juillet 2020
Métropoles contre villes moyennes et territoires
Entre mimétisme
et contre-modèle métropolitain
Étude d’un grand projet de gare
pour la ville moyenne de Saint-Omer
Entre mimétisme et contre-modèle métropolitain : étude d’un grand projet de gare pour la ville moyenne de Saint-Omer,
Riurba no
10, juillet 2020.
URL : https://www.riurba.review/article/10-metropoles/mimetisme/
Article publié le 1er fév. 2022
- Abstract
- Résumé
Between imitation and metropolitan alternative model: a study on a big project in the midium sized town of Saint-Omer
Since the end of the 1990s, a number of urban planning initiatives have been launched in and around French train stations. This paper aims to analyze the specific case of Saint-Omer, medium-sized city in Hauts-de-France region. Through an analysis of project planning and management, it shows uniformities and singularities between this project and those launched both on metropolises and other medium-sized cities. This research demonstrates that the Saint-Omer case combined main principles and local characteristics. More precisely, this paper reveals above all evolutions of relations between railway operator and local actors in small and mid-sized cities.
Depuis plus de vingt ans, de nombreux projets sont conduits pour transformer les gares et les quartiers de gares dans l’ensemble du territoire national. Cet article propose d’étudier le réaménagement de la gare et du quartier de gare de Saint-Omer, ville moyenne située dans la région Hauts-de-France. À partir de l’analyse de la programmation et de la conduite de projet, il met en évidence les régularités et les singularités de ce réaménagement par rapport à ceux menés dans les métropoles et dans les autres villes moyennes. L’enquête montre que le cas audomarois conjugue à la fois des grands principes communs et des particularités locales. À une échelle plus fine, l’analyse de la genèse de ce projet révèle surtout les évolutions des relations entre les acteurs ferroviaires et les acteurs locaux dans les petites et moyennes villes, et le mouvement de reconquête des petites gares.
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Introduction
Depuis le début des années 2000, de nombreux projets d’aménagement sont conduits pour transformer les gares ferroviaires dans l’ensemble du territoire national. Ils concernent l’aménagement des bâtiments voyageurs historiques, l’organisation des abords immédiats dans le cadre de pôles d’échanges (parvis, voiries, parking, gare routière, etc.) et/ou de leurs quartiers. Alors que les gares ont été longtemps des objets en marge dans le tissu urbain, elles sont ainsi devenues progressivement des incontournables des politiques locales d’aménagement (Delage, 2018[1]Delage A. (2018). « Gare au standard ! Les nouveaux quartiers de gare TGV, produit d’appel pour des territoires en mal de reconnaissance ? », Les Annales de la recherche urbaine, n° 113, p. 150-165.). Les projets qui concernent des gares métropolitaines ont été les plus étudiés et médiatisés ces dernières années mais ils se multiplient également dans des villes plus modestes, comme dans les villes moyennes. Souvent associées à la France des préfectures et des sous-préfectures (Béhar, 2011[2]Behar D. (2011). « Bricolage stratégique et obligation d’innovation », Urbanisme, n° 378, p. 50-51.), ces villes se situent, peu ou prou, à un échelon intermédiaire entre les métropoles régionales et les petits bourgs urbains (Santamaria, 2012[3]Santamaria F. (2012). « Les villes moyennes françaises et leur rôle en matière d’aménagement du territoire : vers de nouvelles perspectives ? », Norois, n° 223, p. 13-30 [En ligne). À l’image de notre terrain, Saint-Omer, les villes moyennes se distinguent surtout par une fragilité socio-économique et démographique, qui interroge sur leur capacité à retrouver de l’attractivité.
Cet article s’intéresse en effet à la transformation de la gare et du quartier de gare de Saint-Omer, ville moyenne située sur la ligne ferroviaire entre Lille et Calais dans la région Hauts-de-France. Cette gare monumentale héritée du XIXe siècle a été fermée en 2011, suite à des défauts de sécurité, et a fait l’objet d’un vaste projet de réhabilitation piloté par la Communauté d’Agglomération du Pays de Saint-Omer[4]La Communauté d’Agglomération du Pays de Saint-Omer (CAPSO) est le nom de l’intercommunalité depuis le 1er janvier 2017. Avant cette date, l’EPCI avait pour dénomination la Communauté d’Agglomération de Saint-Omer. Dans un souci de clarté, nous nommerons l’intercommunalité par son nom le plus actuel, soit la CAPSO, même pour les analyses portant avant 2017.. Ce projet étonne par son envergure pour une ville moyenne et par l’originalité de sa démarche partenariale. Alors que les projets touchant au patrimoine ferroviaire en France sont de la responsabilité pleine et entière de SNCF et de ses filiales, l’intercommunalité audomaroise a racheté le bâtiment voyageur et le foncier qui y est associé pour mener à bien « son » projet. L’objet de cet article est de retracer la genèse et la fabrique de ce projet atypique. En quoi ce réaménagement d’une gare de ville moyenne est-il si particulier ? Comment s’est construite la programmation avec l’ensemble des partenaires ? Préfigure-t-il un autre modèle d’intervention sur les gares, différent, voire opposé, de celui des métropoles ?
Les ressources exploitées dans l’article s’appuient sur un suivi au long cours du projet audomarois et de projets dans les gares régionales en France. D’une part, cette recherche se fonde sur un corpus documentaire comprenant des documents de communications institutionnelles, des articles issus de la presse locale et l’analyse des documents de planification. Elle s’appuie également sur des entretiens semi-directifs avec les principales parties prenantes du projet de Saint-Omer[5]À savoir : les acteurs locaux (commune, intercommunalité, région), l’agence d’urbanisme et de développement du Pays de Saint-Omer – Flandre intérieure et SNCF Gares & Connexions. Ces entretiens ont un triple objectif : identifier les principales étapes qui ont conduit au lancement de ce projet, analyser le rôle de chaque acteur dans ce réaménagement et étudier la mise en place du dispositif multipartenarial. réalisés en deux temps : le premier temps d’enquête a été mené en parallèle de la conception et de la réalisation du projet (2015-2017) dans le cadre de la thèse d’Émilie Roudier (2019[6]Roudier E. (2019). « Quand la ville moyenne entre en gare : entre mimétisme métropolitain et recompositions territoriales », thèse en aménagement de l’espace et urbanisme, université Paris-Est, 294 p.), et le deuxième temps a été mené un an après la réouverture de la gare (2020). Ces rencontres ont permis de recueillir des données sur la genèse du réaménagement de la gare et sur l’organisation du système d’acteurs associé à la conduite de ce projet. Ce travail d’enquête a aussi été réalisé sur le terrain à partir de visites et d’observations sur site, entre 2016 et 2020, afin de comprendre le fonctionnement du site et l’insertion de la gare dans le territoire.
D’autre part, pour observer les régularités et singularités du cas audomarois, nous utilisons des observations de terrains menées dans le cadre de travaux du Cerema. L’établissement a mené une série d’ateliers, de rencontres et d’études sur les gares TER depuis 2011 afin d’observer les stratégies foncières et urbaines, les démarches de développement des services dans et autour des gares, ainsi que les projets de pôle d’échanges.
L’article se décompose en trois parties. La première partie établit un état de l’art des travaux sur l’enjeu des gares en urbanisme, avant de pointer la particularité des villes moyennes dont Saint-Omer est représentative. La deuxième partie se concentre sur le point clé du grand projet autour de la gare de Saint-Omer : la réhabilitation du bâtiment-voyageur. Nous cherchons à retracer la genèse de ce projet et la constitution d’un système d’acteurs inédit pour intervenir sur un bâtiment ferroviaire. La troisième partie vise à confronter les différentes dimensions du projet audomarois par rapport à d’autres cas similaires en France. Au final, nous cherchons à comprendre si le cas de Saint-Omer est une situation isolée ou si, à l’inverse, il préfigure un contre-modèle d’intervention sur les gares, mieux adapté aux spécificités des villes moyennes ?
Les villes moyennes et leurs gares en France :
de l’abandon au regain d’intérêt
Gares ferroviaires et métropolisation :
un thème riche pour la recherche urbaine
Les territoires sont confrontés à de nombreux défis accentués par le dérèglement climatique et la transition énergétique. Parmi ces défis, les transports restent un enjeu majeur, à la fois pour augmenter l’accessibilité métropolitaine (et répondre à la dissociation des emplois et des logements) mais aussi comme levier de réduction de l’empreinte environnementale. Alors que l’émergence des agglomérations au début du XXe siècle s’est largement construite autour du rail (Beaucire, 2001[7]Beaucire F. (2001). « Sur la relation transports urbanisme », Mobilité, territoires, DRAST.), le fait métropolitain s’est construit autour de l’amélioration des conditions de déplacement en voiture. La « mobilité facilitée » par l’automobile a permis l’ouverture d’un « vaste territoire à l’urbanisation en permettant d’être encore lié de diverses façons à la ville agglomérée sans y habiter » (Wiel, 1999[8]Wiel M. (1999). La transition urbaine ou le passage de la ville pédestre à la ville motorisée, Mardaga, Collection Architecture + Recherches, Sprimont (Belgique), 149 p.).
Pour répondre aux problématiques posées par l’usage intensif de la voiture, les politiques publiques défendent des organisations territoriales s’appuyant davantage sur les transports collectifs – et ferroviaires en particulier. Les législations européenne et française ont réaffirmé la nécessité d’une meilleure articulation entre politiques de transport et politiques urbaines (Gallez et al., 2013[9]Gallez C, Kaufmann V, Thebert M et al. (2013). « Coordonner transport et urbanisme. Visions et pratiques locales en Suisse et en France », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, n° 2, p. 317-337.). Ces objectifs portés par la loi et traduits dans la planification locale sont largement analysés par la recherche en urbanisme.
En effet, il est admis que les gares ferroviaires disposent d’une fonction urbaine et peuvent être considérées comme « un morceau de ville qui joue un rôle décisif dans l’environnement territorial » (Joseph, 1999). Selon Fabienne Margail, les gares et pôles d’échanges « pourraient devenir un élément fort de la morphologie et de l’organisation fonctionnelle de la ville de demain » (Margail, 1996[10]Margail F. (1996). « De la correspondance à l’interopérabilité : les mots de l’interconnexion », Flux, n° 25, p. 28-35.).
Depuis Peter Hall et Carmen Hass-Klau, qui se demandaient, il y a déjà 35 ans, si « le rail peut sauver la ville » (Hall et Hass-Klau, 1985[11]Hall P, Hass-Klau C. (1985). « Can rail save the city? The impacts of rail rapid transit and pedestrianisation on British and German cities », Aldershot, Gower.), les contributions se sont succédé sur l’enjeu du train dans l’organisation territoriale. Développé dans les années 1990 par des urbanistes américains tels que Peter Calthorpe ou Robert Cervero, le concept de Transit-Oriented Development (TOD) alimente les réflexions d’une planification intégrée entre transport ferroviaire et urbanisme (Calthorpe, 1993[12]Calthorpe P. (1993). The next American metropolis: ecology, community, and the american dream, Princeton : Princeton Architectural Press. ; Cervero et Kockelman, 1997[13]Cervero R, Kockelman K. (1997), « Travel demand and the 3Ds: density, diversity and design », Transportation research, Part D, n° 2(3), p. 199-219.). Le principe est de structurer le développement urbain aux abords des stations de transport public avec des projets se caractérisant par une mixité fonctionnelle, une forte densité et par une haute qualité d’aménagement des espaces publics (Bentayou, Perrin et Richer, 2015[14]Bentayou G, Perrin E, Richer C. (2015). « Le contrat d’axe et Transit-Oriented Development : quel renouvellement de l’action publique en matière de mobilité et d’aménagement ? (Point de vue d’acteurs) », Flux, n° 101-102, p. 111-123.). Largement diffusées dans la recherche urbaine aux États-Unis, au Canada, au Mexique, en Australie ou en Chine notamment, des thèses récentes ont également testé les principes du Transit-Oriented Development dans la Région Hauts-de-France (Lo Feudo, 2014[15]Lo Feudo F. (2014). « Un scénario TOD pour la région Nord-Pas-de-Calais : enseignements d’une modélisation intégrée transport-usage du sol », thèse de doctorat en aménagement et urbanisme, université de Lille. ; Liu, 2016[16]Liu L. (2016). « Corridors urbains et Transit Oriented Development : enseignements d’une modélisation intégrée des transports et de l’usage du sol appliquée à la métropole lilloise, thèse de doctorat en aménagement et urbanisme, université de Lille.).
En France, de nombreuses recherches urbaines sur les gares se sont succédé dans les années 1990 : citons les programmes « Lieux-mouvements de la ville », qui a donné lieu à la publication de l’ouvrage Villes en gare (Joseph, 1999[17]Joseph I. (1999). Villes en gares, Éditions de l’Aube, 309 p.), Gares et quartiers de gares (Menerault et Barré, 2001[18]Menerault P, Barré A (dir.). (2001). Gares et quartiers de gares : signes et marges. Lille, Rennes et expériences internationales (Italie, Japon, Pays Bas), Arcueil, INRETS, Actes n° 77, 216 p.) et Lieux du transport, continuité ou rupture (Roty, 2000[19]Roty T. (2000). Conception et management de projets de pôles d’échanges. La question des parcours des usagers: La Défense, Massy, Val d’Europe, Recherches stratégiques Lieux du transport : continuité et rupture, rapport Predit, 244 p. ; Revaux et Sander, 2000[20]Reveaux P, Sander A. (2000). Lieux du transport : passerelles méthodologiques entre le fret et le transport de voyageurs, rapport final DRAST, 104 p.). Dans ces projets, les terrains étudiés se concentrent principalement sur de grands lieux d’échanges comme Massy, Euralille, Gare du Nord ou La Défense.
Les quartiers de gare suscitent un regain d’intérêt en étant considérés comme des lieux stratégiques pouvant présenter un potentiel intéressant de développement et d’aménagement du territoire. La poursuite des travaux sur le thème a permis d’aborder des perspectives plus internationales et plus appliquées, à l’image des projets Bahn.Ville (L’Hostis et al., 2009[21]L’Hostis A. (dir.). (2009). Concevoir la ville à partir des gares, rapport final du projet Bahn-Ville.2, Predit-Deufrako.) et des programmes de recherche européens (tels que Sintropher, NODES, City-Hub ou Citizens’ rail). En outre, les terrains d’études sont également plus variés : si le premier Programme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines (POPSU 1 2004-2010), porté par le PUCA, s’est focalisé sur les stratégies métropolitaines autour des grandes gares TGV (Menerault, 2009[22]Menerault P. (2009). « Gares ferroviaires et projets métropolitains : une ville en mutation », dans Paris D, Mons D (dir.), Lille Métropole, laboratoire du renouveau urbain, Marseille, Parenthèses. ; Terrin, 2011[23]Terrin JJ (dir.). (2011). Gares et dynamiques urbaines. Les enjeux de la grande vitesse, Marseille, Parenthèses, 224 p.), le deuxième programme POPSU (2010-2017) s’est intéressé aux gares et pôles d’échanges de différentes tailles dans les aires métropolitaines[24]Voir les rapports de recherche POPSU2 sur l’axe thématique « Gares et pôles d’échanges » [En ligne.
Ainsi, la question de l’urbanisme « orienté vers le rail » demeure un thème fécond pour la recherche et une préoccupation des politiques publiques. En effet, la valorisation du système ferroviaire apparaît comme un enjeu d’attractivité et de durabilité des territoires (Delage, 2013[25]Delage A. (2013). « La gare, assurance métropolitaine de la ville post-industrielle. Le retournement de valeur dans les projets urbains de quartier de gares à Saint-Étienne Châteaucreux (France) et Liège-Guillemins (Belgique) », thèse en géographie, aménagement de l’espace et urbanisme, université Lyon 2, 543 p.). Les thèses récentes montrent que les « grandes » gares ou gares TGV restent des terrains d’investigation privilégiés (Boumoud, 2012[26]Boumoud A. (2012). « La grande gare contemporaine et le labyrinthe du transport multimodal : vers une nouvelle approche de la lisibilité, l’exemple de la gare de la Part-Dieu à Lyon », thèse en architecture et aménagement de l’espace, université de Grenoble. ; Delage 2013[27]Op. cit. ; Carrouet, 2013[28]Carrouet G. (2013). « Du TGV Rhin-Rhône au “Territoire” Rhin-Rhône : réticularité, mobilité et territorialité dans un espace intermédiaire », thèse en géographie et aménagement de l’espace, université de Bourgogne. ; Riot, 2015[29]Riot E. (2015). « L’agencement des grandes gares historiques pour le marché ferroviaire européen : analyse comparée de l’intégration des principes concurrentiels dans l’aménagement et la gestion des gares de London St Pancras, Paris-Nord et Milano Centrale », thèse en aménagement de l’espace et urbanisme, université Paris-Est. ; Le Bot, 2019[30]Le Bot N. (2019). « Quel avenir pour les gares métropolitaines françaises et allemandes ? Analyse prospective de la dialectique « système gare » / ville, face au devenir des politiques publiques françaises & allemandes en matière de transport », thèse en architecture et aménagement de l’espace, université Toulouse II Le Mirail/Universität Potsdam.), même si la recherche s’intéresse davantage aux gares et haltes périurbaines sous influence métropolitaine (Maulat, 2014[31]Maulat J. (2014). « Coordonner urbanisme et transport ferroviaire régional : le modèle à l’épreuve des pratiques. Étude croisée des métropoles de Toulouse et Nantes », thèse en aménagement de l’espace et urbanisme, Paris I Panthéon-Sorbonne. 564 p. ; Avide, 2018[32]Avide E. (2018). « La fabrique des gares du “quotidien” »,thèse en aménagement de l’espace et urbanisme, université Paris-Est, 310 p.). Entre les deux, les travaux sur les gares de ville moyenne sont cependant plus rares (Roudier, 2019[33]Op. cit.). Dans ces villes en crise de centralité, qui ne sont ni complètement métropoles, ni complément polarisés, le déclin du ferroviaire est souvent encore d’actualité. C’est tout l’enjeu de cet article : celui d’explorer un grand projet ferroviaire dans un terrain caractéristique d’une ville dite « moyenne ».
Un intérêt renouvelé pour le ferroviaire
mais une situation difficile
pour les villes moyennes
Les quartiers de gare ont porté – et pour beaucoup portent encore – les stigmates du déclin du ferroviaire, avec l’accumulation de friches, d’espaces délaissés et de coupures urbaines. Comme le note Aurélie Delage, « les quartiers de gare dégradés sont devenus au fil du temps des lieux de marginalité, espaces repoussoirs de la ville » (Delage, 2013[34]Op. cit.). Sous l’effet de plusieurs dynamiques, un large mouvement de rénovation des gares et de leurs abords s’est engagé en France depuis les années 2000.
Ce regain d’intérêt pour les gares doit beaucoup à la régionalisation du ferroviaire, engagée à la fin des années 1990 et généralisée au début des années 2000. Les régions ont investi massivement sur le TER (Olivier-Trigalo, 2009[35]Ollivier-Trigalo M. (2009). « Politiques de transport : où en sont les Régions ? Actions, doctrines et institutionnalisation », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, juillet, p. 471-490.), notamment avec l’objectif de le rendre accessible à des ménages périurbains souvent motorisés (Maulat, 2014[36]Op. cit.). Le développement du train s’est peu à peu traduit par l’aménagement de pôles d’échanges autour des principales gares régionales. Certaines régions comme l’Alsace ont été particulièrement actives à travers d’ambitieux programmes d’aménagement des gares. La création de pôles d’échanges a été également soutenue par les obligations en matière de mise en accessibilité des gares, qui ont souvent déclenché des projets plus larges. Depuis la loi d’orientation des mobilités (2019), les régions sont reconnues pleinement chef de file de la mobilité et de l’intermodalité avec l’objectif d’organiser l’action commune des autorités en matière de pôles d’échanges multimodaux.
Soutenus financièrement par les régions, les projets de pôles d’échanges sont souvent à l’initiative des communes ou intercommunalités. Le renforcement progressif des compétences des communautés d’agglomération, urbaines et métropoles, augmente l’intérêt des politiques publiques pour les principales gares de l’intercommunalité : perçus comme un objet d’intérêt communautaire, les pôles d’échanges incarnent le volontarisme de l’agglomération en faveur de la mobilité durable (Richer, 2007[37]Richer C. (2007). « Multipolarités urbaines et intermodalité : les pôles d’échanges, un enjeu pour la coopération intercommunale ? », thèse en géographie, aménagement de l’espace et urbanisme, université des Sciences et Technologie de Lille I, 533 p.).
Au sein de la démarche partenariale des pôles d’échanges, Gares & Connexions assure la maîtrise d’ouvrage sur ses emprises, et notamment le bâtiment voyageurs. Le gestionnaire des 3 000 gares du réseau ferroviaire français, société du groupe SNCF, a été créé suite au Rapport Keller (Keller, 2009[38]Keller F. (2009). La gare contemporaine,rapport remis au Premier ministre, La Documentation française, 298 p.) concluant sur la nécessité d’investir dans des gares plus ouvertes sur la ville et multimodales. Désormais rattaché à SNCF Réseau, Gares & Connexions entend faire des gares des city booster, c’est-à-dire des gares au cœur de la ville favorisant le développement économique. L’implication de l’acteur ferroviaire s’appuie sur un modèle économique qualifié de « circulaire » où « le développement des commerces en gare permet de financer le service public ainsi que le maintien, la modernisation et le développement des gares »[39]Source : Gares & Connexions [En ligne. Ainsi l’investissement de l’acteur ferroviaire s’évalue-t-il au prisme des recettes potentielles des espaces réaménagés.
À travers une lecture simplifiée de ce modèle économique, on peut comprendre la situation ambiguë dans laquelle se situent les villes moyennes (tableau 1). En schématisant, l’équilibre est possible dans les grandes gares (coûts élevés et recettes potentielles élevées) et dans les gares et haltes périurbaines les plus dynamiques (recette faible à moyenne mais coûts faibles). La situation des villes moyennes est plus aléatoire et moins avantageuse : les recettes potentielles peinent à couvrir un coût d’entretien du patrimoine et une présence humaine.
Les transformations des gares et des quartiers de gares ne sont ainsi pas réservées à une catégorie de villes. Ces évolutions sont observées à l’échelle nationale, même si les gares ne présentent pas les mêmes profils en termes de desserte, de fréquentation et de dynamique foncière. La situation des projets de gare dans les villes moyennes est finalement à l’image des difficultés de ces territoires : la mobilisation des acteurs apparaît plus complexe, et des « innovations partenariales » semblent nécessaires, comme nous cherchons à l’observer dans notre cas d’étude.
Le cas d’une gare de ville moyenne :
Saint-Omer
Saint-Omer est un projet de gare dans une ville moyenne. Il est toutefois à noter que cette catégorie de ville est difficile à définir précisément : aucune définition ne fait l’unanimité, dans le champ académique comme dans le champ politique (Demazière, 2014[40]Demazière C. (2014). « Pourquoi et comment analyser les villes moyennes ? Un potentiel pour la recherche urbaine », Metropolitiques, 29 janvier 2014. [En ligne). Loin de constituer une catégorie homogène, ces villes présentent en effet des situations géographiques diverses et des trajectoires contrastées, même si elles sont souvent perçues comme des villes en difficulté, voire en déclin (CGET, 2018[41]CGET. (2018). Regards croisés sur les villes moyennes, Paris, La documentation française, 79 p.). Le cas de Saint-Omer ne peut donc représenter l’ensemble des villes moyennes françaises mais il en concentre les principales caractéristiques. Située entre Lille et Calais, Saint-Omer est confrontée à un affaiblissement de ses fonctions traditionnelles de centre urbain, économique et commercial, à l’instar de nombreuses villes moyennes sur le territoire national (De Roo, 2005[42]De Roo P. (2005). Livre Blanc. Villes moyennes, villes d’intermédiation. Pour une diversité des modèles de développement urbain, Paris, DATAR, 160 p. ; Charmes, 2017[43]Charmes E. (2017). « La revanche des villages », La vie des idées, 24 octobre [En ligne ; Berroir et al., 2019[44]Berroir S,Fol S, Queva C, SantamariaF. (2019). « Villes moyennes et dévitalisation des centres : les politiques publiques face aux enjeux d’égalité territoriale », Belgeo [En ligneDOI).
D’une part, Saint-Omer est une petite ville-centre d’environ 15 000 habitants au sein d’une intercommunalité de 100 000 habitants regroupant 50 communes depuis 2017. La commune de Saint-Omer est tombée dans les années 1990 sous le seuil des 15 000 habitants et peine à retrouver ce niveau depuis. La population de la ville est globalement stable, alors que le nombre d’habitants de l’arrondissement de Saint-Omer est celui qui a le plus progressé du Nord et du Pas-de-Calais sur la décennie 2007-2017 (+5,3 %). Ce sont les plus petites communes de l’arrondissement qui ont capté la croissance démographique, comme Nordausques, Saint-Martin-lez-Tatinghem ou Éperlecques.
D’autre part, la ville est touchée par une vacance commerciale très élevée. Elle atteint 17,9 % dans la commune de Saint-Omer et 14,2 % dans son agglomération (AUD 2017[45]AUD (Agence d’Urbanisme et de Développement Saint-Omer Flandre intérieure). (2017). La vacance commerciale sur le Pays de Saint-Omer en 2017, Les Observatoires de l’AUD, 12 p. selon Munch et Narring, 2016[46]Munch J, Narring P (dir.). (2016). La revitalisation commerciale des centres-villes, rapport établi par l’IGF et le CGEDD, Paris.). Ce taux est parmi les plus élevés de France pour les villes moyennes, puisque la moyenne de la vacance commerciale pour les villes de 10 000 à 100 000 habitants se situe autour de 10 %. Saint-Omer est pointée dans la catégorie « Déclin durable de la commercialité » à cause d’un « Tissu socioéconomique défavorable » (Idem).
Aussi, les pratiques locales de déplacements restent très majoritairement orientées vers l’usage de l’automobile, utilisées pour près des deux tiers des déplacements. Concernant la mobilité des actifs, l’agglomération audomaroise a une autonomie partielle, puisque 71 % des actifs ne quittent pas l’agglomération pour travailler. Les actifs sortants sont multipolarisés dans des proportions similaires vers six pôles d’emploi : Dunkerque, Calais, Béthune (autour de 5 % d’actifs attirés) mais également Lille, Boulogne et la ville d’Hazebrouck de taille équivalente dans la Flandre intérieure (entre 3 et 4 %). Par comparaison, le territoire voisin de la Flandre intérieure compte seulement 51 % d’actifs stables et envoie 28 % d’actifs travailler dans la métropole lilloise. On peut ainsi constater que Saint-Omer est partiellement à distance de l’aire d’attraction de la métropole lilloise.
La voie ferrée constitue un atout pour une alternative à l’automobile, notamment pour les déplacements vers Calais (à 30 minutes), Hazebrouck (15 minutes) et Lille (50 minutes minimum). La gare de Saint-Omer est la principale porte d’entrée ferroviaire de l’intercommunalité et se situe en périphérie immédiate du centre-ville de Saint-Omer (figure 1). À l’instar d’autres gares situées dans des villes de taille similaire, elle présente une desserte exclusivement assurée par les Trains Express Régionaux (TER) et une fréquentation de 2 500 montées/descentes par jour (AUD, 2018).
La fréquentation de la gare semble repartir à la hausse en 2017 même si sa fréquentation reste inférieure aux chiffres d’avant 2012 (AUD, 2018[47]AUD (Agence d’Urbanisme et de Développement Saint-Omer Flandre intérieure). (2018). Chiffres clés sur les gares du Pays de Saint-Omer et de Flandre intérieure, Les Observatoires de l’AUD, 60 p.). En effet, la gare a subi une forme de « déclassement » comparativement aux autres agglomérations du littoral de la région. D’une part, elle a perdu, en 2012, l’aller-retour quotidien avec Paris en TGV, qui existait depuis 1993. D’autre part, Saint-Omer n’est pas desservie par le TER à Grande Vitesse (TER-GV)[48]Les TER-GV ont été mis en place en 2000 dans l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais : il s’agit de TGV circulant sur la LGV Nord mis en place dans la région depuis le début des années 2000. Si Calais, Dunkerque et Boulogne ont vu leur desserte vers Lille s’accélérer, avec des temps de parcours divisés de moitié, Saint-Omer est toujours à environ 50 minutes de la capitale régionale. Ainsi, bien que plus éloignées géographiquement, Calais et Dunkerque sont à 30 minutes de Lille depuis l’arrivée des TER-GV.
Au début des années 2010, le réaménagement de la gare se présente dans un contexte particulièrement fragile, avec une situation potentiellement bloquante car hors du modèle économique de Gares & Connexions. Le cas de Saint-Omer constitue ainsi un bon laboratoire pour alimenter les travaux de recherche sur le ferroviaire dans les villes moyennes. Dans la partie suivante, nous cherchons à retracer le récit du portage partenarial du projet de rénovation du bâtiment voyageurs de Saint-Omer.
La transformation du bâtiment voyageurs de Saint-Omer :
une recomposition du jeu d’acteurs dans la valorisation des gares
Héritage du rayonnement de Saint-Omer
à la fin du XIXe siècle,
une gare « victime » de sa grandeur ?
Avant d’étudier en détail ce récit, il convient de préciser que la gare de Saint-Omer est une gare de ville moyenne atypique. Elle présente certes une desserte TER et une fréquentation similaire aux autres villes moyennes (Roudier, 2019[49]Op. cit.), mais elle se distingue par son architecture. Le bâtiment de Saint-Omer est monumental, avec une superficie de plus de 2 000 m2, et a une architecture singulière, calquée sur le modèle d’un château, avec un pavillon central et deux pavillons latéraux[50]Le cas de Saint-Omer n’est toutefois pas tout à fait isolé : d’autres grandes gares furent aussi aménagées dans des villes moyennes à cette période, comme à Roubaix et à Tourcoing. (photo 1), alors que les bâtiments voyageurs de ces villes se caractérisent souvent par une taille modeste et une architecture fonctionnelle, héritées de leur place secondaire dans la hiérarchie urbaine du XIXe siècle (Bourillon, 2008[51]Bourillon F. (2008). « Les gares dans la ville. Le lieu, l’espace, le bâtiment », Revue d’Histoire des Chemins de fer, n° 38, p. 158‑163.).
Le réaménagement de ce bâtiment marque une nouvelle évolution du rôle de la gare dans la ville. Ce rôle a en effet déjà largement changé entre la construction du premier embarcadère[52]Des bâtiments modestes appelés « embarcadères » étaient souvent construits rapidement pour coïncider avec l’arrivée du chemin de fer, afin de permettre précisément l’embarquement et le débarquement des voyageurs et des marchandises., en 1848, et la fermeture du bâtiment, en 2011.
La gare de Saint-Omer connaît tout d’abord une première phase de développement. La construction de ce bâtiment est en effet un héritage du rayonnement économique et politique de Saint-Omer au XIXe siècle. Dès les années 1870, l’essor du trafic de marchandises puis de voyageurs a motivé les acteurs locaux à envisager un agrandissement et un déplacement de la gare d’origine construite en 1848. Le portage politique de ce projet par deux élus de rang national originaires de la région, le député Mr Ribot et le sénateur-maire Mr Ringot, a ensuite facilité sa réalisation. La monumentalité du bâtiment a aussi été permise par l’accord de la Compagnie des chemins de fer du Nord, exploitante du réseau de l’époque, pour compenser leur choix d’aménager un nœud ferroviaire à Hazebrouck entre les axes vers Lille, Calais et Dunkerque, au détriment de Saint-Omer[53]« L’ex-nouvelle gare de Saint-Omer inaugurée le dimanche 12 juin 1904 », La Voix du Nord, le 17 novembre 2019..
La reconstruction du bâtiment voyageurs marque plus précisément une deuxième phase d’essor de la gare. Celle-ci n’est plus uniquement un point de rupture de charge, elle devient un lieu central pour l’activité économique et un repère urbain. Le site de la gare est désormais à l’interface entre les faubourgs de Lyzel et du Haut-Pont, qui concentre les principales activités agricoles locales, et le centre historique, situé à l’intérieur des remparts Vauban (figure 2). De nouveaux aménagements sont notamment construits pour faciliter l’accès à la gare depuis le centre avec un nouveau pont fixe au-dessus du Canal de l’Aa, en remplacement du pont mobile d’origine, et une nouvelle voirie, la rue de l’Arsenal, reliant directement le site de la gare et la place centrale de l’Hôtel de Ville[54]Agence d’urbanisme et de développement Saint-Omer – Flandre intérieure, 2019, La Station Gare de St Omer, p. 20..
Après cet essor, la gare de Saint-Omer est confrontée à une phase de déclin de ses activités dans la deuxième partie du XXe siècle. Le transport ferroviaire est de plus en plus concurrencé par le développement de l’automobile, et la désindustrialisation affaiblit le développement économique, en particulier dans les villes moyennes (Crozet, 2004[55]Crozet Y. (2004). Les réformes ferroviaires européennes : à la recherche des « bonnes pratiques, Paris, Institut de l’entreprise, 93 p.). La gare est désormais surdimensionnée par rapport aux activités et aux flux de voyageurs mais elle se dégrade également face à un manque de maintenance et d’entretien du bâtiment voyageurs de la part de SNCF. Ce déclin se matérialise par l’augmentation des espaces vacants dans le bâtiment, comme en témoigne une technicienne de la ville : « Le bâtiment commençait à être en décadence et il y a eu de plus en plus de vide. En 2011, il n’y avait plus qu’une toute petite activité commerciale »[56]Entretien ville de Saint-Omer, direction générale des services, juin 2017.. La fermeture de la gare de Saint-Omer est actée en 2011 en raison de défauts de sécurité identifiés par les Architectes des Bâtiments de France (ABF) : instabilité des fondations, des plafonds, chutes de pierres, etc.
Face à ces difficultés, une phase de reconquête de la gare se dessine toutefois en parallèle, à la fin des années 2000. À cette époque, la gare de Saint-Omer est, peu ou prou, abandonnée par les acteurs ferroviaires mais elle n’est pas pour autant mise de côté par les acteurs locaux. En 2007, la ville de Saint-Omer a lancé une étude sur le renouvellement urbain du centre et du quartier de la gare[57]Communauté d’Agglomération de Saint-Omer, 2009, Réalisation de l’expérimentation DIACT « 20 villes moyennes témoins », rapport final.. Cette étude est par ailleurs inscrite dans le cadre du programme « 20 villes moyennes témoins » animé par la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires[58]Mené entre 2007 et 2009, ce programme avait pour objectif d’accompagner des villes dans leurs transformations territoriales auxquelles elles étaient confrontées via le financement d’études pour les intercommunalités sélectionnées. Les études financées devaient s’inscrire dans l’un des quatre volets proposés par la Diact (enseignement supérieur, transports et accessibilité, santé et offre de soins, revitalisation des centres villes).. Elle marque un tournant dans la reprise en main de leur destin par les collectivités locales.
De la mise en retrait de SNCF
à la reprise en main par l’intercommunalité :
un changement de pilotage pour débloquer la situation
Le réaménagement de la gare de Saint-Omer s’inscrit précisément dans cette stratégie de reconquête de la gare. Au-delà de proposer un nouveau programme pour les espaces de la gare, ce projet révèle surtout un nouveau rapport de force entre SNCF, propriétaire du bâtiment, et les acteurs locaux – la ville de Saint-Omer et l’intercommunalité – qui souhaitent maintenir la gare, même si celle-ci est dégradée et surdimensionnée pour son territoire. Les négociations observées entre les deux parties, entre 2011 et 2016, illustrent plus largement les difficultés des petites et moyennes villes pour maîtriser le destin de leur gare.
Ces négociations mettent en évidence les évolutions des stratégies d’aménagement des acteurs ferroviaires et des acteurs locaux. Dans un premier temps, les acteurs locaux avaient pour objectif de contraindre SNCF et ABF à intervenir sur le bâtiment. Face à l’impasse des discussions, ils ont, dans un second temps, proposé de reprendre la main sur son avenir, en achetant le bâtiment et en assurant le pilotage du projet de rénovation et de réaménagement (tableau 2).
Notes A[59]Entretien ville de St Omer, direction générale des services, juin 2017. B[60]Entretien SNCF Gares & Connexions, service des affaires publiques, octobre 2016. C[61]Entretien SNCF Gares & Connexions, service des affaires publiques, octobre 2016.
Outre le changement de gouvernance de la commune vers l’intercommunalité, c’est aussi l’implication de l’agence d’urbanisme locale[62]L’agence a été créée en 1974 à l’initiative de Raymond Senellart, alors maire de Saint-Omer et président du district urbain réunissant Saint-Omer et Longuenesse. Elle intervient en matière d’urbanisme et de développement du territoire auprès des communes et des intercommunalités membres de son association. qui a contribué au déblocage de la situation. L’agence a notamment accompagné l’intercommunalité dans les échanges avec SNCF et dans la conduite de ce projet de rénovation. Les négociations ont permis de trouver un compromis financier entre les deux parties prenantes : « Ce qui a vraiment débloqué, c’est que la communauté d’agglomération a vraiment choisi de prendre en charge le montage du projet urbain dans la gare et notamment la recherche de subventions […]. Donc nous, de notre côté, on a réduit le prix de cession de la gare et on a pris en charge les frais de libérations : de démontage et déménagement des installations SNCF qui sont situées dans le bâtiment »[63]Entretien SNCF Gares & Connexions, service des affaires publiques, octobre 2016.. La vente du bâtiment a été validée par l’agglomération en février 2016 et actée officiellement au mois de mai cette même année, à hauteur de 200 000 euros[64]« L’agglo de Saint-Omer rachètera la gare pour 200 000 euros », La Voix du Nord, le 04 février 2016..
N’étant ni une grande gare métropolitaine, ni une petite gare de ville moyenne, la gare de Saint-Omer s’est ainsi retrouvée dans un angle mort de la stratégie d’aménagement de l’acteur ferroviaire. Pour la première fois en France, le pilotage d’un projet de réaménagement d’un bâtiment voyageurs, qui continuera à exercer une fonction ferroviaire, est assuré par une intercommunalité, et SNCF devient un partenaire de la programmation et du financement[65]La conduite de ces négociations était inédite pour l’ensemble des parties prenantes : les rachats des bâtiments voyageurs par les collectivités concernent principalement des bâtiments situés en zone rurale et de petite taille. . Ce pilotage de projet par l’intercommunalité s’avère toutefois être plus une réponse à cette lacune qu’un coup de force des collectivités locales.
Un système d’acteurs stabilisé
pour dessiner un grand projet
pour une ville moyenne
Sans attendre la conclusion des négociations, l’intercommunalité lance dès 2017 une étude de programmation pour le bâtiment de la gare. Celle-ci fait l’objet d’une démarche multipartenariale avec les acteurs institutionnels (État, département, communauté d’agglomération, ville de Saint-Omer, Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC), les acteurs économiques locaux (notamment la chambre de commerce et d’industrie, dont une antenne est présente sur la commune de Saint-Omer), Architectes des Bâtiments de France et SNCF Gares & Connexions (tableau 3).
Cette étude vient consacrer le rôle de pilotage de l’intercommunalité et fixe de premières orientations pour le programme vers le développement de nouveaux services, en dehors des activités liées au transport ferroviaire. Dès son lancement, ce projet n’est toutefois pas en rupture avec les réaménagements menés par Gares & Connexions, notamment dans les grandes villes. Bien au contraire, l’objectif de l’intercommunalité est de s’inscrire dans la continuité de ces projets de gares mais de l’adapter aux besoins du territoire, comme le précise l’agence d’urbanisme locale : « On assiste à un développement des services en gare. Quand on peut voir ce que font les grandes villes, est-ce qu’on n’a pas quelque chose à jouer là-dessus ? Et donc, dès sa prise de fonction, le maire de Saint-Omer et président de l’intercommunalité mandate l’agence (en tant que président et financeur principal de l’agence), pour réfléchir avec les élus et les techniciens à ce que pourrait être le devenir de la gare »[66]Entretien Agence d’urbanisme et de développement Saint-Omer – Flandre intérieure, direction, août 2016..
Ainsi, le projet autour de la gare de Saint-Omer tend à articuler les trois fonctions traditionnelles des pôles d’échanges (transport, urbanisme, service)[67]De nombreux travaux attestent de l’existence de trois fonctions constitutives des lieux de transports, gares et pôles d’échanges (Joseph I. (1987). « L’enjeu-Station, la station de métro comme espace public », Réseau 2000, RATP, 48 p. ; Menerault P (dir.). (2006). Les pôles d’échanges en France. État des connaissances, enjeux et outils d’analyse, dossiers du CERTU, n° 172, INRETS/CODRA, 179 p. ; Richer, 2007, op. cit.). :
le projet de pôle multimodal, inauguré en 2014, qui s’est focalisé sur la dimension transport et les espaces publics ;
le projet de réhabilitation du bâtiment voyageurs, inauguré en 2019, qui est le réceptacle de nombreux services en relation avec le développement économique de l’agglomération ;
et le projet urbain en cours sur les friches ferroviaires adjacentes, qui vise à recréer un quartier « au fil de l’eau ».
Dès lors, nous cherchons à mieux identifier dans la partie suivante les particularités de ces trois composantes du projet global de la gare de Saint-Omer par rapport à des exemples de gares comparables[68]La mise en perspective du cas audomarois avec d’autres exemples prend appuie sur trois séries de travaux pilotés par le Cerema : sur les pôles, voir : Richer C, Bentayou G, Depigny B. (2017). Les pôles d’échanges multimodaux au service de l’intermodalité et de la ville durable, Lyon, Cerema, coll. Référence, 112 p. ; Evrard AL. (2018). « Les projets de pôles d’échanges inaugurés en France entre 2008 et 2018 », rapport de stage de Master 1, Institut d’aménagement et d’urbanisme de Lille, 95 p.), sur les stratégies foncières aux abords des gares TER et sur les services dans et autour des gares TER ; Cerema. (2017). Le développement des services dans les gares TER. Premiers enseignements d’expériences locales, Cerema, coll. Expériences & pratiques, 83 p.. Est-ce que la spécificité du portage de ce projet se double d’un caractère atypique des réalisations ? Comment le pôle de service dans l’ancien bâtiment voyageurs s’articule avec les autres aménagements réalisés dans le quartier de la gare de Saint-Omer ? Le projet audomarois peut-il constituer un contre-modèle métropolitain ?
Régularités et singularités des trois composantes
d’un projet global autour de la gare de Saint-Omer
La fonction transport :
un projet de pôle d’échanges
sans prise en compte du bâtiment voyageurs
À Saint-Omer, un projet de pôle d’échanges a précédé la réhabilitation du bâtiment-voyageurs tout en considérant ce dernier comme l’élément central de l’aménagement. Ce pôle d’échanges, piloté par la communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer, constitue la première étape d’un plus vaste projet urbain visant à faire de la gare un pôle numérique et de services. La conduite de ce projet est assurée par l’intercommunalité audomaroise soutenue par l’agence d’urbanisme locale. Le travail de définition fait l’objet d’une démarche multipartenariale avec les différents échelons des collectivités territoriales (L’État, la région Nord-Pas-de-Calais, le département du Pas-de-Calais, la ville de Saint-Omer) et les acteurs ferroviaires[69]Entretien communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer, direction générale, juillet 2017.. La réalisation des études de faisabilité et de maîtrise d’œuvre a été confiée à des structures externes, entre 2010 et 2012. Le budget annoncé de ces réalisations est de 4,2 millions d’euros[70]Présentation de l’AUD faite lors d’un atelier organisé par le Cerema, le 8 février 2015, à Lille, intitulée « Projet de pôle éco-numérique en gare de Saint-Omer »., assuré dans une large partie par la communauté d’agglomération et par la ville de Saint-Omer (entre 15 % et 30 % en fonction des projets), soutenu financièrement par le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais (30 %) et par des subventions européennes, via le Fonds Européen de Developpement Régional (FEDER) (40 %)[71]Entretien région Hauts-de-France, service transport, décembre 2016. L’enquête ne nous a pas permis d’obtenir la répartition précise des financements entre les différents acteurs. Des parts de financements générales nous ont été communiquées par la région, que nous relayons ici dans l’analyse..
Les projets de pôle d’échanges sont désormais fréquents dans les villes moyennes et autour de gares TER de différentes dimensions. Un point commun concerne l’attention architecturale et paysagère des projets et l’aménagement d’un large parvis piétons pour reconnecter la gare à la ville. À Saint-Omer, le choix architectural proposé par le cabinet belge SumProject est marqué par une volonté de renforcer la lisibilité et la qualité d’usage. Le parvis, auparavant encombré par le stationnement automobile, a été piétonnisé pour mettre en valeur le majestueux bâtiment voyageurs historique (figure 3). La continuité avec le centre-ville est ainsi rétablie. À ce titre, le pôle d’échanges de la gare de Saint-Omer est très conforme aux objectifs poursuivis dans d’autres projets.
On retrouve des intentions architecturales similaires, à titre d’exemple, à Vichy en 2009 avec l’Atelier Villes et Paysages, à La Baule-Escoublac en 2010 avec le cabinet Richez Associés, ou à Sète en 2019 avec l’agence Lebunetel. Ce dernier cas est assez similaire à la composition du pôle d’échanges de Saint-Omer avec une mise à distance du stationnement automobile, la réalisation d’un pôle bus et d’une dépose-minute, et surtout le dégagement du parvis menant au franchissement d’un canal.
Les réalisations récentes de pôles d’échanges dans les villes moyennes se traduisent régulièrement par une répartition des fonctions intermodales de part et d’autre des emprises ferroviaires. Cette double ouverture de la gare s’appuie généralement sur la réalisation d’une passerelle enjambant les voies (Angoulême, 2015 ; Vitré, 2016 ; Morlaix, 2017) ou d’un prolongement du souterrain (Bourg-en-Bresse, 2014).
À Saint-Omer, l’ouverture de la gare sur ses deux faces n’est que partielle (figure 3). En effet, un franchissement par la rue Saint-Martin existe déjà à proximité, et il n’y a pas de disponibilités foncières immédiates en face du bâtiment voyageurs. Toutefois, l’aménagement d’un parc de stationnement a été réalisé de l’autre côté des voies et légèrement excentré par rapport à la gare : un cheminement a été prévu mais la distance de transfert (environ 350 mètres) reste perçue comme importante si bien qu’un nouveau stationnement a été réalisé en 2019 avenue de l’Europe (environ 150 mètres à pied). Si le pôle d’échanges de la gare de Saint-Omer n’est pas à proprement parler « biface », on observe que le principe d’organisation est similaire à d’autres réalisations ; l’enjeu étant de dégager une facette plus « urbaine » et moins routière de la gare.
L’originalité du projet est liée à l’absence d’intégration du bâtiment voyageurs dans le projet de pôle d’échanges. Le bâtiment de la gare est généralement au cœur des projets de pôles d’échanges, et c’est même souvent sa réhabilitation ou sa mise en accessibilité qui vient déclencher le projet plus global de pôle multimodal. Associée à cette composante manquante du projet, l’absence des acteurs ferroviaires est assez particulière pour un projet de gare.
Si le plus souvent, les partenaires ferroviaires (généralement Gares & Connexions et SNCF Réseau) sont présents dans le projet de pôle d’échanges et assurent la maîtrise d’ouvrage sur leur périmètre, il arrive qu’un phasage du projet revienne à inaugurer une partie d’un pôle d’échanges sur le périmètre « collectivités ». C’est le cas pour le pôle d’échanges de Sète : le « parvis sud » a été inauguré en 2019 sans la partie « ferroviaire ». Dans ce cas comme à Saint-Omer, les acteurs ferroviaires n’ont pas participé au financement de la première phase (4,7 M€), mais à Sète un accord existe pour l’aménagement global (comprenant la rénovation du bâtiment voyageurs et l’ouverture de la gare vers le nord) incluant une participation SNCF chiffré à 23 % de l’investissement total (16,4 M€).
La fonction service :
un concentré de services (publics)
dans le bâtiment voyageurs
Le projet de rénovation du bâtiment voyageurs de la gare de Saint-Omer vise à diversifier les fonctions du bâtiment voyageurs à l’image des transformations à l’œuvre dans les grandes gares (Riot, 2015[72]Op. cit.) . La gare conserve sa fonction historique de lieu d’accueil des voyageurs du transport ferroviaire mais elle devient également un pôle de services avec l’aménagement d’une conciergerie, d’un espace de coworking, d’un Fablab[73]En croissance ces dernières années, les « Fablab » sont des espaces dédiés à la fabrication et aux innovations numériques, avec la mise à disposition d’outils pilotés par ordinateur, pour la conception et la réalisation d’objets. et de salles de conférence et réunion (figure 4).
Le programme d’aménagement du bâtiment de la gare de Saint-Omer est relativement similaire à d’autres petites et moyennes gares. En l’absence de flux assez importants pour assurer la rentabilité de commerces en gare, ces gares sont surtout considérées comme des pôles de services. Dans ce cas, les services développés dans le bâtiment restent essentiellement du domaine public ou accessibles à des prix très faibles (coworking, fablab, etc.), nécessitant le soutien d’un acteur public. La part des activités privées reste marginale. Le bâtiment comprend des cellules commerciales, dont le dimensionnement a été fixé à partir d’une analyse fine de la demande et de l’offre locale, pour éviter une concurrence entre le centre-ville et la gare. Pourtant, seule une cellule commerciale est actuellement louée, tandis que l’autre est devenue (en attendant) un musée virtuel.
Ainsi, l’originalité de ce projet en gare de Saint-Omer vient-elle surtout de son ampleur. Parmi les exemples récents, on peut trouver des expériences de coworking, fablab, conciergerie, guichet multimodal, mais jamais associé à un seul et même projet d’une telle envergure. En outre, dans d’autres gares TER, il n’est pas rare que l’installation de ces services « à la mode » soit accompagnée par les acteurs ferroviaires. En effet, depuis une dizaine d’années, Gares & Connexions cherche à accueillir des crèches dans son patrimoine : en 2011, le gestionnaire des gares avait lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) pour la création de crèches sur 61 sites de son patrimoine. Les conciergeries se développent également sur le patrimoine de Gares & Connexions, qui dispose de chartes fixant les modalités d’accueil de ces services. Le coworking fait aussi partie de l’offre de service que la SNCF veut développer : essentiellement en Ile-de-France, les projets « Work & Station» s’intéressent à la création de bureaux partagés au 1er étage des bâtiments voyageurs. Ainsi, l’acteur ferroviaire ne manque pas d’expériences sur le portage de ces typologies de service sur son patrimoine.
Il n’est cependant pas unique que les collectivités locales se portent acquéreur du patrimoine ferroviaire pour développer un équipement. En Loire-Atlantique, la ville de Le Pallet a réhabilité une ancienne halle à marchandises qui n’était plus propriété de la SNCF pour ouvrir une structure multi-accueil. À Vinay, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, la ville a racheté le bâtiment voyageurs et l’ancienne halle des marchandises dans laquelle un commerce de producteurs locaux s’est installé. Le cas de Saint-Omer reste hors norme par rapport à ces deux exemples. D’autant que lorsque le projet est plus important, comme pour le projet de « gare numérique » à Jeumont, la cession du patrimoine ferroviaire ne porte pas sur l’intégralité de l’immobilier, et SNCF conserve généralement un bâtiment voyageurs.
Au-delà du programme et de la gouvernance, l’originalité du projet de Saint-Omer réside également dans ses méthodes de pilotage. Pour anticiper la mise en service du pôle, l’intercommunalité a notamment réalisé un pavillon préfigurateur des nouveaux services sur le parvis de la gare. Le pavillon est une reproduction des nouvelles fonctions du bâtiment à une échelle 1/20e (photo 2). Il se compose d’une salle de coworking et d’une salle de fablab, et sert aussi à organiser des évènements ponctuels avec des acteurs locaux. Cet aménagement temporaire était considéré comme un outil pour maintenir la dynamique de projet enclenché lors des instances de concertation pendant toute la durée des travaux (2016-2019) et pour créer une communauté d’usagers avant l’inauguration du bâtiment réhabilité[75]Entretien Agence d’urbanisme et de développement Saint-Omer – Flandre intérieure, directeur, août 2016.. La dynamique de projet est ici associée à l’usage d’aménagements temporaires, fonctionnels et peu coûteux.
La fonction urbaine :
une gare au cœur des stratégies territoriales
La réhabilitation du bâtiment voyageurs s’inscrit aussi plus largement dans un réaménagement de l’ensemble du quartier de la gare. L’agglomération poursuit un projet de nouveau quartier dans le but de développer l’offre de logements et les activités économiques le long du canal à proximité de la ville-centre (voir figure n°10). Ce projet comprend la rénovation de bâtiments existants (habitats, ancienne caserne) et la construction de bâtiments sur des friches ferroviaires. En particulier, il est prévu de valoriser la friche de la « Halle aux choux » le long des voies à proximité immédiate de la gare. Situé entre le centre historique et la gare, ce quartier joue un rôle d’interface grâce à la création d’une nouvelle passerelle. Sur les 2,2 ha de la friche, il est envisagé la création d’une centaine de logements minimum.
Cette stratégie vise ainsi à coordonner sur le temps long la transformation du bâtiment historique, des abords et du tissu urbain à proximité. Dans les villes moyennes, l’aménagement du pôle d’échanges peut être le préalable à un changement d’image du quartier et à sa valorisation foncière. Comme à Saint-Brieuc ou à Armentières, où l’essentiel du vaste projet de renouvellement urbain mené autour de la gare (36 ha) a été réalisé après le pôle intermodal, le projet urbain à Saint-Omer est la dernière phase de la rénovation du quartier de la gare.
Dans ses grands principes, elle est peu ou prou similaire aux mutations des gares et des quartiers de gares dans les métropoles (Bordeaux, Lille, Lyon, etc.) et dans d’autres villes moyennes (Angoulême, Chartres, etc.), notamment dans un contexte d’arrivée d’une ligne à grande vitesse (Lorient, Saint-Brieuc). L’évolution des gares et/ou de leurs dessertes est souvent considérée comme un point d’entrée pour des projets de densification urbaine et comme un levier pour changer l’image dégradée du train et des quartiers de gares (Delage, 2013[77]Op. cit.).
À une échelle plus fine, les orientations d’aménagement du quartier de la gare de Saint-Omer sont toutefois bien différentes. Tout d’abord, les projets de Saint-Omer ne sont pas des réponses à une attractivité préexistante de la gare et de la ville, ni à une évolution de la desserte ferroviaire. C’est une différence avec des projets urbains autour de gares périurbaines qui visent à répondre à la croissance démographique (Hasiak et Richer, 2020[78]Hasiak S, Richer C. (2020). « Can rail save peri-urban way of life? The case of peri-urban cities served by rail services in the metropolitan area of Lille (France) », European Planning Studies, Londres, Routledge, p.1-20.). Les transformations de la gare et du quartier sont présentées comme des outils pour répondre à l’affaiblissement de leurs fonctions de centralité et font par ailleurs partie du dispositif « Action cœur de ville » mené sur la commune. Ensuite, le projet de densification autour de la gare n’est pas une réponse à une urbanisation croissante observée sur la commune. Les friches ferroviaires aux abords de la gare constituent les seules réserves foncières disponibles, car plus de 80 % du territoire communal de Saint-Omer est composé de zones naturelles et non constructibles[79]Entretien ville de Saint-Omer, ancien élu à l’urbanisme, novembre 2017.. Enfin, le développement des activités économiques n’est pas ici associé à l’aménagement d’un quartier d’affaires mais à l’implantation d’activités tertiaires locales et d’activités artisanales, tournées notamment vers le textile.
Après la réouverture de la gare, la mutation de son quartier est désormais la priorité de l’intercommunalité. À l’été 2019, elle a signé un protocole foncier avec SNCF, permettant d’acter la libération de ses emprises et la réalisation à venir à la Halle aux Choux. La rénovation des quais entre également dans une phase active, avec la démolition de plusieurs îlots pour construire de nouveaux logements et commerces, prévue en 2021.
Conclusion
Les villes moyennes sont souvent dans l’ombre des métropoles. Avec cet article, il nous a semblé important de les mettre en lumière et de s’intéresser aux mutations des gares et des quartiers de gares à l’œuvre dans ces territoires. L’étude s’est concentrée sur le cas de Saint-Omer, ville moyenne située à une certaine distance de l’aire d’influence de la métropole lilloise et dont la gare fait l’objet d’un réaménagement atypique.
L’analyse montre que les villes moyennes sont loin de s’opposer aux métropoles. Le projet de Saint-Omer, piloté par l’intercommunalité, s’inspire indéniablement des principes d’aménagement des grandes gares, mis en œuvre par SNCF Gares & Connexions. Ce mimétisme est même assumé par le maire de Saint-Omer qui déclare : « Notre souhait était de transformer à la fois le quartier et le territoire. Avec la Station, on trouve ici une porte d’entrée sur notre territoire où l’on montre que l’on peut offrir, dans une ville moyenne, des opportunités et une attractivité que l’on trouve habituellement dans les métropoles »[80]« Gare, espace de travail, lieu de formation : on vous explique ce qu’est “La Station” inaugurée à Saint-Omer », France 3 Hauts-de-France, le 11 juin 2020.. Un travail fin est toutefois réalisé par les acteurs locaux pour adapter la programmation à la demande et à l’économie du territoire.
À une échelle plus fine, l’analyse de la genèse de ce projet révèle surtout les évolutions des relations entre les acteurs ferroviaires et les acteurs locaux dans les petites et moyennes villes. D’un côté, ces petites gares sont de plus en plus concernées par des révisions de l’offre ferroviaire et par des difficultés d’exploitations de la part de SNCF pour garantir un équilibre de leur modèle économique. De l’autre, les gares sont devenues depuis une quinzaine d’années des incontournables des politiques d’aménagement et de développement locales dans ces territoires non métropolitains, qui leur ont longtemps tourné le dos au profit de l’automobile. Les acteurs locaux sont de plus en plus nombreux à ne pas vouloir laisser le destin de leurs gares aux seules mains de l’opérateur ferroviaire et interviennent, comme à Saint-Omer, pour sauver la mise en service de leurs gares et/ou leurs patrimoines. La réalisation du projet audomarois doit beaucoup à la mobilisation de l’ingénierie locale (via l’agence d’urbanisme) et à un fort portage politique, qui sont toutefois souvent des leviers identifiés dans les projets métropolitains.
Ce mouvement de reconquête des gares prend peu à peu un nouvel élan du côté de SNCF. Dernièrement, des initiatives ont été prises pour faciliter le développement de services dans des gares de petites villes. Le challenge « Gare de demain » du programme 1001 gares vise à identifier puis accompagner l’installation des porteurs de projet proposant des activités et des services de proximité au sein des territoires. SNCF Gares & Connexions fait ainsi évoluer son modèle pour faciliter l’implantation de services basée sur d’autres critères que le seul potentiel des flux ferroviaires. Cet appel à projets se base ici sur la location d’espaces dans les gares et non sur une cession du patrimoine, comme à Saint-Omer. En somme, ces initiatives, qu’elles soient de la part des collectivités ou de SNCF, tendent à mettre en évidence une volonté commune de redynamiser les gares non métropolitaines et de ne pas les abandonner sous le poids de l’injonction à la rentabilité, afin de préserver, entre autres, leur rôle structurant dans l’aménagement du territoire.
[1] Delage A. (2018). « Gare au standard ! Les nouveaux quartiers de gare TGV, produit d’appel pour des territoires en mal de reconnaissance ? », Les Annales de la recherche urbaine, n° 113, p. 150-165.
[2] Behar D. (2011). « Bricolage stratégique et obligation d’innovation », Urbanisme, n° 378, p. 50-51.
[3] Santamaria F. (2012). « Les villes moyennes françaises et leur rôle en matière d’aménagement du territoire : vers de nouvelles perspectives ? », Norois, n° 223, p. 13-30 [En ligne].
[4] La Communauté d’Agglomération du Pays de Saint-Omer (CAPSO) est le nom de l’intercommunalité depuis le 1er janvier 2017. Avant cette date, l’EPCI avait pour dénomination la Communauté d’Agglomération de Saint-Omer. Dans un souci de clarté, nous nommerons l’intercommunalité par son nom le plus actuel, soit la CAPSO, même pour les analyses portant avant 2017.
[5] À savoir : les acteurs locaux (commune, intercommunalité, région), l’agence d’urbanisme et de développement du Pays de Saint-Omer – Flandre intérieure et SNCF Gares & Connexions. Ces entretiens ont un triple objectif : identifier les principales étapes qui ont conduit au lancement de ce projet, analyser le rôle de chaque acteur dans ce réaménagement et étudier la mise en place du dispositif multipartenarial.
[6] Roudier E. (2019). « Quand la ville moyenne entre en gare : entre mimétisme métropolitain et recompositions territoriales », thèse en aménagement de l’espace et urbanisme, université Paris-Est, 294 p.
[7] Beaucire F. (2001). « Sur la relation transports urbanisme », Mobilité, territoires, DRAST.
[8] Wiel M. (1999). La transition urbaine ou le passage de la ville pédestre à la ville motorisée, Mardaga, Collection Architecture + Recherches, Sprimont (Belgique), 149 p.
[9] Gallez C, Kaufmann V, Thebert M et al. (2013). « Coordonner transport et urbanisme. Visions et pratiques locales en Suisse et en France », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, n° 2, p. 317-337.
[10] Margail F. (1996). « De la correspondance à l’interopérabilité : les mots de l’interconnexion », Flux, n° 25, p. 28-35.
[11] Hall P, Hass-Klau C. (1985). « Can rail save the city? The impacts of rail rapid transit and pedestrianisation on British and German cities », Aldershot, Gower.
[12] Calthorpe P. (1993). The next American metropolis: ecology, community, and the american dream, Princeton : Princeton Architectural Press.
[13] Cervero R, Kockelman K. (1997), « Travel demand and the 3Ds: density, diversity and design », Transportation research, Part D, n° 2(3), p. 199-219.
[14] Bentayou G, Perrin E, Richer C. (2015). « Le contrat d’axe et Transit-Oriented Development : quel renouvellement de l’action publique en matière de mobilité et d’aménagement ? (Point de vue d’acteurs) », Flux, n° 101-102, p. 111-123.
[15] Lo Feudo F. (2014). « Un scénario TOD pour la région Nord-Pas-de-Calais : enseignements d’une modélisation intégrée transport-usage du sol », thèse de doctorat en aménagement et urbanisme, université de Lille.
[16] Liu L. (2016). « Corridors urbains et Transit Oriented Development : enseignements d’une modélisation intégrée des transports et de l’usage du sol appliquée à la métropole lilloise, thèse de doctorat en aménagement et urbanisme, université de Lille.
[17] Joseph I. (1999). Villes en gares, Éditions de l’Aube, 309 p.
[18] Menerault P, Barré A (dir.). (2001). Gares et quartiers de gares : signes et marges. Lille, Rennes et expériences internationales (Italie, Japon, Pays Bas), Arcueil, INRETS, Actes n° 77, 216 p.
[19] Roty T. (2000). Conception et management de projets de pôles d’échanges. La question des parcours des usagers: La Défense, Massy, Val d’Europe, Recherches stratégiques Lieux du transport : continuité et rupture, rapport Predit, 244 p.
[20] Reveaux P, Sander A. (2000). Lieux du transport : passerelles méthodologiques entre le fret et le transport de voyageurs, rapport final DRAST, 104 p.
[21] L’Hostis A. (dir.). (2009). Concevoir la ville à partir des gares, rapport final du projet Bahn-Ville.2, Predit-Deufrako.
[22] Menerault P. (2009). « Gares ferroviaires et projets métropolitains : une ville en mutation », dans Paris D, Mons D (dir.), Lille Métropole, laboratoire du renouveau urbain, Marseille, Parenthèses.
[23] Terrin JJ (dir.). (2011). Gares et dynamiques urbaines. Les enjeux de la grande vitesse, Marseille, Parenthèses, 224 p.
[24] Voir les rapports de recherche POPSU2 sur l’axe thématique « Gares et pôles d’échanges » [En ligne].
[25] Delage A. (2013). « La gare, assurance métropolitaine de la ville post-industrielle. Le retournement de valeur dans les projets urbains de quartier de gares à Saint-Étienne Châteaucreux (France) et Liège-Guillemins (Belgique) », thèse en géographie, aménagement de l’espace et urbanisme, université Lyon 2, 543 p.
[26] Boumoud A. (2012). « La grande gare contemporaine et le labyrinthe du transport multimodal : vers une nouvelle approche de la lisibilité, l’exemple de la gare de la Part-Dieu à Lyon », thèse en architecture et aménagement de l’espace, université de Grenoble.
[27] Op. cit.
[28] Carrouet G. (2013). « Du TGV Rhin-Rhône au “Territoire” Rhin-Rhône : réticularité, mobilité et territorialité dans un espace intermédiaire », thèse en géographie et aménagement de l’espace, université de Bourgogne.
[29] Riot E. (2015). « L’agencement des grandes gares historiques pour le marché ferroviaire européen : analyse comparée de l’intégration des principes concurrentiels dans l’aménagement et la gestion des gares de London St Pancras, Paris-Nord et Milano Centrale », thèse en aménagement de l’espace et urbanisme, université Paris-Est.
[30] Le Bot N. (2019). « Quel avenir pour les gares métropolitaines françaises et allemandes ? Analyse prospective de la dialectique « système gare » / ville, face au devenir des politiques publiques françaises & allemandes en matière de transport », thèse en architecture et aménagement de l’espace, université Toulouse II Le Mirail/Universität Potsdam.
[31] Maulat J. (2014). « Coordonner urbanisme et transport ferroviaire régional : le modèle à l’épreuve des pratiques. Étude croisée des métropoles de Toulouse et Nantes », thèse en aménagement de l’espace et urbanisme, Paris I Panthéon-Sorbonne. 564 p.
[32] Avide E. (2018). « La fabrique des gares du “quotidien” »,thèse en aménagement de l’espace et urbanisme, université Paris-Est, 310 p.
[33] Op. cit.
[34] Op. cit.
[35] Ollivier-Trigalo M. (2009). « Politiques de transport : où en sont les Régions ? Actions, doctrines et institutionnalisation », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, juillet, p. 471-490.
[36] Op. cit.
[37] Richer C. (2007). « Multipolarités urbaines et intermodalité : les pôles d’échanges, un enjeu pour la coopération intercommunale ? », thèse en géographie, aménagement de l’espace et urbanisme, université des Sciences et Technologie de Lille I, 533 p.
[38] Keller F. (2009). La gare contemporaine,rapport remis au Premier ministre, La Documentation française, 298 p.
[39] Source : Gares & Connexions [En ligne].
[40] Demazière C. (2014). « Pourquoi et comment analyser les villes moyennes ? Un potentiel pour la recherche urbaine », Metropolitiques, 29 janvier 2014. [En ligne].
[41] CGET. (2018). Regards croisés sur les villes moyennes, Paris, La documentation française, 79 p.
[42] De Roo P. (2005). Livre Blanc. Villes moyennes, villes d’intermédiation. Pour une diversité des modèles de développement urbain, Paris, DATAR, 160 p.
[43] Charmes E. (2017). « La revanche des villages », La vie des idées, 24 octobre [En ligne].
[44] Berroir S,Fol S, Queva C, SantamariaF. (2019). « Villes moyennes et dévitalisation des centres : les politiques publiques face aux enjeux d’égalité territoriale », Belgeo [En ligne] [DOI]
[45] AUD (Agence d’Urbanisme et de Développement Saint-Omer Flandre intérieure). (2017). La vacance commerciale sur le Pays de Saint-Omer en 2017, Les Observatoires de l’AUD, 12 p.
[46] Munch J, Narring P (dir.). (2016). La revitalisation commerciale des centres-villes, rapport établi par l’IGF et le CGEDD, Paris.
[47] AUD (Agence d’Urbanisme et de Développement Saint-Omer Flandre intérieure). (2018). Chiffres clés sur les gares du Pays de Saint-Omer et de Flandre intérieure, Les Observatoires de l’AUD, 60 p.
[48] Les TER-GV ont été mis en place en 2000 dans l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais : il s’agit de TGV circulant sur la LGV Nord, dont une partie du coût est pris en charge par la région et qui sont accessibles avec un billet TER ouvert (sans réservation d’horaire et de place).
[49] Op. cit.
[50] Le cas de Saint-Omer n’est toutefois pas tout à fait isolé : d’autres grandes gares furent aussi aménagées dans des villes moyennes à cette période, comme à Roubaix et à Tourcoing.
[51] Bourillon F. (2008). « Les gares dans la ville. Le lieu, l’espace, le bâtiment », Revue d’Histoire des Chemins de fer, n° 38, p. 158‑163.
[52] Des bâtiments modestes appelés « embarcadères » étaient souvent construits rapidement pour coïncider avec l’arrivée du chemin de fer, afin de permettre précisément l’embarquement et le débarquement des voyageurs et des marchandises.
[53] « L’ex-nouvelle gare de Saint-Omer inaugurée le dimanche 12 juin 1904 », La Voix du Nord, le 17 novembre 2019.
[54] Agence d’urbanisme et de développement Saint-Omer – Flandre intérieure, 2019, La Station Gare de St Omer, p. 20.
[55] Crozet Y. (2004). Les réformes ferroviaires européennes : à la recherche des « bonnes pratiques, Paris, Institut de l’entreprise, 93 p.
[56] Entretien ville de Saint-Omer, direction générale des services, juin 2017.
[57] Communauté d’Agglomération de Saint-Omer, 2009, Réalisation de l’expérimentation DIACT « 20 villes moyennes témoins », rapport final.
[58] Mené entre 2007 et 2009, ce programme avait pour objectif d’accompagner des villes dans leurs transformations territoriales auxquelles elles étaient confrontées via le financement d’études pour les intercommunalités sélectionnées. Les études financées devaient s’inscrire dans l’un des quatre volets proposés par la Diact (enseignement supérieur, transports et accessibilité, santé et offre de soins, revitalisation des centres villes).
[59] Entretien ville de St Omer, direction générale des services, juin 2017.
[60] Entretien SNCF Gares & Connexions, service des affaires publiques, octobre 2016.
[61] Entretien SNCF Gares & Connexions, service des affaires publiques, octobre 2016.
[62] L’agence a été créée en 1974 à l’initiative de Raymond Senellart, alors maire de Saint-Omer et président du district urbain réunissant Saint-Omer et Longuenesse. Elle intervient en matière d’urbanisme et de développement du territoire auprès des communes et des intercommunalités membres de son association.
[63] Entretien SNCF Gares & Connexions, service des affaires publiques, octobre 2016.
[64] « L’agglo de Saint-Omer rachètera la gare pour 200 000 euros », La Voix du Nord, le 04 février 2016.
[65] La conduite de ces négociations était inédite pour l’ensemble des parties prenantes : les rachats des bâtiments voyageurs par les collectivités concernent principalement des bâtiments situés en zone rurale et de petite taille.
[66] Entretien Agence d’urbanisme et de développement Saint-Omer – Flandre intérieure, direction, août 2016.
[67] De nombreux travaux attestent de l’existence de trois fonctions constitutives des lieux de transports, gares et pôles d’échanges (Joseph I. (1987). « L’enjeu-Station, la station de métro comme espace public », Réseau 2000, RATP, 48 p. ; Menerault P (dir.). (2006). Les pôles d’échanges en France. État des connaissances, enjeux et outils d’analyse, dossiers du CERTU, n° 172, INRETS/CODRA, 179 p. ; Richer, 2007, op. cit.).
[68] La mise en perspective du cas audomarois avec d’autres exemples prend appuie sur trois séries de travaux pilotés par le Cerema : sur les pôles, voir : Richer C, Bentayou G, Depigny B. (2017). Les pôles d’échanges multimodaux au service de l’intermodalité et de la ville durable, Lyon, Cerema, coll. Référence, 112 p. ; Evrard AL. (2018). « Les projets de pôles d’échanges inaugurés en France entre 2008 et 2018 », rapport de stage de Master 1, Institut d’aménagement et d’urbanisme de Lille, 95 p.), sur les stratégies foncières aux abords des gares TER et sur les services dans et autour des gares TER ; Cerema. (2017). Le développement des services dans les gares TER. Premiers enseignements d’expériences locales, Cerema, coll. Expériences & pratiques, 83 p.
[69] Entretien communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer, direction générale, juillet 2017.
[70] Présentation de l’AUD faite lors d’un atelier organisé par le Cerema, le 8 février 2015, à Lille, intitulée « Projet de pôle éco-numérique en gare de Saint-Omer ».
[71] Entretien région Hauts-de-France, service transport, décembre 2016. L’enquête ne nous a pas permis d’obtenir la répartition précise des financements entre les différents acteurs. Des parts de financements générales nous ont été communiquées par la région, que nous relayons ici dans l’analyse.
[72] Op. cit.
[73] En croissance ces dernières années, les « Fablab » sont des espaces dédiés à la fabrication et aux innovations numériques, avec la mise à disposition d’outils pilotés par ordinateur, pour la conception et la réalisation d’objets.
[74] AUD (Agence d’Urbanisme et de Développement Saint-Omer Flandre intérieure). (2019). La Station Gare de Saint-Omer, 96 p.
[75] Entretien Agence d’urbanisme et de développement Saint-Omer – Flandre intérieure, directeur, août 2016.
[76] Op. cit.
[77] Op. cit.
[78] Hasiak S, Richer C. (2020). « Can rail save peri-urban way of life? The case of peri-urban cities served by rail services in the metropolitan area of Lille (France) », European Planning Studies, Londres, Routledge, p.1-20.
[79] Entretien ville de Saint-Omer, ancien élu à l’urbanisme, novembre 2017.
[80] « Gare, espace de travail, lieu de formation : on vous explique ce qu’est “La Station” inaugurée à Saint-Omer », France 3 Hauts-de-France, le 11 juin 2020.