frontispice

La pédagogie de l’atelier en urbanisme
Une revue de la littérature scientifique internationale
Note de recherche

• Sommaire du no 5

Agnès Bastin École Normale Supérieure de Paris Franck Scherrer Université de Montréal

La pédagogie de l’atelier en urbanisme : une revue de la littérature scientifique internationale Note de recherche, Riurba no 5, janvier 2018.
URL : https://www.riurba.review/article/05-transition/pedagogie-atelier/
Article publié le 1er janv. 2018

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Agnès Bastin, Franck Scherrer
Article publié le 1er janv. 2018
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Introduction

Depuis quelques années, un vent de renouveau semble souffler sur la question de la pédagogie dans l’enseignement supérieur. D’un côté, les possibilités offertes par les technologies numériques semblent en mesure de transformer profondément tant la nature des publics cibles de l’enseignement universitaire que les modalités, les contenus et les objectifs des formations. De l’autre, les communautés universitaires découvrent ou redécouvrent des pratiques pédagogiques « innovantes » et surtout alternatives aux formes magistrales de transmission des connaissances (enseignement par projet, classe inversée, portfolio étudiant…). Cette question de la pédagogie universitaire bénéficie d’un fort intérêt médiatique, passant en quelques années d’un voile d’ignorance particulièrement opaque à un statut de rubrique permanente dans des grands périodiques. Enfin, les sciences de l’éducation, qui se sont longtemps concentrées sur l’éducation scolaire, investissent désormais le nouveau champ scientifique de l’andragogie, soit les principes de formation des adultes, pour lequel se sont multipliées ces dernières années les revues spécialisées, les courants théoriques, les grandes enquêtes et de très nombreuses études de cas.

Dans le domaine de l’enseignement de l’urbanisme, cette mise en avant des « nouvelles pratiques pédagogiques » produit en particulier un effet paradoxal. Pour beaucoup d’enseignants du domaine, la forme d’enseignement de l’urbanisme la plus traditionnelle mais aussi la plus identitaire et la plus répandue de par le monde, soit l’atelier d’urbanisme, semble concentrer à elle seule toutes les innovations prônées par ce vent de renouveau : l’enseignement par projet, l’apprentissage par la pratique, la classe inversée et le portfolio étudiant. Pourtant, ces mêmes universitaires, dans le monde francophone du moins, seraient bien en peine de le prouver ou d’en discuter sur la base d’une production rigoureuse de connaissances sur les pratiques pédagogiques, de résultats d’enquêtes comparatives ou même de publications d’études de cas. Dans le cas de la France plus particulièrement, on est frappé par le contraste entre la récurrence du débat d’opinion sur la portée et la nature du caractère professionnalisant des formations en urbanisme, miroir de la question sempiternelle de ce qui définit la pratique de l’urbaniste, et l’évanescence de discussions organisées et publicisées sur le comment et le pourquoi des pratiques pédagogiques propres à ce domaine d’enseignement, notamment l’atelier[1]L’APERAU a joué un rôle précurseur en organisant par deux fois un colloque sur l’enseignement de l’urbanisme lors des journées internationales de l’APERAU, à Créteil en 2007, et plus spécifiquement sur l’enseignement du développement durable en aménagement, en 2009 à Tours. Cependant, ces évènements n’ont pas débouché sur des publications, faute peut-être de disposer à l’époque d’une revue francophone de référence sur l’enseignement et la recherche en urbanisme, à l’instar du Journal of Planning Education and Research, aux États-Unis..

Ce vide, notamment dans la littérature scientifique en français[2]À l’exception de travaux de nature historique sur l’enseignement à l’Institut d’Urbanisme de Paris (Beaudoui R, 1988, La naissance de l’École des hautes études urbaines et le premier enseignement de l’urbanisme en France, des années 1910 aux années 1920, Paris, École d’architecture de ParisVillemin/ardu, Paris VIII. Busquet G, Carriou C, 2007, « Entre art et science, l’histoire à l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris (1919-1971) », Espaces et sociétés, n° 130(3), p. 57-70, doi:10.3917/esp.130.0057., contraste avec la diversité et l’amplitude, dans le temps comme dans l’espace, des publications et du débat sur la pédagogie de l’atelier en urbanisme dans les revues scientifiques en anglais. Une recherche qui a donné lieu à la publication d’un article récent dans les colonnes de la RIURBA sur un exemple de pédagogie innovante dans un atelier d’urbanisme (Scherrer et al., 2017[3]Scherrer et al. (2017). « La conception innovante en urbanismeRevue internationale d’urbanisme, n° 3.), nous a conduit en chemin à produire une revue de littérature systématique des publications scientifiques anglophones sur le sujet. C’est à partir de cette revue de littérature que nous avons rédigé cette note de recherche afin d’apporter aux lecteurs francophones un condensé des débats sur la pédagogie de l’urbanisme, tel qu’il s’exprime dans toute sa variété à l’échelle internationale. Ces publications ont généralement en commun de ne pas être le produit d’une recherche spécialisée en science de l’éducation mais de la pratique réflexive des enseignants en urbanisme eux-mêmes. Cette note se veut aussi un appel à la communauté des enseignants-chercheurs en urbanisme pour ouvrir un nouveau champ de débat et de production de connaissances sur la pédagogie de l’urbanisme dans la francophonie.

La connaissance scientifique sur les ateliers dans les revues anglophones :
un débat de plus en plus riche et diversifié depuis les années 1980

L’antériorité et le volume des publications d’articles scientifiques en anglais sur les ateliers en urbanisme se comprennent tout d’abord dans le contexte nord-américain de l’enseignement de l’urbanisme, plus spécifiquement aux États-Unis. Ce contexte s’exprime de deux manières. La première est une tradition précoce de grandes enquêtes sur l’enseignement en urbanisme (Planning Education). Le premier exemple est celui d’Adams, qui fournit, en 1954, par le biais de son enquête sur l’ensemble des dix-huit programmes de maîtrise en urban planning aux États-Unis, le premier ensemble de statistiques descriptives sur la pédagogie de l’atelier. La raison première de cette enquête est la pénurie de diplômés face aux besoins criants de professionnels en planning générés par les programmes fédéraux de développement urbain des années 1950 (Adams, 1954[4]Adams FJ. (1954). Urban Planning Education in the United States, Cincinnati, The Alfred Bettman Foundation.). Cette enquête est reprise et élargie par Heumann et Wetmore (1984[5]Heumann LF, Wetmore LB. (1984). “A Partial History of Planning Workshops: The Experience of Ten Schools from 1955 to 1984”, Journal of Planning Education and Research, n° 4(2), p. 120-130.) dans un contexte tout différent. Depuis les années 1960-1970, la place de l’atelier dans les formations en urbanisme est passée de la quasi-hégémonie à un rôle beaucoup plus réduit. Mais, alors que la disparition de l’atelier est quasiment programmée, celui-ci semble renaître sous une autre forme et avec un nouveau rôle, au début des années 1980. Les auteurs, qui s’appuient d’abord sur leur expérience de professeurs à l’université d’Illinois Champaign, lancent ensuite une enquête sur 16 maîtrises en urbanisme, entre 1955 et 1984, dont les résultats sont publiés dans le Journal of Planning Education and Research (JPER). Leur objectif est de comprendre la pérennité et la flexibilité de l’atelier, alors que les formations en urbanisme ont fortement changé durant cette période. Ces enquêtes sont à nouveau reprises et actualisées par Long, professeur d’urbanisme à la Graduate School of Design de Harvard, en 2011, et publiées à leur tour dans la même revue.

La précocité et l’importance des publications sur l’atelier aux États-Unis s’expliquent justement par le rôle important joué par la revue JPER dans la structuration de ce champ de recherche. L’origine de la revue est à trouver du côté des débats souvent conflictuels et récurrents qui opposent, à partir des années 1960, praticiens et universitaires autour de la définition de la profession de planner, ainsi que de ce que devait être une « bonne » formation professionnelle en urbanisme. Sur fond de crise de la planification rationnelle et de montée des approches critiques des études urbaines, les « académiques » ont fini par quitter, en 1979, la puissante American Planning Association, qui fédérait le champ professionnel de l’urbanisme, pour créer l’Association of Collegiate Schools of Planning (ACSP). Cette dernière s’est essentiellement structurée autour de la revue JPER, qu’elle a créée, dont les numéros des années 1980 sont surtout consacrés au débat militant et parfois enfiévré sur la relation entre professionnalisation et formation en urbanisme, donc nécessairement sur la pédagogie de l’urbanisme.

La figure 1 montre le développement de ce champ de recherche à partir des années 1980, essentiellement par le biais de la revue JPER. Après avoir connu un creux dans les années 1990 et au début des années 2000, il redevient dynamique depuis les années 2010 sur une base éditoriale beaucoup plus élargie et internationale. Ces dernières années voient se succéder les publications de numéros thématiques spécifiquement dédiés à la pédagogie de l’atelier. Le numéro 4 de 2012 de la revue JPER comprend, outre les résultats de l’enquête de Judith Long, de nombreux autres articles sur le sujet. On peut signaler plus récemment encore la publication, en 2016, d’un numéro de Planning Practice and Research, (« Educating spatial planners for the age of co-creation: the need to risk community, science and practice involvement in programs and curricula »), et de celui du Journal of Urban Design, (« Emergent pedagogy in urban design »). Ces deux numéros témoignent de la diffusion de ce champ de recherche en dehors des États-Unis.

Figure 1. Années de publication des références collectées[6]Dans ce graphique, nous avons uniquement pris en compte les références traitant explicitement de l’atelier en urbanisme. Nous n’avons pas fait apparaître celles traitant plus généralement des relations entre théorie et pratique. Nous avons également exclu celles traitant des formes de pédagogie caractéristiques de l’atelier en général et pas d’urbanisme en particulier. (source : Jstor, Taylor and Francis Online, Google Scholar. Réalisation : Agnès Bastin et Franck Scherrer).

Ce champ de recherche s’est effectivement élargi et internationalisé ces dernières années. Un pôle de recherche sur la pédagogie en urbanisme et sur l’atelier en particulier se développe en Australie et en Nouvelle-Zélande. Un projet de recherche a été mené sur plusieurs années par Karen Vella, professeure à la Queensland University of Technology. Il s’agit d’une enquête nationale sur l’enseignement de l’urbanisme et les bénéfices et les contraintes de l’enseignement dans les ateliers. De même, Caryl Bosman, professeure à la Griffith University, se définit comme spécialiste de la pédagogie de l’atelier. Les conférences de l’ANZAPS (Australia and New Zealand Association of Planning Schools) constituent un vivier de réflexions sur la pédagogie de l’atelier en urbanisme et de défense de cette forme d’apprentissage coûteuse face aux contraintes budgétaires des universités. Le Royaume-Uni forme un autre pôle de recherche important autour du community planning et du service learning, ainsi que du rôle de la créativité. En dehors des pays anglophones, plusieurs chercheurs et enseignants néerlandais participent aux réflexions sur la pédagogie de l’atelier. Carla Oonk a soutenu une thèse en 2016 à l’université de Wageningen sur l’apprentissage en milieux dits authentiques en urbanisme. Elle y analyse des ateliers répondant à des commandes réelles (Oonk, 2016[7]Oonk C. (2016). Learning and teaching in the regional learning environment. Enabling students and teachers to cross boundaries in multi-stakeholder practices, thèse de doctorat, université de Wageningen, 192 p.). De même, plusieurs chercheurs néerlandais ont participé au numéro spécial de Planning Practice and Research sur l’éducation en urbanisme, en 2016. Enfin, les études de cas d’expériences innovantes d’ateliers se multiplient et témoignent de l’actualité de ce questionnement dans de nombreuses formations en urbanisme (Afrique du Sud, Canada, Israël, etc.).

Figure 2. Évolution des lieux de recherche et de publication sur l’atelier

Cette internationalisation s’accompagne d’une évolution et d’un enrichissement progressif des thématiques. La place de l’atelier dans les programmes, les types d’apprentissages, l’identité disciplinaire, le rôle de l’atelier dans la professionnalisation sont celles qui sont le plus souvent abordées dans les publications pionnières, tandis que l’innovation pédagogique autour de la créativité et de la dimension participative de l’urbanisme sont très présentes ces dernières années. Wu et Brooks, en conclusion du numéro spécial de JPER, distinguent trois catégories d’articles qui s’appliquent bien à la littérature anglophone sur l’atelier : (1) les conceptualisations nouvelles des enjeux pédagogiques en urbanisme, par exemple, le développement des partenariats entre universités et communautés, (2) des états des lieux de l’enseignement d’un sujet ou d’un format de cours dans les formations en urbanisme, (3) des analyses de pratiques pédagogiques innovantes à partir d’études de cas (Brooks et Wu, 2012[8]Brooks M, Wu W. (2012). “Commentary: Writing papers on pedagogy”, Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 491-492.).

Généalogie de l’atelier en urbanisme

L’enseignement au sein d’un atelier est relativement ancien. On le retrouve dans les guildes et les corporations autour de la figure de l’apprenti puis dans la formation des architectes à l’École des Beaux-Arts de Paris, au XIXe siècle. Cette forme d’enseignement se situe à la limite entre le domaine de la production (le faire) et le domaine des connaissances (le savoir). Elle est donc particulièrement utilisée dans les disciplines qui engagent un acte créatif ou productif telles que l’architecture ou le design, mais on la retrouve aussi en ingénierie ou en informatique (Vella et al., 2014[9]Vella K et al. (2014). Studio teaching in Australian planning curriculum, ANZAPS 2014 Conference, 3-5 October 2014, Massey University, Palmerston North, New Zealand.). L’atelier désigne à l’origine un espace, le lieu dédié à l’étude et à l’activité de production et de création d’un artiste ou d’un artisan. Aujourd’hui, il désigne à la fois la salle, la forme et le processus de l’étude et de la pratique (Long, 2012[10]Long GJ. (2012). “State of thesStudio: Revisiting the potential of studio pedagogy in US-based planning programs”, Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 431-448.). On peut donc le définir, dans un premier temps, comme un espace dans lequel se pratique, s’enseigne et s’étudie une discipline en lien avec un acte créatif ou productif. Que dit la littérature nord-américaine de l’évolution de l’atelier en urbanisme et quelles sont ses particularités ?

Origine et grands traits d’évolution

L’atelier classique en urbanisme, aux États-Unis comme ailleurs, consiste en la réalisation d’un plan d’ensemble et d’un projet d’aménagement par un groupe d’étudiants travaillant de manière autonome mais encadré par des enseignants et/ou des commanditaires[11]Ibid.. Ce format s’inspire largement de celui de l’atelier en architecture. En effet, l’apprentissage par atelier est depuis longtemps central dans la formation des architectes et des designers. Or les premières formations d’urbanisme sont nées au sein des écoles d’architecture et de design au début du XXe siècle. Aux États-Unis, l’urbanisme était perçu comme la « conscience sociale de l’architecture » (Kreditor, 1990[12]Kreditor A. (1990). “The neglect of urban design in the American academic succession”, Journal of Planning Education and Research, n° 9(3), p. 155-163.). Une grande attention était portée aux contraintes formelles et à la composition urbaine. La plupart des professeurs étaient à l’origine architectes, ce qui a contribué à la proximité des méthodes d’enseignement (Long, 2012[13]Op. cit.). Dès les années 1930-40, les nouveaux professionnels du city planning prennent en main la formation dans les ateliers. Si cette profession se construit autour d’une définition propre de la pratique urbanistique, et donc d’un contenu de plus en plus distinct du design pour aller vers la planification urbaine, la pratique pédagogique de l’atelier reste la même. Les formations en city planning, puis, à partir des années 1940-50, en urban planning, sont construites autour du rôle prépondérant de plusieurs séquences d’atelier, tandis que très peu de cours théoriques sont dispensés (Adams, 1954[14]Op. cit. ; Heumann et Wetmore, 1984[15]Op. cit.).

Dans les années 1960, un nouveau tournant se produit, avec la critique de la planification rationnelle et l’irruption des sciences sociales appliquées à travers le champ des études urbaines (Forester, 1983[16]Forester J. (1983). “The coming design challenge”, Journal of Planning Education and Research, n° 3(1), p. 57-59.). L’étude des systèmes socio-économiques dans leur dimension spatiale a pris le dessus dans le contenu des formations. Par conséquent, les ateliers ont quasiment disparu des programmes universitaires en urbanisme. Les deux enquêtes nationales menées aux États-Unis par Heumann et Wetmore montrent une double diminution, à la fois dans le nombre de formations ayant recours à l’atelier comme forme d’enseignement – de 100 % en 1954 à 72 % en 1985 – et dans la durée des expériences d’atelier – de trois semestres d’atelier à un en moyenne – (Heumann et Wetmore, 1984[17]Op. cit.). Plus encore, l’atelier, qui était obligatoire dans tous les cursus en 1955, était devenu optionnel au courant des années 1960-70. Par ailleurs, la forme traditionnelle de l’atelier, autour d’un plan d’ensemble pour une ville moyenne, ne correspondait plus à la pratique urbanistique en train de se réinventer. L’urbanisation généralisée et la diversité des problèmes sociaux ne pouvaient pas être traitées dans un plan d’ensemble. Les méthodes de l’urbanisme empruntaient de plus en plus à l’économie, aux statistiques et aux sciences sociales et de moins en moins au design urbain. Plus fondamentalement, la résolution des problèmes urbains comme la pauvreté ne pouvait se limiter à des interventions sur l’environnement physique (Lang, 1983[18]Lang J. (1983). “Teaching Planning to city planning students. An argument for the studio/workshop approach”, Journal of Planning Education and Research, n° 2(2), p. 122-129.). Les cours en sciences sociales semblaient mieux adaptés (Heumann et Wetmore, 1984[19]Op. cit.). Enfin, les contraintes budgétaires induites par la massification de l’enseignement supérieur et l’augmentation du nombre d’étudiants dans les cursus d’urbanisme ont joué dans la diminution du recours aux ateliers[20]Ibid..

Dans les années 1980-90, l’atelier a retrouvé une place importante dans les cursus d’urbanisme. D’une part, le design a été revalorisé au sein de l’urbanisme comme intervention physique mais aussi comme processus intellectuel et politique (Forester, 1983[21]Op. cit.). Plusieurs professeurs comme Jon Lang et John Forester ont défendu l’intérêt de réintroduire l’atelier pour l’apprentissage de la résolution des problèmes complexes caractéristiques de l’urbanisme (Lang, 1983[22]Op. cit.). D’autre part, l’enseignement par la pratique a été revalorisé par les travaux en pédagogie de l’éducation, contribuant à expliquer la réintégration de l’atelier dans les formations d’urbanisme (Long, 2012[23]Op. cit.). Cependant, son rôle et son format ont évolué. Alors que l’atelier était au cœur de la formation avec quelques cours théoriques en supplément, le schéma s’est inversé. Les cours sont devenus le cœur de l’enseignement et l’atelier le moment final jouant le rôle de synthèse (capstone) des différents acquis. Aujourd’hui, il intervient souvent à la fin de la formation, comme moment de synthèse des connaissances et des techniques acquises au cours des années précédentes[24]Ibid. (Heumann et Wetmore, 1984[25]Op. cit.).

Similitudes et différences
avec l’atelier d’architecture

Les ateliers en urbanisme et en architecture ont donc une généalogie commune. Ils partagent le mode d’apprentissage par la pratique, qui repose sur l’alternance entre proposition par les étudiants, critique par les encadrants et reformulation des propositions par les étudiants. Dans un atelier en urbanisme comme en architecture, les étudiants travaillent sur un projet en autonomie, et des séances de critique, moments de partage et de réflexions avec les encadrants et les autres étudiants, ont lieu chaque semaine. On peut distinguer trois moments dans l’organisation d’un atelier :

la présentation d’un problème ouvert : les encadrants présentent un problème aux étudiants de la manière dont il leur serait présenté dans la vie professionnelle, c’est-à-dire de manière incomplète et imprécise. Les étudiants doivent donc d’abord reformuler le problème de manière à en saisir les enjeux et à pouvoir ébaucher des axes de solutions ;

la critique : les propositions des étudiants sont critiquées par les encadrants, les camarades et/ou des professionnels. Cette phase est particulièrement importante. Elle peut prendre différentes formes : échanges informels avec le professeur (les desk crits), avec les étudiants au cours de la phase de production, ou bien présentations formelles devant un jury. Ces séances sont des occasions de discussion entre les étudiants et le professeur, qui joue le rôle de guide ;

le développement de nouvelles propositions : à partir de ces critiques, les étudiants formulent de nouvelles propositions.

Ces trois phases ne sont pas successives. Tout au long du processus de conception, l’étudiant reçoit des critiques et enrichit ainsi son prototype. L’atelier repose sur un fonctionnement itératif (Brandt, 2013[26]Brandt CB et al. (2013). “A theoretical framework for the studio as a learning environment”, International Journal of Technology and Design Education, n° 23(2), p. 329-348.). Ces éléments sont caractéristiques de la pédagogie de l’atelier au-delà des différences disciplinaires.

Néanmoins, l’atelier en urbanisme possède plusieurs spécificités et se distingue de celui en architecture à plusieurs égards. Tout d’abord, sa place dans la formation est moins centrale. Alors qu’en architecture, les ateliers commencent dès la première année, ils n’interviennent le plus souvent qu’à la fin de la formation d’urbanisme (Long, 2012[27]Op. cit.). Cette position au sein du cursus révèle des conceptions de l’atelier et des objectifs pédagogiques différents. Alors que l’atelier d’architecture est conçu comme un moment de pratique mais aussi d’apprentissage théorique, l’atelier d’urbanisme est plutôt le lieu de la synthèse des connaissances théoriques et des compétences pratiques acquises précédemment[28]Ibid.. En urbanisme, l’atelier est souvent tourné vers la pratique professionnelle. Il est le moment de l’opérationnalisation des connaissances. En architecture, il est d’abord une manière d’apprendre. Enfin, même si les deux types d’atelier sont fondés sur la réalisation d’un projet, sur l’apprentissage par la critique et la résolution d’un problème ouvert, leurs contenus diffèrent. En urbanisme, une importance plus grande est accordée aux jeux d’acteurs et aux processus de conception, alors que le résultat de la production est plus important en architecture (Senbel, 2012[29]Senbel M. (2012). “Experiential learning and the co-creation of design artifacts: A hybrid urban design studio for planners”, Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 449-464.). Ainsi, le format de l’atelier est souvent différent. En architecture, le travail est le plus souvent individuel tandis qu’il est collectif en urbanisme. L’apprentissage du travail en groupe est un des aspects fondamentaux de l’atelier en urbanisme, ce qui peut s’expliquer par le rôle joué par l’urbaniste au sein de la fabrique urbaine, plus proche du médiateur que du concepteur. En architecture, le travail est individuel mais la critique est collective. Les étudiants apprennent des critiques émises par leurs camarades tout au long de l’atelier[30]Ibid..

Typologie des ateliers et place dans le programme

Le terme d’atelier recouvre des réalités très variées. Les multiples études de cas décrites dans la littérature anglophone révèlent des formats, des contenus et des objectifs très différents derrière le terme d’atelier ou de studio en anglais. On peut ainsi distinguer différentes approches de l’atelier, qui témoignent de différentes visions de l’urbanisme et du rôle de la pratique dans l’enseignement. Plusieurs auteurs ont proposé des typologies d’ateliers.

La place dans le cursus

À partir de leur analyse longitudinale, entre 1954 et 1983, Heumann et Wetmore distinguent trois approches d’atelier selon la place dans la formation, le type de mission confiée à l’étudiant et le format pris par le livrable. Le premier type est l’atelier d’introduction ou the introductory workshop. Situé en début de formation, il vise à familiariser les étudiants aux types de raisonnements caractéristiques de l’urbanisme, comme la résolution de problèmes, et à développer des méthodes et des compétences graphiques élémentaires. Les problèmes posés à l’étudiant font directement écho aux cours suivis en parallèle. Le deuxième type est l’atelier, cœur de l’enseignement professionnel ou the core of professionnal education. Il demande aux étudiants de faire la synthèse des acquis et constitue une étape dans leur professionnalisation. Il vise à former un urbaniste généraliste sensible aux méthodes et aux valeurs de la profession. Il prend le plus souvent la forme d’un plan de synthèse (transformation d’un quartier, plan stratégique, etc.). Le dernier type est l’atelier spécialisé en commande réelle ou the real life problem in an area of concentration. Il se distingue des deux autres par la présence d’un commanditaire réel (organisation communautaire, agence régionale, mairie…) et un problème guidé par la demande sociale. Le livrable doit être proche d’une qualité professionnelle, et le problème posé correspond à un sous-champ de l’urbanisme qui conduit les étudiants à se spécialiser (Heumann et Wetmore, 1984[31]Op. cit.). Ces trois approches sont constituées historiquement, comme nous l’avons vu précédemment. Cependant, elles se retrouvent toutes aujourd’hui dans les cursus d’urbanisme en Amérique du Nord et en Europe (Long, 2012[32]Op. cit. ; Bosman et al., 2010[33]Bosman C et al. (2010). “First year experience and planning studio pedagogics”, dans ANZAPS 2010 Proceedings, Lincoln University, New-Zealand [En ligne). Les débats concernant l’organisation la plus appropriée des programmes d’urbanisme sont révélateurs d’enjeux pédagogiques plus larges : comment articuler théorie et pratique ? Est-il plus souhaitable de développer les capacités de synthèse des étudiants ou de les former dans une spécialité ? (Lang, 1983[34]Op. cit.).

Le degré de professionnalisation

Judith Long distingue un gradient de cours allant du moins proche de la pratique professionnelle au plus proche : le workshop, le studio, l’internship et le practicum. Dans le workshop, la relation avec le commanditaire n’est pas nécessaire ; elle peut être simulée ou absente. Au contraire, dans le studio, la relation avec le commanditaire est centrale. Le problème est présenté à l’étudiant sous une forme ouverte proche de la vie professionnelle, et la restitution se fait avec le client. Ces deux formes se distinguent du stage dans lequel l’étudiant est directement intégré au milieu professionnel et où le résultat de son travail devient aussi important que les processus mis en jeu. Il doit être productif. Judith Long distingue le practicum, qui se rapproche de la situation d’externat des médecins et est une forme d’alternance. L’étudiant est encore fortement encadré et lié au cursus universitaire, à la différence de l’internship où le degré d’encadrement est moindre. On peut en fait distinguer un continuum de pratiques pédagogiques visant à la mise en pratique allant de la conférence avec des intervenants professionnels au stage. Anne Shepherd et Bryna Cosgriff distinguent différentes formes de mise en pratique : les études de cas, le voyage d’étude, la résolution de problème, l’atelier et le stage (Shepherd et Cosgriff, 1998[35]Shepherd A, Cosgriff B. (1998). “Problem-based learning: a bridge between planning education and planning practice”, Journal of Planning Education and Research, n° 17(4), p. 348-357.). Une conférence avec des intervenants extérieurs constitue une première forme de familiarisation avec les méthodes et l’éthos de la profession (Baldwin et Rosier, 2016[36]Baldwin C, Rosier J. (2016). “A framework for integrating experiential learning into tertiary planning programs”, Journal of Planning Education and Research, n° 37(1), p. 43-55.). Dans une étude de cas, l’enseignant présente un problème issu d’une expérience réelle, les solutions mises en œuvre et les conséquences de ces solutions. L’étudiant n’est pas actif mais confronté aux problèmes et aux modes de raisonnement de la profession. Dans une résolution de problème (problem-based learning), l’étudiant est actif et doit résoudre un problème. À la différence d’un atelier, il ne fait pas nécessairement l’objet d’un cours mais peut être inséré au sein de différents cours. De la même manière, dans un jeu de rôle, les étudiants sont confrontés à un problème et mis en situation. Néanmoins, la situation est fictive dans le jeu de rôle, alors qu’elle est réelle dans les autres cas (Shepherd et Cosgriff, 1998[37]Op. cit.). Enfin, le stage ou l’apprentissage constitue la forme la plus proche du monde professionnel (Long, 2012[38]Op. cit.). Ces formes peuvent se combiner et dessiner des formats hybrides, associant, par exemple, jeu de rôle et atelier (Thomas et Hollander, 2010[39]Thomas D, Hollander JB. (2010). “The city at play: Second life and the virtual urban planning studio”, Learning, Media and Technology, n° 35, p. 227-242.).

La relation à la communauté
et aux parties prenantes

Un autre critère de distinction entre les formes d’atelier est la relation aux différentes parties prenantes et l’existence ou non d’une demande sociale. Ainsi, dans l’approche traditionnelle de l’atelier, les étudiants sont confrontés à un problème qui soulève des enjeux réels mais dont la situation et les acteurs sont souvent construits et/ou fictifs (Balassiano, 2011[40]Balassiano K. (2011). “Tackling “wicked problems” in planning studio courses”, Journal of Planning Education and Research, n° 31(4), p. 449-460.). Une autre approche de l’atelier laissant plus de place à l’expérimentation du community planning s’est développée dans les années 2000. Ces ateliers de « développement communautaire », appelés « service learning studio » ou « community-service learning » en anglais, s’appuient sur une collaboration avec les organisations communautaires sur des projets de terrain (Sletto, 2010[41]Sletto B. (2010). “Educating reflective practitioners: Learning to embrace the unexpected through service learning”, Journal of Planning Education and Research, n° 29(4), p. 403-415.). Les ateliers peuvent répondre à des besoins clairement exprimés par la communauté (community-driven) ou bien résulter d’une négociation entre les communautés et l’université (consultant-driven). Dans ce cas, les habitants sont associés au processus de conception et de décision comme une maîtrise d’usage (Hou, 2007[42]Hou J. (2007). “Community processes: The catalytic agency of service learning studio”, dans Salama AM et Wilkinson N. (dir.), Design studio pedagogy: Horizons for the future, The Urban International Press, Gateshead, Tyne and Wear, United Kingdom, p. 285-294.). Il s’agit du format le plus fréquent, plus facile à mettre à œuvre. Cette approche traduit le tournant participatif de l’urbanisme et vise à développer une réflexion de l’étudiant sur sa place au sein de la communauté (Sletto, 2010[43]Op. cit.) et son rôle de citoyen au-delà de celui d’urbaniste (Hou, 2007[44]Op. cit.). Enfin, une troisième approche, appelée « Regional Learning Environment », s’est développée à partir de 2010, notamment aux Pays-Bas. Il s’agit d’ateliers transdisciplinaires dont le problème est formulé par des acteurs régionaux et au cours desquels les étudiants sont au contact de l’ensemble des parties prenantes (Oonk, 2016[45]Op. cit.). Ces trois approches caractérisent trois types d’apprentissage en milieux authentiques (Oonk et al., 2016[46]Oonk C et al. (2016). “Educating collaborative planners: Strengthening evidence for the learning potential of multi-stakeholder regional learning environments”, Planning Practice and Research, n° 315, p. 533-551.).

Ces différents types d’atelier témoignent d’objectifs pédagogiques variés. Judith Long en a proposé une synthèse à partir d’une revue de la littérature : réaliser la synthèse des connaissances, les opérationnaliser, les appliquer et les adapter à un cas singulier, développer des compétences génériques nécessaires à l’entrée sur le marché du travail, comme le travail en groupe et la communication (Long, 2012[47]Op. cit.). Comment expliquer que l’atelier apparaisse comme la forme la plus adaptée pour le développement de ces savoirs, savoir-faire et savoir-être ? Quelles sont les spécificités de l’apprentissage en atelier qui en font sa valeur ajoutée par rapport à d’autres formes de cours ?

Les spécificités de l’apprentissage en atelier

L’atelier, une forme exemplaire
d’apprentissage par la pratique

La pédagogie de l’atelier s’appuie sur l’éducation par la pratique. Donald Schön a analysé les formes d’apprentissage mises en jeu au cours d’ateliers d’architecture et d’urbanisme. L’apprentissage se fait lors de séances de critiques formelles ou informelles entre étudiants et encadrants. Ces critiques sont des dialogues lors desquels l’encadrant invite les étudiants à parler de leur production et les relance par un ensemble de commentaires et de questions. La production des étudiants, un dessin, une présentation, un texte, constitue un médium commun et l’élément déclencheur de la conversation. Elle peut être modifiée au cours de la critique, tantôt par l’encadrant, tantôt par l’élève. Au cours de ces échanges, les étudiants apprennent par la pratique ce que Schön nomme le « learning-by-doing » ou le « knowing-by-doing ». L’encadrant invite les étudiants à adopter une démarche réflexive sur leur pratique. À partir d’une production particulière, les étudiants induisent des conduites et des méthodes générales en urbanisme ou en architecture grâce aux dialogues avec un encadrant-critique. L’apprentissage se fait donc par itération et va-et-vient entre étudiant et encadrant, entre propositions et critiques (Schön, 1984a[48]Schön DA. (1984a). The reflective practitioner: How professionals think in action, New York, Basic Books, 384 p., 1984b[49]Schön DA. (1984). “The architectural studio as an exemplar for reflection-in-action”, Journal of Architectural Education, n° 38, p. 2-9.). L’apprentissage est triple. Il s’agit d’abord d’apprendre à apprendre, c’est-à-dire de se familiariser à la relation entre encadrant et étudiant au cours d’un atelier, de s’adapter à cette situation d’apprentissage. L’étudiant apprend également des connaissances générales sur l’urbanisme. Enfin, il apprend à concevoir, à mettre en œuvre les modes de réflexion associés à la pratique urbanistique (Schön, 1984b[50]Op. cit.).

Une pédagogie par projet et par problème

À la suite de Schön, plusieurs auteurs ont tenté de caractériser la spécificité de l’apprentissage en atelier. Pour certains, la pédagogie de l’atelier est une forme particulière de la pédagogie par projet. Elle s’appuie sur l’apprentissage par la résolution de problèmes. Les étudiants sont confrontés à un problème concret, tiré d’une situation réelle ou fictive, qui leur est présenté sans avoir été reformulé. Ces problèmes ont la particularité d’être ouverts, c’est-à-dire de ne pas avoir de solution unique préexistante. On parle ainsi de « wicked problems » pour désigner des problèmes complexes, sans formulation ni solution claire et révélateurs de problèmes plus importants (Bosman et al., 2010[51]Op. cit. ; Balassiano, 2011[52]Op. cit.). La pédagogie par le problème ou problem-based learning combine des connaissances procédurales, i.e. des savoir-faire et des connaissances déclaratives, i.e. des savoirs. Cette forme d’apprentissage produit une importante valeur ajoutée. Premièrement, elle s’appuie sur un enrichissement entre théorie et pratique. La mise en pratique permet de s’approprier certaines théories, de les mettre à l’œuvre. Réciproquement, le problème posé appelle la recherche de nouvelles connaissances (Bosman et al., 2010[53]Op. cit.). Deuxièmement, liée à une expérience marquante, elle aide les étudiants à garder en mémoire ce qu’ils ont appris. Les connaissances mobilisées dans un atelier sont contextualisées. Elles sont palpables, rendues plus claires et inscrites durablement dans la mémoire de l’étudiant (Shepherd et Cosgriff, 1998[54]Op. cit.). Enfin, la pédagogie de l’atelier s’appuie sur la mise en activité de l’étudiant. De son point de vue, la classe est plus active et plus vivante. De même, le travail en petit groupe permet au professeur de consacrer davantage de temps à chaque étudiant et, par conséquent, de les inciter à s’impliquer davantage[55]Ibid..

Le recours à l’éducation par l’expérience

Plusieurs auteurs soulignent également la dimension émotionnelle de l’atelier, considéré avec le stage comme un cas exemplaire d’éducation par l’expérience ou experiential learning (Kotval, 2003[56]Kotval Z. (2003). “Teaching Experiential Learning in the Urban Planning Curriculum”, Journal of Geography in Higher Education, n° 27(3), p. 297-308. ; Senbel, 2012[57]Op. cit. ; Baldwin et Rosier, 2016[58]Op. cit.). En effet, l’atelier met l’étudiant face à une expérience personnelle parfois intense au cours de laquelle il construit lui-même ses connaissances. La pédagogie par l’expérience s’appuie sur les théories de l’éducation développées par Kolb (1984[59]Kolb DA. (1984). Experiential learning: Experience as the source of learning and development, Englewood Cliffs, NJ, Prentice Hall, 288 p.). Celui-ci souligne l’importance du contexte socioculturel dans l’apprentissage. Les connaissances sont coconstruites par l’enseignant et l’apprenant au cours d’une transformation de l’expérience. L’expérience concrète produit des émotions à travers une expérience active. L’apprenant observe, réfléchit et échange à propos de cette expérience. Il forme ainsi des concepts abstraits par induction à partir de son expérience puis éprouve ces concepts dans de nouvelles situations, ce qui conduit à les faire évoluer de manière progressive et continue. Aucune connaissance n’est jamais acquise une fois pour toute. L’apprentissage est conçu selon une perspective constructiviste comme un processus et non un résultat (Baldwin et Rosier, 2016[60]Op. cit. ; Rosier et al., 2016[61]Rosier J, Slade C, Perkins T et al. (2016). “The benefits of embedding experiential learning in the education of planners”, Planning Practice and Research, n° 31(5), p. 486-499.). L’apprentissage par l’expérience permet une compréhension plus personnelle et plus profonde des problèmes par les étudiants (Kotval, 2003[62]Op. cit.). À la différence des analyses de Schön qui mettent l’accent sur l’imbrication entre l’observation, la réflexion et l’expérimentation, les théories de l’experiential learning séparent ces trois dimensions en trois moments de l’apprentissage (Senbel, 2012[63]Op. cit.).

Le service learning, une forme particulière d’apprentissage par l’expérience

Le service learning désigne un mode d’apprentissage dans lequel les étudiants travaillent en collaboration avec les organisations communautaires[64]Par communauté, les auteurs anglophones désignent souvent simplement des groupes d’habitants, d’usagers et/ou de citoyens investis dans un lieu. sur des projets de terrain et est caractéristique des ateliers de développement communautaire. Il permet de développer des compétences spécifiques chez les étudiants comme la participation et la cocréation (Sletto, 2010[65]Op. cit.). À la différence de l’apprentissage par la pratique, il place l’étudiant en contact direct avec les populations pour lesquelles et avec lesquelles il travaille, l’incitant à développer une réflexivité critique sur la place de l’urbaniste dans la communauté[66]Ibid. et un rapport civique à sa mission (Hou, 2007[67]Op. cit.). La dimension de citoyenneté distingue le service learning des autres formes d’apprentissage par l’expérience. En sus des compétences génériques, l’étudiant développe un rapport éthique à sa profession (Roakes et Norris-Tirrel, 2000[68]Roakes SL, Norris-Tirrel D. (2000). “Community service learning in planning education: A framework for course development”, Journal of Planning Education and Research, n° 20(1), p. 100-110.). Les ateliers ont d’ailleurs souvent lieu à l’extérieur de l’université, interrogeant la place de l’université dans la communauté et le sens social de sa mission. Ils peuvent prendre la forme de partenariats entre l’université et la communauté (Forsyth et al., 2000[69]Forsyth A et al. (2000). “Service learning in an urban context: Implications for planning and design education”, Journal of Architectural and Planning Research, n° 17(3), p. 236-259.).

L’atelier, un format pédagogique innovant ?

Ces différentes formes d’apprentissage caractérisent la pédagogie de l’atelier mais ne lui sont pas exclusives. Par exemple, le voyage de terrain peut être considéré comme une forme basique de l’experiential learning. Au contraire, le stage en entreprise ou l’engagement volontaire de l’étudiant dans une association de quartier en serait le niveau le plus abouti (Baldwin et Rosier, 2016[70]Op. cit.). L’atelier constituerait un niveau intermédiaire. Cela pose la question de la pertinence de l’atelier : est-ce le format de cours le plus adapté à l’apprentissage de la pratique urbanistique ? Au contraire, peut-on l’apprendre aussi bien voire mieux via d’autres formats moins contraignants ? Ce débat reste ouvert et parcourt la littérature anglophone. Judith Long souligne ainsi l’ambiguïté de la littérature sur l’atelier qui vise souvent à le défendre dans un contexte où sa place dans les cursus est menacée pour des raisons théoriques (Forester, 1983[71]Op. cit.) ou budgétaires (Bosman et al., 2010[72]Op. cit.) mais peine à évaluer les bénéfices réels tirés par les étudiants (Németh et Long, 2012[73]Németh J, Long JG. (2012). “Assessing learning outcomes in US planning studio courses”, Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 476-490.) et à caractériser théoriquement sa valeur ajoutée. Elle propose de s’appuyer sur les théories de l’éducation pour mieux comprendre ses apports. Elle rapproche l’atelier du modèle pédagogique participatif ou situated learning développé par Lave et Wenger (1991[74]Lave J, Wenger E. (1991). Situated learning: Legitimate peripheral participation, Cambridge, Cambridge University Press.), notamment. Ce modèle accorde une place centrale au contexte. L’acquisition de connaissances est toujours dépendante à la fois de l’environnement social et culturel, de l’environnement professionnel et de l’individu apprenant. L’apprentissage est ainsi centré sur la pratique et s’appuie sur un cas concret confrontant les étudiants à des problèmes « authentiques ». Judith Long voit ainsi dans l’atelier une forme pédagogique à la fois ancestrale et innovante qui correspond aux modèles pédagogiques les plus actuels.

La relation avec la profession : normes et valeurs

Une étape vers la professionnalisation

Nous ne traiterons pas ici des débats généralement complexes qui portent sur la relation entre la formation académique et la définition du métier ou des pratiques professionnelles en urbanisme. D’un pays à l’autre, ils partagent en général deux caractéristiques : une très forte contextualisation liée aux spécificités nationales de la définition de l’urbanisme et de l’urbaniste, et une conflictualité récurrente entre représentants institutionnels des communautés professionnelles et académiques. Dans le contexte proprement étatsunien que nous avons rapporté, la quasi-disparition de l’atelier obligatoire dans les cursus au cours des années 1960-70 est notamment le reflet du désaccord profond entre planners et universitaires sur ce que doit être une « bonne » formation professionnelle en urbanisme. Néanmoins, ce rôle de l’atelier a survécu, puis à nouveau prospéré, à tel point que les responsables de formation enquêtés par Long en 2012 font de la dimension professionnalisante un des premiers objectifs de l’atelier (Long, 2012[75]Op. cit.). Les auteurs qui sont allés le plus loin pour analyser le rôle de l’atelier dans la professionnalisation sont Brandt, Cennamo, Douglas, Vernon, McGrath et Reimer, qui ont qualifié l’atelier de « pont entre communautés académique et professionnelle » (Brandt et al., 2013[76]Op. cit., p. 337.). Ils font référence aux théories de Lave et Wenger (1991[77]Op. cit.) sur la communauté de pratiques. Celle-ci est définie comme un groupe social dont les membres partagent des valeurs, des compétences et une vision commune de la profession. Les nouveaux arrivants sont d’abord à la périphérie de la communauté avant d’être progressivement intégrés comme membres à part entière à la suite d’une période d’apprentissage. Les auteurs rapprochent la fonction de l’atelier de celle de cette période d’apprentissage. Cependant, l’atelier se trouve à cheval entre la communauté de pratiques académiques et la communauté de pratiques professionnelles. Le cadre d’apprentissage au sein de l’atelier diffère de celui du monde professionnel expérimenté lors d’un stage, notamment. Par exemple, les étudiants ne sont pas soumis aux contraintes budgétaires de l’entreprise. Ils demeurent bien dans le monde académique. Le calendrier de l’atelier calqué sur celui de l’université ainsi que le système de notation en témoignent. L’atelier n’est pas non plus le monde académique classique. Il nécessite une socialisation académique spécifique. L’étudiant doit, dans un premier temps, faire l’apprentissage de ce nouveau fonctionnement caractérisé par une modification des relations étudiants-professeurs, des normes de communication propres, etc. L’atelier est donc avant tout une « communauté d’apprenants » qui permet aux étudiants de se familiariser aux normes, aux valeurs de la profession et à forger un habitus professionnel permettant une meilleure intégration sur le marché du travail (Brandt et al., 2013 p. 337[78]Op. cit.). Mais comment adapter l’atelier aux normes, aux valeurs et aux méthodes évolutives des urbanistes et aménageurs, dans un champ professionnel aux contours imprécis ?

Faire évoluer les ateliers
avec la pratique urbanistique

La question du répertoire de savoir-faire et de compétences génériques considérées comme nécessaires à un bon praticien est au cœur de bien des débats entre professionnels et formateurs, notamment autour des procédures d’accréditation des programmes, qui jouent un rôle particulièrement important dans l’économie universitaire de l’enseignement du planning aux États-Unis, et dans bien d’autres pays où l’université est un marché concurrentiel. Comptant parmi les auteurs américains les plus souvent cités depuis une quinzaine d’années dans la revue JPER, Ozawa et Seltzer ont mené une enquête auprès d’une centaine d’urbanistes professionnels dans la région métropolitaine de Seattle-Portland afin de les interroger sur les compétences recherchées chez les urbanistes entrant sur le marché du travail. Les compétences communicationnelles et l’habileté à mener des interactions en groupe, avec un client ou en public, sont les plus recherchées (Ozawa et Seltzer, 1999[79]Ozawa C, Seltzer E. (1999). “Taking our bearings: Mapping a relationship among planning practice, theory, and education”, Journal of Planning Education and Research, n° 18(3), p. 257-266.). Selon Alexander, comme dans toute profession, ce sont les compétences de l’ordre de la phronesis, i.e. le jugement et le bon sens, qui sont les plus prisées (Alexander, 2001[80]Alexander ER. (2001). “What do planners need to know?”, Journal of Planning Education and Research, n° 20(3), p. 376-380.). Les compétences techniques (techne), comme la maîtrise de méthodes quantitatives, et les connaissances théoriques (theoria), comme l’histoire des formes urbaines, sont les moins mises en avant. En revanche, les connaissances procédurales comme les étapes de la conduite d’un projet sont fortement appréciées (Ozawa et Seltzer, 1999[81]Op. cit.). L’atelier est un format de cours qui se prête particulièrement bien à l’apprentissage et à la mise en pratique (praxis) des connaissances procédurales et de la phronesis. Selon Ozawa et Seltzer, les compétences recherchées par les employeurs témoignent d’une évolution du métier d’urbaniste : de conseiller technique auprès des décideurs, il devient facilitateur de projet. Deux conceptions de l’urbanisme se distinguent ainsi : d’un côté, l’urbanisme dit rationnel et, de l’autre, l’urbanisme dit communicationnel. Les contenus et les formats des ateliers évoluent ainsi avec les mutations des pratiques urbanistiques. Les ateliers ont accompagné le tournant communicationnel en urbanisme[82]Ibid. et le tournant participatif avec une plus grande attention portée à la coconception (Rooij et Franck, 2016[83]Rooij R, Franck AI. (2016). “Educating spatial planners for the age of co-creation: The need to risk community, science and practice involvement in planning programs and curricula”, Planning Practice and Research, n° 31(5), p. 473-485.).

Pour d’autres auteurs, la pédagogie de l’atelier n’est pas que le reflet de la profession urbanistique. Elle peut aussi être vecteur de renouvellement pour le métier d’urbaniste (Higgins et al., 2009[84]Higgins M et al. (2009). “The pedagogy of the planning studio: A view from down under”, Journal for Education in the Built Environment, n° 4(1), p. 8-30.). Il existe une tension entre deux objectifs de l’atelier. D’un côté, préparer les étudiants au marché du travail en développant des compétences génériques et en se conformant aux normes de la profession. De l’autre, développer un esprit critique et créatif pour sortir des conduites réglées. Une étude menée lors d’un atelier à l’université du Queensland à Brisbane a tenté d’évaluer les relations entre compétences développées par les étudiants au cours de l’atelier et compétences attendues par les employeurs. Les employeurs ont classé les compétences qui leur semblaient importantes puis ont évalué les productions des étudiants au cours d’un entretien. Les résultats ont montré un écart entre les attentes réelles des employeurs et ces attentes perçues par le monde académique. Les professeurs et les étudiants surestiment l’importance des compétences techniques (cartographie et SIG), alors que celles-ci sont peu mises en avant par les employeurs qui considèrent qu’elles peuvent s’apprendre sur le tas. Au contraire, les connaissances procédurales (comprendre le rôle des urbanistes dans le processus de planification) et les compétences de l’ordre de la phronesis comme le strategic thinking et l’esprit critique sont considérées comme déterminantes et du ressort de l’université par les employeurs. Enfin, les compétences liées à la communication écrite, orale et graphique sont fortement appréciées, confirmant les résultats d’Ozawa et Seltzer en 1999. Si l’esprit critique est considéré comme majeur, la créativité et l’innovation ne sont pas mentionnées en tant que telles. Elles sont davantage associées au travail de conception de l’architecte (Pojani et al., 2016[85]Pojani D et al. (2016). “Learning by doing: Employer expectation of planning studio”, Urban Policy and Research, p. 1-9.). Ceci s’explique par le fait que la créativité est souvent réduite à sa dimension artistique par les praticiens (Higgins et Morgan, 2000[86]Higgins M, Morgan J. (2000). “The role of creativity in planning: The “creative practitioner””, Planning Practice and Research, n° 15(1/2), p. 117-127.). En revanche, ceux-ci soulignent l’importance de former des professionnels autonomes, capables de formuler une pensée critique et de proposer des conduites professionnelles sortant des routines. Ceci interroge le rôle de l’atelier qui peut faire l’objet d’expérimentations de pratiques urbanistiques nouvelles.

L’atelier, un lieu d’expérimentations

Jusqu’à présent, nous avons défini l’atelier comme un lieu d’apprentissage de la pratique urbanistique. Au-delà de l’expérience professionnalisante qu’il constitue, il peut aussi être un lieu d’expérimentations, à la fois de pratiques urbanistiques, de modes opératoires et de dispositifs pédagogiques innovants. La littérature anglophone comprend de nombreuses études de cas d’ateliers expérimentaux interrogeant le potentiel de la pédagogie de l’atelier pour tester de nouvelles méthodes (Long, 2012[87]Op. cit.).

L’atelier comme laboratoire
de pratiques urbanistiques nouvelles

Au sein des formations d’urbanisme, l’atelier permet d’explorer des conduites innovantes, de nouvelles méthodes de conception, de planification et de nouveaux thèmes. Il fonctionne ainsi comme un laboratoire guidé par la volonté de mettre à l’épreuve des théories et des méthodes. Ces expérimentations peuvent défendre une conception spécifique de la discipline ou du champ professionnel. Loukaitou-Sideris et Mukhija mettent l’accent sur la dimension transformatrice de l’atelier. Elles le définissent comme un moment particulier qui autorise une prise de risque de la part des étudiants et davantage d’ouverture dans leurs propositions. Elles s’appuient sur l’exemple d’un atelier de design urbain traitant de l’informalité urbaine. Or ce thème est souvent considéré uniquement comme un enjeu socioéconomique en dehors de la pratique du designer urbain. Cet atelier a permis de réfléchir à ce que le designer d’espace peut apporter en dehors du cœur de son champ d’action traditionnel (Loukaitou-Sideris et Mukhija, 2016[88]Loukaitou-Sideris A, Mukhija V. (2016). “Responding to informality through urban design studio pedagogy”, Journal of Urban Design, n° 21(5), p. 577-595.). Au-delà de l’exemple particulier de l’informalité urbaine, cette étude de cas témoigne d’un des objectifs de nombreux ateliers : aborder avec les étudiants les limites des approches classiques et dépasser les frontières habituelles de la pratique professionnelle pour la renouveler. Nous avons choisi de distinguer deux axes principaux de renouvellement : les approches interdisciplinaires et le développement du codesign. Loin d’être les seuls, ils nous ont semblé marquer un grand nombre d’articles récents.

L’atelier interdisciplinaire

De nombreux professeurs expérimentent des ateliers d’urbanisme rassemblant des étudiants issus d’horizons disciplinaires différents. Au-delà du phénomène de mode associé à l’interdisciplinarité, le développement de ces ateliers traduit une évolution des enjeux posés aux urbanistes, notamment autour des questions de soutenabilité, nécessitant une interdisciplinarité radicale et un dialogue entre sciences humaines, sociales et expérimentales (Oonk, 2016[89]Op. cit.). Plus généralement, l’évolution du métier d’urbaniste vers un rôle de facilitateur nécessite la capacité à dialoguer entre plusieurs disciplines. Oonk qualifie cette compétence de « cross boundaries » : l’urbaniste n’est pas un expert mais crée de nouvelles connaissances à la frontière entre les différentes expertises. Les ateliers menés aux Pays-Bas composés d’équipe d’étudiants de différentes disciplines ont mis en évidence qu’un tel environnement favorise le développement de cette compétence[90]Ibid.. En analysant deux ateliers rassemblant des étudiants en urbanisme, paysagisme, management de la construction, génie civil et géographie, Neuman développe l’idée que la coopération interdisciplinaire permet d’aboutir à une meilleure compréhension de la complexité des problèmes. Elle suscite également des innovations dans les méthodes mises en œuvre par les étudiants qui sont amenés à intégrer des outils analytiques issus d’autres disciplines et à établir une méthode authentique plutôt qu’à appliquer des démarches préconçues. L’atelier vise alors à faire émerger des méthodes nouvelles que les étudiants pourront diffuser au cours de leur pratique future (Neuman, 2016[91]Neuman M. (2016). “Teaching collaborative and interdisciplinary service-based urban design and planning studios”, Journal of Urban Design, n° 21(5), p. 596-615.). Il apprend aux étudiants à trouver des solutions pour dialoguer en sortant du jargon disciplinaire, notamment grâce aux productions graphiques et au contact avec un client non professionnel dans le cas du service-learning[92]On peut noter que malgré la montée en puissance des enjeux de soutenabilité et leur mise en avant par les auteurs, nous n’avons trouvé aucun article relatant des ateliers rassemblant des étudiants issus des sciences expérimentales comme l’écologie, la physique et la biologie, et des étudiants dans les disciplines du cadre bâti..

La cocréation et la collaboration

Créer avec d’autres acteurs est au cœur du métier d’urbaniste. Il s’agit d’une compétence que doivent développer les urbanistes et qui trouve un écho dans les évolutions de la pédagogie de l’atelier (Rooij et al., 2016[93]Op. cit.). Plusieurs ateliers associent cocréation et numérique en expérimentant des usages détournés des outils numériques : visualisation numérique participative à Haïfa en Israël pour renforcer l’attachement au lieu et renforcer les liens entre habitants issus de communautés différentes (Kallus, 2016[94]Kallus R. (2016). “Citizenship in action: Participatory urban visualization in contested urban space”, Journal of Urban Design, n° 21(5), p. 616-637.) et recours aux outils numériques pour l’approche de terrain et des diagnostics territoriaux (Lim et al., 2016[95]Lim RM et al. (2016). “Embracing the conceptual shift on new ways of experiencing the city and learning urban design: pedagogical methods and digital technologies”, Journal of Urban Design, n° 21(5), p. 628-660.). Le design fournit une autre source de renouvellement des méthodes explorées dans les ateliers d’urbanisme, en particulier le design thinking. Celui-ci est défini comme une méthodologie centrée sur les usagers par Tim Brown : « an understanding through direct observation of what people want and need in their lives and what they like or dislike about the way particular products are made, packaged, marketed, sold and supported.» (Brown, 2008[96]Brown T. (2008). « Design thinking », Harvard Business Review, june, p. 3.). Les ateliers peuvent prendre des formes moins formelles, comme les ateliers mis en place par la plate-forme d’innovations ID Campus en Wallonie. Des étudiants collaborent au sein d’une équipe associant un enseignant-chercheur, des designers et des praticiens issus d’une industrie dite créative. Ils appliquent des méthodes issues du design à des problématiques urbaines. Dans cet exercice, l’urbaniste est vu comme un designer de services urbains. Une équipe a, par exemple, travaillé sur les nouveaux usages associés à l’arrivée d’un nouveau mode de transport dans un quartier à partir de méthodes couramment utilisées en design, telles que l’idéation et la wiki-consultation (Pawlak, 2011[97]Pawlak E. (2011). « Les plates-formes d’innovation académiques à l’ère de l’économie créative », Entreprendre & Innover, n° 11-12(3), p. 44-54 [En ligne). De manière générale, beaucoup d’ateliers en urbanisme explorent des méthodologies d’action innovante s’inspirant d’autres disciplines. Ces méthodologies peuvent être appliquées à des objets urbains et enrichir la pratique de l’urbanisme. Elles peuvent également être utilisées comme dispositif pédagogique afin de créer les conditions de développement de la créativité parmi les étudiants. Les deux types d’apports peuvent se combiner, comme le montrent les deux exemples ci-dessous.

Les apports des pratiques artistiques

Par exemple, Assem Inam, professeur d’urbanisme à Parsons New School for Design et à MIT, a mis en place un atelier de design urbain au MIT en 2009 ayant recours à des techniques issues du théâtre d’improvisation. Les exercices de comédie d’improvisation n’étaient pas directement appliqués à la conception urbaine. Ils étaient utilisés pour faciliter la collaboration entre les différents membres de l’équipe, la prise de risque, la confiance en soi et en les autres et, in fine, la créativité. La comédie d’improvisation a constitué un dispositif pédagogique innovant qui a permis de créer un climat de confiance entre les étudiants et avec le professeur. Certains résultats du design urbain sont le fruit des exercices d’improvisation. Le théâtre d’improvisation constitue donc également un modèle de pratique professionnelle alternatif pour le design urbain (Inam, 2010[98]Inam A. (2010). “Navigating ambiguity: Comedy improvisation as a tool for urban design pedagogy and practice”, Journal for Education in the Built Environment, n° 5-1, p. 7-26.).

Marilyn Higgins, Elizabeth Aitken-Rose et Jenny Dixon ont mis en place un atelier d’urbanisme ayant recours à la danse et à l’expressivité corporelle. Les étudiants travaillaient à la conception d’un nouveau centre pour un quartier périphérique d’Auckland et, en particulier, à l’aménagement d’un espace public ouvert. L’objectif était d’enrichir le processus de planification et de conception de l’espace public par la danse. La danse devait conduire les étudiants à explorer les relations entre le corps, les sens et l’espace dans sa dimension physique. Chaque séance commençait par un exercice de qigong, et deux ateliers de danse avec des étudiants de la faculté de danse ont eu lieu. La danse faisait donc partie de la méthodologie de conception de manière indirecte. Elle incitait les étudiants à s’interroger par l’intermédiaire des sens et de l’expérience à la place des corps dans l’espace. En retour, les étudiants étaient donc plus attentifs à cette dimension dans leur aménagement urbain. D’autre part, de la même manière que dans le premier exemple, les exercices d’expressivité corporelle au début de chaque séance de travail visaient à renforcer la collaboration au sein du groupe et à « libérer » la créativité des étudiants (Higgins et al., 2009[99]Op. cit.). Dans ces deux ateliers, les pratiques artistiques sont finalement peu exploitées directement pour l’urbanisme. Les apports sont indirects et passent via le développement d’un esprit créatif. En effet, ces deux ateliers défendent l’idée que la créativité est une compétence qui n’a rien d’inné et peut être travaillée.

L’atelier virtuel

D’autres ateliers ont désormais recours aux technologies informatiques et digitales pour renouveler la pédagogie de l’atelier. L’utilisation de ces technologies peut conduire à repenser complètement la forme de l’atelier. L’atelier peut devenir lui-même virtuel. C’est le cas d’un atelier de design urbain conçu par David Thomas et Justin B. Hollander, à l’université Tufts dans le Massachussets. Ils ont utilisé le jeu en réseau Second Life pour en faire une plate-forme éducative. Les étudiants ne sont plus présents pendant le cours. L’atelier se tient à distance selon des horaires flexibles. La plate-forme en réseau a également permis de simuler des interactions sociales et des jeux d’acteurs. Elle offre donc des possibilités. L’atelier virtuel peut également permettre, grâce à la flexibilité permise par la distance, de réaliser des ateliers entre étudiants venant de différentes zones géographiques et d’imaginer des ateliers interculturels. Le jeu vidéo constitue également un dispositif pédagogique intéressant, dans la mesure où le jeu vidéo est lui-même un système d’apprentissage. Il fonctionne à partir de règles. Il doit faire comprendre ces règles aux joueurs et permettre l’acquisition par les joueurs de compétences adjacentes qui leur permettent d’entrer dans le jeu. Un bon jeu est donc un bon enseignant. Des jeux transformés pour s’adapter aux enjeux pédagogiques d’une discipline peuvent devenir de très bons systèmes d’apprentissage appelés « epistemic games » (Thomas et Hollander, 2010[100]Thomas D, Hollander JB. (2010). “The city at play: Second Life and the virtual urban planning studio”, Learning, Media and Technology, n° 35, p. 227-242.).

Enquêter sur les ateliers en urbanisme

La littérature anglophone sur l’atelier constitue une branche particulière de la littérature sur la pédagogie en urbanisme, encore peu développée. Les méthodes d’enquête sont très diversifiées, allant de l’enquête quantitative nationale aux rapports d’expérience d’un professeur. Le degré de formalisation des enquêtes est variable. Certaines sont quasi expérimentales et outillées par les théories de l’éducation, d’autres se rapprochent davantage du témoignage. Quelles sont les méthodes d’investigation mises en œuvre et pour quels objectifs ?

Les enquêtes nationales :
un état de l’enseignement de l’atelier

Les articles séminaux traitant de la pédagogie de l’atelier s’appuient sur des enquêtes nationales dont l’objectif est de dresser un état des lieux de l’enseignement de l’atelier dans les formations d’urbanisme. Heumann et Wetmore ont réalisé la première enquête longitudinale, retraçant l’évolution du rôle de l’atelier dans les formations d’urbanisme sur plusieurs décennies. Ils ont conduit une enquête exploratoire auprès de dix masters d’urbanisme aux États-Unis existant depuis 1955, point de départ de leur étude. S’inspirant de la méthodologie conçue par Adams en 1954, ils ont réalisé des entretiens avec les directeurs de formation. L’enquête s’appuie donc sur la mémoire des doyens d’université pour reconstituer les données les plus anciennes. Les entretiens ont été conduits autour de cinq axes : le nombre d’ateliers obligatoires, les objectifs pédagogiques, les liens avec d’éventuels commanditaires, l’espace physique alloué à la tenue de l’atelier et la place respective des enseignants-chercheurs et des professionnels dans l’enseignement. Cette exploration a permis de dresser des premières hypothèses (Heumann et Wetmore, 1984[101]Op. cit.). L’enquête a été élargie à 70 masters d’urbanisme aux États-Unis et au Canada, et des questionnaires ont été formalisés (Wetmore et Heumann, 1988[102]Wetmore LB, Heumann LF. (1988). “The changing role of the workshop course in educating planning professionals”, Journal of Planning Education and Research, n° 7-3, p. 135-146.). L’amplitude géographique et temporelle de ces enquêtes leur confère une grande robustesse et permet de saisir et théoriser des grandes évolutions. Dotées d’une méthodologie testée, stabilisée et reproductible, elles constituent également des points de départ pour une actualisation. Judith Long a réalisé ce travail en 2009 et 2011 à partir de l’analyse des offres de formation, des syllabus et d’entretiens avec les équipes pédagogiques (Long, 2012[103]Op. cit.). Elles pourraient inspirer des enquêtes dans d’autres aires géographiques. Cependant, ces enquêtes demeurent limitées dans l’appréhension des évolutions qualitatives de la pédagogie de l’atelier (style de l’enseignement, expérience des étudiants…) que seules des enquêtes ethnographiques peuvent apporter.

Des suivis ethnographiques de l’atelier
à travers une étude de cas ou une comparaison

De nombreux articles retracent des études de cas d’ateliers s’appuyant sur des pédagogies particulières ou traitant de thèmes innovants. Les dispositifs méthodologiques s’appuient souvent sur une ethnographie de l’atelier. Brandt, Cennamo, Douglas, Vernon, McGrath et Reimer ont, par exemple, filmé et retranscrit les interactions entre étudiants et professeurs lors des séances de critiques, et entre étudiants lors des séances de travail. Ce matériau, mis en relation à l’évolution des productions des étudiants, a permis d’évaluer les effets des interactions sur la production. Une analyse vidéo a également permis de distinguer les moments critiques et de proposer des pistes pour caractériser finement les ateliers dans des disciplines différentes, en l’occurrence le design industriel et l’informatique (Brandt et al., 2013[104]Op. cit.). La méthodologie d’enquête met également souvent les étudiants au cœur du dispositif. L’évolution de leur production matérielle (plan, maquette, rapport, etc.) constitue souvent le matériau principal. Un autre outil fréquemment utilisé est le journal d’atelier ou carnet de bord de l’étudiant. Il s’agit d’abord d’un outil pédagogique incitant l’étudiant à développer une démarche réflexive et à monter en généralité à partir de son expérience personnelle de l’atelier. Il constitue également une introduction à l’utilité du journal et de l’écrit réflexif dans la pratique professionnelle, sinon exclusivement tournée vers le faire et la productivité (Roakes et Norris-Tirrell, 2000[105]Op. cit.). Trace écrite permettant l’archivage, le journal est aussi un support d’évaluation des étudiants et du cours par le professeur (Nemeth et Long, 2012[106]Németh J, Long JG. (2012). “Assessing learning outcomes in US planning studio courses”, Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 476-490.). Il permet, par exemple, d’évaluer les apports de l’atelier dans la déconstruction de catégories préconçues comme celles de gentrification (Sletto, 2010[107]Op. cit.) ou de durabilité (Larsen et al., 2014[108]Larsen L et al. (2014). “Social justice and sustainability in poor neighborhoods. Learning and living in southwest Detroit”, Journal of Planning Education and Research, n° 34-1, p. 5-18.). Face aux parties prenantes, les étudiants sont confrontés à des relations de pouvoir et à des visions différentes d’un même problème. Le récit de ces événements dans leur journal aide à reconstituer les effets de l’atelier sur leurs connaissances et leur appréhension du rôle d’urbaniste (Sletto, 2010[109]Op. cit.). La plupart des articles combinent les différents dispositifs. Par exemple, l’étude de Maged Sibel à propos d’un atelier associant les traditions de l’atelier d’urbanisme et celles de l’atelier de design s’appuie sur l’analyse du carnet de bord des étudiants (notes réflexives, photos, impressions et dessins), un film documentaire réalisé par un des étudiants et un questionnaire réalisé auprès des mêmes étudiants deux ans après l’obtention de leur diplôme, afin d’évaluer les apports de l’atelier a posteriori dans leur pratique professionnelle quotidienne (Senbel, 2012[110]Op. cit.).

Des dispositifs d’évaluation
des résultats d’apprentissage en atelier

Certaines enquêtes développent des dispositifs quasi expérimentaux. Les travaux de Oonk en sont un bon exemple. Ils cherchent à évaluer les effets d’un environnement d’apprentissage spécifique appelé « Regional Learning Environment » (RLE) caractérisé par des groupes d’étudiants issus de plusieurs disciplines travaillant en relation avec plusieurs parties prenantes avec un rythme de travail intense proche de la réalité professionnelle mais un fort encadrement. Le dispositif de Oonk s’apparente à une véritable expérience réalisée auprès d’un large échantillon d’étudiants (225) dans cinq RLE afin de répondre à des hypothèses clairement formulées, notamment l’effet bénéfique de l’interdisciplinarité sur l’appréhension et la résolution de problèmes complexes à la frontière entre sciences sociales et expérimentales comme la durabilité. Il a alors comparé des RLE pluridisciplinaires à des groupes monodisciplinaires qu’on pourrait qualifier de « groupes témoins » afin de contrôler la variable « origine disciplinaire des étudiants » (Oonk et al., 2016[111]Op. cit. ; Oonk, 2016[112]Op. cit.). Un tel dispositif nécessite du temps et des moyens alloués. En l’occurrence, ce travail est le fruit d’un doctorat.

Certains dispositifs sont moins lourds mais néanmoins intéressants. C’est le cas des comparaisons entre évaluation pré-atelier et post-atelier. Celles-ci permettent d’apprécier finement les résultats d’un atelier quant aux objectifs pédagogiques visés. Par exemple, Larsen a comparé les définitions de la durabilité données par les étudiants avant et après l’atelier. La comparaison montre clairement l’enrichissement de la définition (Larsen et al., 2014[113]Op. cit.). Enfin, les entretiens groupés ou focus groups constituent un autre mode d’évaluation des apports de l’atelier fréquemment utilisés. Marylin Higgins a, par exemple, réalisé des focus groups avec des étudiants, de jeunes diplômés et des professeurs afin de connaître leur conception de l’atelier et d’évaluer les conséquences et apports de ce cours dans leur pratique professionnelle (Higgins et al., 2009[114]Op. cit.).

Témoignages et retours d’expérience

Tous les dispositifs développés précédemment nécessitent une réflexion en amont de la réalisation du cours. Or beaucoup d’articles s’appuient, au contraire, sur une réflexion expost. Ils s’apparentent davantage à des retours d’expérience. Certains s’appuient sur une participation observante, comme Assem Inam qui tire profit des productions des étudiants et des remarques réflexives des étudiants. D’autres sont plus proches de témoignages. Ils retracent un itinéraire d’enseignement, font part des impressions de l’encadrant et ouvrent des pistes théoriques. Par exemple, Neuman tire des conclusions de sa pratique d’enseignant en atelier sur une quinzaine d’années. Son matériau est constitué des productions des étudiants, de ses notes et d’une mobilisation a posteriori de ses souvenirs et impressions d’encadrant pour formuler des hypothèses quant au rôle de l’interdisciplinarité dans les ateliers (Neuman, 2016[115]Op. cit.).

Ce tour d’horizon des démarches méthodologiques mises en œuvre met en évidence leur diversité et leur foisonnement. Cependant, il révèle le besoin de formalisation méthodologique afin de mettre en place des enquêtes qualitatives et quantitatives robustes pour évaluer les innovations pédagogiques. Les articles issus de la littérature anglophone donnent quelques pistes méthodologiques intéressantes, tant quantitativement que qualitativement, afin de développer des enquêtes robustes dans le champ de l’innovation pédagogique en urbanisme.

Conclusion

La richesse des approches révélées par cette revue de littérature internationale doit être un stimulant pour initier et développer dans le monde francophone une base à la fois rigoureuse et élargie de connaissances sur ce qui représente, toutes choses égales par ailleurs, un indéniable fleuron de la formation professionnelle en urbanisme. Il s’agit à la fois de traduire dans des termes de la pédagogie contemporaine les caractéristiques, les apports et le renouvellement continu autant que méconnu de ce continent de pratiques pédagogiques en urbanisme. L’intérêt des connaissances déjà capitalisées dans la littérature internationale est de fournir des outils d’analyse, des typologies, des questionnements presque immédiatement mobilisables pour analyser la pédagogie de l’atelier des formations francophones en urbanisme, au prix d’une recontextualisation qui ne semble pas a priori trop difficile. Un gain indéniable serait de placer d’emblée la production de connaissance dans une perspective de comparaison internationale entre Europe, Amérique du Nord, Afrique et Asie. Cette approche permettrait d’intégrer la question de la circulation des modèles pédagogiques, qui est un peu un angle mort de la littérature anglophone sur le sujet.

Sur le plan méthodologique, les leçons que l’on peut tirer des expériences, notamment américaines, soulignent la nécessité de commencer par une grande enquête quantitative et qualitative sur la place et les modalités de l’atelier dans un ensemble représentatif de formations en urbanisme. Sans exclure de ce périmètre les parcours de formation en urbanisme dans les écoles d’architecture, particulièrement dans le contexte français, l’ensemble constitué par les formations labélisées de l’APERAU représente une population particulièrement intéressante à analyser pour deux raisons : la première est sa portée, par définition, internationale et francophone ; la seconde vient de ce que le caractère obligatoire de l’atelier dans le cursus de formation (de par la charte de l’APERAU) se conjugue à une grande diversité de place, position et rôle attribués à l’atelier dans chacune des formations. Le contexte est actuellement favorable, puisqu’il y a encore beaucoup d’acteurs ou de témoins de la période de création de nombreux programmes en urbanisme dans les pays concernés (à partir des années 1970), pour réaliser la même enquête longitudinale que les collègues américains dans les années 1980.

L’autre leçon est de susciter un foisonnement d’études de cas qui apparaissent clairement complémentaires de l’enquête transversale. Certaines peuvent prendre la forme de témoignages, de retour réflexif sur une pratique pédagogique, d’autres résulter d’une approche ethnographique plus systématique. Il importe surtout d’illustrer la diversité des approches pragmatiques ou théoriques de la pédagogie de l’atelier, particulièrement sur le plan des pratiques émergentes et des expérimentations. Certains questionnements sur l’intégration du renouvellement des pratiques professionnelles, ou au contraire des anticipations des transformations à venir de celles-ci, peuvent être plus pertinentes à développer dans le contexte francophone. Nous pensons plus particulièrement à la façon dont la pédagogie de l’atelier s’est adaptée au processus et aux pratiques du projet urbain, beaucoup moins développés dans le contexte nord-américain. Il en est de même, par exemple, de la transition énergétique qui est plus présente, de part et d’autre de la Méditerranée que de ce côté-ci de l’Atlantique. D’autres questionnements en revanche, comme l’apport du design thinking, de l’urbanisme participatif ou encore du codesign communautaire à l’innovation pédagogique en atelier, bénéficieraient beaucoup d’un dialogue transatlantique.

Il faut bien entendu trouver les instruments nécessaires pour porter l’ambition de cette ouverture du débat sur la pédagogie de l’urbanisme et la production de connaissances partagées par la communauté scientifique. Le projet d’un réseau thématique de recherche sur l’enseignement de l’urbanisme, apporté récemment par de jeunes collègues enseignants chercheurs auprès de l’APERAU, pourrait en être un, en raison de la nature très collaborative d’un tel chantier. À l’instar du rôle joué par le Journal of Planning Education and Research dans l’animation et la communication du débat scientifique sur la pédagogie de l’urbanisme, la Revue internationale d’urbanisme pourrait être l’autre instrument nécessaire au décollage d’un nouveau champ de la recherche francophone en urbanisme. En tout cas, il ne tient qu’à la volonté de la communauté des enseignants-chercheurs en urbanisme de faire valoir toute l’importance, au XXIe siècle, d’une meilleure connaissance de l’apprentissage de l’intelligence collective urbaine.

Bibliographie complémentaire

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[1] L’APERAU a joué un rôle précurseur en organisant par deux fois un colloque sur l’enseignement de l’urbanisme lors des journées internationales de l’APERAU, à Créteil en 2007, et plus spécifiquement sur l’enseignement du développement durable en aménagement, en 2009 à Tours. Cependant, ces évènements n’ont pas débouché sur des publications, faute peut-être de disposer à l’époque d’une revue francophone de référence sur l’enseignement et la recherche en urbanisme, à l’instar du Journal of Planning Education and Research, aux États-Unis.

[2] À l’exception de travaux de nature historique sur l’enseignement à l’Institut d’Urbanisme de Paris (Beaudoui R, 1988, La naissance de l’École des hautes études urbaines et le premier enseignement de l’urbanisme en France, des années 1910 aux années 1920, Paris, École d’architecture de ParisVillemin/ardu, Paris VIII. Busquet G, Carriou C, 2007, « Entre art et science, l’histoire à l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris (1919-1971) », Espaces et sociétés, n° 130(3), p. 57-70, doi:10.3917/esp.130.0057.

[3] Scherrer et al. (2017). « La conception innovante en urbanisme. Recherche-expérimentation pédagogique associée à l’atelier de maîtrise en urbanisme de l’Université de Montréal », Revue internationale d’urbanisme, n° 3.

[4] Adams FJ. (1954). Urban Planning Education in the United States, Cincinnati, The Alfred Bettman Foundation.

[5] Heumann LF, Wetmore LB. (1984). “A Partial History of Planning Workshops: The Experience of Ten Schools from 1955 to 1984”, Journal of Planning Education and Research, n° 4(2), p. 120-130.

[6] Dans ce graphique, nous avons uniquement pris en compte les références traitant explicitement de l’atelier en urbanisme. Nous n’avons pas fait apparaître celles traitant plus généralement des relations entre théorie et pratique. Nous avons également exclu celles traitant des formes de pédagogie caractéristiques de l’atelier en général et pas d’urbanisme en particulier.

[7] Oonk C. (2016). Learning and teaching in the regional learning environment. Enabling students and teachers to cross boundaries in multi-stakeholder practices, thèse de doctorat, université de Wageningen, 192 p.

[8] Brooks M, Wu W. (2012). “Commentary: Writing papers on pedagogy”, Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 491-492.

[9] Vella K et al. (2014). Studio teaching in Australian planning curriculum, ANZAPS 2014 Conference, 3-5 October 2014, Massey University, Palmerston North, New Zealand.

[10] Long GJ. (2012). “State of thesStudio: Revisiting the potential of studio pedagogy in US-based planning programs”, Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 431-448.

[11] Ibid.

[12] Kreditor A. (1990). “The neglect of urban design in the American academic succession”, Journal of Planning Education and Research, n° 9(3), p. 155-163.

[13] Op. cit.

[14] Op. cit.

[15] Op. cit.

[16] Forester J. (1983). “The coming design challenge”, Journal of Planning Education and Research, n° 3(1), p. 57-59.

[17] Op. cit.

[18] Lang J. (1983). “Teaching Planning to city planning students. An argument for the studio/workshop approach”, Journal of Planning Education and Research, n° 2(2), p. 122-129.

[19] Op. cit.

[20] Ibid.

[21] Op. cit.

[22] Op. cit.

[23] Op. cit.

[24] Ibid.

[25] Op. cit.

[26] Brandt CB et al. (2013). “A theoretical framework for the studio as a learning environment”, International Journal of Technology and Design Education, n° 23(2), p. 329-348.

[27] Op. cit.

[28] Ibid.

[29] Senbel M. (2012). “Experiential learning and the co-creation of design artifacts: A hybrid urban design studio for planners”, Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 449-464.

[30] Ibid.

[31] Op. cit.

[32] Op. cit.

[33] Bosman C et al. (2010). “First year experience and planning studio pedagogics”, dans ANZAPS 2010 Proceedings, Lincoln University, New-Zealand [En ligne].

[34] Op. cit.

[35] Shepherd A, Cosgriff B. (1998). “Problem-based learning: a bridge between planning education and planning practice”, Journal of Planning Education and Research, n° 17(4), p. 348-357.

[36] Baldwin C, Rosier J. (2016). “A framework for integrating experiential learning into tertiary planning programs”, Journal of Planning Education and Research, n° 37(1), p. 43-55.

[37] Op. cit.

[38] Op. cit.

[39] Thomas D, Hollander JB. (2010). “The city at play: Second life and the virtual urban planning studio”, Learning, Media and Technology, n° 35, p. 227-242.

[40] Balassiano K. (2011). “Tackling “wicked problems” in planning studio courses”, Journal of Planning Education and Research, n° 31(4), p. 449-460.

[41] Sletto B. (2010). “Educating reflective practitioners: Learning to embrace the unexpected through service learning”, Journal of Planning Education and Research, n° 29(4), p. 403-415.

[42] Hou J. (2007). “Community processes: The catalytic agency of service learning studio”, dans Salama AM et Wilkinson N. (dir.), Design studio pedagogy: Horizons for the future, The Urban International Press, Gateshead, Tyne and Wear, United Kingdom, p. 285-294.

[43] Op. cit.

[44] Op. cit.

[45] Op. cit.

[46] Oonk C et al. (2016). “Educating collaborative planners: Strengthening evidence for the learning potential of multi-stakeholder regional learning environments”, Planning Practice and Research, n° 315, p. 533-551.

[47] Op. cit.

[48] Schön DA. (1984a). The reflective practitioner: How professionals think in action, New York, Basic Books, 384 p.

[49] Schön DA. (1984). “The architectural studio as an exemplar for reflection-in-action”, Journal of Architectural Education, n° 38, p. 2-9.

[50] Op. cit.

[51] Op. cit.

[52] Op. cit.

[53] Op. cit.

[54] Op. cit.

[55] Ibid.

[56] Kotval Z. (2003). “Teaching Experiential Learning in the Urban Planning Curriculum”, Journal of Geography in Higher Education, n° 27(3), p. 297-308.

[57] Op. cit.

[58] Op. cit.

[59] Kolb DA. (1984). Experiential learning: Experience as the source of learning and development, Englewood Cliffs, NJ, Prentice Hall, 288 p.

[60] Op. cit.

[61] Rosier J, Slade C, Perkins T et al. (2016). “The benefits of embedding experiential learning in the education of planners”, Planning Practice and Research, n° 31(5), p. 486-499.

[62] Op. cit.

[63] Op. cit.

[64] Par communauté, les auteurs anglophones désignent souvent simplement des groupes d’habitants, d’usagers et/ou de citoyens investis dans un lieu.

[65] Op. cit.

[66] Ibid.

[67] Op. cit.

[68] Roakes SL, Norris-Tirrel D. (2000). “Community service learning in planning education: A framework for course development”, Journal of Planning Education and Research, n° 20(1), p. 100-110.

[69] Forsyth A et al. (2000). “Service learning in an urban context: Implications for planning and design education”, Journal of Architectural and Planning Research, n° 17(3), p. 236-259.

[70] Op. cit.

[71] Op. cit.

[72] Op. cit.

[73] Németh J, Long JG. (2012). “Assessing learning outcomes in US planning studio courses”, Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 476-490.

[74] Lave J, Wenger E. (1991). Situated learning: Legitimate peripheral participation, Cambridge, Cambridge University Press.

[75] Op. cit.

[76] Op. cit., p. 337.

[77] Op. cit.

[78] Op. cit.

[79] Ozawa C, Seltzer E. (1999). “Taking our bearings: Mapping a relationship among planning practice, theory, and education”, Journal of Planning Education and Research, n° 18(3), p. 257-266.

[80] Alexander ER. (2001). “What do planners need to know?”, Journal of Planning Education and Research, n° 20(3), p. 376-380.

[81] Op. cit.

[82] Ibid.

[83] Rooij R, Franck AI. (2016). “Educating spatial planners for the age of co-creation: The need to risk community, science and practice involvement in planning programs and curricula”, Planning Practice and Research, n° 31(5), p. 473-485.

[84] Higgins M et al. (2009). “The pedagogy of the planning studio: A view from down under”, Journal for Education in the Built Environment, n° 4(1), p. 8-30.

[85] Pojani D et al. (2016). “Learning by doing: Employer expectation of planning studio”, Urban Policy and Research, p. 1-9.

[86] Higgins M, Morgan J. (2000). “The role of creativity in planning: The “creative practitioner””, Planning Practice and Research, n° 15(1/2), p. 117-127.

[87] Op. cit.

[88] Loukaitou-Sideris A, Mukhija V. (2016). “Responding to informality through urban design studio pedagogy”, Journal of Urban Design, n° 21(5), p. 577-595.

[89] Op. cit.

[90] Ibid.

[91] Neuman M. (2016). “Teaching collaborative and interdisciplinary service-based urban design and planning studios”, Journal of Urban Design, n° 21(5), p. 596-615.

[92] On peut noter que malgré la montée en puissance des enjeux de soutenabilité et leur mise en avant par les auteurs, nous n’avons trouvé aucun article relatant des ateliers rassemblant des étudiants issus des sciences expérimentales comme l’écologie, la physique et la biologie, et des étudiants dans les disciplines du cadre bâti.

[93] Op. cit.

[94] Kallus R. (2016). “Citizenship in action: Participatory urban visualization in contested urban space”, Journal of Urban Design, n° 21(5), p. 616-637.

[95] Lim RM et al. (2016). “Embracing the conceptual shift on new ways of experiencing the city and learning urban design: pedagogical methods and digital technologies”, Journal of Urban Design, n° 21(5), p. 628-660.

[96] Brown T. (2008). « Design thinking », Harvard Business Review, june, p. 3.

[97] Pawlak E. (2011). « Les plates-formes d’innovation académiques à l’ère de l’économie créative », Entreprendre & Innover, n° 11-12(3), p. 44-54 [En ligne].

[98] Inam A. (2010). “Navigating ambiguity: Comedy improvisation as a tool for urban design pedagogy and practice”, Journal for Education in the Built Environment, n° 5-1, p. 7-26.

[99] Op. cit.

[100] Thomas D, Hollander JB. (2010). “The city at play: Second Life and the virtual urban planning studio”, Learning, Media and Technology, n° 35, p. 227-242.

[101] Op. cit.

[102] Wetmore LB, Heumann LF. (1988). “The changing role of the workshop course in educating planning professionals”, Journal of Planning Education and Research, n° 7-3, p. 135-146.

[103] Op. cit.

[104] Op. cit.

[105] Op. cit.

[106] Németh J, Long JG. (2012). “Assessing learning outcomes in US planning studio courses”, Journal of Planning Education and Research, n° 32(4), p. 476-490.

[107] Op. cit.

[108] Larsen L et al. (2014). “Social justice and sustainability in poor neighborhoods. Learning and living in southwest Detroit”, Journal of Planning Education and Research, n° 34-1, p. 5-18.

[109] Op. cit.

[110] Op. cit.

[111] Op. cit.

[112] Op. cit.

[113] Op. cit.

[114] Op. cit.

[115] Op. cit.