frontispice

Faire atelier
Entre postures d’apprenants
et rôles d’enseignants

• Sommaire du no 11

Marta Alonso Université de Genève Lisa Lévy Université de Genève Serena Vanbutsele Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg, Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)

Faire atelier : entre postures d’apprenants et rôles d’enseignants, Riurba no 11, janvier 2021.
URL : https://www.riurba.review/article/11-atelier-1/faire-atelier/
Article publié le 1er oct. 2022

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Marta Alonso, Lisa Lévy, Serena Vanbutsele
Article publié le 1er oct. 2022
  • Abstract
  • Résumé

Running a workshop. Between learners’ archetypes and educators’ roles

Higher education in city planning fosters a strong relationship with professional practice through the studio project. Design studios as a pedagogic tool for city planning allow faculty members to simulate realities of professional practices in the classroom. While state-of-the-art literature on studio pedagogy is wide, few authors analyze learners as the main actors of their own education. Through different studio pedagogy close-ups, this paper highlights several archetypes of learners regarding different roles endorsed by teachers (gatekeeper, coach, model or mediator) in order to promote learning. We base this paper on University of Geneva teaching appraisals that give an anonymous feedback from the learners of each studio within the Joint Master in territorial development HES⁠-⁠SO/UNIGE and on faculty interviews. Faculty members leading studios work better as a team where each one endorses a different but complementary role to encourage project learning. A wider range of learners’ archetypes are more efficiently appraised when a wider range of teaching styles are present within the teaching team. Thus, self-knowledge of teaching personality traits could result in better balanced, more efficient, studio faculty teams.

Les formations en urbanisme privilégient les rapports étroits avec la pratique du métier, notamment à travers l’outil pédagogique de l’atelier de projet. L’atelier permettrait en effet une simulation des réalités complexes de la pratique professionnelle. Si la littérature relative à la didactique et pédagogie de l’atelier est ample, force est de constater que l’on s’y est généralement peu intéressé à l’apprenant en tant que sujet de son apprentissage. Au moyen d’un retour réflexif sur plusieurs expériences pédagogiques d’atelier, nous relevons divers archétypes d’apprenants au regard des différents rôles (gardien, coach, modèle ou médiateur) qu’est appelé à jouer l’enseignant afin de favoriser les apprentissages. Nous mobilisons un matériau issu des évaluations d’enseignement de divers ateliers du master conjoint Haute École Spécialisée de Suisse Occidentale et Université de Genève (HES-SO/UNIGE) en Développement territorial (MDT) et des réponses apportées par les enseignants. Le résultat montre que l’enseignant de l’atelier de projet est souvent amené à endosser plusieurs rôles, dont certains peuvent paraître paradoxaux, tantôt entraîneur, tantôt médiateur, tantôt modèle, tantôt expert, évaluateur et accompagnateur. Plutôt qu’un enseignant unique, le recours à une équipe d’encadrants aux compétences complémentaires et avec une autoconnaissance des propres styles de chaque enseignant peut se révéler un atout important pour répondre à la complexité des enjeux pédagogiques de l’atelier de projet.

Cet encadré technique n’est affiché que pour les administrateurs
post->ID de l’article : 1226 • Résumé en_US : 2591 • Résumé fr_FR : 2588 •

La pratique de l’atelier est très présente dans l’organisation des parcours de formation en urbanisme et fortement associée à l’identité de ces formations qui visent de plus en plus à privilégier les rapports étroits avec la pratique du métier. Pour ce faire, elles usent régulièrement d’un outil pédagogique ancien, celui de l’atelier de projet, qui permettrait de simuler au plus près les situations professionnelles, notamment du point de vue de leur complexité (Scherrer et al., 2017[1]Scherrer F, Lavoie N, Abrassart C, Bastin A. (2017). « La conception innovante en urbanismeRiurba, n° 3.).

Pour autant, l’atelier ne fait pas l’unanimité en tant que dispositif pédagogique ; il donne même lieu à un flux nourri de publications critiques dans le monde anglo-saxon, du moins (Balassiano et West, 2012[2]Balassiano K, West D. (2012). « Seeking the studio experience outside of the studio course », Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 465-475. ; Viswanathan et al., 2012[3]Viswanathan L, Whitelaw GS, Meligrana J. (2012). « Evaluating the role of the project course in professional planning education and its influence on planning policy and practice », Planning Practice and Research, n° 27(3), p. 387-403. ; Carriou, 2018[4]Carriou C. (2018). « L’expérience des “commandes financées” au sein du master d’urbanisme de l’université Paris-Nanterre. », dans Cohen C, Devisme L (dir.), L’architecture et l’urbanisme. Au miroir des formations, Cahiers Ramau, n° 9, Paris, Éditions La Villette.). Mais si la littérature relative à la didactique et pédagogie de l’atelier est ample, force est de remarquer que l’on s’est généralement peu intéressé à l’apprenant en tant que sujet de son apprentissage (Alonso, 2018a[5]Alonso M. (2018a). « Les enjeux de la pédagogie du projet urbain : entre la décomplexification des territorialités et processus et l’importance d’une philosophie de l’enseignement », dans Deboudt P. , Bosredon P. et al., Actes du colloque des 20e rencontres internationales en urbanisme de l’APERAU, Lille, France, 20-22 juin 2018, p. 232-235.). Peut-on énoncer des généralités normatives sur la pédagogie de l’atelier (en déterminant si elle est bonne ou mauvaise en soi), alors que les individus et leurs façons de voir la réalité façonnent grandement leurs façons d’apprendre ?

En mettant en évidence la complexité et le travail d’adaptation que requiert l’atelier tant pour les apprenants que pour les enseignants, cet article s’attache à éclairer les relations entre enseignants et apprenants, à l’aune de différentes postures d’apprentissage tirées d’analyses empiriques.

Cet article est basé, d’une part, sur la mise en commun des expériences et ressentis d’enseignant·e·s à l’issu de trois années (2016, 2017, 2018) d’enseignement de différents ateliers de projets au sein du master conjoint HES-SO/UNIGE[6]Haute École Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO) et Université de Genève (UNIGE). en Développement territorial (MDT) et, d’autre part, sur une analyse de contenu des rapports d’Analyse d’évaluation des enseignements (ADEVEN). Ces rapports sont des outils d’évaluation institutionnels et standardisés de l’enseignement au sein de l’Université de Genève. Ils prennent la forme de questionnaires proposés aux étudiants afin qu’ils fassent un retour anonyme sur l’enseignement et les enseignant.e.s[7]Des questionnaires distincts sont proposés aux étudiants afin qu’ils fassent un retour sur l’enseignement en tant que tel, d’une part, et sur chacun des enseignant, d’autre part. Ceux-ci sont envoyés par mail à l’ensemble des effectifs à l’issue de chaque atelier par le Pôle de soutien à l’enseignement et l’apprentissage et traités par lui. [En ligne. Le questionnaire de base comprend des questions fermées (qui proposent de noter de 1 à 4 différents critères tels que : clarté des objectifs, qualité de la bibliographie et des consignes, organisation générale de l’atelier, des journées, et des questions ouvertes. Celles-ci offrent un espace de commentaires libres guidés par des questions : quels sont selon vous les points forts de l’atelier ? Quels sont selon vous les points à améliorer ? Remarques générales ? Plus qualitatives, elles permettent d’accéder au ressenti des étudiants et constituent la source principale des données citées ici. À noter, l’anonymat est garanti, et le taux de réponse au questionnaire est variable, ne dépassant que rarement les 20 à 30 %, mais cela n’est pas considéré ici comme une limite pour l’analyse que nous en tirons, celle-ci ne recherchant pas l’exhaustivité mais la définition de grands profils idéaux-typiques d’apprenants et d’enseignants. Les années utilisées sont celles pour lesquelles les auteures ont exercé en commun (2016, 2017, 2018).

Le traitement des données a consisté, d’une part, en une analyse de contenu des rapports ADEVEN, qui a permis de pointer des types d’apprenants ainsi que des types d’enseignants émergeant de la vision des étudiants. D’autre part, ces catégories ont été confrontées à celles tirées de la mise en commun des expériences et ressentis des enseignant·e·s. Le croisement de ces données a ainsi permis d’identifier plusieurs postures d’apprentissage, qui font figure d’idéaux-types, au centre de notre propos.

Nous commençons par resituer les spécificités de la pédagogie de l’atelier mise en perspective avec la diversité des styles d’apprentissage (1) ; puis nous présentons les ateliers de projet du MDT (2). Nous identifions ensuite quatre archétypes de postures d’apprentissage et de rôles d’enseignants associés (3). Ces postures sont discutées en mettant en évidence les dilemmes et rôles parfois paradoxaux que peuvent endosser les enseignants (4). Nous concluons sur quelques pistes d’actions pour l’encadrement des ateliers de projet, dont la création d’équipes d’encadrants (5).

L’atelier, une pédagogie active confrontée à divers styles d’apprentissage

Une pédagogie active
qui allie savoirs, savoir-faire et savoir-être

L’atelier de projet relève des pédagogies actives. Celles-ci se sont développées parallèlement à des pédagogies traditionnelles, en se fondant « sur les théories cognitivistes. Dans ce courant, l’apprentissage implique des processus internes actifs du sujet, qui interagissent avec le milieu environnant. Ces pédagogies dites actives font du savoir le produit de l’activité de l’élève » (Altet et al., 2013[8]Altet M, Étienne R, Desjardins L, Paquay L, Perrenoud P (dir.). (2013). Former des enseignants réflexifs. Obstacles et résistances, Bruxelles, De Boeck.).

Au regard du déroulement classique d’un atelier de projet dans le champ de l’aménagement et de l’urbanisme, on comprend bien pourquoi celui-ci relève desdites pédagogies. Simplifié à l’extrême, le processus d’un atelier de projet se déploie en deux temps. Le premier consiste en une étape d’analyse, de diagnostic, au cours de laquelle les étudiants sont appelés à se saisir d’un périmètre de réflexion au moyen d’outils conceptuels et méthodologiques qu’ils sont supposés avoir acquis dans le cadre de leur cursus ; ils doivent agencer ces outils de manière à formuler une première lecture d’un site, à l’origine de premières hypothèses relatives à son histoire et son devenir. Le deuxième temps est celui de l’approfondissement de ces hypothèses à l’épreuve du projet ; les étudiants y sont plongés dans un mouvement d’itérations, qui procède du raisonnement abductif, les conduisant à reformuler des hypothèses, réagencer une proposition, dans un débat permanent avec le lieu de l’intervention, les autres étudiants et les encadrants.

Chacune de ces deux séquences place les étudiants dans une situation pédagogique qui est proche de l’apprentissage par problème. Si des données relatives à un périmètre sont livrées dans un document d’accompagnement qui se situe le plus souvent entre le syllabus de cours et le programme d’un projet urbain, les apprenants vont devoir mobiliser, de manière autonome, des contenus spécifiques ; ils vont devoir se familiariser à certaines méthodologies innovantes de recueil d’information ; ils vont aussi, progressivement, découvrir certains concepts et outils de l’aménagement.

Le savoir théorique et documentaire sur le site est acquis de façon relativement autonome par l’apprenant à travers la bibliographie et surtout les ressources mises à disposition par l’équipe d’enseignants. Des conférences/séances de démarrage et visites de terrain accompagnées par les membres des collectivités publiques servent à récolter les informations nécessaires à fabriquer des savoirs sur le territoire par les apprenants. L’atelier est ainsi un des dispositifs pédagogiques de type classe inversée.

L’atelier est en outre une situation d’apprentissage de l’œuvre collective qu’est la production urbanistique. Les interactions interindividuelles et les postures personnelles y tiennent une importance considérable. Cet apprentissage est considéré comme tout aussi important que celui des habiletés techniques, le « faire projet » étant un art des interactions entre pairs et entre acteurs de la fabrication de la ville. Il est donc étroitement lié à l’apprentissage de la condition professionnelle de l’urbaniste.

Les apprentissages portent ainsi tout autant sur des savoirs (connaissances des différents documents d’un projet, contexte urbanistique, etc.), que des savoir-faire (méthodologie spécifique, art de « faire »projet…) ou des savoir-être (des attitudes, des dispositions, des compétences, des capacités, etc.). En somme, l’atelier aspire à ce que les étudiants intègrent les démarches et méthodes projectuelles, qu’ils parviennent à construire (ou adhérer à) une posture de projet et qu’ils intègrent des savoirs qui font partie de l’apprentissage du « métier » : processus et jeu d’acteurs, outils normatifs de l’aménagement, etc. Pour atteindre ces objectifs, la pédagogie active est fondée sur l’expérience et met au cœur du processus d’apprentissage les actions de l’individu.

Des styles d’apprentissages variés 

Les habiletés cognitives d’un individu façonnent son apprentissage (Bruner, 1977[9]Bruner J. (1977). The process of Education, Cambridge (Mass.), Harvard University Press.). Celles-ci sont liées à des configurations floues, mêlant sens et signification de l’activité, sentiment de reconnaissance dans l’exercice d’une tâche, plaisir qu’on y éprouve… toute chose participant à l’élaboration de ce que l’on appelle la motivation. L’hétérogénéité des facteurs susceptibles d’expliquer la motivation d’un individu à s’engager dans un processus explique sans doute les différences interindividuelles observées dans les stratégies d’apprentissage (Jorgensen et Brogaard, 2021[10]Jorgensen MT, Brogaard L. (2021). « Using differentiated teaching to address academic diversity in higher education », Learning and Teaching, n° 14(2), p. 87-110.). Or l’identification de ces stratégies d’apprentissage permet d’améliorer l’enseignement et offre l’opportunité, pour les enseignants, d’adapter leurs interventions au type d’apprenant qu’ils encadrent.

De fait, des auteurs ont tenté de classifier les individus en fonction de leur style d’apprentissage (Kolb, 1984[11]Kolb DA. (1984). Experiential learning. Experience as the source of learning and development, Englewood Cliffs (NJ), Prentice-Hall. ; Felder et Silverman, 1988[12]Felder RM, Silverman LK. (1988). « Learning and teaching styles », Engineering Education, n° 8(7), p.674-681.). Felder (1988[13]Felder RM. (1988). « Creativity in engineering education », Chemical Engineering Education, n° 22(3), p.120-125.), par exemple, identifie des grandes polarités, selon que l’apprenant est actif ou réflexif, visuel ou verbal, séquentiel ou holistique. Ces grandes oppositions à l’origine de types d’apprenants ont une certaine pertinence dans le contexte de l’encadrement d’ateliers de projet. On pourrait imaginer que les individus ayant un style plutôt réflexif ont tendance à conditionner l’entrée dans le projet à une phase analytique plus lourde. On pourrait de même faire l’hypothèse que les individus caractérisés comme actifs apprennent plutôt «  en faisant » et développent une prédilection pour des interactions autour de médiations matérielles (calque, maquette, coupe, etc.) incarnant diverses variantes projectuelles.

Si ces styles d’apprentissages impactent la réception qu’ont les apprenants de la pédagogie du projet, ils influencent également la manière d’enseigner. En effet, les enseignants ont tendance à enseigner comme ils aiment apprendre et/ou comme ils ont appris (Oleson et Hora, 2014[14]Oleson A, Hora MT. (2014). « Teaching the way they were taught? Revisiting the sources of teaching knowledge and the role of prior experience in shaping faculty teaching practices », Higher Education, n° 68, p. 29-45 [En ligne). Autrement dit, ils ont une propension à poser leurs propres schémas cognitifs, leurs propres stratégies d’apprentissage comme universels. Il en résulte un décalage occasionnant parfois un malentendu susceptible de nuire à l’apprentissage des étudiants.

Par ailleurs, ce malentendu en lien avec différents styles d’apprentissage ne se déploie pas uniquement entre enseignants et apprenants, mais entre apprenants entre eux dès lors que la pédagogie se voulant active mobilise des configurations de groupe et que les étudiants sont supposés se former mutuellement. Un questionnement sur les différents rôles que sont amenés à jouer les encadrants en fonction des différentes situations d’apprentissage et des diverses postures d’apprenants s’avère donc utile pour saisir la complexité des enjeux pédagogiques de l’atelier de projet.

Les ateliers du master conjoint en développement territorial

Avant d’entrer dans l’analyse des postures d’apprenant, présentons en préambule le contexte dans lequel prennent place les ateliers dont est issu notre corpus. Le master en développement territorial accorde une place centrale à l’atelier : quatre ateliers sont proposés, soit un par semestre de cours (13 semaines). Suivis par la plupart des étudiant·e·s du MDT (bien que les ateliers ne soient pas tous obligatoires suivant les spécialisations), ces quatre ateliers développent chacun leur propre thématique et proposent d’aborder le projet d’aménagement suivant une logique d’emboîtement d’échelles géographiques : 

tout d’abord, l’atelier de développement régional, qui offre une première expérience dans la conception de projets à l’échelle de grands territoires ;

puis l’atelier de projet de territoire-projet de paysage Nords, qui resserre quelque peu la focale et met l’accent sur l’entrée paysagère pour faire projet ;

le troisième est l’atelier de projet urbain, qui identifie les enjeux de périmètres apparentés à des « pièces urbaines » ;

enfin, l’atelier de prospective urbaine articule l’élaboration de scénarios d’évolution des modes de vie à un horizon de 30 ans à des propositions d’organisation spatiale qui en découlent à l’échelle du quartier.

Ces ateliers représentent une part importante des crédits à obtenir (33/120 s’ils sont tous suivis) et occupent deux journées par semaine chaque semestre, à l’exception de l’atelier prospective qui s’organise en un « cours-bloc » de huit journées intensives. Chacun des ateliers accueille de 25 à 60 étudiants, répartis en équipes de projet.

Si les ateliers occupent une place centrale dans la formation en développement territorial, c’est qu’ils constituent un moment privilégié d’apprentissage de la compétence de collaboration, entre individus et entre disciplines, indissociable de la culture de projet qui soude aujourd’hui la communauté de pratiques des urbanistes. Les étudiants sont ainsi mis en situation multidisciplinaire dans chacun des ateliers, la pluridisciplinarité constituant une des contraintes de composition des équipes, constituées de trois à six étudiants. Ceci est rendu possible par la sélection des étudiants qui veille à garantir la multiplicité des horizons disciplinaires. Parmi les étudiants du master, sont ainsi représentées diverses disciplines avec certaines dominantes que sont la géographie, l’architecture du paysage et l’architecture, mais aussi de nombreuses autres telles que la sociologie, les sciences politiques, l’économie, le droit, les lettres, les sciences de l’environnement, la géomatique… Nombreux sont donc ceux qui n’ont jamais « fait de projet », la plupart ayant une formation de type académique, à l’exception des architectes et architectes du paysage, qui sont déjà familiers avec le format de l’atelier et l’apprentissage par projet.

La pluridisciplinarité est également expérimentée à travers le contact avec une équipe d’encadrants elle-même pluridisciplinaire et qui mêle également professionnels issus de bureaux d’étude (architectes, paysagistes, urbanistes, sociologues), de collectivités et du milieu académique (géographes, urbanistes, sociologues…). Chaque semaine, les enseignants sont présents un jour sur les deux dédiés à l’atelier. Les étudiants travaillent donc en partie en autonomie et échangent avec les encadrants lors de la journée de suivi, sous la forme d’une « critique à la table ». De plus, dans l’atelier de projet urbain, des experts thématiques (mobilité, environnement, foncier) sont invités à partager ces moments d’échange des critiques à la table en fonction des sujets d’atelier qui changent chaque année. Chaque groupe discute ainsi directement avec les enseignants et avec les experts invités ses avancées et ses questionnements ; les enseignants les orientent et les conseillent sur toutes les dimensions du projet : du contenu de leurs diagnostics et pistes de projet à l’organisation interne du travail en groupe, en passant par la conception des visites de terrain et les recherches documentaires.  

Figure 1. Séance de critique à la table, lieu de rencontre entre enseignants et apprenants. Atelier de développement régional, octobre 2020 (cliché : S. Vanbutsele).

Postures d’apprentissages et rôles d’enseignants
De l’angoisse de la méthode
à l’angoissé de la méthode :
l’enseignant comme « gardien » et passeur

La pédagogie de l’atelier aspire à favoriser, chez l’apprenant, la construction d’une pensée du projet. Par pensée du projet, il faut entendre ici un mélange d’étapes logique, mais aussi des répertoires de gestes et une certaine disposition par rapport au monde (une éthique, en somme). Cet apprentissage, crucial, nécessite que l’enseignant garantisse certaines conditions d’émancipation qui peuvent relever, par exemple, du choix d’une entrée thématique, de la redéfinition du périmètre ou d’un programme plus flou… Or cette liberté peut être très angoissante. Qu’attend-on de moi ? Les rapports d’Analyse d’évaluation des enseignements (ADEVEN) de l’université de Genève fournissent de nombreux exemples de cette inquiétude primordiale : « Il faudrait être plus clair sur les documents à rendre. Laisser une pleine liberté est très intéressant mais, à la fin, on ne sait pas tellement produire un PLQ (Plan Localisé de Quartier) ou PDQ (Plan Directeur de Quartier)[15]Le Plan Localisé de Quartier (PLQ) et le Plan Directeur de Quartier (PDQ) sont les deux outils principaux dans le canton de Genève pour la définition d’un projet à l’échelle d’un secteur urbain. Ils sont souvent les deux livrables attendues lors du troisième atelier du master en développement territorial. de manière légale avec le code couleur adéquat » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2016) ; « Le projet sur lequel nous avons travaillé semble complexe et de relativement grande envergure. Il m’a été parfois difficile de savoir ce qui nous était demandé, mais je ne sais quoi dire pour améliorer ce point » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2017).

La situation est d’autant plus anxiogène que les ateliers sont placés sous le signe du dialogue entre les disciplines et les professions de l’urbanisme, insinuant une dynamique particulière au moment solennel de la critique à la table : « Le fait d’avoir des professeurs d’horizons différents est très intéressant, cependant ils ne sont pas d’accord sur ce qu’ils attendent de nous ; donc, du coup, on entend différents sons de cloche et on a l’impression de devoir choisir à qui on doit plaire au lieu de faire un travail qui plaira aux trois enseignants » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2018).

Pour répondre à ce cadre angoissant, certains étudiants sont en attente d’indications de rendus plus concrètes, notamment du point de vue du degré de précision. D’autres formulent une demande d’une méthodologie de projet comprise comme une recette à appliquer : « c’est dommage qu’une sorte de guide ne soit pas envisagée » (propos d’un étudiant, rapport ADEVEN, campagne 2016).

Les réponses enseignantes ne peuvent alors qu’être décevantes. Il s’agit d’expliquer ou rappeler que l’atelier est un lieu d’apprentissage du faire projet plus que des codes de l’aménagement, un laboratoire des conditions d’exercice de l’urbanisme. Symétriquement, il s’agit d’expliquer ou de rappeler que c’est le processus qui est évalué et la manière dont on chemine dans le maquis des données à mobiliser, dans l’épaisseur phénoménologique du site, dans les incertitudes d’un programme. L’enseignant assume ici le rôle d’un gardien. Il est le mythique gardien du gué des romans médiévaux, qui garantit les conditions de passage d’eaux tumultueuses ; ce faisant, il est le gardien de la qualité du projet produit.

Figure 2. Visite de terrain à Bienne avec la responsable de l’urbanisme biennois. Atelier de projet urbain, septembre 2021 (cliché : M. Alonso).

De l’incertitude à la lutte pour la reconnaissance :
l’enseignant, un coach de vie

Le caractère anxiogène de l’atelier comme dispositif d’apprentissage conduit sans doute à cette situation relevée par une intervenante dans le cadre d’un atelier : « Des groupes ont besoin d’être […] [convaincus] que ce qu’ils feront [est] génial, révolutionnaire, sinon leur enthousiasme retombe comme un soufflé » (enseignante d’atelier 2018, architecte).

Le travail d’encadrement des étudiants ou des groupes concernés consiste alors principalement à porter les encouragements nécessaires, en pointant avec bienveillance les éléments susceptibles d’être renforcés, tout en veillant à expliciter les ressources nécessaires pour y remédier. C’est un travail de coaching, en somme, par lequel il faut trouver les mots pour faire « avancer » les étudiants. Les étudiants se montrent de fait particulièrement sensibles à cette dimension : « Grande disponibilité de l’enseignante, qui apporte un encadrement et une aide indispensable dans cet atelier » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2018) ; « Toujours positive, très appréciable » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2017) ; « Même si cela est anecdotique, certains commentaires ou remarques sur le projet ont pu être décourageants » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2017).

Certains enseignants peinent toutefois à concevoir que la critique « sévère, mais juste », selon l’adage consacré, ne suscite pas automatiquement l’envie de s’amender et d’améliorer son rendu en intégrant les critiques énoncées.

Pourtant, la capacité d’écoute d’un enseignant, de se rendre disponible pour accompagner le cheminement des étudiants, de porter la reconnaissance qui s’impose, de marquer que l’on sait que l’apprenant… apprend, participe de sa compétence pédagogique. D’après nos retours d’expériences, il se pourrait même que l’art d’enseigner repose sur une aptitude à être bienveillant mais juste.

Figure 3. Dernier suivi entre enseignants et une des équipes de projet avant le rendu. Atelier de prospective urbaine, septembre 2021 (cliché : M. Alonso).

Entre quête de la référence et désir de culture :
l’enseignant, un modèle

L’atelier est aussi un dispositif parfois déstabilisant, qui met les apprenants face à des situations d’apprentissage dans lesquelles ils sont appelés à développer des dynamiques de projet orientées simultanément sur la réalisation d’une proposition d’aménagement ou de stratégie d’aménagement. Cette orientation sur une finalité opérationnelle et stratégique nécessite que les encadrants formulent régulièrement, de manière « bienveillante mais juste », des critiques qui ont fonction de viatique. En effet, l’atelier suscite chez l’étudiant une envie soutenue de références (méthodologiques, théoriques…), un désir de culture architecturale et urbaine, que l’on observe peu dans d’autres formes d’enseignement : « Il est indispensable d’amener des apports techniques tôt dans l’année, on ne les a pas dans les autres cours (ex. IUS[16]L’Indice d’Utilisation du Sol (IUS) est un des outils d’urbanisme majeurs en Suisse. Cet indice est le facteur résultant de la division de la surface brute de plancher entre la surface du terrain., légendes et conventions dans les plans, etc.). Ce serait bien plus utile en début d’atelier que les longues présentations sur des projets de paysage hors milieu urbain, qui sont certainement très intéressantes mais qui n’ont aucun lien concret avec le travail à faire, ni avec le terrain » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2016) ; « Plus de cours théoriques avec des références de ce qui se fait dans d’autres endroits » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2016).

Dans ce besoin de références, l’enseignant est parfois perçu comme un modèle, renouant en cela avec la tradition beaux-arts de l’atelier, encore présent dans certaines écoles d’architecture. L’enseignant est un maître au contact duquel on apprend par mimétisme, en se calquant sur ses façons de faire. C’est à une posture de projet que l’on est initié, dans le même temps qu’une personnalité de référence nous apprend les ficelles du métier, dans une forme d’apprentissage passant tout à la fois par l’imitation que la reconnaissance d’une filiation (Alonso, 2018b[17]Alonso M. (2018b). « Les biais cognitifs comme levier dans la posture projectuelle. Forces et faiblesses dans un retour d’expérience pédagogique », dans Cohen C, Devisme L (dir.), Les activités et métiers de l’architecture et de l’urbanisme au miroir des formations, Paris, Éditions de la Villette, Cahiers Ramau, n° 9, p. 117-133.).

Les apprenants ont régulièrement des attentes fortes à cet égard, qui peuvent compromettre l’apprentissage du projet comme art de l’itération, de l’abduction, de l’hésitation créatrice en somme : « J’ai souvent l’impression que les enseignants ne sont pas là pour apprendre aux étudiants comment faire, ce qui devrait être le cas. […] S’il est vrai que les enseignants nous aident relativement beaucoup avec la dimension conceptuelle du projet de paysage, ils ne nous montrent pas vraiment comment passer à la pratique pour réaliser concrètement le projet. Je m’attendais à une plus grande transmission de savoirs techniques » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2018) ; « On n’apprend pas vraiment à faire du paysage (savoir quel type d’arbre choisir, connaître les termes techniques, etc.) alors que c’est le but de l’atelier de paysage […] On tâtonne trop, à mon avis » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2018).

Figure 4. Retour lors du rendu final de l’atelier de projet urbain, septembre 2016 (cliché : équipe de communication UNIGE).

De l’apprenant hyper impliqué
aux rapports de travail dissymétriques :
l’enseignant, un médiateur

L’apprenant de type « impliqué » présente un profil pour lequel les pédagogies actives sont pertinentes ; il aime participer, se montre très actif et productif, à plus forte raison que sa plus grande maîtrise de certains outils lui donne une place prépondérante dans la conception du projet… Ce profil peut toutefois se révéler problématique dans le cadre de travail en groupe.

Ce type pourrait être décrit de la manière suivante : « Le groupe avec un individu très actif qui monopolise le projet en évinçant les autres… Il y a une volonté de travailler, mais celui qui est capable de représenter graphiquement produit des documents en solo. Le groupe ne coconstruit pas la réflexion, car les cartes leur arrivent toutes faites. Les autres membres du groupe ne savent pas comment interpréter ces documents et n’osent rien y toucher par respect pour les heures de travail que cela a représenté. Face à cette dynamique, certains membres du groupe tendent à se désinvestir, s’effacer » (enseignante d’atelier, architecte).

Du point de vue du projet pédagogique d’un atelier de projet (qui est aussi celui de l’apprentissage de l’urbanisme comme pratique interdisciplinaire et interprofessionnelle), cette situation est bien entendu problématique. L’enseignant doit alors interpeller le groupe concerné sur sa modalité de fonctionnement. Plus que le résultat du processus, ce qui importe alors c’est la manière dont le travail s’organise qui devient l’enjeu majeur. Le travail d’atelier nécessite alors un moment de décadrage, qui consiste à rappeler la nature du travail urbanistique, suivi d’un moment de recadrage, qui réside dans l’explicitation d’une méthode possible (par exemple l’initiation aux méthodes Scrum[18]Voir la définition en ligne de travail collaboratif et incrémental). Ce travail de décadrage/recadrage se déploie bien entendu sur un mode plus socratique, mais il nécessite parfois des interventions plus directives – en imposant le dialogue (ce qui est une proposition un peu paradoxale) au sein du groupe, en demandant que les présentations publiques soient portées à tour de rôle par des membres du groupe et non pas déléguées au même représentant.

Pour les apprenants de type impliqué, l’apprentissage du travail en équipe (écouter les pairs, organiser les séquences de travail, etc.) est une retombée pédagogique certaine de l’atelier. L’enseignant médiateur se retrouve souvent à devoir aider les étudiants à gérer les différents conflits qui émergent, presque nécessairement, lors du travail en groupe, à plus forte raison que les groupes sont étendus. C’est du moins ce dont font part certains témoignages étudiants : « Cinq personnes par équipe, cela fait beaucoup et prend beaucoup de temps et d’énergie pour des discussions, des accords, etc. » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2016) ; « L’équilibre interdisciplinaire au sein des groupes n’est pas encore au point. Un certain fossé réside entre les compétences des personnes formées en géographie et celles formées aux métiers de projet. Pas tout le monde arrive à trouver son rôle. Certains projeteurs de formation ont aussi tendance à reprendre tout le travail des géographes pour “mieux faire” et finalement se plaindre de faire tout le travail » (ADEVEN, campagne d’évaluation 2018).

L’enseignant est aussi une personne qui peut aider les apprenants à trouver leurs rôles respectifs au sein d’une équipe de projet, initier les individus à une forme d’autoconnaissance leur permettant de mieux « cultiver leur exotisme ». Le médiateur rejoint ici l’entraîneur sportif – et pourquoi pas le modèle s’il sait s’appliquer ces propres principes.

Figure 5. Lors de la crise sanitaire, quand l’enseignement supérieur a basculé en ligne, les ateliers ont continué à avoir lieu en présentiel, constituant le seul ancrage non virtuel des individus avec le groupe. Atelier de projet urbain, décembre 2020 (cliché : M. Alonso).

Les dilemmes de l’enseignement dialogique

L’atelier de projet place le dialogue (entre pairs, entre étudiants et enseignants…) au centre de l’apprentissage. Le dialogue comme outil pédagogique permet d’élaborer une réflexion commune sur des sujets complexes, des problématiques de société, et d’élargir les perspectives des étudiants (Piro, 2016[19]Piro J. (2016). Revolutionizing global higher education policy, innovation and the Bologna process, New York, Routledge.). Néanmoins, la mobilisation du dialogue dans l’enseignement place l’enseignant devant un certain nombre de dilemmes.

D’abord, l’enseignant souhaite que l’apprenant participe, mais aussi qu’il écoute ses pairs. Ici, le rôle de l’enseignant est tantôt celui d’un entraîneur, tantôt celui d’unmédiateurà la recherche d’un équilibre entre participation et écoute au sein d’un groupe : d’une part, l’enseignant entraîneur tend à pousser l’étudiant réflexif et/ou silencieux, et d’autre part, ce même enseignant, qui se fait médiateur, tend à freiner quelque peu l’étudiant qui a tendance à prendre toute la place. Ce faisant, l’enseignant entraîneur-médiateur s’efforce de rendre chacun conscient du rôle qu’il joue dans le groupe et de son évolution.

Ensuite, l’enseignant est tantôt accompagnateur (entraîneur et médiateur) suivant le processus de dialogue entre les pairs, tantôt boussole (gardien-passeur et modèle) aiguillant le résultat de ce processus et le « produit » de la séquence d’enseignement :

d’une part, en tant que boussole (gardien-passeur et modèle), l’enseignant guide l’apprentissage en jouant un rôle de gardien-passeur ou même de modèle, rappelant que la proposition d’organisation spatiale est la finalité de l’atelier et que, pour y aboutir,des décisions qui rythment l’avancée du processus de projet doivent être prises. L’enseignant incarne alors un rôle de garant du projet général de l’atelier et des objectifs d’apprentissage des différentes séances, rappelant de manière constante ce qui doit faire l’objet de discussion, mais aussi de décision. Ici, les objectifs d’apprentissages gagneraient parfois à être éclaircis afin de préciser quels savoirs techniques les enseignants cherchent à transmettre et quels sont ceux pour lesquels on attend des étudiants qu’ils se forment par eux-mêmes. Du côté des enseignants, la conception des ateliers pourrait s’en trouver modifiée, et du côté des apprenants, les critères d’évaluation seraient peut-être mieux compris ;

d’autre part, en tant qu’accompagnateur (plutôt du ressort de l’entraîneur ou du médiateur), l’enseignant a un rôle particulièrement important dans l’apprentissage de la gestion collective du temps, de la distribution des tâches, de la fixation d’objectifs intermédiaires… L’échange et le débat sont donc des modalités importantes du travail de projet sans pour autant être la finalité de l’atelier.

Face à ces dilemmes, l’enseignant est appelé à être parfois médiateur, parfois accompagnateur, parfois entraîneur (au sens sportif du terme), mais également expert et évaluateur, et souvent plusieurs de ces rôles simultanément.

Conclusion
Quelle est l’incidence et comment répondre
aux styles d’apprentissage dans l’atelier ?

Chaque style d’apprentissage favorise un type d’outil. Sans surprise, certains étudiants se réjouissent des cours-conférences, car ils ont un style plus réflexif, alors que d’autres apprennent mieux par le faire et le dialogue avec l’enseignant. Comment construire un programme pour enseigner le projet urbain avec succès sans faire trop de déçus ?

Nous postulons ici que pour mener à bien l’encadrement du design process dans le quotidien de l’apprentissage de l’atelier, il faut favoriser une approche de type « boîte à outils » autour du projet (cours théoriques thématiques, experts invités à l’atelier, critiques inter-pairs, travail d’équipe, critiques par les encadrants, discussion tant sur le fond que sur la forme, etc.). Cette boîte à outils assure que tous les styles d’apprentissage y trouvent d’une certaine façon leur compte. Mais au-delà de la boîte à outils, les rôles que sont amenés à jouer les enseignants pour s’adapter aux différents types d’apprenant qu’ils ont en face d’eux sont centraux pour garantir l’apprentissage des savoir-faire et savoir-être visés par l’atelier.

Concernant les rôles multiples que l’encadrant est appelé à jouer en fonction des profils des apprenants, il est important d’avoir un équilibre qui passe souvent par une équipe d’encadrants aux styles complémentaires plutôt qu’un enseignant unique face à une diversité de profils d’apprenants. Dans cette optique, le parcours professionnel des enseignants et les critères d’évaluation et de promotion de ces parcours peuvent être questionnés. Ceux-ci tendent à favoriser la poursuite d’une carrière soit académique soit pratique, mais l’hybridation entre ces parcours est difficile à faire valoir ou à mettre en œuvre. L’intérêt de former des équipes d’enseignants aux profils complémentaires s’en trouve donc renforcé.

La diversité de styles d’encadrement survient de façon spontanée quand un encadrant est beaucoup plus expérimenté que l’autre (le tandem typique entre professeur et assistant). L’encadrant expérimenté prend le rôle d’expert et de garant de la qualité, alors que le plus novice s’occupe plutôt de la médiation et du coachingdes équipes et des individus. Les décalages, les écarts surgissent lorsque les encadrants sont, par exemple, tous axés sur l’apprentissage par le faire et se voient confrontés à des étudiants très réflexifs, et inversement. Pour éviter ces conflits, on observe dans les équipes d’enseignement une distribution des rôles qui s’opère de façon presque intuitive entre enseignants afin de construire un équilibre d’encadrement et faire avancer le travail d’atelier vers une réussite de l’apprentissage. Une autoconnaissance des propres styles des enseignants serait avantageuse pour que cette distribution se fasse plus explicitement et serait un atout pour l’organisation du suivi quotidien de l’atelier à l’interne des équipes d’enseignement.


[1] Scherrer F, Lavoie N, Abrassart C, Bastin A. (2017). « La conception innovante en urbanisme. Recherche-expérimentation pédagogique associée à l’atelier de maitrise en urbanisme de l’Université de Montréal », Riurba, n° 3.

[2] Balassiano K, West D. (2012). « Seeking the studio experience outside of the studio course », Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 465-475.

[3] Viswanathan L, Whitelaw GS, Meligrana J. (2012). « Evaluating the role of the project course in professional planning education and its influence on planning policy and practice », Planning Practice and Research, n° 27(3), p. 387-403.

[4] Carriou C. (2018). « L’expérience des “commandes financées” au sein du master d’urbanisme de l’université Paris-Nanterre. », dans Cohen C, Devisme L (dir.), L’architecture et l’urbanisme. Au miroir des formations, Cahiers Ramau, n° 9, Paris, Éditions La Villette.

[5] Alonso M. (2018a). « Les enjeux de la pédagogie du projet urbain : entre la décomplexification des territorialités et processus et l’importance d’une philosophie de l’enseignement », dans Deboudt P. , Bosredon P. et al., Actes du colloque des 20e rencontres internationales en urbanisme de l’APERAU, Lille, France, 20-22 juin 2018, p. 232-235.

[6] Haute École Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO) et Université de Genève (UNIGE).

[7] Des questionnaires distincts sont proposés aux étudiants afin qu’ils fassent un retour sur l’enseignement en tant que tel, d’une part, et sur chacun des enseignant, d’autre part. Ceux-ci sont envoyés par mail à l’ensemble des effectifs à l’issue de chaque atelier par le Pôle de soutien à l’enseignement et l’apprentissage et traités par lui. [En ligne].

[8] Altet M, Étienne R, Desjardins L, Paquay L, Perrenoud P (dir.). (2013). Former des enseignants réflexifs. Obstacles et résistances, Bruxelles, De Boeck.

[9] Bruner J. (1977). The process of Education, Cambridge (Mass.), Harvard University Press.

[10] Jorgensen MT, Brogaard L. (2021). « Using differentiated teaching to address academic diversity in higher education », Learning and Teaching, n° 14(2), p. 87-110.

[11] Kolb DA. (1984). Experiential learning. Experience as the source of learning and development, Englewood Cliffs (NJ), Prentice-Hall.

[12] Felder RM, Silverman LK. (1988). « Learning and teaching styles », Engineering Education, n° 8(7), p.674-681.

[13] Felder RM. (1988). « Creativity in engineering education », Chemical Engineering Education, n° 22(3), p.120-125.

[14] Oleson A, Hora MT. (2014). « Teaching the way they were taught? Revisiting the sources of teaching knowledge and the role of prior experience in shaping faculty teaching practices », Higher Education, n° 68, p. 29-45 [En ligne].

[15] Le Plan Localisé de Quartier (PLQ) et le Plan Directeur de Quartier (PDQ) sont les deux outils principaux dans le canton de Genève pour la définition d’un projet à l’échelle d’un secteur urbain. Ils sont souvent les deux livrables attendues lors du troisième atelier du master en développement territorial.

[16] L’Indice d’Utilisation du Sol (IUS) est un des outils d’urbanisme majeurs en Suisse. Cet indice est le facteur résultant de la division de la surface brute de plancher entre la surface du terrain.

[17] Alonso M. (2018b). « Les biais cognitifs comme levier dans la posture projectuelle. Forces et faiblesses dans un retour d’expérience pédagogique », dans Cohen C, Devisme L (dir.), Les activités et métiers de l’architecture et de l’urbanisme au miroir des formations, Paris, Éditions de la Villette, Cahiers Ramau, n° 9, p. 117-133.

[18] Voir la définition en ligne.

[19] Piro J. (2016). Revolutionizing global higher education policy, innovation and the Bologna process, New York, Routledge.