seulement sur la qualité de la formation dispensée, mais surtout dans ses interactions avec le monde professionnel. Ils mettent ainsi en exergue son rôle central dans la bonne insertion professionnelle des étudiants.

Cet encadré technique n’est affiché que pour les administrateurs
post->ID de l’article : 2063 • Résumé en_US : 2090 • Résumé fr_FR : 2086 •

Introduction générale

Les formations dites « professionnalisantes », et particulièrement l’atelier-projet dans lesquelles il s’insère, deviennent une pratique classique de l’enseignement de l’aménagement et de la gestion des territoires. Ce qualificatif de « professionnalisant » s’entend au sens de la mise en situation professionnelle, c’est-à-dire tel que le serait un praticien exerçant en bureau d’études, par exemple. Depuis la mise en place, dans les années 1990/2000, de cursus de deuxième et de troisième cycles[1]Qu’il s’agisse des maîtrises de sciences et techniques (MST), magistères, instituts universitaires professionnalisés (IUP), diplômes d’études supérieures spécialisées (DESS). à forte portée professionnelle (Phlipponneau, 1999[2]Phlipponneau M. (1999). La géographie appliquée. Du géographe universitaire au géographe professionnel, Paris, Armand Colin, 304 p.), la pédagogie de l’atelier s’est imposée comme une pratique incontournable des formations des futurs chargés d’études en matière d’ingénierie territoriale. Que son approche et sa commande répondent à une problématique à dominante rurale, périurbaine ou urbaine, l’atelier invite à initier des étudiants à des pratiques d’analyses d’aide à la décision ou de « relation de consultance » (Nicolas Le Strat, 2003[3]Nicolas-Le-Strat P. (2003). La relation de consultance. Une sociologie des activités d’étude et de conseil, Paris, L’Harmattan, 252 p.). La réponse à la commande consiste en une prestation à destination d’un commanditaire : collectivité territoriale, service de l’État, Société d’économie mixte (SEM) aménageuse, ou encore cabinet-conseils, associations, etc. La plupart du temps, le travail du groupe d’étudiants, missionnés sur l’année de formation, consiste en une sous-traitance que le commanditaire (donneur d’ordres) n’a pas le temps de réaliser en interne, ou qu’il ne souhaite pas externaliser à un bureau d’études. Pour répondre aux attentes pédagogiques, le cahier des charges est discuté, plusieurs mois en amont du début de l’atelier, entre enseignants-chercheurs (EC) et commanditaires, afin de s’assurer de sa faisabilité technique dans un temps limité à l’année de formation. La quasi-totalité de ces derniers ont des relations préliminaires avec les EC de la formation (Carriou, 2018[4]Carriou C. (2018). « L’expérience des “commandes financées” au sein du master d’urbanisme de l’université Paris Nanterre », dans Cohen C, Devisme L (dir.), L’architecture et l’urbanisme. Au miroir des formations, Cahiers Rameau, n° 9, Paris, La Villette.) (anciens étudiants, interconnaissances, maîtres d’apprentissage en entreprises, partenaires recherche-action, etc.).

Pour les commanditaires, la dimension transmission des savoir-être et savoir-faire vers de potentiels futurs collègues est, également, présente. C’est aussi, pour les EC qui encadrent les étudiants, une manière de renouveler leurs connaissances et de ne pas être dans une pédagogie « descendante ». Malgré, parfois, quelques limites dans l’organisation, l’atelier constitue, inéluctablement, un partenariat « gagnant-gagnant » entre trois parties au sein d’une formation : des acteurs professionnels, un groupe d’étudiants et une équipe d’EC.

Basé sur un retour d’expérience de trente ans, suite à un Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) puis d’un mMaster de Gestion des territoires et de développement local (GTDL), cet article invite à mettre en perspective les objectifs pédagogiques associés à l’atelier élaboré en réponse à une commande réelle issue d’acteurs-partenaires réguliers (ou non). Il cherche à démontrer en quoi la situation de commande modifie les pratiques pédagogiques et les relations enseignants-étudiants, et quelles en sont les implications sur les apprentissages. Cet article explique, également, comment les étudiants se projettent dans l’exercice : comment font-ils groupe ? Quels rôles les EC encadrants jouent-ils dans l’accompagnement de la diversité des expériences des apprenants ? Quels dispositifs sont mis en place pour permettre la transmission d’un « habitus professionnel », pour développer des pratiques créatives et pour encourager le recul critique ?

S’il répond aux attentes des étudiants, valorisant les processus d’exploration de contenus plutôt que les cours magistraux, l’atelier n’en est pas moins intimidant. En effet, une telle « plongée » dans le monde professionnel, à l’extérieur du monde universitaire, est, initialement, source d’interrogations au sein du groupe. Toutefois, la mise en situation en « mode projet », au sein d’un collectif de pairs, permet de « dédramatiser » ce travail singulier, en rassurant, chemin faisant, les étudiants sur une telle pratique.

Cet article n’a pas vocation à procéder à une nouvelle revue de littérature française ou internationale sur l’atelier (Bastin et Scherrer, 2018[5]Bastin A, Scherrer F. (2018). « La pédagogie de l’atelier en urbanismeRevue internationale d’urbanisme (Riurba), n° 5.) ; il s’inscrit, à travers un retour d’expérience problématisé et argumenté, dans une mise en perspective des objectifs pédagogiques élaborés en réponse à une commande réelle issue d’acteurs-partenaires. Il documente, à cet effet, les retours d’expériences des trois parties prenantes que sont les étudiants, les EC et les commanditaires. Il cherche à explorer les modifications que la situation de commande entraîne, non seulement sur les pratiques pédagogiques des enseignants, mais, aussi, dans les relations au sein du groupe des étudiants en situation d’apprentissage. Il questionne l’impact du travail en équipe et s’interroge sur les mécanismes, en filigrane, qui permettent d’aboutir à une insertion professionnelle efficiente.

Du DESS « Politiques d’aménagement des collectivités territoriales »
au master « Gestion des territoires et développement local »,
la pratique de l’atelier-projet comme fil rouge pédagogique

D’abord « chasse gardée » des ingénieurs et autres hauts fonctionnaires de l’État essentiellement formés en « sciences dures », l’aide à la décision en aménagement du territoire va s’ouvrir progressivement à des professionnels issus de disciplines plus humanistes (Massardier, 1996[6]Massardier G. (1996). Expertise et aménagement du territoire. L’État savant, Paris, L’Harmattan, 286 p.), notamment en raison de la première grande phase de décentralisation des années 1980. AÀ l’interface de la géographie (Michon et Pitte, 2021[7]Michon P, Pitte JR (dir.). (2021). À quoi sert la géographie ? Paris, Presses universitaires de France, 444 p.), du droit, de la science politique, de l’économie et de la gestion, de la sociologie, de l’histoire, l’aménagement s’apprend –  et se pratique  – au sein de formations pluridisciplinaires performantes permettant de croiser des expertises et des pratiques professionnelles complémentaires (Thimonier-Rouzet, 2022[8]Thimonier-Rouzet E. (2022). « La professionnalisation de la géographie par l’aménagement du territoire : une réflexion par la performance des formations universitaires », dans Baron N, Cattaruzza A, Lemarchand N, Rouget N, Sepulveda B. (dir.), Fragments de Géo, Vincennes, Presses universitaires de Vincennes, p. 141-154.). La formation dispensée se veut, donc, généraliste, formant des professionnels polyvalents, capables d’appréhender les problématiques multiples de l’aménagement, de l’urbanisme et du développement local. Des « parcours » permettent un premier mode de spécialisation dans des domaines tels que les transports, le foncier, la gestion des risques (naturels, industriels, etc.) ou encore, le développement durable. La pratique d’un stage et/ou d’un apprentissage, durant au moins l’une des années de formation, constitue un second mode de spécialisation, cette fois-ci individuelle. Liant les deux modes de spécialisation, l’atelier cherche à préparer les étudiants à leur « transition » vers la vie active ou l’entrée en doctorat.

Interdisciplinarité et (pré)professionnalisation,
essences même des sciences territoriales

C’est à la fin des années 1980 que les doyens des facultés des lettres et civilisations et de droit[9]Jacques Bonnet et Émile-François Callot. de l’université Lyon 3 décident de rapprocher leurs disciplines — respectivement, la géographie et le droit — et de mettre en place un diplôme de troisième cycle spécialisé en aménagement et développement territorial. En 1991, le DESS « Politiques d’aménagement des collectivités territoriales (Pact) » est créé.

Très sélective à son entrée et ne réunissant qu’une petite trentaine de jeunes par promotion, cette formation recrute des étudiants issus des disciplines citées plus haut et provenant de toute la France. Son ouverture à des personnes en reprise d’études ou déjà en poste (formation continue) lui a permis d’enrichir, opérationnellement parlant, les promotions concernées. Ce DESS constituait la suite logique mais aussi et surtout le perfectionnement des acquis issus du deuxième cycle universitaire. En effet, certains d’entre eux s’engageaient dans une première étape vers la professionnalisation, à l’instar de la maîtrise d’aménagement, avec la possibilité offerte aux étudiants de réaliser un stage en fin d’année[10]En 2001, une modification complète de l’organisation du Second cycle d’aménagement a permis de franchir une étape supplémentaire en concentrant les cours sur trois semestres et en permettant un stage de six mois à partir de janvier de la maîtrise. En parallèle, un atelier d’aménagement de découverte (avec une commande fictive) est mis en place au second semestre de la licence..

Le stage de DESS concluait cette professionnalisation et spécialisait individuellement les étudiants. Mais, en amont de cette spécialisation individuelle, le DESS comportait un module de formation très encadré et noté : l’atelier. Ce dernier, qui démarrait dès la rentrée universitaire et s’achevait avant le départ en stage des étudiants fin mars, était le fruit d’un partenariat passé entre l’université et un praticien de l’aménagement. À la différence de la commande fictive en licence, l’atelier de DESS reposait sur des dispositifs pédagogiques singuliers et introduisait un troisième acteur dans la relation pédagogique entre EC et étudiants : le commanditaire.

À partir de 2004, au moment du passage du DESS au master « Aménagement et développement des territoires », cet enseignement « atelier » a été renforcé. Son développement est lié aux évaluations très positives des étudiants, même si, parfois, certains collègues EC, souvent issus d’autres champs disciplinaires que l’aménagement et l’urbanisme, n’en comprennent pas toujours l’intérêt pédagogique, estimant que les heures d’enseignement doivent, davantage, être tournées vers la diffusion de savoirs que vers la méthodologie et le savoir-être. La nécessité d’une telle pédagogie –  basée sur la formation par la pratique professionnelle  – a été encore renforcée par le passage à l’alternance avec, en 2009, l’ouverture en apprentissage de l’année de M2 pour l’un des parcours. Cette organisation sera amplifiée avec la mise en place d’un master « Gestion des territoires et développement local (GTDL) », en 2016, cohabilité par les universités Lyon 2 et Lyon 3. Ce master, alors organisé en six parcours, offrait, aux étudiants, 90 places par an. Actuellement, deux parcours sont ouverts en alternance et en apprentissage. Ces parcours[11]Cet article est, plus spécifiquement, centré autour des ateliers-projets conduits en master GTDL parcours Ingeter. Des comparaisons peuvent néanmoins être conduites avec la L3 d’aménagement ou d’autres parcours de master. effectuent des ateliers qui prennent des noms différents : « ateliers professionnels », « ateliers-projets », ou encore « projets tuteurés ». Néanmoins, s’il y a différentes dénominations dans les maquettes, les objectifs pédagogiques restent les mêmes : l’atelier est une des ossatures conceptuelles de GTDL.

De l’appréhension d’une pratique nouvelle
au plébiscite de l’atelier

Mettre les étudiants en situation de « consultants » dans le cadre d’une commande réelle, passée par un acteur-praticien, sur un semestre ou une année, est, donc, devenu un classique des formations en aménagement du territoire.

Aux yeux de certains étudiants, insuffisamment aguerris aux pratiques professionnelles car ne disposant pas de beaucoup de cours en la matière en licence notamment, l’atelier peut, parfois, initialement apparaître comme un « gros dossier » supplémentaire à rendre, dans un cadre pédagogique qui peut les déstabiliser par sa forme atypique. En effet, pour eux, apprendre à s’organiser et à travailler dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire de plus de quinze personnes, se répartir le travail de manière équilibrée, jouer la carte de la complémentarité (en termes d’outils, de méthodologies, de savoir-faire, de compétences, de connaissances, etc.), dans un temps limité, s’avère difficile. L’ensemble est rythmé/jalonné par plusieurs restitutions intermédiaires qui entraînent des appréhensions liées au caractère inédit de cette mise en situation très concrète. Alors que trop d’enseignements sont en mode « silo », avec un cours et une évaluation finale, l’atelier est composé et jalonné d’étapes intermédiaires successives. Après un rendu écrit et oral en décembre, il faut reprendre le dossier et poursuivre le travail collectif à la suite des orientations fournies par les commanditaires, à l’image et à la manière d’un acteur praticien de l’ingénierie territoriale et de l’aide à la décision.

Les étudiants ne choisissent, quasiment jamais, la commande (problématique, territoire, commanditaire, calendrier, etc.), et ils ne sont pas mis en situation préalable de choisir de répondre à l’appel d’offres relatif à celle-ci ; la commande est, en effet, proposée par les EC comme un « classique » sujet d’examen. Soulignons –  et c’est une limite importante de l’exercice de l’atelier  – que lorsque les étudiants décident, eux-mêmes, de leur commande, même si celle-ci est bien discutée et négociée avec des commanditaires puis validée par les EC, l’ambiance de groupe peut s’en trouver affectée. En effet, la proposition du sujet émane de quelques étudiants qui, au travers du travail d’atelier, peuvent jouer une carte plus individuelle telle leur propre insertion professionnelle. Dès lors, l’implication de chaque étudiant n’est pas la même : ceux à la base de la commande sont très moteurs tout au long de la mission –  se positionnant, parfois, comme les « leaders autoproclamés »  –, tandis qu’une partie des autres se contente d’exécuter les tâches leur incombant mais pas avec la même motivation. L’encadrement des EC devient, alors, moins aisé et se joue, davantage, sur la cohésion du groupe.

En licence 3 d’aménagement, si aucune réponse à appel d’offres n’est produite en conditions réelles, les étudiants suivent des enseignements théoriques et méthodologiques en la matière. Des enseignements complémentaires, codispensés par des EC et des praticiens de l’aménagement et du développement territorial, englobent toutes les étapes de la gestion et du management de projets, notamment via la réalisation d’un diagnostic de territoire (Dumont, 2018[12]Dumont GF. (2018). Les territoires français : diagnostic et gouvernance. Concepts, méthodes, applications, Paris, Armand Colin, 288 p.), tout en pouvant être, également, mis en situation dans le cadre d’études de cas fictives.

Les principaux questionnements critiques des étudiants, recensés lors des évaluations de fin d’année pour la gestion de l’atelier, sont : la taille du groupe (environ 18dix-huit  étudiants), la thématique du sujet peu ou pas appréciée de toute la promotion, la difficulté à faire fonctionner le groupe de manière équitable –  c’est-à-dire au sein duquel chaque étudiant trouve sa place et participe aux travaux  –, l’appétence pour les commandes thématiquement plus ciblées jugées plus faciles à réaliser. Le rôle de l’EC encadrant est de « dédramatiser » l’atelier en expliquant, notamment, aux étudiants, que bon nombre de commandes de prestations d’ingénierie territoriale  doivent être (re)précisées eu égard auxles questions de l’équipe-projet et l’objectif à atteindre de la mission. Autrement dit, si la mission à réaliser peut paraître imprécise, il est important, pour le prestataire, de reprendre les termes du cahier des charges et de reformuler, avec son commanditaire, les enjeux et les attendus du travail à mener. Autre point de discussion : la charge de travail liée à l’alternance université/entreprise[13]Pour mémoire, les étudiants en contrats d’apprentissage ou contrat de professionnalisation perçoivent une gratification et des avantages supérieurs aux classiques stages universitaires. Ainsi, en règle générale, ils perçoivent, a minima, 50 % de revenus supplémentaires et sont indemnisés pendant leurs semaines de formation à l’université., avec le fait d’avoir plusieurs dossiers à traiter en parallèle (l’atelier, les cours et les examens, l’alternance et un mémoire de fin d’année). Dans le cadre de l’atelier, le calendrier de travail est imposé par le commanditaire, même si les EC peuvent lui demander des adaptations lorsque les étudiants sont soumis, simultanément, à plusieurs rendus pédagogiques ou sont dans une période consacrée au temps en entreprise. En d’autres termes, la « synchronisation » des rythmes et des calendriers de travail –  du commanditaire et des groupes d’étudiants prestataires  – n’est pas toujours aisée. La massification de l’apprentissage modifie le rapport à l’atelier (Bonneau et André, 2021[14]Bonneau E, André C. (2021). « L’atelier de projet d’urbanisme à l’heure de la transition écologiqueRevue internationale d’urbanisme, n° 11.).

Dans le même ordre d’idée, il est à noter que les ateliers de M1 et de M2 de l’année universitaire 2020-2021 ont été fortement impactés par les périodes de confinements liés à la crise sanitaire. Cette situation, inédite et exceptionnelle, a obligé les étudiants à modifier leurs pratiques de déplacements et d’enquêtes : taille des groupes, mise en place d’enquêtes en ligne via le recours aux réseaux sociaux, etc. Le suivi à distance, par les EC, a été bien vécu et, finalement, la qualité du travail n’a pas été impactée, comme l’ont souligné les commanditaires.

Mais, après une prise de recul de quelques mois et une progression professionnelle qui implique, de la part des étudiants, un état d’esprit moins scolaire lié à leur stage ou leur apprentissage, l’atelier est bien perçu comme un enseignement pratique fondamental : « Je trouve ce type d’enseignement très formateur et très intéressant. Je ne peux que conseiller de l’étendre à d’autres cours, dans la mesure du possible. J’ai beaucoup appris à travers ces ateliers, tant d’un point de vue pratique que managérial », confie un étudiant de M2, inscrit dans le parcours « Ingénierie des collectivités territoriales et stratégie foncière (Ingeter) » du master GTDL. De même, les anciens étudiants écrivent, lors des enquêtes soumises après l’obtention de leur diplôme : « Je pense que l’atelier est un point fort de la formation » ; « Il a, parfois, été difficile et pénible de porter certains étudiants, mais, finalement, je vis la même chose, aujourd’hui que je suis en poste, avec certains collègues ». Lorsque les étudiants sont appelés à évaluer le parcours Ingeter, ils plébiscitent les expériences des deux ateliers dont l’expertise de terrain et la rencontre d’acteurs constituent les clés de voûte.

L’atelier-projet,
dans le cadre d’une formation en alternance,
clé d’une insertion professionnelle plus aisée

La formation met les étudiants en situation d’intense pluriactivité : ils alternent des périodes de cours théoriques et d’atelier à l’université, et des périodes « opérationnelles » au sein de leur structure d’apprentissage. Sur le second semestre, l’activité des étudiants s’intensifie, notamment avec la production du mémoire et la recherche d’emploi (le cas échéant). Cette pluriactivité est très fréquente en situation professionnelle : ainsi, l’année de M2, plus particulièrement, constitue un véritable sas entre vie étudiante et vie professionnelle ; l’atelier en est, aussi, l’un des éléments dynamiques.

Pour les étudiants, l’atelier constitue, donc, un mode de faire concret dans une période transitoire. Ils se forment aux bonnes pratiques professionnelles tout en étant à l’université. La confrontation directe, avec les commanditaires de la prestation (Gomes et Bognon, 2018[15]Gomes P, Bognon S. (2018). « L’atelier pédagogique en urbanisme : apport des commanditaires à l’apprentissage par problèmes appliqués », Territoire en mouvement. Revue de géographie et aménagement, p. 39-40.), les invite à se responsabiliser et à se « mettre en tension », à l’instar de praticiens en exercice. Cette assertion s’est confirmée avec l’extension de l’alternance, depuis la rentrée 2021, aux M1 du parcours Ingeter. Dès lors, l’atelier de M1 se déroule tout au long de l’année universitaire, de septembre à juin, à l’instar de celui de M2.

Atelier, stage ou apprentissage, invitent, au fil du temps, à une relation partenariale forte entre la formation et le monde des praticiens. C’est dans cet esprit que les modalités de recrutement des étudiants répondent, avant tout, à l’interdisciplinarité de la formation propre à la section 24 du Conseil national des universités (CNU). De plus, la région lyonnaise –  support territorial de la plupart des ateliers proposés aux étudiants  – constitue un laboratoire d’expérimentation professionnelle très intéressant tant la diversité des structures y est riche, et tant les problématiques et projets de territoires y sont singuliers et nombreux.

La professionnalisation poussée via l’atelier et l’alternance composent « l’ADN » de cette formation en aménagement et développement local prisée par des étudiants de tous horizons géographiques, mais, aussi, par des professionnels en reprise d’études ou en formation continue. Bien que moins nombreux –  le master privilégiant le recrutement de jeunes en formation initiale  –, ces types de profils apportent une véritable valeur ajoutée à chaque promotion. Par leur attitude plus professionnelle, ils sont plus sereins dans l’action et la relation avec les commanditaires. Ils rassurent les étudiants plus jeunes en créant une dynamique de travail propice au gain de confiance en soi. Forcément plus expérimentés, ils permettent une montée en compétences du collectif et contribuent à l’objectif pédagogique du Master : assurer l’insertion sur le marché du travail des jeunes diplômés par un contact continu avec le monde professionnel dès leur formation universitaire.

L’atelier-projet,
une professionnalisation collective « rassurante »

L’entrée en deuxième cycle et,, plus particulièrement,, la spécialisation en master qui en découle, suscitent, presque toujours, les appréhensions des étudiants. Ils se retrouvent confrontés à des mises en situations réelles inédites, et, surtout, à des professionnels dont ils craignent le regard aguerri. C’est pourquoi l’atelier constitue  une première grande étape vers la prise de confiance personnelle, dans le cadre d’un travail collectif obligatoire, certes chronophage mais très formateur. Au fil de l’avancement de la prestation, chaque étudiant progresse en compétences ou savoir-faire, mais aussi –  et surtout  – de savoir-être, souvent sans s’en rendre pleinement compte. L’équipe devient, elle aussi, davantage compétente. Un ancien étudiant du parcours Ingeter témoigne : « Au même titre que les stages de fin d’année et de l’alternance, l’exercice de l’atelier nous a permis de passer de la théorie à la pratique (ce qui est, en soit, très intéressant), et a, ainsi, participé à la transition entre études et vie professionnelle en nous permettant de gagner en confiance ».

Apprendre à se connaître
et à travailler différemment ensemble…

Les premières heures de travail de l’atelier ne sont pas les plus faciles pour les étudiants. Pourtant, elles revêtent un caractère fondamental. En effet, si l’on prend l’exemple de l’atelier de M1, dès la séance de présentation de la commande par le partenaire, les étudiants sont appelés à réagir/rebondir et à questionner le commanditaire, concernant ses besoins. C’est le début de la confrontation des avis et autres idées de chacun face à une problématique que les étudiants doivent s’approprier. L’appropriation ne se pratique pas en mode magistral (à l’instar d’une conférence réalisée par un professionnel), mais en mode questionnements constructifs permettant de bien comprendre les enjeux et les objectifs du travail à réaliser en vue, in fine, d’apporter des éléments de préconisations, de solutions, voire de scénarisations. Comme tout groupe, la promotion doit, aussi, apprendre à construire une décision collective. Ce qui n’est simple pour aucun groupe et l’est encore moins pour quinze à vingt étudiants nouvellement recrutés dans un parcours de M1, et. Et ce, malgré le rôle d’animateur-régulateur joué par les EC encadrants (Noce, 2009[16]Noce T. (2009). Prendre des décisions collectives avec des méthodes participatives, Lyon, Chroniques sociales, 264 p.).

La séance de présentation de la commande est celle des premiers échanges entre les membres de l’équipe d’étudiants qui devront, durant plusieurs mois, travailler ensemble. Cela signifie apprendre à se connaître, à débattre sur le sujet et à s’organiser en sous-groupes complémentaires en fonction des origines de formation de premier cycle, : le recrutement en Ingeter, étant, volontairement, composé d’étudiants issus d’horizons divers (aménagement, science politique, économie, gestion, droit, sociologie, géographie, histoire, etc.). L’objectif est d’avoir un véritable collectif professionnel constitué de sensibilités, aux modes de fonctionnement, compétences et savoir-être toujours complémentaires –  à l’instar d’un cabinet d’études, par exemple  – tout en ayant, aussi, des disponibilités différentes liées aux activités professionnelles extra-universitaires sources de financement des études.

… sur une commande non choisie
mais dont les étudiants se souviennent

Pour certains des étudiants de M1, l’atelier est une véritable « première » expérience professionnelle bien que, malgré tout, dans un contexte quelque peu fictif : ils sont mis en situation de professionnels/prestataires d’un service mais travaillent sur une commande dont ils n’ont pas choisi la problématique, le territoire, les partenaires et le calendrier. En situation réelle, les collaborateurs d’un cabinet-conseil auraient pu, préalablement, se concerter[17]En fonction de leur niveau dans la hiérarchie. Il est évident que, dans de nombreuses entreprises ou collectivités, la direction générale fait des choix sans échange préalable avec les salariés., en amont de produire la réponse à l’appel d’offres, sur l’opportunité de s’engager ou non dans un tel travail. Autre élément de différenciation : aucun budget n’est alloué à la réalisation de la prestation d’atelier des étudiants, ce qui permet de lancer des études, sans officialisation, par l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale.

Malgré ces différences avec la réalité professionnelle, l’expérience de l’atelier est particulièrement prenante, tant dans les esprits que dans le temps consacré au travail. En effet, à des moments-clés du calendrier –  souvent à la veille des temps de restitution intermédiaire  –, il n’est pas rare d’observer des « charrettes[18]Expression souvent employée par les architectes à la veille d’un rendu. » où le groupe peut se trouver en situation de tensions afin de respecter les délais prévus. En effet, les autres enseignements de la formation invitent, aussi, à des rendus à réaliser en groupes (dossiers, exposés, etc.), ; des examens individuels pouvant, également, être positionnés à proximité des temps importants de l’atelier. Ces moments sont conformes à ce qui attend les étudiants au cours de leurs stages et/ou apprentissages, ou dès leurs premières prises de fonctions et de responsabilités.

Si, au moment des évaluations en fin de chaque année, certains réclament une organisation plus linéaire, voire plus scolaire, de la charge de travail, lors des évaluations postérieures à la formation, tous reconnaissent que ces pics, dans la charge de travail, correspondent à leur monde professionnel actuel. Un autre ancien étudiant du parcours Ingeter dit : « L’atelier met l’étudiant en situation professionnelle et le responsabilise : l’étudiant devient un jeune praticien, ce qui lui permet permettant de rompre avec les travaux et les attitudes purement scolaires, souvent sans lendemain, et qui ne se traduisent pas au-delà d’une note ».

Plusieurs années après leur cursus de formation, ces moments, avec des tensions temporelles, restent marquants pour les étudiants : ils sont partie intégrante du bon apprentissage du futur professionnel.

Un apprentissage « chemin faisant »
développant la confiance en soi
via la maîtrise des techniques et outils
mais, aussi, du savoir-être

Si l’atelier apporte, aux étudiants, des moments de questionnement sur leurs capacités ou des moments de stress, il leur apporte, aussi, l’expérience d’un apprentissage professionnel progressif, sûr et innovant (Zepf et Roux, 2014[19]Zepf M, Roux JM. (2014). « L’atelier, un outil de formation innovant : méthodologie et attendus », dans Bensahel L, Zepf M, Roux JM, Révéler, projeter, partager le territoire : l’étudiant acteur de sa formation, Paris, L’Harmattan, p. 75‑81.), tant sur les connaissances que sur les compétences acquises, ou encore les savoir-être et postures.

En termes de connaissances, il peut s’agir, par exemple, des jeux et des rapports de force entre les acteurs en présence sur le territoire du projet : savoir composer avec eux, comprendre –  voire anticiper  – leurs attitudes ou leurs comportements dans des contextes particuliers, notamment. Il faut savoir les détecter, les intégrer d’une manière ou d’une autre, dans le projet, compte tenu, par exemple, de l’historicité du territoire d’étude. Cela correspond à un niveau de connaissances fondamental pour la suite du parcours professionnel de chaque étudiant. L’acquisition de ces connaissances est d’autant plus efficiente qu’elle constitue, souvent, une application ou une mise en situation réelle d’autres enseignements de la formation.

En termes de compétences, c’est la maîtrise des techniques et outils du management de projet qui s’acquiert, chemin faisant, mais de manière définitive. Bien entendu, la seule expérience d’un atelier ne suffit pas à maîtriser, parfaitement, ces techniques et outils ; mais, comme pour les connaissances, le fait de s’y initier en situation réelle permet, aux étudiants, d’en retenir les fondamentaux et ce, de manière pratique, en lien avec les cours théoriques. Dans les outils, doivent être intégrés les modes/process de représentations des territoires et de leurs enjeux : là aussi, c’est par des pratiques régulières, tout au long de l’atelier et encadrées par des professionnels, que se fait l’apprentissage.

Depuis 2019, l’atelier cherche à faire acquérir, aux étudiants, l’essentiel des compétences des agents de développement rural recensées lors des travaux de recherche conduits en Auvergne-Rhône-Alpes par Cap Rural, centre de ressources sur les pratiques et les métiers du développement local, et le Laboratoire d’études rurales (Ler[20]Équipe d’accueil (EA), Université Lyon 2.). Parmi les six compétences essentielles, pour les prochaines années, émergeant de l’enquête décennale des métiers et des emplois[21]Enquête sur les métiers et les emplois du développement local en Auvergne-Rhône-Alpes, conduite en 1999, 2009 et fin 2019. La dernière enquête porte sur des agents de développement exerçant, essentiellement, dans les espaces ruraux mais, sans surprise, aujourd’hui, la moitié des enquêtés estiment que leur territoire a des enjeux urbains ou périurbains. (Grasset, 2021[22]Grasset E. (2021). « Emplois et métiers de l’ingénierie du développement : 20 ans d’évolution en Auvergne-Rhône-Alpes », Revue Pour, n° 240-241, p. 155-171.), la transversalité et l’animation sont, particulièrement, consolidées pendant les enseignements de l’atelier.

Enfin, les anciens étudiants reconnaissent à l’atelier « un intérêt fort dans la pratique de l’équilibre entre l’intégration des attentes de la maîtrise d’ouvrage et le devoir de neutralité que revêt la pratique du conseil ». En effet, la posture de l’acteur « aidant à la décision », dans laquelle se trouvent les étudiants dans le cadre de leur atelier, les invite à rester objectifs en tout point et à tout moment de la mission, alors même que le commanditaire pourrait, dans certains cas, avoir quelque résultat préconçu de l’étude. Ces expérimentations concrètes donnent du corps à leur futur métier, consolidant ou affinant leur vocation.

Pour les étudiants, beaucoup se joue, donc, en peu de temps (six mois environ) : ils s’initient à la prise en main d’une partie de la panoplie professionnelle indispensable. Ils développent, au fil de l’eau, leur esprit critique, de bons réflexes techniques, et engrangent de la confiance entre eux et en eux. Il s’agit d’une base incontournable de leur réussite et, tant collectivement qu’individuellement, de leur satisfaction de « savoir-faire » et d’être utile avant même d’avoir un emploi : « L’aspect concret/opérationnel de l’atelier peut, in fine, changer le quotidien des acteurs du territoire En effet, il me semble très important que l’exercice ne constitue pas qu’une simple réflexion, mais que la prise en compte de ses résultats, par la collectivité-commanditaire, puisse, vraiment, répondre à un besoin ou à une demande issue des acteurs du territoires (habitants, commerçants, associations, etc.) », précise une ancienne étudiante du parcours Ingeter.

L’atelier apporte, donc, des compétences multiples aux jeunes diplômés mais, aussi, un gain de confiance pour aller au contact des recruteurs pour les entretiens d’embauche.

La réussite d’un apprentissage collectif
et la satisfaction du commanditaire
comme principaux critères d’évaluation

L’atelier fait l’objet d’une évaluation notée par le commanditaire qu’on appellera « partenaire » plutôt « qu’évaluateur ». Cependant, plus que la note, c’est le retour circonstancié et qualitatif de ces partenaires de travail qui demeure le plus formateur et qui, pour les étudiants, doit vraiment faire sens. Pour lier évaluation quantitative (la note obtenue) et évaluation qualitative (les commentaires et appréciations), une grille sert de support. AÀ titre d’exemple, dans le cadre d’un atelier régulier avec la vVille de Lyon[23]Cet atelier régulier, proposé par la ville de Lyon, est important pour le parcours Ingeter du master GTDL car symbolique d’un « écosystème » de la formation : en effet, cet atelier est proposé et piloté par un ancien étudiant du DESS Aménagement et politiques des collectivités territoriales, présenté dans la section 1. Depuis près de dix ans, cet ancien étudiant, devenu ingénieur territorial, renouvelle avec son équipe, sa confiance au master via l’atelier. Par ailleurs, il intervient dans un des parcours de la formation, sous la forme de vacations, en qualité de spécialiste des questions d’urbanisme commercial. (cf. annexes) relatif à la revitalisation commerciale et urbanistique d’une artère ou d’un quartier lyonnais, le partenaire s’appuie sur les items suivants : la qualité des livrables, les présentations orales (intermédiaires et restitution finale) et la vie de groupe de l’équipe-projet d’étudiants.

Ainsi, les livrables sont appréciés selon la qualité de la recherche documentaire et bibliographique – qui constitue une  réelle valeur ajoutée scientifique pour un commanditaire parfois éloigné de ces ressources – et des bases de données, la méthodologie, la cartographie et les représentations graphiques, le benchmark, les analyses et préconisations. Les présentations orales sont évaluées sur la capacité des étudiants à être efficaces dans la synthèse et la mise en perspective des résultats de l’étude, à présenter leurs diaporamas de manière professionnelle, et à s’exprimer clairement devant l’équipe de commanditaires.

La vie de groupe est évaluée sous le prisme de la fréquence et à la qualité de la participation, des échanges et de la mise en débat avec la maîtrise d’ouvrage. Chaque item fait l’objet d’une note explicitement motivée ; in fine, une note sur 20 est affectée pour l’ensemble du travail réalisé. Il convient de préciser que les EC encadrants n’interviennent que très peu –  le plus souvent pas du tout  – sur cette évaluation, considérant que, au-delà de la réussite de l’apprentissage, la satisfaction du partenaire professionnel est importante, puisque les travaux réalisés par les étudiants sont, ensuite, repris par lui dans le cadre de ses compétences.

En effet, le travail fourni par les étudiants n’est pas simplement archivé mais utilisé par le commanditaire ; c’est pourquoi les deux parties ont intérêt à ce que ce travail soit réalisé avec les meilleures intentions possibles. Bien entendu, malgré un suivi attentif et régulier des partenaires, le rendu ne sera pas parfait mais il doit correspondre aux attendus. C’est là un partenariat « gagnant-gagnant » entre eux. Les premiers disposent d’une prestation gratuite, satisfaisante et utilisable, tandis que les seconds apprennent beaucoup par cette expérience et ont la satisfaction du devoir accompli en étant utiles à la collectivité. La satisfaction du commanditaire peut, parfois, aller jusqu’à embaucher un ou deux étudiants de l’équipe sous la forme d’un stage ou d’un contrat d’apprentissage pour poursuivre, le cas échéant, l’expérience, en étant positionné sur une mission dans la continuité de la prestation d’atelier[24]La mairie d’un arrondissement de Lyon a, par exemple, recruté une étudiante en alternance en M2 qui avait, lors de l’atelier de M1 l’année précédente, travaillé sur la requalification d’une voirie routière..

L’expérience de l’atelier constitue un temps de formation invitant les étudiants à vivre une véritable première expérience professionnelle quoi que dans un cadre parfois encore considéré comme un peu trop scolaire : les temps d’échanges et de travail se font dans des salles de l’université, souvent peu adaptées aux travaux de groupes, ou au domicile des étudiants. En revanche, les temps de rendus et de présentations intermédiaires ont lieu dans les locaux des commanditaires –  parfois dans des salles de conseils municipaux ou communautaires pouvant impressionner les étudiants  –, comme le ferait un bureau d’études. Au-delà de la mise en situation qu’il constitue, l’atelier est un enseignement plébiscité par les praticiens qui, pour certains d’entre eux, passent, régulièrement, commande au master GTDL. L’atelier confère une aura professionnelle reconnue à la formation et, au fil du temps, en développe son réseau de partenaires.

L’atelier initie les étudiants aux pratiques professionnelles qu’ils développeront tout au long de leur vie professionnelle : « l’habitus professionnel ». Il leur permet d’aiguiser leur esprit critique, d’utiliser les méthodes et outils des professionnels, d’être créatifs quant à leurs apports de fond, et de se constituer le début d’un réseau de partenaires par les rencontres que celui-ci induit. Répondre à une vraie commande, avoir le sentiment d’être utile permettent, également, de se rassurer et de se percevoir comme employable dans le secteur d’activités de la formation. Toutes les promotions indiquent, lors des conseils de parcours –  même si les méthodes sont, parfois, déstabilisantes car moins scolaires  –, un fort attachement aux ateliers.

La mise en place d’une organisation professionnelle
coencadrée en mode projet

Si la réussite de l’atelier est conditionnée par l’investissement et les apprentissages des étudiants, elle l’est, aussi, par la qualité de l’encadrement, tant professionnel qu’académique. Par « professionnel », il faut comprendre l’équipe du commanditaire (deux, voire trois personnes dénommées parfois « personnes-ressources ») ; par « académique », il faut comprendre qu’il s’agit d’un accompagnement par un ou deux EC de la formation, le plus souvent directeurs de celle-ci. Les deux accompagnements sont complémentaires et incontournables :

– le premier correspond à un suivi davantage sur le fond, afin que l’avancement du travail du groupe d’étudiants soit conforme aux attendus et au calendrier de la mission ; par cet accompagnement, le commanditaire s’engage à mettre à disposition tous les éléments de connaissance nécessaires à la bonne réalisation de l’atelier (études, fichiers, documentation, coordonnées des acteurs à interviewer avec, le cas échéant, la rédaction préalable d’une lettre de mission explicitant les motivations de ces entretiens, etc.) ;

– le second correspond, davantage, à un accompagnement méthodologique visant à aider et rassurer les étudiants par une présence expérimentée. L’enseignant, avec son statut de chercheur, apporte une vision et une caution scientifiques au travail réalisé par les étudiants, invitant à s’appuyer ou à confronter la littérature académique existante sur le sujet de l’atelier. Les commanditaires sont demandeurs de cette valeur ajoutée scientifique apportée à ce travail d’aide à la décision, comme cela a été évoquée plus haut.

Ces deux types d’accompagnement sont présents du début à la fin de l’atelier, c’est-à-dire dès la prise de connaissance du cahier des charges jusqu’à la restitution finale de la mission.

Des précisions méthodologiques
dès le cahier des charges

On l’a vu précédemment, l’efficacité de l’équipe-projet se joue dès le début de la mission. Si, bien évidemment, c’est la capacité professionnelle de ladite équipe dont il est question, il n’en reste pas moins que, pour être efficace, celle-ci doit savoir quelle direction prendre et construire une feuille de route.

Pour cela, la bonne compréhension du cahier des charges de la commande est primordiale, à tel point qu’il est nécessaire que l’équipe-projet d’étudiants soit en mesure de le reformuler selon ses propres mots. Composée des contextes (acteurs, histoire, territoire, etc.), des enjeux, des objectifs et de la problématique, cette reformulation invite à établir la meilleure méthode de travail possible en mobilisant une batterie de techniques et d’outils propres au professionnel de l’aide à la décision. Il s’agit, ainsi, de partir sur les meilleures bases, tant sur le fond –  la compréhension du sujet  –, que sur la forme –  la mise en place d’une feuille de route pertinente et jalonnée de rendez-vous incontournables avec le commanditaire et/ou d’autres acteurs du territoire.

Cette reformulation du cahier des charges est partie intégrante de la mission menée ; elle fait l’objet, assez tôt dans le calendrier de la prestation, d’un temps de présentation devant le commanditaire, renforcé, le cas échéant, par un comité de pilotage (copil) et/ou par un comité technique (cotech)[25]Ces instances sont décidées et mises en place préalablement à la mission par le commanditaire.. En effet, dans le but d’aider l’équipe d’étudiants dans la réalisation de sa prestation, un Copil, réunissant des acteurs intéressés ou ayant un intérêt dans le projet (entreprises, associations, commerçants, particuliers, etc.), peut être constitué. Les membres du copil participent aux réunions intermédiaires relatant l’état d’avancement de la prestation. Ils peuvent conseiller les étudiants dans leur travail et jouer un rôle d’assistance à l’équipe-projet et de suivi opérationnel de la prestation à ses différentes étapes. Les membres du copil peuvent, aussi, demander un approfondissement et des ajustements nécessaires.

Le cotech, quant à lui, est constitué de personnes-ressources techniques aidant l’équipe-projet tout au long de sa prestation, en lui facilitant, par exemple, l’accès aux ressources du territoire d’étude, ou en lui remettant tout support de réflexion pertinent. Cela permet de gagner un temps précieux sur leur recherche de données et d’informations.

Bien évidemment, lors de ce premier temps de présentation, les EC encadrants sont présents. Ils jouent peu ou prou un rôle de « chefs de projet » quoi que singulier puisque, dans la majeure partie des cas, ils ne prennent pas la parole directement sauf à apporter quelques précisions aux propos des étudiants. Leur présence, dès ce premier moment d’échanges et de partage avec le commanditaire, est rassurante, et permet, éventuellement, de « dédramatiser » le travail à réaliser par l’équipe étudiante. D’ailleurs, cette présence rassurante jouera à plein tout au long de la mission –  même si les étudiants auront beaucoup gagné en confiance/assurance  –, jusqu’à la restitution finale. Ce cheminement progressif des étudiants induit un encadrement des EC moindre en M2 qu’en M1.

Les enseignants-encadrants :
des directeurs pédagogiques de projet

Chaqueatelier du parcours Ingeter est coencadré par un binôme EC et un enseignant associé (« PAST »)[26]Un PAST est un professeur des universités associé qui occupe, pour une partie de son temps, un emploi au sein d’une structure praticienne et, pour une autre partie de son temps, un poste d’EC au sein d’un établissement d’enseignement supérieur. Selon le même principe, il existe des Mast (Maîtres de conférences associés).). Dans leur posture, les deux enseignants sont complémentaires : le premier apportant une caution scientifique au travail réalisé par les étudiants, le second jouant plutôt le rôle « d’interface » entre les praticiens-commanditaires et l’équipe-projet d’étudiants. D’un point de vue fonctionnel ou « administratif », les deux enseignants facilitent le lien université/commanditaire, ce dernier pouvant, parfois, ne pas bien connaître les modes de fonctionnement spécifiques de l’enseignement supérieur, tels que l’organisation de l’année en semestres (alors que l’atelier est annualisé), ou encore les notations coefficientées des Unités d’enseignements (UE) dans lequel s’inscrit l’atelier.

Comme cela a déjà été souligné, les premières semaines jouent beaucoup dans la réussite de l’atelier. Les étudiants doivent être davantage encadrés par des membres de la structure commanditaire et par un ou deux EC de l’université aguerris à ces pratiques partenariales. La posture des EC est d’accompagner, de conseiller mais, aussi, de rassurer. En effet, certaines certitudes acquises, théoriquement, sur les bancs des amphithéâtres ou des salles de cours, peuvent être requestionnées à l’aune des rencontres d’acteurs et des premières analyses de terrain. Le rôle de l’équipe pédagogique est d’inscrire ces éventuelles interrogations –  potentielles sources de tensions en interne de l’équipe étudiante de l’atelier, ou de remises en cause des différents enseignements des années précédentes  – dans ce qui est une des essences mêmes des formations liées à la section 24 du CNU, à savoir l’enrichissement mutuel par deux approches : le théorique et le critique versus le concret et l’opérationnel.

Pour les EC encadrants, l’atelier est, aussi, le lieu (avec les activités de diagnostics de terrain et de rencontres d’acteurs en M2) où ils peuvent détecter les qualités de savoir-être, les bonnes attitudes professionnelles des étudiants (aisance dans l’expression orale et écrite, respect des interlocuteurs, bons réflexes dans des situations exceptionnelles, etc.). Ces compétences sont décrites comme premières pour des agents de développement (Orthelet, 2008[27]Orthelet A. (2008). « La reconnaissance des agents de développement local en milieu rural », thèse de doctorat, Université de Nancy, 382 p.).

Le bon accompagnement des deux enseignants se traduit par une autonomie suffisante laissée aux étudiants les invitant à favoriser leur créativité : c’est « l’auto-apprentissage » de et par le groupe (apprentissage collectif), là aussi, rassurant les étudiants avant leur pleine entrée, seuls, dans la vie professionnelle, une fois leur cursus universitaire achevé.

En route vers l’insertion professionnelle !

Si certains étudiants poursuivent leurs études en doctorat (la recherche constitue un autre type de professionnalisation) après une formation de deuxième cycle en sciences et gestion des territoires, la principale finalité est de les rendre opérationnels, de manière active et régulière, c’est-à-dire « chemin faisant ». Comme en rend compte le présent article, cette pédagogie de l’atelier a plus que fait ses preuves, d’autant que les pratiques, outils et, plus largement, les métiers de l’ingénierie de l’aménagement, mais aussi de l’urbanisme, évoluent. Cette pédagogie de l’atelier forme les étudiants aux compétences du « moteur à trois temps du développement territorial », à la croisée de l’ingénierie territoriale, de la culture territoriale et de l’intelligence informationnelle (Janin et Grasset, 2010[28]Janin C, Grasset E. (2010). « Ingénierie, intelligence et culture territoriales : interrelations dans la construction des territoires », dans Cdrom XLVIe colloque de l’Association de science régionale de langue française (ASRDLF), Clermont-Ferrand.).

Si l’expérience de deux ateliers (en M1 et en M2) ne peut prétendre à remplacer des années de pratique pour transformer des étudiants de professionnels juniors en des professionnels séeniors, les résultats de l’enquête évoquée démontrent que ces deux expériences –  en situation/condition de commandes réelles  – sont fondamentales pour l’insertion professionnelle des étudiants : d’ailleurs, certains d’entre eux n’hésitent pas à faire figurer les travaux en atelier sur leur cCurriculum vitae (CV) dans la rubrique « expériences professionnelles » et non dans la rubrique « formations ».

Cette porosité positive entre monde académique (de l’enseignement et de la recherche) et monde professionnel (des praticiens de l’ingénierie territoriale) (Thimonier-Rouzet et Chemin, 2010[29]Thimonier-Rouzet E, Chemin C. (2010), « Le rapprochement consultant-chercheur en aménagement du territoire : un apport à haute valeur ajoutée ? » EchoGéo, n° 11 [En ligne) est fondamentale dans l’efficience de la formation. En effet, si la finalité ultime est, bien évidemment, la bonne insertion professionnelle des étudiants, l’équipe encadrante se fixe, aussi, comme objectif pédagogique de développer, chez les étudiants, un état d’esprit professionnel les responsabilisant, une envie d’apprendre et de progresser rapidement afin d’être le plus opérationnel possible et ce, au plus tôt. Dans cette optique, l’atelier constitue un révélateur ou catalyseur du tempérament de certains étudiants qui se nourrissent de ces apprentissages par l’expérience professionnelle collective pour consolider leur « habitus » et leurs ambitions professionnels.

Pour assurer leur rôle d’interface, d’intermédiaire, ou de facilitateur, entre les étudiants et le monde professionnel, les EC encadrants universitaires doivent avoir une excellente connaissance de celui-ci et faire évoluer, sans cesse, leurs pratiques. En effet, la pédagogie doit s’adapter aux enjeux (développement durable, transition écologique, nouvelles mobilités, etc.) mais, aussi, aux pratiques évolutives des métiers des territoires. Les fiches de postes et les modes de recrutement évoluent quel que soit le secteur : public, parapublic et privé. Il est fondamental, pour l’équipe pédagogique de ces formations, d’être parfaitement consciente de ces évolutions souvent bien plus rapides que le contrat quinquennal de la formation.

Pour aider cette équipe, des comités de perfectionnement sont régulièrement tenus : composés de professionnels-praticiens, ces groupes de travail permettent d’orienter les enseignements vers des objectifs rationnels d’insertion professionnelle des étudiants. D’ailleurs, iIl convient de préciser que certains membres de ces comités sont, aussi, des commanditaires d’ateliers et, parfois même, d’anciens étudiants de la formation. Les activités de recherche-action, conduites par les EC, et l’encadrement des apprentissages, permettent, également, un suivi permanent des évolutions territoriales.

Conclusion générale

Les ateliers, réponses grandeur nature à des cahiers des charges de commanditaires, sont proposés, depuis trente ans, aux étudiants de la filière aménagement de l’uUniversité Lyon 3. L’analyse montre que leur teneur évolue en lien avec les changements opérationnels et technologiques qui se produisent dans l’action collective d’aménagement, tant urbaine que rurale. Après la réalisation de plans d’ensemble, de propositions d’aménagement à la fin des années 1990, les sujets d’ateliers actuels s’inscrivent, davantage, dans la construction de réponses aux demandes de groupes communautaires (manèges pour enfants, riverains de quartiers festifs, etc.) (Scherrer et al., 2017[30]Scherrer F, Lavoie N, Abrassart C, Bastin A. (2017). « La conception innovante en urbanismeRevue internationale d’urbanisme (Riurba), n° 3.) Malgré ces évolutions, l’expérience engrangée permet d’en analyser les impacts, tant à court terme pendant la formation, qu’à plus long terme sur les liens tissés entre monde universitaire et monde professionnel.

Les objectifs pédagogiques des ateliers sont multiples : ils vont de l’expérimentation des acquis théoriques à la mise en confiance individuelle et collective des étudiants-apprentis. Les promotions qui réussissent le mieux leur atelier sont celles qui sont capables de créer un « microclimat », une ambiance propre au projet (Bellenger, 2004[31]Bellenger L. (2004). « Piloter une équipe projet. Des outils pour anticiper l’action et le futur », Paris, ESF.). L’ambiance « ruche travailleuse » est une source d’efficacité pour l’atelier et de motivation pour l’ensemble des autres enseignements du master. Les équipes-projets, qui fonctionnent sur la durée de l’atelier, sont celles qui allient autonomie, confiance, et transparence. Elles transforment la promotion en un collectif (groupe réuni autour d’un même objectif). La mise en situation réelle modifie, donc, les apprentissages et les relations entre étudiants mais, aussi et surtout, consolide leur savoir-être en les faisant changer de posture, passant d’apprenants à acteur de l’ingénierie territoriale (Alonso, Lévy et Vanbutsele, 2021[32]Alonso M, Levy L, Vanbutsele S. (2021). « Faire atelierRevue internationale d’urbanisme (Riurba), n° 11.).

L’atelier constitue un véritable levier de mise en visibilité de la formation. De plus en plus de praticiens connaissent cette opportunité de travail consistant à « passer commande » auprès d’une promotion d’étudiants-apprenants. Au fil des années, un véritable « écosystème » se créé entre ces professionnels et la formation concernée, prenant la forme de partenariats réguliers basés sur la confiance. Géographiquement, ces partenariats ne sont pas toujours locaux, ce qui permet, aux formations, d’être reconnues bien au-delà de la région d’implantation de leurs universités.

Ces partenaires ont un fort intérêt pour cette pratique : leur satisfaction est visible lors des instances de gouvernance du type copil, avec l’utilisation des expertises menées par les étudiants ou avec le recrutement d’anciens étudiants.

Il existe des débats autour de la pratique pédagogique de l’atelier mettant en perspective les tensions entre la pratique de l’urbanisme d’une « réflexion dans l’action » (Schön, 1984[33]Schön DA. (1984). The reflective practitioner: How professionals think in action, New York, Basic Books, 384 p.) et le risque d’une trop importante dépendance à l’action opérationnelle (Scherrer et al., 2017[34]Op. cit.). Pour notre part, l’expérience de plusieurs décennies au sein d’une formation reconnue par les professionnels de l’aménagement et du développement territorial, et évaluée, régulièrement, très positivement par le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hceres), nous conforte dans l’hypothèse que cette pratique est source d’une dynamique « gagnant-gagnant ».

La pratique pédagogique de l’atelier est créatrice d’interactions entre le monde académique et le monde professionnel : elle tisse des liens solides entre les étudiants et les structures commanditaires, entre la formation et les acteurs du développement local. D’ailleurs, au sein même de l’uUniversité, l’atelier constitue des temps d’enseignements atypiques très appréciés, tant côté étudiants (avec une mise en responsabilisation dans le cadre d’un travail collectif) que côté ECenseignants-chercheurs (avec une pédagogie sans cesse en renouvellement) (Debrie, 2021[35]Debrie J. (2021). « L’atelier dans la formation en urbanismeRevue internationale d’urbanisme (Riurba), n° 11.).

Ces expériences d’ateliers peuvent impacter les carrières sur le long terme en permettant des projections vers des métiers d’encadrement notamment, comme la direction de services aménagement et urbanisme (Thimonier-Rouzet, 2020[36]Thimonier-Rouzet E. (2020). « Comment devient-on directeur d’un service urbanisme ? Présentation de ses fonctions, de sa formation et de ses attributions », dans Chaput B. (dir.), Diriger un service urbanisme et aménagement. Voiron, Techni.Cités, Territorial Editions, 11 p.), tant au sein de collectivités territoriales, de services de l’EtatÉtat, de cabinets-conseils ou encore d’agences d’urbanisme, par exemple. Face à ce constat, l’équipe pédagogique, qui pilote des formations d’aménagement, est poussée à s’adapter et à faire évoluer, en permanence, les contenus pédagogiques.

L’ensemble des formations en aménagement doit en quelque sorte être flexible, en proposantfaisant des cours moins « magistraux » – moins classiques –, mais des cours davantage orientés vers l’encadrement, l’accompagnement et le suivi des étudiants dans leur apprentissage, en situation réelle, tout en leur donnant, progressivement, davantage d’autonomie via le mode projet. C’est, ainsi, que l’atelier induit une remise en question des savoir-être, non seulement des étudiants mais, aussi, des EC encadrants, modifiant les relations de transmission entre enseignants et étudiants pour aller vers une relation d’accompagnement proactive des premiers sur la route de l’insertion professionnelle des seconds.

« L’esprit n’est pas un contenant à remplir, mais plutôt un feu à allumer ».
Plutarque


[1] Qu’il s’agisse des maîtrises de sciences et techniques (MST), magistères, instituts universitaires professionnalisés (IUP), diplômes d’études supérieures spécialisées (DESS).

[2] Phlipponneau M. (1999). La géographie appliquée. Du géographe universitaire au géographe professionnel, Paris, Armand Colin, 304 p.

[3] Nicolas-Le-Strat P. (2003). La relation de consultance. Une sociologie des activités d’étude et de conseil, Paris, L’Harmattan, 252 p.

[4] Carriou C. (2018). « L’expérience des “commandes financées” au sein du master d’urbanisme de l’université Paris Nanterre », dans Cohen C, Devisme L (dir.), L’architecture et l’urbanisme. Au miroir des formations, Cahiers Rameau, n° 9, Paris, La Villette.

[5] Bastin A, Scherrer F. (2018). « La pédagogie de l’atelier en urbanisme : une revue de la littérature scientifique internationale », note de recherche, Revue internationale d’urbanisme (Riurba), n° 5.

[6] Massardier G. (1996). Expertise et aménagement du territoire. L’État savant, Paris, L’Harmattan, 286 p.

[7] Michon P, Pitte JR (dir.). (2021). À quoi sert la géographie ? Paris, Presses universitaires de France, 444 p.

[8] Thimonier-Rouzet E. (2022). « La professionnalisation de la géographie par l’aménagement du territoire : une réflexion par la performance des formations universitaires », dans Baron N, Cattaruzza A, Lemarchand N, Rouget N, Sepulveda B. (dir.), Fragments de Géo, Vincennes, Presses universitaires de Vincennes, p. 141-154.

[9] Jacques Bonnet et Émile-François Callot.

[10] En 2001, une modification complète de l’organisation du Second cycle d’aménagement a permis de franchir une étape supplémentaire en concentrant les cours sur trois semestres et en permettant un stage de six mois à partir de janvier de la maîtrise. En parallèle, un atelier d’aménagement de découverte (avec une commande fictive) est mis en place au second semestre de la licence.

[11] Cet article est, plus spécifiquement, centré autour des ateliers-projets conduits en master GTDL parcours Ingeter. Des comparaisons peuvent néanmoins être conduites avec la L3 d’aménagement ou d’autres parcours de master.

[12] Dumont GF. (2018). Les territoires français : diagnostic et gouvernance. Concepts, méthodes, applications, Paris, Armand Colin, 288 p.

[13] Pour mémoire, les étudiants en contrats d’apprentissage ou contrat de professionnalisation perçoivent une gratification et des avantages supérieurs aux classiques stages universitaires. Ainsi, en règle générale, ils perçoivent, a minima, 50 % de revenus supplémentaires et sont indemnisés pendant leurs semaines de formation à l’université.

[14] Bonneau E, André C. (2021). « L’atelier de projet d’urbanisme à l’heure de la transition écologique. Pratique du projet et savoirs disciplinaires en renouvellement dans le master UPEPT de l’IATU », Revue internationale d’urbanisme, n° 11.

[15] Gomes P, Bognon S. (2018). « L’atelier pédagogique en urbanisme : apport des commanditaires à l’apprentissage par problèmes appliqués », Territoire en mouvement. Revue de géographie et aménagement, p. 39-40.

[16] Noce T. (2009). Prendre des décisions collectives avec des méthodes participatives, Lyon, Chroniques sociales, 264 p.

[17] En fonction de leur niveau dans la hiérarchie. Il est évident que, dans de nombreuses entreprises ou collectivités, la direction générale fait des choix sans échange préalable avec les salariés.

[18] Expression souvent employée par les architectes à la veille d’un rendu.

[19] Zepf M, Roux JM. (2014). « L’atelier, un outil de formation innovant : méthodologie et attendus », dans Bensahel L, Zepf M, Roux JM, Révéler, projeter, partager le territoire : l’étudiant acteur de sa formation, Paris, L’Harmattan, p. 75‑81.

[20] Équipe d’accueil (EA), Université Lyon 2.

[21] Enquête sur les métiers et les emplois du développement local en Auvergne-Rhône-Alpes, conduite en 1999, 2009 et fin 2019. La dernière enquête porte sur des agents de développement exerçant, essentiellement, dans les espaces ruraux mais, sans surprise, aujourd’hui, la moitié des enquêtés estiment que leur territoire a des enjeux urbains ou périurbains.

[22] Grasset E. (2021). « Emplois et métiers de l’ingénierie du développement : 20 ans d’évolution en Auvergne-Rhône-Alpes », Revue Pour, n° 240-241, p. 155-171.

[23] Cet atelier régulier, proposé par la ville de Lyon, est important pour le parcours Ingeter du master GTDL car symbolique d’un « écosystème » de la formation : en effet, cet atelier est proposé et piloté par un ancien étudiant du DESS Aménagement et politiques des collectivités territoriales, présenté dans la section 1. Depuis près de dix ans, cet ancien étudiant, devenu ingénieur territorial, renouvelle avec son équipe, sa confiance au master via l’atelier. Par ailleurs, il intervient dans un des parcours de la formation, sous la forme de vacations, en qualité de spécialiste des questions d’urbanisme commercial.

[24] La mairie d’un arrondissement de Lyon a, par exemple, recruté une étudiante en alternance en M2 qui avait, lors de l’atelier de M1 l’année précédente, travaillé sur la requalification d’une voirie routière.

[25] Ces instances sont décidées et mises en place préalablement à la mission par le commanditaire.

[26] Un PAST est un professeur des universités associé qui occupe, pour une partie de son temps, un emploi au sein d’une structure praticienne et, pour une autre partie de son temps, un poste d’EC au sein d’un établissement d’enseignement supérieur. Selon le même principe, il existe des Mast (Maîtres de conférences associés).

[27] Orthelet A. (2008). « La reconnaissance des agents de développement local en milieu rural », thèse de doctorat, Université de Nancy, 382 p.

[28] Janin C, Grasset E. (2010). « Ingénierie, intelligence et culture territoriales : interrelations dans la construction des territoires », dans Cdrom XLVIe colloque de l’Association de science régionale de langue française (ASRDLF), Clermont-Ferrand.

[29] Thimonier-Rouzet E, Chemin C. (2010), « Le rapprochement consultant-chercheur en aménagement du territoire : un apport à haute valeur ajoutée ? » EchoGéo, n° 11 [En ligne].

[30] Scherrer F, Lavoie N, Abrassart C, Bastin A. (2017). « La conception innovante en urbanisme. Recherche-expérimentation pédagogique associée à l’atelier de maîtrise en urbanisme de l’Université de Montréal », Revue internationale d’urbanisme (Riurba), n° 3.

[31] Bellenger L. (2004). « Piloter une équipe projet. Des outils pour anticiper l’action et le futur », Paris, ESF.

[32] Alonso M, Levy L, Vanbutsele S. (2021). « Faire atelier. Entre postures d’apprenants et rôles d’enseignants », Revue internationale d’urbanisme (Riurba), n° 11.

[33] Schön DA. (1984). The reflective practitioner: How professionals think in action, New York, Basic Books, 384 p.

[34] Op. cit.

[35] Debrie J. (2021). « L’atelier dans la formation en urbanisme, outil d’apprentissage d’une université “dans et hors ses murs” », Revue internationale d’urbanisme (Riurba), n° 11.

[36] Thimonier-Rouzet E. (2020). « Comment devient-on directeur d’un service urbanisme ? Présentation de ses fonctions, de sa formation et de ses attributions », dans Chaput B. (dir.), Diriger un service urbanisme et aménagement. Voiron, Techni.Cités, Territorial Editions, 11 p.