frontispice

Le modèle résidentiel périurbain
à l’épreuve des mutations territoriales
et institutionnelles de la métropole marseillaise :
quelles stratégies en matière d’habitat ?

• Sommaire du no 4

Séverine Bonnin-Oliveira Aix-Marseille Université Françoise Zitouni Aix-Marseille Université

Le modèle résidentiel périurbain : à l’épreuve des mutations territoriales et institutionnelles de la métropole marseillaise : quelles stratégies en matière d’habitat ?, Riurba no 4, juillet 2017.
URL : https://www.riurba.review/article/04-varia/periurbain/
Article publié le 12 juil. 2017

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Séverine Bonnin-Oliveira, Françoise Zitouni
Article publié le 12 juil. 2017
  • Abstract
  • Résumé

Housing strategies in Marseille metropolitan area : territorial and institutional changes effects on suburban modelRésumé sans titre

Assuming that the creation of Aix-Marseille-Provence metropolis questions public policy contents, this article intends to understand the housing strategy conception in the suburbs of this metropolitan area before its institutional change. Based on statistical analysis, planning documents study and semi-structured interviews, we propose to figure out what’s at stake in terms of housing and institutional dynamics in these suburbs and to question their ability to plan an housing strategy exceeding private housing development.

Partant de l’hypothèse que la création de la métropole Aix-Marseille-Provence amène à requestionner le contenu des politiques publiques, il s’agit ici de comprendre la manière dont se sont construites, en amont de ce changement, les stratégies en matière d’habitat dans les territoires périphériques de l’aire métropolitaine. Croisant état des lieux sociodémographique, étude de la documentation programmatique (schéma de cohérence territoriale, programme local de l’habitat) et entretiens semi-directifs, l’article livre une lecture des enjeux territoriaux, résidentiels et institutionnels traversant les espaces périurbains et questionnant leur capacité à construire des politiques locales de l’habitat dépassant la question pavillonnaire.

Cet encadré technique n’est affiché que pour les administrateurs
post->ID de l’article : 4407 • Résumé en_US : 4578 • Résumé fr_FR : 4575 •

Introduction

Dans un contexte de crise du logement continue depuis le début des années 2000, la territorialisation des politiques publiques de l’habitat, entendue comme « définition plus localisée des problèmes publics et des moyens de prise en charge de ces problèmes » et de « montée en puissance du territoire comme catégorie d’intervention publique » (Douillet, 2003[1]Douillet AC. (2003). « Les élus ruraux face à la territorialisation de l’action publique », Revue française de science politique, vol. 53, n° 4, p. 583-606.), s’est approfondie au fil des actes de la décentralisation. Renforçant les capacités d’action des collectivités territoriales, elle donne aux acteurs locaux la possibilité de définir des politiques adaptées à leurs contextes dans le cadre législatif et financier posé par l’État, garant de la solidarité et de la cohésion nationales. Si la loi de Modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) du 27 janvier 2014 n’en a pas fait des chefs de file officiels en la matière mais uniquement en matière d’aménagement de l’espace, les Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont néanmoins de plus en plus amenés à jouer ce rôle, continuellement renforcé depuis la loi relative aux libertés et responsabilités locales de 2004 (Cordier, 2011[2]Cordier M. (2011). « De la politique du logement aux politiques locales de l’habitat : l’apprentissage de l’action collective négociée », thèse en architecture et aménagement de l’espace, université Paris-Est.). Parallèlement à ces recompositions du partage des responsabilités en matière d’habitat, ce sont les territoires eux-mêmes qui évoluent, mus par « la quête d’un hypothétique optimum territorial » (Antheaume, Giraut, 2005[3]Antheaume B, Giraut F (dir.). (2005). Le territoire est mort. Vive les territoires ! Une (re)fabrication au nom du développement, Paris, IRD Éditions, collection « Objectifs Suds », 384 p.) qui sert d’aiguillon pour rapprocher, notamment en contexte urbain, territoires vécus et territoires institutionnels dans une logique de gouvernement métropolitain (Estèbe, 2008[4]Estèbe P. (2008). Gouverner la ville mobile, Paris, Presses universitaires de France, collection « La Ville en débat », 76 p.) censé permettre de définir et traiter les problèmes publics à la bonne échelle.

La création, effective au 1er janvier 2016, de la métropole à statut particulier Aix-Marseille-Provence, par la loi Maptam du 27 janvier 2014, s’inscrit bien dans cette tendance longue. Loin de l’approfondissement intercommunal progressif qu’ont connu des métropoles telles que Lille ou Toulouse, ou des démarches de coopération métropolitaine anciennes qu’ont engagées des métropoles comme Lyon dans le cadre de la Région urbaine de Lyon (Rul), la naissance de cette métropole a été pilotée par l’État, dans le cadre d’une mission interministérielle pour le projet métropolitain Aix-Marseille-Provence[5]Nous ne reviendrons pas ici sur la trajectoire institutionnelle longue et sinueuse de cette métropole, largement décrite par ailleurs (Dubois, J. (2014). « Une métropole provençale fragile », Urbanisme, HS, n° 50, Dix métropoles en recherche(s), p. 39-42 ; Douay N. (2013). « Aix-Marseille-Provence : accouchement d’une métropole dans la douleur », Métropolitiques [En ligne. En effet, sans que la pensée métropolitaine ait été absente du territoire, puisque services de l’État et experts ont tenté de réfléchir dès les années 1960 à cette échelle[6]Du schéma de l’Oream (Organisme régional d’études et d’aménagement d’aire métropolitaine) en 1969 à la réponse à l’appel à coopération métropolitaine en 2005, en passant par les réflexions du club d’échanges de l’aire métropolitaine marseillaise, dans les années 1990. (Douay, 2009[7]Douay N. (2009). « L’émergence des politiques métropolitaines marseillaises : entre conflits et apprentissages », Cybergeo: European Journal of Geography, 459 [En ligne ; Motte, 2007[8]Motte, A. (dir.). (2007). Les agglomérations françaises face aux défis métropolitains, Paris, Économica, 272 p.), sa fragmentation intercommunale à caractère polycentrique a servi de soubassement à des démarches de planification transversales (schémas de cohérence territoriale) et sectorielles (plans de déplacements urbains, programmes locaux de l’habitat) calquées sur les périmètres communautaires, pénalisant la définition d’une politique métropolitaine nécessaire à l’attractivité territoriale. L’élargissement de la réflexion stratégique territoriale à 92 communes auparavant réparties en six intercommunalités[9]La communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole (18 communes), la communauté d’agglomération du Pays d’Aix (36 communes), la communauté d’agglomération Agglopole Provence (17 communes), la communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Étoile (12 communes), la communauté d’agglomération du Pays de Martigues (3 communes) et le syndicat d’agglomération nouvelle Ouest-Provence (6 communes). a conduit à faire de la cohésion sociale et territoriale l’un des six chantiers métropolitains. Si la question du logement, et plus largement de l’habitat, en constitue l’un des piliers, la définition d’une politique métropolitaine dans ce domaine apparaît comme un véritable enjeu : au regard, d’abord, de la pression foncière que connaît cette région où l’attractivité et le dynamisme démographiques se heurtent à la richesse d’un patrimoine naturel à préserver ; du fait, ensuite, des inégalités socio-économiques fortes qui caractérisent la métropole naissante et ont largement contribué à sa fragmentation ; en raison, enfin, de la mosaïque institutionnelle préexistante, chacun des six Établissements publics de coopération intercommunale s’étant doté non seulement d’un Programme Local de l’Habitat (PLH) mais également d’un Schéma de cohérence territoriale (Scot) à son échelle.

Si la fusion de ces territoires intercommunaux les conduit à repenser leur identité et l’action publique menée dans ces périmètres étriqués, l’avènement de la métropole via, dans un premier temps, la délimitation de son périmètre vient aussi questionner le rapport de ce nouvel échelon territorial à ses voisins, eux aussi sous influence métropolitaine mais dont la multipolarisation a rendu de longue date plus complexes la structuration et l’intégration intercommunales. Proches par leurs caractéristiques territoriales, les problématiques (démographiques, économiques, de mobilité…) rencontrées et les politiques menées pour y répondre, dans une continuité territoriale avec la nouvelle métropole, ces territoires « aux marges », qu’ils soient bucco-rhodaniens[10]Une part congrue du département des Bouches-du-Rhône est restée hors périmètre métropolitain, le Pays d’Arles, constitué de 29 communes., varois ou vauclusiens, sont eux aussi bousculés par sa constitution.

L’ambition de cet article réside dans une capture des enjeux en matière d’habitat, et plus largement d’urbanisme, et de leur traduction en politiques au moment de l’avènement de l’échelon institutionnel métropolitain qui amène à rebattre, sur le temps long, les cartes du jeu territorial. Alors que l’effet métropole, en termes institutionnel et d’action publique, est encore balbutiant et nécessite une observation de long terme[11]Par ailleurs en cours, notamment dans le cadre d’un atelier de projet d’étudiants du master 2 Urbanisme et Aménagement, Spécialité habitat, politique de la ville, renouvellement urbain, en partenariat avec le PUCA, l’USH, l’ADCF et la Caisse des Dépôts, mené sur l’année universitaire 2016-2017., il s’agit ici de comprendre la manière dont se sont construites, avant même le changement institutionnel, les stratégies en matière d’habitat, en faisant une double hypothèse : d’abord, celle du risque de décrochage induit par la définition des politiques nationales sur la base de critères parfois déconnectés des réalités locales et concentrant les efforts sur quelques territoires considérés comme « tendus » ; ensuite, celle du rôle de la configuration politico-institutionnelle, facteur de différenciation des politiques de l’habitat que pourrait venir renforcer la nouvelle donne métropolitaine. Ce n’est qu’en saisissant ces enjeux territoriaux au moment du changement institutionnel qu’il nous semble possible d’éclairer, avec plus de recul et dans un horizon plus lointain, l’effet métropole en lui-même sur la construction des politiques de l’habitat.

Pour éprouver ces hypothèses, nous avons choisi de privilégier une approche intercommunale, en abordant la question du rapport aux communes, d’un côté, aux services de l’État, de l’autre, par le prisme des EPCI. Deux raisons président à ce choix de recherche : d’une part, l’importance des outils intercommunaux (PLH et Scot) comme vecteur de l’évolution des politiques de l’habitat, d’autre part, l’existence de rivalités entre certaines communes des marges métropolitaines rendant difficile la lecture des enjeux territoriaux. La sélection d’un nombre réduit d’intercommunalités représentatives de dynamiques institutionnelles et territoriales variées a alors été guidée par plusieurs critères : l’existence d’une compétence en matière d’habitat, qui rendait le choix de communautés d’agglomération disposant obligatoirement de cette compétence, mais que nous souhaitions compléter par une communauté de communes ayant une compétence volontariste en ce domaine ; la situation au regard du contexte institutionnel, qui s’est traduite par la volonté d’étudier un territoire bucco-rhodanien restant en dehors de la métropole Aix-Marseille-Provence pour s’interroger sur le devenir de cette portion congrue du territoire départemental ; l’exclusion de territoires trop spécifiques qui fausseraient l’analyse, à l’image des Alpilles fortement marquées par des dynamiques touristiques ; la continuité territoriale entre des terrains internes et externes à la métropole. Quatre territoires ont ainsi été définis : deux communautés d’agglomération désormais incluses dans la métropole, où Scot et PLH se superposent (les communautés d’agglomération Agglopole-Provence et pays d’Aubagne et de l’Étoile) et deux Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) situés en bordure de la métropole, dotés de PLH mais inclus dans des périmètres de Scot plus larges : la communauté d’agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette (dans le Scot du pays d’Arles) et la communauté de communes Sainte-Baume-Mont-Aurélien[12]Qui a depuis (1er janvier 2017) fusionné avec les communautés de communes de Val-d’Issole et de Comté-de-Provence, suite à la loi portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) et à l’arrêté préfectoral du 5 juillet 2016, pour former la communauté d’agglomération de la Provence Verte. (dans le Scot de la Provence Verte[13]Pour faciliter l’identification de ces territoires dans le texte et sur les cartes, nous les citerons accompagnés d’un numéro : 1 pour la CA Arles-Crau-Camargue-Montagnette, 2 pour la CA Agglopole-Provence, 3 pour la CA Pays d’Aubagne et de l’Étoile, 4 pour la CC Sainte-Baume-Mont-Aurélien.).

Le travail mené sur ces terrains en 2015 a croisé trois matériaux : des données statistiques permettant de qualifier les dynamiques démographiques et résidentielles de la métropole et de ses marges, une étude de la documentation programmatique (PLH et Scot) à partir d’une grille permettant d’analyser les enjeux diagnostiqués, les objectifs assignés en matière d’organisation de l’espace et d’habitat et les moyens définis pour y parvenir, et sept entretiens semi-directifs auprès des techniciens des quatre terrains d’étude. C’est sur ces lectures multiples des enjeux territoriaux, résidentiels et institutionnels et sur la base d’une approche essentiellement intercommunale que s’appuie l’analyse de la construction des stratégies en matière d’habitat, développée ci-après.

Si les dynamiques démographiques et résidentielles de l’aire métropolitaine marseillaise sont contrastées au profit d’un « espace périurbain très dynamique » (Barret, Biau, Chauvot, 2013[14]Barret C, Biau O, Chauvot N. (2013). Métropole Aix-Marseille-Provence. Un territoire fragmenté, des solidarités à construire, Marseille, Insee, Études PACA, Coll. « Analyse » n° 34, 4 p.) témoignant du rôle fort des stratégies résidentielles des ménages dans les logiques d’urbanisation, elles se heurtent aux injonctions des politiques nationales et aux mutations institutionnelles à l’œuvre, qui privilégient de fait les territoires les plus tendus et intégrés politiquement. Cela questionne dès lors la capacité des territoires périurbains à faire évoluer leur mode de développement au profit de la construction de politiques locales de l’habitat renouvelées dépassant la question de l’habitat pavillonnaire.

L’aire métropolitaine marseillaise :
une périurbanisation toujours à l’œuvre

Une forte pression démographique

Contraint par ses éléments de relief identitaires (Méditerranée, étang de Berre, massifs de l’arrière-pays tels celui de la Sainte-Victoire) et par une emprise industrielle localement forte (pourtours de l’étang de Berre, notamment), le territoire métropolitain marseillais n’en reste pas moins attractif. Son dynamisme démographique d’ensemble, en léger recul (0,4 % de croissance annuelle entre 2006 et 2010, contre 0,8 % entre 1999 et 2006) et inférieur à celui de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, masque en fait des différences internes. Sur la période la plus récente, hormis le territoire de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole, les cinq autres EPCI désormais constitutifs de la métropole affichent des taux supérieurs à la moyenne régionale (figure 1), témoins de l’attractivité différenciée des sous-espaces métropolitains au profit des périphéries, dont le solde migratoire positif « résulte principalement d’arrivées en provenance de Marseille-Provence-Métropole et du pays d’Aix » (Barret, Biau, Chauvot, 2013[15]Op. cit.).

Figure 1. Une croissance démographique vive (source : Insee, RGP 1999-2010).

Dans ces territoires périphériques eux-mêmes, les diagnostics dressés par les PLH constatent une explosion démographique des communes les plus rurales au détriment des petites villes dont le poids relatif diminue. Dans le pays d’Aubagne/3, par exemple, l’ensemble des dix communes périurbaines de l’EPCI ont gagné plus de 30000 habitants entre 1975 et 2008, contre moins de 15000 pour ses deux villes-centres, Aubagne et La Penne-sur-Huveaune (diagnostic du PLH 2014-2019, 2014).

Si l’on déplace la focale d’analyse au-delà du périmètre intercommunal métropolitain, on constate que la limite institutionnelle ne borne en rien une dynamique démographique intégrant dans l’aire d’influence métropolitaine des territoires voisins, notamment en direction du Luberon au nord-ouest et du Var à l’est (figure 1). C’est un point que s’accordent à souligner les diagnostics des PLH de ces territoires bordiers, conscients de cette poussée démographique métropolitaine. L’accent mis dans ces documents sur cette proximité aixo-marseillaise, en particulier dans des EPCI de fait multipolarisés et dynamisés par des processus de périurbanisation multiples (Nîmes et Avignon pour les franges ouest de la métropole, Toulon pour ses franges est), montre que la pression démographique ressentie depuis l’aire métropolitaine marseillaise est celle qui suscite le plus d’inquiétude : « on a l’impression qu’on n’ouvre pas trop la construction de logements sur le bassin aixois et qu’on va se retrouver tous les actifs » (directrice développement économique et habitat de la communauté de communes SBMA, 2015). C’est en effet mus par un projet résidentiel, celui de l’accession à la propriété d’une maison individuelle, que les ménages se desserrent vers des périphéries de plus en plus éloignées.

Un desserrement résidentiel basé sur la maison individuelle

Pour reprendre les termes d’E. Roux et de M. Vanier, « la périurbanisation, c’est l’appropriation résidente du territoire » (2008[16]Roux E, Vanier M. (2008). La périurbanisation, problématiques et prospectives, Paris, La Documentation française, coll. « Travaux de la DIACT », p. 52.), résultat d’une accession à la propriété dans des territoires au cadre de vie préservé, au foncier disponible et rendus accessibles par l’amélioration de l’offre (auto)routière. Dans ces périphéries attractives, l’intensité de la production de résidences principales ne se dément pas, selon un gradient qui intègre une fois encore les territoires bordiers de la métropole (figure 2) : alors que la construction neuve apparaît en retrait dans un large couloir reliant Aix-en-Provence à Marseille, son dynamisme reste remarquable sur les franges internes (Agglopole/2, Ouest de l’étang de Berre, pays d’Aubagne/3) et plus encore externes de la métropole (territoire des Scot du pays d’Arles et de la Provence Verte).

Plus la couleur est foncée, plus le nombre de résidences principales construites entre 1999 et 2010 est élevé par rapport au nombre de résidences principales existantes en 1999, signe d’une intensité de construction forte.
Figure 2. Une production de logements portée par les périphéries (source : Insee, Sitadel, 1999-2010).

Cette production de logements géographiquement contrastée l’est aussi d’un point de vue typologique : au croisement entre aspiration sociale, encouragement par les politiques publiques (via des dispositifs bancaires et fiscaux tels que le prêt à taux zéro) et modèle commercial véhiculé par les promoteurs et les constructeurs, la part des logements individuels domine encore la production dans les périphéries (tableau 1).

Si elle dépasse à peine les 30 % dans le périmètre métropolitain, cette part est bien supérieure dans les périphéries (plus de 50 % dans les territoires d’Agglopole/2 et du pays d’Aubagne/3), à des niveaux proches de leurs voisins non métropolitains où les logements individuels représentent en moyenne 60 % de la production. Signe que « l’engouement pour le pavillonnaire ne faiblit pas, malgré les nombreuses contraintes réglementaires qui pèsent aujourd’hui sur cette forme urbaine » (Marchal, Stébé, 2017[17]Marchal H, Stebe JM. (2017). « Où en est le pavillonnaire ? », SociologieS, Dossiers « Où en est le pavillonnaire ? » [En ligne), l’aspiration des ménages à devenir propriétaire de leur logement reste bien consubstantielle à la recherche d’un habiter pavillonnaire : « On est plutôt sur un profil de personnes qui s’installent, sur un profil famille, lié à la qualité du cadre de vie, lié au fait que la typologie qui est proposée, c’est encore beaucoup de la maison individuelle » (entretien chef de projet Scot du pays d’Arles, 2015).

Toutefois, les contrastes apparaissent là aussi marqués en fonction de la taille de la commune : les analyses de l’Insee constatant que « l’habitat individuel représente 70 % à 90 % des logements dans les communes moins peuplées » (Barret, Biau, Chauvot, 2013[18]Op. cit.) sont ainsi partagées par les acteurs du territoire, avec, par exemple, dans l’Agglopole/2 « une plus grosse proportion d’individuel que de collectif […] avec les deux communes centres, Salon et Berre, qui cumulent à elles seules les 40 % de collectif » (directrice du service aménagement du territoire, 2015). Interrogeant la capacité de ces territoires à faire évoluer leur mode de développement, cette prédominance de l’individuel, qui répond aux attentes des familles à un temps T, apparaît en outre de plus en plus déconnectée de l’évolution des besoins de ménages périurbains désormais pluriels.

Une société périurbaine en évolution
à l’origine de nouveaux besoins
en matière de logements

Ce sont en effet principalement des familles d’actifs avec enfants qui recherchent un logement individuel, garantissant à chacun un « chez soi dans le chez soi » (Haumont, 2001[19]Haumont N. (2001). Les pavillonnaires, Paris, L’Harmattan, 154 p.) dans un cadre de vie de qualité loin des nuisances urbaines. Les espaces périurbains de l’aire métropolitaine marseillaise ne dérogent pas à ce standard et, dans ce « jardin d’enfants périurbain » (Roux, Vanier, 2008[20]Op. cit.), les jeunes de moins de 19 ans sont surreprésentés, à l’inverse des personnes âgées (60 ans et plus) plutôt présentes près des villes centres. Cette jeunesse du territoire est entretenue par la poursuite de « l’arrivée de ménages avec enfants et d’une population plus familiale » (diagnostic du PLH de la communauté de communes Sainte-Baume-Mont-Aurélien, 2011), moins marquée dans les territoires bordiers de la métropole où le desserrement résidentiel est plus récent mais néanmoins réel. L’importance accordée par les diagnostics des PLH à ce renouvellement de la population tient à son rôle de « facteur de lutte contre le vieillissement de la population » (PLH du pays d’Aubagne et de l’Étoile, 2014) dans des espaces périurbains dont les sociétés se diversifient, sur le plan démographique comme social.

Mis en évidence dans différents contextes métropolitains, tels que l’Ouest francilien (Aragau, Berger, Rougé, 2011[21]Aragau C, Berger M, Rougé L. (2011). « Du périurbain aux périurbains. Diversification sociale et générationnelle dans l’Ouest francilien », Pouvoirs locaux, n° III (94), p. 58-64.) ou la région toulousaine (Bonnin-Oliveira, 2013[22]Bonnin-Oliveira S. (2013). « La fin des périphéries urbaines. Modes de vie et recompositions territoriales aux marges de l’aire urbaine toulousaine », EspacesTemps.net [En ligne), mais aussi à l’échelle nationale (Cusin, Lefebvre, Sigaud, 2016[23]Cusin F, Lefebvre H, Sigaud T. (2016). « La question périurbaine, enquête sur la croissance et la diversité des espaces périphériques », Revue française de sociologie, n° 57, p. 641-679.), ce « monde de diversité » (ibid.), signe d’une « maturité sociodémographique » (Aragau, Berger, Rougé, 2014[24]Aragau C, Berger M, Rougé L. (2014). « Vers une maturité des territoires périurbains ? », EchoGéo, n° 27 [En ligne), s’observe dans l’aire métropolitaine marseillaise selon deux modalités, en fonction de la distance aux villes centres. Dans les espaces gagnés précocement par le desserrement résidentiel (Agglopole/2 et pays d’Aubagne/3), les ménages périurbains, arrivés à l’âge actif et désormais ancrés, vieillissent et voient leurs enfants devenus adultes décohabiter. Leur attractivité résidentielle pour des familles aisées, compte tenu du coût du foncier, ne doit pas occulter l’évolution de la structure des ménages installés de plus longue date vers des foyers plus petits et aux ressources plus limitées. Dans les territoires limitrophes de la métropole où le desserrement est plus récent, l’arrivée de nouveaux ménages avec enfants vient rajeunir une population marquée par le vieillissement et modifier son profil social, ces ménages apparaissant comme fragilisés par une accession à la propriété lointaine dictée par les prix du marché foncier. Dans les deux cas, cette complexification appelle des évolutions de politiques urbaines, la maison individuelle en accession à la propriété ne pouvant constituer la seule réponse à la diversité des besoins et à la diminution de la taille des ménages. Dans le territoire de l’Agglopole/2, c’est la prise de conscience que la faible proportion de T1 et de T2 (11 %) « excluait deux grosses parties des ménages qui se trouvent sur notre territoire, les jeunes qui veulent décohabiter et nos anciens qui veulent rester sur le territoire », qui a facilité l’adoption d’un programme local de l’habitat partagé (directrice du service Aménagement du territoire, 2015).

Ainsi, dans un contexte où, au-delà même du périmètre de la métropole, la dynamique de périurbanisation se poursuit dans des territoires où l’évolution des besoins en matière de logements est marquée, la construction de politiques locales de l’habitat est un enjeu qui doit composer avec les évolutions réglementaires et institutionnelles.

Entre « grenellisation » et métropolisation,
quelles contraintes nationales pour les politiques locales de l’habitat ?

Des territoires et des politiques locales
pareillement contraints
par les injonctions nationales

Depuis la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, les pouvoirs publics se sont engagés avec toujours plus de fermeté dans la voie de la sobriété foncière, contraignant les collectivités territoriales à limiter leurs extensions et à densifier leurs espaces urbanisés (Strebler, 2012[25]Strebler JP. (2012). « Scot, économie d’espace et densité », écriture du Scot, Gridauh). Dès lors, les territoires où les marchés fonciers et immobiliers connaissent de graves déséquilibres liés à une pénurie d’offre de logements accessibles sont confrontés à une double injonction : accroître la production de logements, notamment sociaux, tout en limitant drastiquement les ouvertures à l’urbanisation.

L’intégration des objectifs de réduction de la consommation d’espace et de densification

En matière de gestion économe de l’espace, les EPCI étudiés s’astreignent à mettre leurs documents de planification en conformité avec les objectifs nationaux, au prix de difficiles compromis entre le respect de ces objectifs et le maintien de leur modèle de développement.

La nécessité de « sanctuariser » les terres agricoles, menacées par une croissance résidentielle non maîtrisée, constitue un préalable à toute réflexion sur le projet commun de territoire défini par les Scot et sur la place de l’habitat dans ce projet. Que ce soit en concertation avec les services de l’État, par exemple dans le territoire de la Provence Verte où la sanctuarisation des terres agricoles est le fruit d’une longue réflexion consignée dans une charte[26]Charte pour une reconnaissance et une gestion durable des territoires départementaux à vocation agricole, signée en juin 2005 par la préfecture du Var, le conseil général du Var, les chambres consulaires et les associations de maires., ou sous l’impulsion des chambres d’agriculture, « véritable mur » (directrice du service Aménagement Agglopole Provence, 2015) émettant des avis défavorables sur des objectifs de consommation d’espace jugés trop élevés, les espaces naturels et agricoles font l’objet d’une stricte protection qui restreint a priori les possibilités d’urbanisation en extension et donc le potentiel foncier mobilisable pour le logement. Cette protection, fortement valorisée dans les Scot hors métropole où elle apparaît comme un élément d’identité fondateur du projet de territoire et de son potentiel économique, reste pourtant un sujet de discorde au sein des deux anciens EPCI intégrés dans la métropole : « Je comprends la grenellisation, le PCET… mais quand on a 70 % du territoire protégé, ça paraît beaucoup. Peut-être qu’avec 65 % ou même 60 %, ça aurait suffi » (responsable mission métropole, CA pays d’Aubagne et de l’Étoile, 2015).

Dans le Scot se joue donc la définition des équilibres entre injonctions nationales et intentions communales, entre maîtrise de la consommation foncière et réticence des petites communes à abandonner leur mode de développement résidentiel, se traduisant par la fixation d’objectifs généraux de réduction exprimés en nombre de logements à l’hectare (Provence Verte) ou par une identification plus précise des disponibilités foncières existantes (Agglopole/2, pays d’Aubagne/3). Mais la délimitation des espaces à protéger, renvoyant chaque territoire à la nécessité de maîtriser et de contenir la croissance démographique principalement dans les enveloppes agglomérées afin de réduire l’étalement urbain, induit également une réflexion sur le modèle d’aménagement : « Le Scot part du postulat de la protection des espaces agricoles et des espaces naturels, et voit ce qu’il reste. Ça ouvre la question de la densification » (chargée de mission Scot, CA pays d’Aubagne et de l’Étoile, 2015). Or ce sujet, sensible pour les élus notamment de petites communes, fait plus difficilement consensus. De préférence à des objectifs chiffrés, les Scot s’appuient sur des propositions de typologies basées sur la morphologie des tissus bâtis (centres anciens, pavillonnaire dense…), sur les caractéristiques des projets urbains (diversité de l’habitat, performance environnementale, desserte par les transports collectifs…) ou des types de logements à réaliser (individuel diffus, petits collectifs…). Les techniciens rencontrés revendiquent une approche pédagogique pour réfléchir à la densité, aux formes urbaines et aux typologies de logements de façon indirecte et dépassionnée, le plus souvent sous la forme d’ateliers mobilisant des exemples d’autres territoires : « On avait nos petits exemples, on a complété notre petite biblio. Bon là c’était intéressant, parce que les élus se sont exprimés » (chef de projet Scot, pays d’Arles, 2015).

L’influence des politiques nationales sur ces territoires s’illustre également par leur classement en zones de tension du marché immobilier,  qui apparaît comme un autre facteur de convergence, indépendamment de leur situation vis-à-vis de la métropole.

L’impact du classement de ces territoires en zones de marchés tendus

Alors qu’il n’était utilisé que pour déterminer les zones éligibles aux aides à l’investissement locatif et à l’accession à la propriété et moduler le niveau d’incitation financière, le zonage dit « A, B, C », qui classifie les territoires selon le degré de tension de leur marché immobilier local, est devenu le principal critère sur la base duquel déterminer la localisation préférentielle et la typologie de l’offre de logements, y compris implicitement l’offre locative sociale[27]Le zonage A/B/C a été créé en 2003 dans le cadre du dispositif d’investissement locatif dit « Robien ». Révisé en 2006, 2009 et 2014, il caractérise la tension du marché du logement en découpant le territoire en 5 zones, de la plus tendue (A bis) à la plus détendue (zone C) pour déterminer l’éligibilité des territoires à certains dispositifs (aides à l’accession à la propriété, à l’investissement locatif, mobilisation du foncier public…) ou moduler leurs paramètres.. La plupart des communes situées dans les territoires étudiés se situent en zones tendues (B1) ou très tendues (A). Suite à la révision de ce zonage en 2014, plusieurs communes qui étaient inscrites en zones B1 ou B2 ont été reclassées en zones A ou B1. Il s’agit notamment de la quasi-totalité des communes du pays d’Aubagne/3, reclassées en zone A, et à un moindre titre de l’Agglopole/2 où 9 communes sur 17 sont en zones A et B1. En lisière de la métropole, les pays d’Arles et de Provence Verte sont soumis à d’importantes pressions démographiques de par leur situation dans l’aire d’influence de plusieurs pôles urbains. Plusieurs petites communes périurbaines, qui connaissent une forte attractivité résidentielle, y sont classées en zones B1 ou B2, tandis que le nombre de collectivités locales maintenues en zone détendue (C) se réduit progressivement (plus que deux dans le pays d’Arles).

Visant à inciter à la production et à favoriser l’accès aux logements dans les zones les plus tendues, ce zonage national ignore pourtant les réelles capacités d’accueil en logements des communes en termes de gisements fonciers, d’équipements et de services, et encourage le développement de l’offre locative privée et de l’accession à la propriété — grâce à des conditions d’octroi du prêt à taux zéro plus avantageuses en zones tendues — alimentant ainsi les dynamiques de périurbanisation et de consommation de l’espace à l’œuvre. La directrice développement économique et habitat de la communauté de communes SBMA/4 regrette ainsi que le prêt à taux zéro profite aux ménages arrivant sur le territoire au détriment des candidats locaux à la primo-accession : « il faut remplir les conditions de ressource du PTZ de l’État, mais les gens qui ont ces ressources-là ne peuvent pas acheter les produits qui sont sur le territoire » (entretien, 2015). Dès lors, des distorsions se font jour avec les orientations des politiques intercommunales qui, plus attentives aux différenciations et aux contraintes territoriales, souhaitent conforter les pôles urbains dont la croissance décline, et modérer la croissance des communes résidentielles : « Le Scot veut faire en sorte qu’Aubagne retrouve un poids de ville centre. Parce que la population d’Aubagne représente moins de la moitié de la population intercommunale, ce n’était pas le cas avant » (chargée de mission Scot, CA pays d’Aubagne, 2015).

La prise en compte des impératifs de production de logement social

Face aux difficultés d’accès au logement caractérisant les marchés les plus tendus, dont l’aire métropolitaine marseillaise fait partie, c’est enfin via l’obligation de production de logement social dans les communes qui en sont insuffisamment dotées[28]L’article 55 de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000 modifié par la loi Duflot du 18 janvier 2013 a porté à 20 ou 25 % la part des logements sociaux à atteindre dans les communes dont la population est au moins égale à 1500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants ailleurs, comprises dans une agglomération ou un EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. que l’État entend favoriser la production d’une offre abordable, adaptée aux capacités financières et aux besoins des ménages. Dans les Bouches-du-Rhône, où le retard en matière de logement social est fort, comme en témoigne l’état de carence de 42 communes (soit 19 % du total national), dont 38 au sein de la métropole, sur les 68 soumises à l’article 55, l’inscription de la diversification du parc dans les documents de planification et de programmation vient s’imposer aux acteurs locaux. Il s’agit sans doute de l’injonction sur laquelle la position des services de l’État est la plus stricte dans les territoires métropolitains en situation de carence, le responsable de la mission métropole du pays d’Aubagne/3 indiquant que « l’État s’est montré assez rude et raide envers des communes » (entretien, 2015), mais également dans les territoires voisins de la métropole souhaitant intégrer un objectif de production sociale sans y être contraint. Ainsi, lorsque la communauté de communes SBMA/4 a souhaité inscrire un objectif de production de logement social dans son PLH de manière volontariste, la préfecture a imposé des objectifs plus élevés que ceux que les techniciens avaient envisagés : « Au premier comité de pilotage, on avait dit ça sera 20 %, et la DDTM nous a dit non, il faut 30 » (entretien directrice développement économique et habitat de la communauté de communes SBMA, 2015).

Alors que la marge de manœuvre des territoires d’étude dans la définition de leur stratégie en matière d’habitat semble limitée par ces éléments de cadrage national, une autre réalité s’impose désormais à eux : la création, par fusion de six intercommunalités, de la métropole Aix-Marseille-Provence. Or, outre les réactions protectionnistes qu’elle génère de part et d’autre, elle pourrait venir accentuer la marginalisation de ses territoires bordiers.

La nouvelle donne métropolitaine,
accélératrice des divergences
et des déséquilibres fonctionnels ?

Si cette évolution institutionnelle vise bien à faciliter la mise en œuvre de politiques intégrées, notamment en matière d’habitat, pour renforcer la cohésion sociale et urbaine de la métropole, en agissant sur les déséquilibres résidentiels et en restaurant l’attractivité du pôle urbain d’Aix-Marseille, elle risque aussi de créer un effet de frontière entre les territoires entrés dans la métropole et ceux qui s’étendent à sa périphérie immédiate, aux constructions institutionnelles plus fragiles, en accentuant les déséquilibres résidentiels existants.

Aux portes de la métropole, des territoires institutionnellement fragiles

Alors que les territoires situés aux franges de la métropole connaissent de fortes dynamiques résidentielles évoquées précédemment, ils semblent pénalisés, pour y répondre, par leur difficulté à se construire institutionnellement. Même si leurs « composantes ont plus de points communs entre elles qu’avec les agglomérations voisines » (directeur du Scot Provence Verte, 2015) et si la peur d’être « happés » par ces agglomérations constitue un aiguillon pour la coopération, l’influence de plusieurs aires urbaines rend difficile l’élaboration d’un projet partagé. Celui-ci a donc d’abord trouvé à s’exprimer dans le cadre de pays fédérés autour d’une identité marquée (création du syndicat mixte du pays de la Provence Verte en 1997, du pays d’Arles en 1999), sur le périmètre desquels ont été arrêtés les périmètres de Scot, respectivement en 2003 et 2004. Pour autant, le pays Provence Verte est fractionné en trois ensembles, les deux principaux pôles urbains, Brignoles et Saint-Maximin, qui entretiennent une rivalité « historique », et une troisième force constituée par les petites communes rurales ; Arles, qui n’est pas géographiquement au centre du pays, « n’a pas tous les marqueurs d’une ville-centre en termes d’attraction et de flux » (chef de projet Scot du pays d’Arles, 2015) et ne parvient pas à s’affirmer en tant que telle vis-à-vis de la communauté d’agglomération Rhône-Alpilles-Durance, attirée dans l’aire d’influence d’Avignon.

Dès lors, l’élaboration d’un projet commun d’aménagement et de développement reste fragile, ces divisions ayant jusqu’alors fait obstacle à la création de communautés d’agglomération, pourtant voulue par l’État, notamment dans le cas de la Provence Verte[29]La communauté d’agglomération Provence Verte a finalement vu le jour le 1er janvier 2017 par fusion de trois EPCI inscrites au schéma départemental de coopération intercommunale arrêté le 29 mars 2016 par la préfecture du Var. : « L’État voulait un périmètre de Scot pour inciter à la création d’une communauté d’agglomération » (directeur du Scot Provence Verte, 2015). Elles expliquent aussi les réticences de certaines communes du pays d’Arles à évoluer vers un Pôle d’équilibre territorial et rural (Scot), structure de coopération souple créée par la loi Maptam du 27 janvier 2014, « en se disant que ça allait préfigurer une communauté d’agglomération unique » (chef de projet Scot du pays d’Arles, 2015).

Or l’incapacité de ces territoires à se fédérer fait obstacle à l’émergence d’un consensus sur les grands axes de leur stratégie en matière d’habitat. Le Scot du pays d’Arles est, par exemple, contraint de mener une double approche : celle d’un socle commun qui fédère l’ensemble du territoire autour du « tryptique qui se joue entre hydraulique, agriculture, tourisme », et « une approche par entité géographique et donc par EPCI pour certaines problématiques, en particulier la démographie et la production de logements » (chef de projet Scot, 2015), qui ne fait qu’acter les choix antérieurs opérés dans les PLH intercommunaux sans les relire au regard de ce cadre territorial élargi. Dans ce contexte, des objectifs tels que le rééquilibrage de la production de logements sociaux, pour l’heure concentrée sur les pôles urbains (les villes d’Arles et de Brignoles comptent chacune environ 20 % de logements sociaux) quand les autres communes sont « à la préhistoire du logement social » (directrice du développement économique et de l’habitat de la communauté de communes Sainte-Baume-Mont-Aurélien, 2015) ou la réflexion sur de nouvelles formes urbaines semblent difficiles à engager, affaiblissant la capacité de ces territoires à reprendre le contrôle d’un développement résidentiel trop dépendant des besoins de la métropole voisine et faisant craindre un enfermement dans la fonction résidentielle.

Le risque d’accentuation des déséquilibres entre fonctions économique et résidentielle

Le principal risque pour les territoires hors métropole réside en effet dans le déséquilibre existant entre emploi et logement. Le pays d’Arles, comme le pays de la Provence Verte, se perçoivent comme des « marges abordées comme des causes de transferts d’actifs et de surcoûts par la métropole » (directeur du Scot Provence Verte, 2015) alors qu’ils « prennent en charge sans véritable contrepartie les effets des défauts de l’offre des métropoles », en logements abordables en particulier (Rapport Bonnet, 2016[30]Bonnet F. (2016). Aménager les territoires ruraux et périurbains, rapport au ministre du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, 129 p.). Dans ces conditions, l’accent mis dans l’espace métropolitain sur le développement de l’emploi et des activités (objet de la première vice-présidence de la métropole Aix-Marseille-Provence), associé au développement des transports intrarégionaux, ne ferait qu’accroître les migrations résidentielles en provenance de la métropole vers ces territoires.

Pour sortir de cette dépendance vis-à-vis des aires urbaines voisines, l’équilibre entre fonction économique et fonction résidentielle apparaît comme un enjeu majeur, abordé dans le cadre des deux Scot extra-métropolitains étudiés. Bien que le tissu économique du pays d’Arles soit structuré autour de plusieurs activités — industrie, artisanat, tourisme et commerce — et que le ratio entre actifs et emplois se maintienne, la crise économique de 2008 y a cassé la dynamique du marché de l’emploi et provoqué une hausse importante du taux de chômage. Le Scot en cours d’élaboration entend favoriser un développement économique endogène et garantir une offre de logements, d’équipements, de services et de commerces accompagnant la création d’emplois dans les différents pôles urbains. Le Scot Provence Verte aborde cette question par le biais de la consommation foncière. Alors que les objectifs de consommation de l’espace par l’habitat sont sensiblement restreints par rapport à la précédente décennie (moins 42 %, soit 380 hectares de moins), les activités économiques voient leurs surfaces croître de 119 % (soit 144 hectares de plus), ces objectifs étant ensuite déclinés par intercommunalité. La création de la métropole constitue donc sur ce thème un aiguillon pour pousser la réflexion sur l’équilibrage du ratio emploi/habitant : « On n’a pas du tout envie de rentrer dans la métropole. Ici, on vit sur Aubagne et Aix. Mais on s’est donné les outils pour ne plus être un territoire dortoir, créer des logements, de l’activité » (directrice du développement économique et de l’habitat de la communauté de communes Sainte-Baume-Mont-Aurélien, 2015).

Alors que la construction du projet métropolitain d’Aix-Marseille-Provence a éclipsé la démarche inter-Scot qui avait été initiée par l’État à partir de 2010 à l’échelle des Bouches-du-Rhône, la capacité à contrecarrer les déséquilibres générés par les dynamiques de métropolisation et de périurbanisation constitue un défi supplémentaire pour des territoires hors métropole qui partagent avec leurs voisins métropolitains l’imposition d’un cadre national de plus en plus strict. On assiste dès lors à un (lent) renouvellement des stratégies de l’habitat périurbaines, qui commencent à ne plus se limiter au tout pavillonnaire.

Entre dynamiques de périurbanisation
et encadrement institutionnel,
des politiques de l’habitat en voie d’émergence ?

Si les configurations territoriales différenciées des territoires inclus dans la métropole (Scot et PLH recouvrant un périmètre identique) et de leurs voisins (Scot composé de plusieurs EPCI qui n’ont pas tous un PLH) ont une influence déterminante sur les moyens mis en œuvre pour répondre aux objectifs de maîtrise du développement périurbain et d’évolution de modes de production de logements, et si le pouvoir des communes vient parfois ralentir voire contrecarrer les réponses aux injonctions nationales[31]Nous rappelons ici que le choix a été fait de privilégier l’entrée intercommunale, la question du rapport aux communes n’étant appréhendée qu’au prisme des propos des techniciens des EPCI rencontrés. Une poursuite des recherches auprès des communes permettrait d’affiner et de préciser cette analyse., les territoires d’étude n’en redéfinissent pas moins, dans les sphères techniques mais pour partie aussi politiques, des stratégies intercommunales réorientées vers un développement maîtrisé et diversifié de l’habitat.

Les dynamiques foncières et immobilières :
vers un développement périurbain maîtrisé ?

Le Scot et le PLH sont d’abord le vecteur d’une territorialisation de la politique de l’habitat tenant compte à la fois de l’importance démographique et des fonctions urbaines des différents espaces et des objectifs nationaux, qui orientent préférentiellement la production de logements vers les centralités et les secteurs de renouvellement urbain. Sans surestimer leur poids effectif dans la mise en œuvre d’une planification et d’une programmation encore largement dépendantes du niveau communal, ils peuvent constituer des courroies de transmission de principes qui percolent peu à peu aux échelles les plus locales, « la prise de conscience des élus de la nécessité de changer leurs manières de penser et d’agir sur le territoire en affichant des objectifs renouvelés, décloisonnés du simple cadre municipal les faisant entrer dans un âge plus adulte de la gestion de la périurbanisation et de la périurbanité » (Bonnin-Oliveira, 2012[32]Bonnin-Oliveira S. (2012). « Intégration des espaces périurbains à la planification métropolitaine et recompositions territoriales : l’exemple toulousain », thèse en géographie-aménagement, université de Toulouse.).

Conforter les centralités

À la recherche de compromis acceptables pour les communes et intercommunalités qui les constituent, tous les Scot définissent une armature urbaine que l’étroitesse du périmètre de certains EPCI (six communes pour la communauté d’agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette/1) ne permettait pas de penser. Fondée sur l’identification et la hiérarchisation de pôles urbains, en trois à cinq niveaux, cette architecture territoriale doit permettre d’optimiser le développement démographique en concentrant davantage l’offre de logements, d’équipements et de services dans les villes-centres, afin de limiter la croissance résidentielle des zones périurbaines. Même si cet objectif se heurte à la volonté des petites communes de continuer à se développer et à la réticence des villes-centres qui ne souhaitent pas toujours voir leur poids s’accroître (Salon-de-Provence et Aubagne), il s’agit ainsi de « sortir de la logique concurrentielle ou d’un fonctionnement opportuniste des communes » (Programme d’aménagement et de développement durable du Scot Provence Verte, 2014) et d’éviter une trop forte centralisation en répartissant une partie des objectifs de croissance sur les centralités intermédiaires (communes-relais, pôles d’appui…).

L’armature territoriale joue alors un rôle important pour déterminer la répartition de l’offre de logements. Si le document d’orientations et d’objectifs du Scot doit répartir cette offre entre les EPCI ou par commune (C. urb., art. L 141-12) pour faciliter l’articulation avec le PLH, l’armature urbaine définie permet de moduler cette répartition en fonction des capacités réelles ou potentielles attribuées aux différentes polarités urbaines. Cette mise en cohérence des objectifs d’offre de logements avec la stratégie urbaine définie par le Scot est essentielle dans les périmètres de Scot qui englobent plusieurs intercommunalités, dont certaines n’ont pas de PLH. Pourtant, le rôle directeur du Scot y est moins bien accepté, voire dénié, par les élus locaux que dans les Scot mono-EPCI, d’autant que l’antériorité des PLH affaiblit la légitimité des SCoT. Le premier PLH de la communauté d’agglomération d’Arles (2008-2013) avait ainsi fixé, en l’absence de Scot, des objectifs de production, notamment de logements sociaux, négociés avec chaque commune. Désormais en cours d’élaboration, le Scot a été acté sur un périmètre à l’intérieur duquel chaque EPCI, en l’absence d’entente sur des problématiques comme la démographie et la production de logements, fait remonter ses objectifs pour son territoire. Au sein de Provence Verte, la démarche Scot est également contredite par deux PLH « défensifs », qui avaient pour but de limiter l’effort de production, bien que les objectifs initiaux aient été augmentés sous la pression de l’État.

Face à ce relatif échec de Scot ressentis comme la « somme des PLU et PLH faits avant » (directrice du développement économique et de l’habitat SBMA, 2015) et jugés trop déconnectés des réalités territoriales, la cohérence des objectifs du Scot et du PLH est plus forte lorsque les deux documents, élaborés par le même EPCI et sur le même périmètre, se réfèrent à l’armature urbaine définie par le Scot, le PLH allant même parfois au-delà des objectifs fixés par le Scot : « Concernant le PLH, on a pu faire valoir une remise en cause temporaire d’une partie des principes élaborés par le Scot, notamment en matière de production de logements » (responsable mission métropole, CA pays d’Aubagne et de l’Étoile, 2015). Même si la répartition du logement social entre ville-centre et autres communes et l’évolution des formes urbaines y restent des sujets sensibles, notamment en cas d’alternance politique, cette configuration favorise le développement de politiques foncières plus ambitieuses en faveur du logement.

Identifier le potentiel foncier

Dans les intercommunalités où la complémentarité du Scot et du PLH est plus affirmée, le PLH s’autorise à entrer dans un niveau de détail qui va parfois au-delà de ce qui lui est autorisé pour recenser les potentialités foncières disponibles pour la production de logements[33]Selon l’article L 302-1 du CCH, le diagnostic du PLH doit analyser l’offre foncière, ce qui autorise une étude détaillée, mais le programme d’action ne peut être détaillé que par commune et, le cas échéant, par secteur géographique, ce qui ne l’autorise pas à identifier les parcelles de propriété.. C’est le cas des PLH du pays d’Aubagne/3 et de l’Agglopole/2 qui s’appuient chacun sur une étude précise des capacités foncières de chaque commune, réalisée à l’échelle de la parcelle sur tous les secteurs urbanisés. Ces études, trop détaillées pour être exposées dans le PLH, sont utilisées pour déterminer le nombre et la typologie des logements à produire. Leur transcription dans le programme d’actions territorialisé du PLH confère une véritable opérationnalité à ce document en identifiant précisément, comme on le voit sur la figure 4, les secteurs et les modalités (renouvellement urbain, réhabilitation ou densification) de développement de l’habitat, pensés en fonction des espaces déjà urbanisés, en cours d’urbanisation ou sanctuarisés. Il sert ainsi de base de négociation lorsque les communes élaborent leur Plan Local d’Urbanisme (PLU), pour déterminer la nature et les caractéristiques des opérations à engager pour être en compatibilité avec les objectifs du PLH : « C’est une sorte de réferentiel, commune par commune, d’identification de terrain, avec une fiche descriptive par terrain disponible en dents creuses et en extension dans les documents d’urbanisme, en partenariat avec les maires qui s’en servent » (directrice aménagement du territoire Agglopole, 2015). Ces études foncières alimentent également les Scot : elles ont contribué à l’identification de 80 % de la production de logements programmée par le Scot d’Agglopole à l’échéance 2022.

Signe, dans ces territoires métropolitains, des pressions multiples (sanctuarisation des espaces agricoles et naturels, tensions sur les marchés immobiliers et fonciers, migrations résidentielles, intégration à la métropole Aix-Marseille-Provence) qui conduisent à assurer la maîtrise de la croissance et du développement urbain, l’étude foncière ne dépasse pas, au sein des deux entités hors métropole (pays d’Arles et de Provence Verte), le recensement des sites potentiels de développement, traduisant une position encore difficile entre la pression de l’État qui les pousse à s’organiser, celle des métropoles qui se développent à leurs portes et celle des communes qui entendent conserver leurs prérogatives.

Une lente évolution des modes de production de logements

La définition des modalités d’un développement plus maîtrisé, basée sur une polarisation de la croissance et de la production de logements et sur une analyse plus fine des potentialités foncières, s’accompagne d’une évolution des modalités de production de logements vers plus de diversité et de densité. À l’interface du renouvellement des besoins locaux et des injonctions nationales, des réflexions intercommunales et des volontés communales, des stratégies renouvelées voient le jour.

Diversifier le parc pour répondre aux nouveaux besoins

Pour répondre aux besoins de ménages périurbains composites à la recherche de logements plus petits et accessibles financièrement, les Scot comme les PLH — qui encadrent aux alentours de 50 % de la production — affichent des objectifs de production dans des segments diversifiés : locatif libre, social et intermédiaire, accession aidée et privée.

C’est sans doute dans l’ouverture des espaces périurbains à la production de logement social que se situe la mutation la plus forte, alimentée par la prise de conscience de l’éligibilité des populations locales à cette catégorie de logements longtemps déconsidérée. Si les élus changent de regard sur le logement social, c’est pour garantir l’accès au logement, mis à mal par le renchérissement des marchés fonciers et immobiliers, à leurs populations locales, selon le principe de la « préférence communale » (Desage, 2013[34]Desage F. (2013). « 20 % de logements sociaux minimum, mais pour qui ? La loi SRU à l’épreuve de la “préférence communale” », Savoir/Agir, n° 24, p. 35-40.). Dès lors, les efforts de production de logement social sont notables, dans les communes soumises à l’obligation de production mais aussi plus largement, soit que des petites communes participent à l’effort de production auquel sont soumises leurs voisines (« L’ensemble des communes a souhaité participer à l’effort de production de logement social, même les petites communes de 700 habitants qui ne sont pas soumises à l’article 55 », directrice de l’aménagement du territoire de l’Agglopole, 2015), soit que la démarche soit totalement volontariste (Sainte-Baume-Mont-Aurélien/4).

Au croisement entre un travail de pédagogie auprès des maires réticents et la mobilisation des outils à leur disposition (convention multisites avec l’Établissement public foncier pour maîtriser le prix du foncier, conventionnement de logements dans le parc ancien…), les objectifs de production fixés dans les PLH sont globalement atteints (100 % pour le PLH 2008-2014 d’Arles, 101 % pour le PLH 2010-2016 d’Agglopole, 85 % pour le PLH 2007-2013 du pays d’Aubagne). Pour autant, il ne faut pas nier les difficultés que rencontrent encore un certain nombre de communes, a fortiori les plus excentrées ou petites, à produire du logement social, en raison d’une difficile mobilisation foncière (communes d’Auriol ou de la Penne-sur-Huveaune dans le pays d’Aubagne/3, par exemple), d’un intérêt inégal des bailleurs dont « les priorités sont chez les communes carencées » (directrice du développement économique et de l’habitat SBMA, 2015) ou des basculements politiques — à Aubagne, le changement d’équipe municipale a entraîné une application minimale des obligations de la loi SRU au détriment des objectifs plus ambitieux du PLH.

Au-delà de cet effort de production de logement social, c’est bien à une action multiforme que se livrent les EPCI souhaitant diversifier leur parc de logements, en promouvant également l’accession à la propriété aidée voire sociale (prêt à taux zéro pour les primo-accédants ayant travaillé ou vécu sur le territoire intercommunal de Sainte-Baume-Mont-Aurélien/4) et la réhabilitation du parc ancien privé pour améliorer les conditions de logement des populations et lutter contre la vacance (programmes d’intérêt général dans les territoires d’Agglopole/2 et de SBMA/4). Ce faisant, la palette des outils mobilisés dans ces périphéries pavillonnaires s’élargit, et les PLH sont bien conçus par les techniciens des collectivités étudiées, a fortiori là où il n’est pas obligatoire, comme le document de pilotage global d’une stratégie de l’habitat : « On s’est rendu compte qu’on avait mis pas mal d’outils en place mais qu’il manquait un document qui donnait une direction » (directrice du développement économique et de l’habitat SBMA, 2015). Encore perfectible sur des sujets tels que les outils fonciers, les formes urbaines ou encore le logement des personnes défavorisées, il permet néanmoins d’aller au-delà de certains objectifs posés dans les Scot en matière d’habitat, poussant certains acteurs à considérer que « le Scot sur ces politiques-là n’a aucune influence, ce n’est pas à son niveau » (directrice du développement économique et de l’habitat SBMA, 2015). Si le « caractère très limitatif d’une acception des politiques locales de l’habitat limitée au programme local de l’habitat » (Driant, 2015[35]Driant JC. (2015). « Politiques locales de l’habitat », Politique du logement [En ligne) est convenu, son articulation, même imparfaite, avec le Scot, les discussions qu’il engendre, même houleuses, avec les communes, et sa traduction, même partielle, dans des outils opérationnels, témoignent du rôle qu’il peut jouer dans l’émergence d’une réflexion territorialisée dépassant le modèle pavillonnaire.

Promouvoir de nouvelles formes urbaines, levier d’une densification maîtrisée

Ce souhait de diversifier les types de logements produits constitue alors un cadre favorable pour repenser les formes urbaines, la réflexion sur la taille et l’accessibilité financière des logements conduisant à penser la place du collectif dans les opérations d’habitat. Pour autant, si les PLH prennent naturellement en compte l’évolution des besoins, la question des formes urbaines est davantage portée par les Scot qui peuvent édicter des prescriptions fortes en la matière. Ainsi, pour assurer une densité minimale dans les secteurs résidentiels, le DOO du Scot du pays d’Aubagne/3 prescrit un pourcentage minimum de logements alternatifs à la maison individuelle dans les opérations d’aménagement d’une certaine importance, en fonction de leur localisation dans le pôle urbain (85 %) ou dans les autres communes (75 %). Pour la mise en œuvre de leurs objectifs quantitatifs, les PLH doivent donc composer avec ces objectifs de diminution de la consommation foncière liée à l’habitat, qui s’accompagnent de la définition de limites à l’urbanisation, d’une répartition de la consommation foncière entre enveloppe urbaine, renouvellement urbain et extension urbaine, et d’une réflexion sur la densité minimale des opérations, souvent adaptée à la typologie des centralités (figure 4).

Cette attention aux formes urbaines apparaît mieux articulée avec les PLH dans les Scot mono-EPCI (Agglopole/2 et pays d’Aubagne/3) que dans les EPCI hors métropole dépendant de Scot plus vastes et arrêtés postérieurement. Ainsi, dans le cas de la communauté d’agglomération d’Arles/1, la directrice du développement reconnaît qu’en matière de formes urbaines, dans le premier PLH conduit en dehors de tout cadre de planification, « ça a été terrible » (entretien, 2015), les maires « se précipitant pour faire de l’extension » en prévision des contraintes à venir. L’enjeu du second PLH, élaboré en parallèle des discussions sur le Scot, consiste alors à afficher des objectifs plus qualitatifs, « la densité et la reconquête des espaces laissés à l’abandon dans les centres ». À l’inverse, dans le pays d’Aubagne/3, « on avait comme objectif d’inventer les formes d’habitat de demain, qui intègre les avantages de la maison individuelle sans les inconvénients de l’habitat collectif, un mixte avec une importante valeur ajoutée sur le plan architectural, le partage d’espaces pour permettre aux habitants de mieux vivre ensemble, tout en ayant des espaces privatifs » (entretien responsable mission métropole, 2015). Pourtant, même si un début de percolation de la réflexion sur les formes urbaines dans les PLH existe, ces documents entrent pour la plupart peu dans le détail sur cette question : appelant à « un travail sur les densités, le foncier et les formes urbaines […] en fonction des typologies de communes » (PLH Agglopole-Provence, 2009), ils renvoient ce travail aux PLU. Or, dans un contexte où les objectifs de densité très contraignants fixés par certains Scot sont dénoncés par des élus et techniciens comme irréalistes, considérant que « la règle de densité ne se greffe pas au tissu urbain » (entretien chargée de mission développement économique et habitat SBMA, 2015), les PLH, plus concertés et consensuels, gagneraient à porter localement cette réflexion partagée et territorialisée sur les densités et les formes urbaines. Au-delà, ce constat plaide pour une plus grande intégration des approches transversales et sectorielles en matière de politiques urbaines intercommunales (Zitouni, 2015[36]Zitouni F. (2015), « Scot et PLH : une complémentarité contrariée », Les Cahiers du Gridauh, HS n° 29, La planification territoriale stratégique : entre droit souple et droit dur, études en l’honneur de J.-P. Lebreton, p. 367-381.), telle que permise désormais dans les démarches de plan local de l’urbanisme intercommunal valant PLH.

Conclusion

L’étude des politiques de l’habitat conduites par les territoires intercommunaux périphériques situés de part et d’autre des frontières administratives de la métropole justifiait le parti pris de ne pas s’intéresser directement au rôle d’autres acteurs, en particulier des communes dans la construction de ces politiques.

Les entretiens menés avec des techniciens de structures intercommunales représentatives de ces espaces périurbains ont malgré tout confirmé que les communes conservent une influence déterminante sur les stratégies de production de logements. Malgré les réformes institutionnelles qui réduisent leurs compétences en matière d’aménagement urbain au profit des EPCI et notamment des métropoles, elles persistent encore souvent à soutenir un mode de développement résidentiel favorisant l’étalement urbain et les faibles densités contre les objectifs de consommation foncière économe et de densification des secteurs urbanisés imposés par la loi. Elles ont profité de la dynamique résidentielle entretenue par l’attractivité de ces territoires pour laisser toute latitude aux opérateurs privés (propriétaires, constructeurs, promoteurs…) dans la mise en œuvre d’une urbanisation qui répond de fait aux besoins générés par la métropolisation. Ce mode de développement basé sur la maison individuelle et l’accession à la propriété se retrouve dans des proportions à peu près similaires dans les quatre territoires d’étude.

De la même manière, le souhait d’analyser la construction des stratégies en matière d’habitat dans des espaces majoritairement développés sur un modèle pavillonnaire a de fait conduit l’analyse à questionner les prises que pouvaient avoir les Scot et les PLH sur l’évolution de ce modèle. Cela nous semblait fondamental pour comprendre les dynamiques à l’œuvre, entre poursuite d’un développement soutenu et émergence de nouveaux modes de faire. Il s’agissait de décaler le regard porté de manière privilégiée et valorisée sur les cœurs métropolitains qui, quoique appelés à se densifier, ne peuvent assimiler à eux seuls la croissance urbaine, pour s’intéresser aux périphéries qui, bien que décriées, n’en continuent pas moins de jouer un rôle dans l’attractivité et l’accueil métropolitains (Decourcelle et al., 2015[37]Decourcelle JP, Narring P, Peyrat J. (2015). Requalifier les campagnes urbaines de France : une stratégie pour la gestion des franges et des territoires périurbains, Paris, ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, 124 p.).

Il est dès lors apparu que le positionnement des élus traditionnellement réfractaires à la densité et au logement social semble évoluer sous la pression de l’État mais aussi grâce au patient travail de pédagogie réalisé par les services intercommunaux. Cette évolution pourrait être plus lente dans les EPCI voisins de la métropole, sauf s’ils parviennent à trouver un consensus avec les maires sur la nécessité d’une maîtrise publique des urbanisations pavillonnaires. Elle pourrait être plus rapide dans les territoires intégrés à la métropole qui disposent de PLH plus volontaristes, mais il ne faut pas exclure que l’installation de la métropole et l’adoption des premiers Scot et PLH métropolitains les incitent à un certain attentisme. En effet, la première génération de documents métropolitains ne devrait pas remettre en cause, dans un premier temps, les orientations déjà fixées par les documents de planification et de programmation intercommunaux existants. À plus long terme, la métropole pourra difficilement continuer à penser l’aménagement de son territoire à l’échelle de son seul périmètre lorsqu’elle sera confrontée au problème de l’insuffisance de foncier disponible — sur une superficie de 3300 km², 335 km² seulement seraient exploitables ! (Evo, Beaudesson, Dubois, Bourdin, 2015[38]Evo M, Beaudesson C, Dubois J, Bourdin A. (2015). « La nécessité de réglementer l’affectation du foncier », dans Devillers C, Évo M (dir.), Aix-Marseille-Provence, métropole-monde, métropole des proximités, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube.) — au regard de l’importance des besoins en logement à satisfaire, ou à la question connexe du déséquilibre entre habitat et développement économique généré par la captation de l’essentiel des activités économiques.


[1] Douillet AC. (2003). « Les élus ruraux face à la territorialisation de l’action publique », Revue française de science politique, vol. 53, n° 4, p. 583-606.

[2] Cordier M. (2011). « De la politique du logement aux politiques locales de l’habitat : l’apprentissage de l’action collective négociée », thèse en architecture et aménagement de l’espace, université Paris-Est.

[3] Antheaume B, Giraut F (dir.). (2005). Le territoire est mort. Vive les territoires ! Une (re)fabrication au nom du développement, Paris, IRD Éditions, collection « Objectifs Suds », 384 p.

[4] Estèbe P. (2008). Gouverner la ville mobile, Paris, Presses universitaires de France, collection « La Ville en débat », 76 p.

[5] Nous ne reviendrons pas ici sur la trajectoire institutionnelle longue et sinueuse de cette métropole, largement décrite par ailleurs (Dubois, J. (2014). « Une métropole provençale fragile », Urbanisme, HS, n° 50, Dix métropoles en recherche(s), p. 39-42 ; Douay N. (2013). « Aix-Marseille-Provence : accouchement d’une métropole dans la douleur », Métropolitiques [En ligne]).

[6] Du schéma de l’Oream (Organisme régional d’études et d’aménagement d’aire métropolitaine) en 1969 à la réponse à l’appel à coopération métropolitaine en 2005, en passant par les réflexions du club d’échanges de l’aire métropolitaine marseillaise, dans les années 1990.

[7] Douay N. (2009). « L’émergence des politiques métropolitaines marseillaises : entre conflits et apprentissages », Cybergeo: European Journal of Geography, 459 [En ligne].

[8] Motte, A. (dir.). (2007). Les agglomérations françaises face aux défis métropolitains, Paris, Économica, 272 p.

[9] La communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole (18 communes), la communauté d’agglomération du Pays d’Aix (36 communes), la communauté d’agglomération Agglopole Provence (17 communes), la communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Étoile (12 communes), la communauté d’agglomération du Pays de Martigues (3 communes) et le syndicat d’agglomération nouvelle Ouest-Provence (6 communes).

[10] Une part congrue du département des Bouches-du-Rhône est restée hors périmètre métropolitain, le Pays d’Arles, constitué de 29 communes.

[11] Par ailleurs en cours, notamment dans le cadre d’un atelier de projet d’étudiants du master 2 Urbanisme et Aménagement, Spécialité habitat, politique de la ville, renouvellement urbain, en partenariat avec le PUCA, l’USH, l’ADCF et la Caisse des Dépôts, mené sur l’année universitaire 2016-2017.

[12] Qui a depuis (1er janvier 2017) fusionné avec les communautés de communes de Val-d’Issole et de Comté-de-Provence, suite à la loi portant Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) et à l’arrêté préfectoral du 5 juillet 2016, pour former la communauté d’agglomération de la Provence Verte.

[13] Pour faciliter l’identification de ces territoires dans le texte et sur les cartes, nous les citerons accompagnés d’un numéro : 1 pour la CA Arles-Crau-Camargue-Montagnette, 2 pour la CA Agglopole-Provence, 3 pour la CA Pays d’Aubagne et de l’Étoile, 4 pour la CC Sainte-Baume-Mont-Aurélien.

[14] Barret C, Biau O, Chauvot N. (2013). Métropole Aix-Marseille-Provence. Un territoire fragmenté, des solidarités à construire, Marseille, Insee, Études PACA, Coll. « Analyse » n° 34, 4 p.

[15] Op. cit.

[16] Roux E, Vanier M. (2008). La périurbanisation, problématiques et prospectives, Paris, La Documentation française, coll. « Travaux de la DIACT », p. 52.

[17] Marchal H, Stebe JM. (2017). « Où en est le pavillonnaire ? », SociologieS, Dossiers « Où en est le pavillonnaire ? » [En ligne].

[18] Op. cit.

[19] Haumont N. (2001). Les pavillonnaires, Paris, L’Harmattan, 154 p.

[20] Op. cit.

[21] Aragau C, Berger M, Rougé L. (2011). « Du périurbain aux périurbains. Diversification sociale et générationnelle dans l’Ouest francilien », Pouvoirs locaux, n° III (94), p. 58-64.

[22] Bonnin-Oliveira S. (2013). « La fin des périphéries urbaines. Modes de vie et recompositions territoriales aux marges de l’aire urbaine toulousaine », EspacesTemps.net [En ligne].

[23] Cusin F, Lefebvre H, Sigaud T. (2016). « La question périurbaine, enquête sur la croissance et la diversité des espaces périphériques », Revue française de sociologie, n° 57, p. 641-679.

[24] Aragau C, Berger M, Rougé L. (2014). « Vers une maturité des territoires périurbains ? », EchoGéo, n° 27 [En ligne].

[25] Strebler JP. (2012). « Scot, économie d’espace et densité », écriture du Scot, Gridauh

[26] Charte pour une reconnaissance et une gestion durable des territoires départementaux à vocation agricole, signée en juin 2005 par la préfecture du Var, le conseil général du Var, les chambres consulaires et les associations de maires.

[27] Le zonage A/B/C a été créé en 2003 dans le cadre du dispositif d’investissement locatif dit « Robien ». Révisé en 2006, 2009 et 2014, il caractérise la tension du marché du logement en découpant le territoire en 5 zones, de la plus tendue (A bis) à la plus détendue (zone C) pour déterminer l’éligibilité des territoires à certains dispositifs (aides à l’accession à la propriété, à l’investissement locatif, mobilisation du foncier public…) ou moduler leurs paramètres.

[28] L’article 55 de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000 modifié par la loi Duflot du 18 janvier 2013 a porté à 20 ou 25 % la part des logements sociaux à atteindre dans les communes dont la population est au moins égale à 1500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants ailleurs, comprises dans une agglomération ou un EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants.

[29] La communauté d’agglomération Provence Verte a finalement vu le jour le 1er janvier 2017 par fusion de trois EPCI inscrites au schéma départemental de coopération intercommunale arrêté le 29 mars 2016 par la préfecture du Var.

[30] Bonnet F. (2016). Aménager les territoires ruraux et périurbains, rapport au ministre du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, 129 p.

[31] Nous rappelons ici que le choix a été fait de privilégier l’entrée intercommunale, la question du rapport aux communes n’étant appréhendée qu’au prisme des propos des techniciens des EPCI rencontrés. Une poursuite des recherches auprès des communes permettrait d’affiner et de préciser cette analyse.

[32] Bonnin-Oliveira S. (2012). « Intégration des espaces périurbains à la planification métropolitaine et recompositions territoriales : l’exemple toulousain », thèse en géographie-aménagement, université de Toulouse.

[33] Selon l’article L 302-1 du CCH, le diagnostic du PLH doit analyser l’offre foncière, ce qui autorise une étude détaillée, mais le programme d’action ne peut être détaillé que par commune et, le cas échéant, par secteur géographique, ce qui ne l’autorise pas à identifier les parcelles de propriété.

[34] Desage F. (2013). « 20 % de logements sociaux minimum, mais pour qui ? La loi SRU à l’épreuve de la “préférence communale” », Savoir/Agir, n° 24, p. 35-40.

[35] Driant JC. (2015). « Politiques locales de l’habitat », Politique du logement [En ligne].

[36] Zitouni F. (2015), « Scot et PLH : une complémentarité contrariée », Les Cahiers du Gridauh, HS n° 29, La planification territoriale stratégique : entre droit souple et droit dur, études en l’honneur de J.-P. Lebreton, p. 367-381.

[37] Decourcelle JP, Narring P, Peyrat J. (2015). Requalifier les campagnes urbaines de France : une stratégie pour la gestion des franges et des territoires périurbains, Paris, ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, 124 p.

[38] Evo M, Beaudesson C, Dubois J, Bourdin A. (2015). « La nécessité de réglementer l’affectation du foncier », dans Devillers C, Évo M (dir.), Aix-Marseille-Provence, métropole-monde, métropole des proximités, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube.