frontispice

Des objets et des villes
Réflexions sur le rôle des objets
dans les changements urbains
à partir de deux dispositifs
en assainissement urbain

• Sommaire du no 9

Jean-Yves Toussaint Université de Lyon, INSA-Lyon, CNRS, UMR 5600 Environnement Ville Société Sophie Vareilles Université de Lyon, INSA-Lyon, CNRS, UMR 5600 Environnement Ville Société

Des objets et des villes : réflexions sur le rôle des objets dans les changements urbains à partir de deux dispositifs en assainissement urbain, Riurba no 9, janvier 2020.
URL : https://www.riurba.review/article/09-objets/villes/
Article publié le 1er janv. 2020

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Jean-Yves Toussaint, Sophie Vareilles
Article publié le 1er janv. 2020
  • Abstract
  • Résumé

Objects and cities: considerations on the role of objects in urban changes from two objects for stormwater management

This article deals with new objects and urban changes. We call new objects the objects that are still in the trivializing phase. The difficulties for this trivialization are analysed. This analysis is based on surveys on two objects for stormwater management: SUDS and devices by monitoring of sewage systems. It is also based on an analytical framework that considers the rapports between objects, social activities and social morphology. Our surveys in Lyon’s and Nantes’s area suggest two avenues for reflection in order to improve the trivialization of the new objects and the new practices: better consider, in the projects and the public policies, 1) the objects as ways of actions; 2) their integration into existing social morphology.

Cet article traite des changements urbains à partir de nouveaux objets en assainissement urbain. Par nouveaux objets, nous désignons des objets ou dispositifs en cours de banalisation. Cet article analyse les difficultés soulevées par ces processus de banalisation. Il traite en particulier des techniques alternatives au réseau d’assainissement urbain et des dispositifs de surveillance des flux transitant par ce réseau. Il s’appuie sur un cadre d’analyse original envisageant les rapports entre les objets, les activités sociales et la morphologie sociale. Les études de cas (agglomérations lyonnaise et nantaise) permettent d’esquisser deux pistes pour améliorer la banalisation des nouveaux objets et la pérennisation de nouvelles pratiques : mieux prendre en compte 1) les objets comme moyens de l’action et 2) leur intégration dans la morphologie sociale existante.

Cet encadré technique n’est affiché que pour les administrateurs
post->ID de l’article : 2992 • Résumé en_US : 3010 • Résumé fr_FR : 3007 •

Les alertes sur la situation environnementale se sont multipliées depuis les années 1970 (Meadows et al., 1973[1]Meadows DH, Meadows DL, Randers JB, William W. (1972). The limits to growth: a report for the Club of Rome’s projet on the predicament of mankind, New York, Universe Books, 205 p. ; Commission mondiale des Nations Unies sur l’environnement et le développement, 1989[2]Commission mondiale des Nations Unies sur l’environnement et le développement. (1987). Notre avenir à tous, Montréal, Les Éditions du fleuve, 438 p. – voir également les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Elles font aujourd’hui l’objet d’un large consensus parmi les personnels politiques, les scientifiques et les associations écologistes. Pour répondre à ces alertes, des politiques publiques sont mises en œuvre pour promouvoir de nouveaux objets et de nouvelles pratiques plus vertueux sur le plan environnemental (par exemple, Lorrain, Halpern et Chevauché, 2018[3]Lorrain D, Halpern C, Chevauche C (dir.). (2018). Villes sobres. Nouveaux modèles de gestion des ressources, Paris, Les Presses de SciencesPo, 358 p. ; Frotey et Castex, 2018[4]Frotey J, Castex E. (2018). « La transition énergétique par le véhicule électriqueRiurba, n° 5. ; Renauld, 2012[5]Renauld V. (2012). « Fabrication et usage des écoquartiers français.Éléments d’analyse à partir des quartiers De Bonne (Grenoble), Ginko (Bordeaux) et Bottière-Chénaie (Nantes) », rapport de thèse de doctorat, INSA Lyon, 460 p.). Elles intéressent plusieurs secteurs, dont les déplacements, l’énergie, la construction et la gestion de l’eau : elles proposent de réformer ou de renouveler les objets et les dispositifs techniques qui assurent le service. Or en dépit de ces politiques, l’urgence demeure, et les actions conduites pour remédier aux problèmes semblent produire peu d’effets ou des effets en deçà des enjeux soulevés (Flipo, 2018[6]Flipo F. (2018). « Bientôt il sera trop tard. L’évolution de la pensée écologique des années 1980 à nos jours », Écologie & politique, n° 56, p. 119-132. ; Gemenne et Rankovic, 2019[7]Gemenne F, Rankovic A. (2019). Atlas de l’anthropocène, Paris, Les presses de Sciences Po, 158 p.).

Cette contribution revient sur ces difficultés en examinant le rôle des objets dans les activités urbaines. En effet, la plupart des politiques environnementales se concentrent sur des objets et leurs qualités intrinsèques (pour les bannir ou les favoriser)[8]Voir, par exemple, les expériences rapportées dans : Lorrain, Halpern, Chevauché, 2018 (op. cit.) ; Toussaint JY, Vareilles S, Baati S. (2016). « Analyse des conditions d’adoption d’une instrumentation intégrée. Le cas des collectivités territoriales Métropole de Lyon et Nantes Métropole », rapport de recherche pour le compte du programme de recherche ANR-ECOTECH 2011 « Méthodologie et outils opérationnels de conception et de qualification de sites de mesures en réseau d’assainissement (MENTOR) », 74 p. ; Raineau L. (2011). « Vers une transition énergétique ? », Natures Sciences Sociétés, n° 19, p. 133-143. : leur faible efficacité serait liée à cette focalisation. Si les objets et leurs qualités sont importants, seuls ils semblent insuffisants pour changer les pratiques (voir notamment Kopp, 1975[9]Kopp A. (1975). Changer la vie, changer la ville, Paris, Union Générale d’Éditions, 502 p. et Renauld, 2012[10]Op. cit.). Ce serait en relation avec les organisations qui assurent leur existence et les apprentissages nécessaires à leur maniement que les objets contribueraient à « travailler » les comportements de leurs utilisateurs[11]Voir notamment l’histoire du « tout-à-l’égout » (Dupuy et Knaebel, 1992, op. cit. ; Guerrand RH. (1992). Mœurs citadines. Histoire de la culture urbaine xixe-xxe siècles, Paris, Quai Voltaire, 240 p.)..

Cette contribution s’appuie sur des recherches menées sur des objets de l’urbain mobilisés dans les activités d’assainissement urbain, à savoir : les « techniques alternatives » au réseau d’assainissement et les dispositifs de surveillance des flux transitant par ce réseau. Ces deux objets ont en commun des visées environnementales (assurer un assainissement urbain de qualité et limiter les rejets polluants dans les milieux récepteurs) et des difficultés de mise en œuvre. Cette contribution s’organise en trois parties : la première porte sur le cadre d’analyse et les recherches mobilisées ; la deuxième présente les études de cas ; la troisième revient sur les processus de diffusion des objets et les difficultés rencontrées. À partir de l’analyse de ces difficultés, nous esquissons en conclusion deux pistes pour les projets d’aménagement afin d’améliorer la diffusion des nouveaux objets urbains et les changements de pratiques.

Des objets encastrés dans des morphologies sociales

Face aux difficultés suscitées par les changements urbains, nous proposons d’interroger le rôle des objets dans les activités sociales. Comment les objets sont-ils mobilisés dans ces activités ? De quelles façons participent-ils des pratiques[12]Les pratiques désignent les modalités par lesquelles s’effectuent les activités sociales (travailler, se déplacer, éduquer, habiter, etc.) ; elles sont réglées par les usages, qui définissent ce qui est convenable et inconvenant de faire dans une situation donnée (au travail, à la maison, dans l’espace public urbain, etc.). Si les activités sociales évoluent peu, les pratiques varient dans le temps et selon les sociétés, les groupes et les classes sociales. ? De quelles manières les nouveaux objets les transforment-ils ? Comment pourraient-ils contribuer à réorienter, par exemple sur le plan environnemental, les processus d’urbanisation ?

Pour répondre à ces questions, nous posons que les objets participent d’encastrements de différents mondes (social, économique, politique, etc.) établissant une « morphologie sociale ». Ce cadre d’analyse emprunte aux travaux de M. Mauss (2001[13]Mauss M. (2001) [1904-1905]. « Essai sur les variations saisonnières des sociétés eskimos. Étude morphologie sociale », dans Sociologie et Anthropologie, Paris, PUF, p. 389-477.) sur les rapports entre sociétés et environnements, de G. Simondon (1989[14]Simondon G. (1989) [1958]. Du monde d’existence des objets techniques, Paris, Aubier, 333 p.) sur les modes d’existence des objets et d’A. Gorz (1973[15]Gorz A. (1973). « L’idéologie sociale de la bagnole », Le Sauvage, n° septembre-octobre [En ligne) sur les changements sociaux. Il s’appuie aussi sur des recherches en sociologie (Latour, 1992[16]Latour B. (1992). Aramis ou l’amour des techniques, Paris, La Découverte, 241 p. ; Akrich, 1987[17]Akrich M. (1987). « Comment décrire les objets techniques ? », Techniques & Culture, n° 9, p. 49-64.), en ergonomie (Rabardel, 1995[18]Rabardel P. (1995). Les hommes et les technologies. Approches cognitives des instruments contemporains, Paris, Armand Colin, 239 p.) et en urbanisme (Guillerme, 1983[19]Guillerme A. (1983). Les temps de l’eau. La cité, l’eau et les techniques. Nord de la France. Fin iiie -début xixe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 259 p.).

Dans nos analyses, « objet » est une catégorie générique qui renvoie à tous les assemblages d’éléments synthétiques et biologiques résultant d’une intention en vue d’une manipulation dans une activité[20]Ainsi, un caillou choisi pour faire des ricochets dans l’eau relève de cette catégorie. et très souvent issus d’une fabrication (artisanale ou industrielle). Nous nous intéressons en particulier aux objets des aménagements urbains : arbres, bancs, candélabres, réseaux divers, rues, bâtiments, etc. Ces objets sont très nombreux et sont divers par leur taille, leurs matériaux et leur sophistication – les plus sophistiqués peuvent être appelés « dispositifs ». Comme tous les objets, ils sont doublement techniques. Leur fabrication relève de méthodes, de savoir-faire et d’industries appartenant principalement au génie civil, à l’architecture et à l’urbanisme. Leur mobilisation dans les activités sociales implique des apprentissages et des habiletés singulières : emprunter une rue n’est pas inné et réclame des techniques d’usage, dont une partie est inscrite dans le code de la route[21]Voir aussi les travaux de Lehec É. (2019). « Vers un service composite de gestion du métabolisme urbain. Ce que compostage industriel et compostage en pied d’immeuble ont en partage », Flux, n° 116-117, p. 95-111..

La morphologie sociale est prise dans le sens qu’en donne M. Mauss (2001[22]Op. cit.) dans sa description de la société inuit, comme totalité associant une société et ses environnements[23]Une société peut relever de plusieurs morphologies sociales, comme la société inuite étudiée par M. Mauss.. Elle implique une multitude de mondes : le monde des objets, le monde social, le monde économique, le monde politique, le monde scientifique, le monde technique, etc. Si ces mondes sont différents (ils engagent notamment des régimes axiologiques distincts), ils sont inséparables (voir, par exemple, Dupuy, 1978, p. 104-107[24]Dupuy G. (1978). Urbanisme et technique. Chronique d’un mariage de raison, Paris, Centre de recherche d’urbanisme, 420 p.). Encastrés[25]La notion d’encastrement est reprise des travaux de K. Polanyi ((1983), [1944]. La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 419 p.) sur les rapports entre société et économie. les uns dans les autres, ils forment une totalité plurielle (la morphologie sociale) et aucun ne peut évoluer sans changer la totalité. L’encastrement des objets dans cette totalité renvoie à leur « milieu associé » (Simondon, 1989[26]Op. cit.). Ce milieu leur assure les moyens d’existence et de développement (individuation) tout au long de leur cycle de vie (conception, fabrication, mise en œuvre, mobilisation dans les activités, etc.). Il intègre ainsi les objets dans des organisations, des marchés, des normes, des régimes juridiques, politiques et sociaux[27]Voir, par exemple, Gorz (1973, op. cit.) pour l’objet « automobile ».. De cette manière, tout objet est à la fois technique, spatial, économique, organisationnel et politique, et procède d’encastrements singuliers[28]Cette approche rejoint en partie la démarche holiste défendue par A. Morel-Brochet et N. Otar ((2014). « Introduction. Les modes d’habiter à l’épreuve de la durabilité », Norois, n° 231, p. 7-12) pour analyser la mise en œuvre du développement durable..

À partir de ces définitions, notre cadre d’analyse peut se décliner en trois propositions.

1) « Il n’y a pas d’activités sociales sans mobilisation d’objets », que ces activités soient triviales, sacrées, collectives, publiques, privées, etc. Par exemple, faire ses courses nécessite des chemins ou des rues, des réseaux d’assainissement, des panneaux de signalisation, des transports en commun, des commerces, des sacs, etc. Ces objets ne sont pas tous mobilisés en même temps : leur mobilisation dépend des lieux et des situations d’action. Mais dans tous les cas, des objets sont mobilisés. De cette façon, toute activité sociale est outillée (Sigaut, 2012[29]Sigaut F. (2012). Comment Homo devint faber. Comment l’outil fit l’homme, Paris, CNRS Éditions, 236 p.) ou instrumentée (Toussaint, 2009[30]Toussaint JY. (2009). « Usages et techniques », dans Stebe JM, Marchal H (dir.), Traité sur la ville, Paris, PUF, p. 461-512. ; Toussaint et Vareilles, 2010[31]Toussaint JY, Vareilles S. (2010). « Handicap et reconquête de l’autonomie. Réflexions autour du rapport entre convivialité des objets et autonomie des individus. Le cas des dispositifs techniques et spatiaux de l’urbain », Geographica Helvetica, n° 65, p. 249-256.).

2) « Les objets constituent des offres en pratiques sociales ». Leur mobilisation dans les activités sociales dépend de la manière dont ils paraissent aux individus (Toussaint, 2009[32]Op. cit. ; Toussaint et Vareilles, 2010[33]Op. cit. ; Gibson, 2014[34]Gibson JJ. (2014) [1979]. Approche écologique de la perception visuelle, Bellevaux, Dehors, 528 p. ; Norman, 1999[35]Norman DA. (1999). « Affordances, Conventions and Design », Interactions, n° 16, p. 38-42.). Les objets prennent ainsi sens par les actions qu’ils permettent d’assurer ; leur signification varie selon les lieux, les emplois du temps, les groupes et les classes sociales. Ainsi, le vélo n’a pas la même signification pour les cyclistes et les piétons, au travail et pendant les vacances. En ouvrant des possibilités d’action, les objets appellent des pratiques. Ils forment en cela des offres en pratiques sociales, qui peuvent déborder les pratiques visées par les fabricants (Akrich, 1987[36]Op. cit. ; Léger, 2006[37]Léger JM. (2006). Yves Lion. Logements avec architecte, Grâne, Creaphis, 269 p.).

3) « Nous appelons “nouvel objet” tout objet en cours de banalisation. Ce processus exige que cet objet et ses promoteurs forment un milieu associé approprié ». Il passe par l’enrôlement (Latour, 1992[38]Op. cit.) d’acteurs, d’organisations et d’autres objets à même de prendre en charge cet objet et de composer ce milieu associé. À l’achèvement de ce processus, l’objet est ordinaire sur les plans technique, organisationnel, économique, politique, social, urbain, spatial et environnemental.

Ce cadre d’analyse permet de réévaluer le rôle des objets dans les activités sociales. Nous l’utilisons ici pour examiner la manière dont des nouveaux objets peuvent se banaliser et participer aux changements urbains. Deux nouveaux objets ou ensembles d’objets sont étudiés : les techniques alternatives au réseau d’assainissement et les dispositifs de surveillance des flux transitant par ces réseaux. Mises en œuvre depuis les années 1970, les techniques alternatives sont des dispositifs qui permettent de stocker et éventuellement de traiter les eaux pluviales avant rejet au réseau ou infiltration dans le sol. Elles regroupent entre autres les bassins, les noues, les fossés et les puits. Les dispositifs de surveillance, développés à la fin des années 1990, servent à produire et à traiter des données sur les caractéristiques des eaux urbaines transitant par les réseaux d’assainissement. Ils se constituent de capteurs de hauteurs et de vitesses de flux, d’armoires électriques, d’ordinateurs, de logiciels, de câbles électriques et téléphoniques, etc.[39]Pour une description plus complète de ces objets, voir ci-dessousle chapitre « Mise en œuvre des techniques alternatives et des dispositifs de surveillance des réseaux dans les agglomérations lyonnaise et nantaise ».

Les recherches et les bilans réalisés (Barroca et al., 2010[40]Barroca B, Serre D, Diab Y et al. (2010) « Comment la forme urbaine peut-elle compléter le réseau d’assainissement pluvial ? De la maîtrise des écoulements lors des évènements exceptionnels à la gestion des pollutions », 7e Conférence Novatech, Lyon, 27 juin-1er juillet 2010 [En ligne ; GRAIE, 2016[41]GRAIE. (2016). Guide sur l’autosurveillance des réseaux d’assainissement. Recueil des outils et recommandations produits par le groupe de travail régional, 122 p [En ligne ; Ollagnon, 2012[42]Ollagnon B. (2012). « Autosurveillance des réseaux d’assainissement sur le bassin Loire-Bretagne. Bilan des 10 années d’accompagnement des projets », TSM, n° 1/2, p. 30-34.) montrent que ces deux ensembles d’objets ne parviennent pas à se banaliser totalement. D’après nos recherches, la qualité des objets et l’existence d’un cadre réglementaire contraignant se révèlent insuffisants pour cette banalisation. Ces difficultés, qui ne sont pas de la même ampleur pour les deux dispositifs, tiendraient à des problèmes d’organisation et de moyens.

Notre analyse s’appuie sur deux enquêtes issues de programmes pluridisciplinaires associant des laboratoires en sciences sociales et en sciences pour l’ingénieur, des collectivités territoriales et des entreprises gestionnaires de réseaux d’assainissement. Ces programmes sont à l’initiative de chercheurs en sciences pour l’ingénieur et ont pour objectif d’optimiser le fonctionnement et l’usage des objets. Notre participation à ces programmes[43]Toussaint JY, Vareilles S. (2013). « Les conditions de réception des systèmes extensifs de gestion des eaux urbaines. L’exemple des pilotes de Craponne et du prototype de Marcy-l’Étoile. 1 : cadre d’analyse et premières enquêtes (2009-2011) », rapport de recherche pour le compte du programme ANR PRECODD 2008 « Systèmes extensifs pour la gestion et le traitement des eaux urbaines par temps de pluie (SEGTEUP) », EVS-INSA de Lyon, 37 p. ; Ah Leung S, Toussaint JY, Vareilles S. (2013). « Les conditions de réception des systèmes extensifs de gestion des eaux urbaines. L’exemple des pilotes de Craponne et du prototype de Marcy-l’Étoile. 2 : Les études de cas (2011-2013) », rapport de recherche pour le compte du programme ANR PRECODD 2008 « Systèmes extensifs pour la gestion et le traitement des eaux urbaines par temps de pluie (SEGTEUP) », EVS-INSA de Lyon, 41 p. ; Patouillard C, Toussaint JY, Vareilles S. (2014). « Climate Changes and Resistance to Change.Initial Considerations Based on a Study of the Diffusion of Stormwater Drainage “Alternative Techniques” and Sustainable Urban Drainage Systems – 1970-2010. The Cases of the Lyon Conurbation and Wales », rapport final pour le compte du programme « PREPARED Enabling Change », FP7 thème « ENV.2009.3.1.1.1 Adaptation of water supply and sanitation systems to cope with climate change », Work Area 6 « Towards an Adaptive Water Sensitive City Future », EVS-INSA Lyon, 63 p. ; Toussaint JY, Vareilles S, Baati S. (2016). « Analyse des conditions d’adoption d’une instrumentation intégrée. Le cas des collectivités territoriales Métropole de Lyon et Nantes Métropole », rapport de recherche pour le compte du programme de recherche ANR-ECOTECH 2011 « Méthodologie et outils opérationnels de conception et de qualification de sites de mesures en réseau d’assainissement (MENTOR) », EVS-INSA de Lyon, 74 p. visait à mieux comprendre les difficultés soulevées par l’appropriation de ces objets aux activités sociales[44]Que ces activités relèvent de la fabrication ou de l’usage du service d’assainissement. et leur banalisation[45]Si les consortiums de recherche différaient entre les programmes, les questions qui nous étaient posées étaient assez semblables, et le rapprochement de ces enquêtes est apparu pertinent.. La première enquête porte sur les techniques alternatives mises en place dans l’agglomération lyonnaise dans les années 1990 et 2000. Elle traite de la mise en œuvre des dispositifs, leur maintenance et leur utilisation par les publics[46]Par publics, nous entendons l’ensemble des individus qui mobilisent les espaces publics urbains pour leurs activités sociales : piétons, automobilistes, commerçants, habitants, citoyens, salariés, agents des collectivités territoriales, aménageurs, élus, etc. – selon leur emploi du temps, les individus passent d’un groupe à l’autre (Toussaint JY, Vareilles S, Zimmermann M. (2007). « Objets et usages de l’espace public dans les pratiques de concertation », dans Tsiomis Y, Ziegler V (dir.), Anatomie des projets urbains. Bordeaux, Lyon, Rennes, Strasbourg, Paris, Éditions de la Villette, p. 133-144 ; Lahire B. (2001) [1998]. L’homme pluriel. Les ressorts de l’action, Paris, Nathan, 271 p.). Par commodité, nous regroupons l’ensemble des individus qui participent à la fabrication des espaces publics et de la ville sous le vocable « fabricants ». dans les espaces publics urbains dans lesquels ils sont installés. Deux projets d’aménagement intégrant des techniques alternatives sont étudiés en particulier : le parc technologique de Porte des Alpes à Saint-Priest et le parc Jacob Kaplan à Lyon. Les pratiques de cinq espaces publics dont les aménagements précédents sont aussi observées[47]Outre le parc Jacob Kaplan et celui de Porte des Alpes, le parc Bourlione à Corbas et les chemins de la Beffe et du Godefroy à Dardilly.. La seconde enquête concerne les dispositifs de surveillance des eaux urbaines dans les agglomérations lyonnaise et nantaise, et porte sur la période 2000-2016. Elle intéresse l’installation et la maintenance de ces dispositifs ainsi que le recueil et le traitement des données produites. Ces deux enquêtes impliquent des entretiens auprès des acteurs engagés dans la gestion de l’eau (40 entretiens), l’analyse de documents issus des projets (délibérations, notes techniques, plans, courriers, etc.) et des observations in situ (dans des espaces publics urbains et au sein des services de collectivités territoriales en charge des dispositifs de surveillance).

Mise en œuvre des techniques alternatives
et des dispositifs de surveillance des réseaux
dans les agglomérations lyonnaise et nantaise

Pour leurs promoteurs (en particulier les agents des collectivités territoriales et des chercheurs), le déploiement des techniques alternatives et des dispositifs de surveillance des réseaux vise à changer les pratiques de gestion de l’assainissement urbain pour les adapter à de nouvelles conditions urbaines, environnementales et réglementaires.

Des techniques alternatives
dans les espaces publics urbains

En France, les techniques alternatives se développent en contrepoint du réseau d’assainissement à partir des années 1970 pour gérer les eaux urbaines par temps de pluie (Dupuy et Knaebel, 1982[48]Dupuy G, Knaebel G. (1982). Assainir la ville hier et aujourd’hui, Paris, Dunod, 92 p.). Leur utilisation a pour objectif de remédier aux insuffisances du réseau et aux coûts de sa transformation. Ces dispositifs sont ainsi déployés pour équiper les villes nouvelles et accompagner l’accroissement des agglomérations urbaines. Ils permettent de compenser, à moindre coût, l’imperméabilisation croissante des sols urbains et l’incapacité des réseaux à absorber les flux supplémentaires (Chatzis, 2000, p. 138-143[49]Chatzis K. (2000). La pluie, le métro et l’ingénieur. Contribution à l’histoire de l’assainissement et des transports urbains (XIXe-XXe siècles), Paris, L’Harmattan, 216 p.). En stockant les eaux urbaines par temps de pluie, ils réduisent les risques d’inondation et de rejets d’eaux polluées dans les milieux récepteurs (rivière, fleuve, zone humide, etc.)[50]En effet, par temps de pluie, si les flux transitant par les réseaux d’assainissement dépassent la capacité des canalisations, les eaux surnuméraires sont rejetées, sans traitement, dans les milieux récepteurs, via des déversoirs d’orage.. Leur mise en œuvre n’est pas obligatoire pour les nouveaux aménagements et les nouvelles constructions. Localement, les collectivités territoriales peuvent imposer leur installation en limitant, dans les réglementations locales, les rejets dans le réseau d’assainissement. Une partie de ces dispositifs sont paysagés et sont installés dans des espaces publics urbains (rues, squares, parcs, etc.)[51]Sur le déploiement des techniques alternatives, voir aussi Barles S, Thebault E. (2018). « Des réseaux aux écosystèmes : mutation contemporaine des infrastructures urbaines de l’eau en France », Tracés. Revue de Sciences humaines, n° 35 [En ligne.

Dans l’agglomération lyonnaise, les techniques alternatives sont promues par la Direction de l’eau de la Métropole de Lyon (anciennement Grand Lyon, communauté urbaine de Lyon[52]La Métropole de Lyon récupère sur son territoire les compétences du conseil général du Rhône et du Grand Lyon. Ce changement institutionnel n’a pas eu, pour l’instant, d’effet sur la doctrine en assainissement pluvial, ni sur l’organisation du service.), qui a compétence pour l’assainissement urbain. Elles sont obligatoires depuis 2004 dans les nouveaux projets en application du règlement du service public d’assainissement (voir, par exemple, Grand Lyon, 2012[53]Grand Lyon. (2012). « Règlement d’assainissement du service public adopté par le conseil de communauté le 18 octobre 2004 (et révisé partiellement les 14 novembre 2005, 15 décembre 2008 et 19 mars 2012) », document technique.) et du plan local d’urbanisme – cette obligation ne concerne pas les projets d’aménagement étudiés, les décisions d’aménagement ayant été prises avant cette date (voir tableau 1). La plupart des techniques alternatives mises en œuvre dans l’agglomération sont paysagées et intègrent des parcs, des jardins publics, des squares et des rues (GRAIE, 2018[54]GRAIE. (2018). Observatoire Auvergne-Rhône-Alpes. Opérations exemplaires pour la gestion des eaux pluviales, version 5, octobre 2018, fiches techniques, GRAIE-Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse, Région Auvergne-Rhône-Alpes [En ligne). Elles prennent alors la forme de bassins en eau, de massifs, de pentes, de talus, de jets d’eau, de terrains de football, etc. (figures 1 et 2). De cette façon, elles sont en partie accessibles aux publics.

Figure 1. Un des bassins de rétention du parc technologique de Porte des Alpes, Saint-Priest (cliché : J.-Y. Toussaint, 2017).
Figure 2. Une noue (à gauche) dans le parc Bourlione, Corbas (cliché : J.-Y. Toussaint, 2013).
Tableau 1. Description synthétique des projets d’aménagement étudiés.

L’observation d’espaces publics intégrant des techniques alternatives montre que ces dispositifs suscitent des pratiques typiques des squares et des parcs : se promener, jouer, surveiller les enfants, faire du sport, pêcher, pique-niquer, bronzer, etc. Ces pratiques dépendent de la configuration des techniques. Par exemple, un bassin en eau tend à appeler plutôt des pratiques de bronzage, de pêche et de baignade ; un bassin sec enherbé des pratiques de promenade et de jeux d’enfants. La mobilisation des techniques alternatives par les publics (enfants, parents, sportifs, promeneurs, pêcheurs, etc.) dans leurs activités sociales ne semble pas leur poser de problème. Elle apparaît similaire à celle observée dans les espaces ordinaires (sans techniques alternatives) : elle actualise les mêmes règles d’usage. Cette utilisation est escomptée par les fabricants, qui y voient une acceptation de l’objet. Mais certaines pratiques peuvent s’avérer problématiques parce qu’elles débordent le programme fonctionnel des dispositifs : par exemple, l’empoissonnement des bassins en eau, la baignade, les jeux dans les noues et les bassins secs. Ces pratiques, inoffensives (ou presque) dans les espaces publics ordinaires, comportent des risques sanitaires dans les techniques alternatives, qui recueillent et traitent des eaux polluées. Pour limiter ces pratiques, les services en charge des techniques alternatives installent des panneaux rappelant l’interdiction d’y pénétrer, de s’y baigner et d’y pêcher ainsi que des barrières limitant physiquement leur accès – l’aspect paysagé des dispositifs est néanmoins préservé.

La localisation des techniques alternatives dans les espaces publics urbains est en partie liée à la question foncière. Outre les surfaces requises pour leur mise en œuvre, ces dispositifs impliquent, pour les promoteurs immobiliers et la Métropole de Lyon, des charges et des contraintes a priori différentes sur le marché foncier de celles du réseau d’assainissement. Ces différences apparaissent dans les discussions entre les acteurs des projets d’aménagement étudiés. Ainsi, dans le projet du parc Jacob Kaplan à Lyon, le promoteur accepte le recours aux techniques alternatives mais refuse leur implantation dans les parcelles privées. Il justifie sa position par les contraintes de gestion importantes qui pourraient peser sur les futurs acquéreurs et compromettraient la commercialisation des logements. Le Grand Lyon reprend son argument et accepte d’implanter ces techniques dans le jardin public. Cette préoccupation est aussi présente dans le projet du parc technologique de Porte des Alpes à Saint-Priest. Les techniques alternatives ne sont pas déployées dans les parcelles privées afin de ne pas pénaliser l’attractivité du parc pour les industriels (GRAIE, 2018[55]Op. cit.).

Une fois les techniques alternatives acquises dans les projets, les discussions se poursuivent sur la prise en charge de leur fonctionnement. Les collectivités locales (communes et Métropoles de Lyon), à qui revient très souvent cette prise en charge compte tenu de la situation des techniques alternatives dans le domaine public, apparaissent en difficultés. En effet, contrairement au réseau d’assainissement, ces dispositifs ne sont pas rattachés à une organisation dédiée, mais sont distribués entre plusieurs services et collectivités territoriales. Cette distribution est liée à leur caractère hybride : les techniques alternatives intègrent des éléments synthétiques (constructions, bâches, pompes, vannes, tuyaux, etc.) et des éléments de nature biologique (arbustes, plantes, gazon, etc.). Leur existence dépend ainsi de l’activité des services de l’assainissement, de la voirie et des espaces verts. Les collectivités territoriales restent structurées en « silos » (disciplinaires et d’expertises) et se partagent les compétences selon les principes de spécialité et d’exclusivité. Les espaces verts relèvent des communes ; les ouvrages hydrauliques et la voirie de la Métropole de Lyon. Dans ces conditions, des solutions spécifiques pour la gestion des techniques alternatives sont négociées à chaque aménagement. La Direction de l’eau de la Métropole de Lyon est souvent à la manœuvre. Si la commune accepte de prendre en charge une partie de la gestion des dispositifs, une convention est signée entre la commune et la Métropole de Lyon : elle régit la répartition des dispositifs entre les collectivités territoriales. Par exemple, les dispositifs techniques présents dans le parc Jacob Kaplan sont entretenus par la Métropole de Lyon (Direction de l’eau) et la ville de Lyon (service Espace verts). Dans le cas du parc technologique de la Porte des Alpes, la commune de Saint-Priest refuse de participer à l’entretien des dispositifs, qui incombe en totalité à la Métropole de Lyon. Celle-ci délègue cette tâche à des prestataires de service.

Des dispositifs de surveillance
pour respecter la réglementation

La mise en œuvre des dispositifs de surveillance des flux transitant par les réseaux d’assainissement commence à la fin des années 1990. Elle est due à une évolution réglementaire et la publication de l’arrêté du 22 décembre 1994. Cet arrêté institue une démarche d’autosurveillance des réseaux d’assainissement. Il s’inscrit dans un cadre réglementaire et législatif composé de textes européens et français portant sur les eaux urbaines résiduaires[56]Les eaux ménagères usées, le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles ou des eaux de ruissellement (art. 2 de la directive 92/271/CEE). dont la grande partie transite par les réseaux d’assainissement (tableau 2). Par ces textes, les autorités publiques visent à protéger les milieux récepteurs contre des pollutions liées aux rejets des eaux résiduaires urbaines par temps de pluie.

Tableau 2. Les textes réglementaires et législatifs encadrant la surveillance des réseaux d’assainissement.

D’après la réglementation, l’exploitant du réseau d’assainissement, ou à défaut la commune, met en œuvre la surveillance des réseaux d’assainissement : installation de capteurs dans les réseaux, mise en place de systèmes de télégestion et de logiciels d’analyse de données, réalisation de bilans réguliers. Ce dispositif de surveillance doit permettre de produire des données sur les flux transitant par les réseaux afin d’évaluer les rejets au milieu récepteur par temps de pluie. La réglementation définit les ouvrages à instrumenter (canalisations, déversoirs d’orages, stations d’épuration des eaux usées) et les paramètres à mesurer ou à estimer selon la quantité de pollution véhiculée (débits, charges polluantes). Elle fixe aussi les données à transmettre aux instances de contrôle (agence de l’eau et police de l’eau) ainsi que le format et les procédures de transmission. Les marges de manœuvre des collectivités territoriales apparaissent limitées : elles tiennent dans l’allocation des moyens, l’organisation des personnels et le choix des appareillages et des outils de mesure. Le déploiement des dispositifs de surveillance dans les agglomérations lyonnaise et nantaise passe ainsi par des organisations différentes (tableau 3). Dans les deux cas, il relève, au moment de l’enquête, de la collectivité territoriale (Métropole de Lyon et Nantes Métropole) et s’appuie sur une collaboration avec des laboratoires de recherche (en sciences pour l’ingénieur), notamment pour le traitement et l’exploitation des données recueillies.

Tableau 3. Description synthétique des dispositifs de surveillance des réseaux d’assainissement dans les agglomérations de Lyon et de Nantes (2016). Notes A[57]Par exemple, points de confluence de réseaux et tronçons à débordement fréquent. B[58]Qui ne sont pas gérés par l’équipe Métrologie réseau.

Dans l’agglomération lyonnaise, les dispositifs de surveillance sont gérés par une entité spécifique : l’équipe Métrologie réseau. Créée en 2000, cette équipe est rattachée à l’unité surveillance et pilotage des flux, qui dépend du service exploitation réseau de la Direction de l’eau. Elle est composée de huit personnes : un responsable, un responsable adjoint, deux chefs d’équipe et quatre agents. L’équipe a trois missions principales : conception et installation des dispositifs de surveillance (capteurs, armoires électriques et câblages) ; gestion et maintenance de ces dispositifs ; traitement et validation des données produites. Selon le type d’interventions à réaliser et le planning, ses membres se répartissent en deux ou plusieurs groupes. Les agents et les chefs d’équipe sont les plus présents sur le terrain ; le responsable adjoint peut participer à certaines opérations dans le réseau (vérification des sondes, intervention suite à une panne d’appareil).

Dans l’agglomération nantaise, les activités liées à la surveillance des réseaux d’assainissement relèvent d’une collaboration entre la Direction du Cycle de l’Eau (DCE) et les services de la Direction des Opérateurs Publics de l’Eau et de l’Assainissement (DOPEA). La DCE définit la stratégie de mise en œuvre des dispositifs de surveillance avec la DOPEA. Ces dispositifs sont ensuite gérés par des personnels relevant de trois services de la DOPEA : le service logistique (technicien logistique), le service exploitation équipement assainissement (électromécaniciens et techniciens métrologie) et le service exploitation réseau assainissement (égoutiers). Cette gestion consiste à assurer le bon état de marche des dispositifs de mesure et de transmission des données jusqu’au poste de supervision, à recueillir ces données et à les traiter. Les activités d’entretien et de vérification des dispositifs de mesure et de transmission concernent essentiellement les électromécaniciens et les égoutiers. La récupération et le traitement des données impliquent surtout les techniciens. L’ensemble de ces tâches tend à s’ajouter à celles qui étaient assignées aux personnels avant la mise en place de ces dispositifs.

Nos enquêtes se sont focalisées sur le traitement et l’exploitation des données par les collectivités territoriales et les autorités en charge de les contrôler (en particulier les agences de l’eau). Le traitement des données diffère entre les deux agglomérations. Dans l’agglomération lyonnaise, l’équipe Métrologie réseau traite chaque jour les données de la veille – sauf le lundi, où le personnel examine les données du vendredi et du week-end. Les données mauvaises ou douteuses[59]Chaque collectivité territoriale définit sa grille d’évaluation. Ces qualifications, propres à la Métropole de Lyon, dépendent de seuils établis pour chaque ouvrage. Elles sont différentes de celles utilisées par Nantes Métropole. sont reconstituées à partir de valeurs théoriques établies pour chaque ouvrage. Les valeurs produites par les capteurs ou reconstituées sont utilisées pour les bilans réglementaires. Ces bilans sont réalisés et envoyés à l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et à la police de l’eau par un autre service de la Direction de l’eau (l’unité programmation coordination). Leur examen par ces deux autorités reste sommaire : il consiste, par exemple, pour l’agence de l’eau, à vérifier l’absence de déversement dans le milieu récepteur par temps sec[60]Les moyens de l’agence se concentrent sur l’analyse des données issues des stations d’épuration des eaux usées.. Dans l’agglomération nantaise, le traitement des données est plus irrégulier que dans l’agglomération lyonnaise : il dépend de la disponibilité du technicien logistique. Les données non validées (données « mauvaises », « douteuses » et « non représentatives[61]Les données « non représentatives » correspondent aux périodes d’intervention des agents dans le réseau d’assainissement. ») ne sont pas reconstituées. Les bilans réglementaires sont établis par le technicien logistique. Au moment de l’enquête, celui-ci a cessé d’envoyer ces bilans à l’agence de l’eau Loire-Bretagne et à la police de l’eau en l’absence de retour de leur part sur les données. Cet arrêt n’a pas non plus suscité de réaction de leur part.

Diffusion des objets et difficultés rencontrées

Nos études de cas rendent compte de la manière dont les objets et leurs promoteurs enrôlent (ou pas) des organisations, des acteurs, des régimes d’action, d’autres objets, etc. pour constituer un milieu associé qui leur soit approprié. Elles montrent ainsi des objets qui se diffusent inégalement. La diffusion des techniques alternatives est relativement avancée en dépit de l’instabilité de l’organisation assurant leur gestion ; celle des dispositifs de surveillance apparaît plus fragile même si elle s’appuie sur un cadre réglementaire et législatif précis.

Les techniques alternatives
et la difficulté d’une organisation transversale

Les techniques alternatives paysagées se diffusent dans les espaces publics urbains de l’agglomération lyonnaise. Elles sont appréciées par une partie des publics (enfants, parents, promeneurs, pêcheurs, etc.) qui les mobilisent dans leurs activités quotidiennes (se promener, promener un chien, jouer, faire du vélo, pêcher, etc.). Cet intérêt des publics tiendrait à la capacité de ces techniques à constituer des moyens d’action équivalents, voire supérieurs, aux espaces publics urbains ordinaires. Par exemple, les bassins enherbés et les noues apparaissent moins spécialisés que les squares (avec leur mobilier urbain) et laissent aux enfants une grande liberté pour imaginer et réaliser leurs jeux. Leurs dénivelés en font aussi des pistes pour des vélos et particulièrement les bicross. Le maniement des techniques alternatives paysagées par les publics est facilité parce que ces objets actualisent les règles d’usage des espaces publics urbains ordinaires. Ainsi, les consignes données aux enfants par leurs accompagnateurs (parents ou autres) semblent identiques à celles des espaces ordinaires. Pour les publics, les techniques alternatives paysagées se confondent avec les autres objets de ces espaces (pelouses, bosquets, massifs, bassins, talus, etc.)[62]La situation des techniques alternatives non paysagées est autre : ces techniques sont très souvent clôturées et apparaissent aux publics comme des délaissés ou des installations techniques : de cette façon, elles appellent, parmi ces publics, peu de pratiques, excepté celles relevant de la gestion du service d’assainissement ou des pratiques de rejets (ordures, encombrants).. Dès lors, parce que ces deux séries d’objets ne sont pas les mêmes, quelques déconvenues apparaissent autour de la baignade et de la pêche, qui sont interdites dans les techniques alternatives.

Les principales difficultés soulevées par le déploiement des techniques alternatives paysagées sont organisationnelles. Ces objets sont toujours classés parmi les dispositifs innovants, qu’il faut promouvoir, à travers des guides et des journées techniques, auprès des acteurs de la gestion de l’eau urbaine (par exemple GRAIE, 2018[63]Op. cit. et Agence de l’eau RMC, 2014[64]Agence De L’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC). (2014). « Gestion des eaux pluviales. Osons désimperméabiliser les sols ! », plaquette Journée technique organisée par l’Agence de l’Eau RMC, 20 mai, Lyon.). Ils n’ont pas d’organisations associées stables. Les organisations présentes (notamment celles de la Métropole de Lyon et des communes) ont peu évolué depuis le développement de ces techniques. L’organisation de la gestion des techniques alternatives est toujours discutée et négociée dans les projets et repose encore sur des solutions au cas par cas. Bien que le recours à ces techniques soit devenu obligatoire depuis 2004 dans l’agglomération lyonnaise, aucune organisation transversale pérenne à même de les prendre en charge n’a été mise en place au sein des collectivités territoriales[65]L’expérience lyonnaise des espaces publics urbains des années 1990 et 2000 (Toussaint JY, Zimmermann M (dir.). (2001). User, observer, programmer et fabriquer l’espace public, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 290 p.) montre que ces difficultés ne sont pas insurmontables. Au début des années 1990, à l’initiative des élus, un service en charge de la requalification des espaces publics urbains a été créé au sein de la communauté urbaine de Lyon ; il récupérait le temps du projet l’ensemble des compétences relatives à l’aménagement des espaces publics (espaces verts, voirie, éclairage, eau, etc.).. Cette absence et les bricolages qu’elle implique rendent difficile la banalisation totale de ces objets.

Les dispositifs de surveillance des réseaux
et les limites de l’obligation réglementaire

Contrairement aux techniques alternatives, le déploiement des dispositifs de surveillance modifie l’organisation des services de l’eau. Cette modification varie selon les collectivités territoriales : création d’une entité spécifique au sein de la Direction de l’eau dans l’agglomération lyonnaise ; mise en place de coopérations entre directions chargées du service de l’eau dans l’agglomération nantaise. Ces nouvelles organisations impliquent une montée en compétences des personnels assurant le service. Les activités de surveillance sont généralement nouvelles pour les acteurs mobilisés. L’installation, la gestion et l’exploitation des dispositifs ont nécessité l’acquisition de connaissances, de compétences et de savoir-faire relatifs au maniement et à la vérification des sondes, à l’usage des bases de données et des logiciels d’exploitation, à l’interprétation et à l’évaluation des données, aux conditions de sécurité dans les réseaux, aux installations électriques, etc. Par exemple, avec l’expérience, l’analyse et la validation des données produites se font à partir de l’allure des courbes, qui permet d’accepter ou d’écarter certaines données. Ces apprentissages s’effectuent pour une part de manière empirique, seul, en échangeant avec des collègues ou en consultant la documentation technique[66]Un chef d’équipe lyonnais consigne ces connaissances empiriques et la documentation sur les outils dans un cahier.. Ils s’appuient pour l’autre part sur des formations continues et les formations initiales des acteurs (comme un baccalauréat en électronique). Les formations continues sont facultatives – sauf la formation sécurité, qui est exigée pour descendre dans les réseaux d’assainissement lyonnais et nantais. La majorité des personnels acceptent de les suivre ; dans les cas étudiés, un seul acteur a refusé une formation s’excluant de certaines tâches[67]En l’occurrence, la réalisation des armoires électriques., qui retombent alors en totalité sur les autres acteurs.

Les dispositifs de surveillance mis en œuvre permettent à la Métropole de Lyon et Nantes Métropole de respecter la réglementation en vigueur : production de données sur les flux, réalisation des bilans réglementaires et, pour Lyon, envoi aux instances de contrôle. Alors que les chercheurs et ces instances de contrôle soulignent les potentialités d’action contenues dans les dispositifs de surveillance, ceux-ci semblent fonctionner en mode dégradé ou non optimal. En dehors de la réalisation des bilans réglementaires, les données produites sont peu exploitées et peu valorisées par les services de l’eau des collectivités territoriales. Elles informent ces services sur l’état de leur réseau d’assainissement et son fonctionnement, mais ne débouchent pas sur de nouvelles pratiques de gestion, ni sur des mesures correctives pour l’amélioration de l’état des milieux récepteurs. Les enjeux environnementaux à l’origine de la réglementation sont ainsi quasi absents des pratiques observées et des discours recueillis[68]Voir aussi GRAIE, 2016 (op. cit.) ; Agence de l’eau Loire-Bretagne. (2015). « Mise en œuvre de l’autosurveillance des systèmes d’assainissement des collectivités et des industries. Équipements et contrôles », Orléans, Ed. Agence de l’Eau Loire-Bretagne, 101 p [En ligne. Le respect de la réglementation apparaît alors premier dans les activités de surveillance en cours. Cette limite résulte de difficultés liées aux moyens et aux personnels affectés à ces activités, en particulier dans l’agglomération nantaise et les instances de contrôle[69]Affectation qui dépend elle-même des moyens disponibles dans ces organisations dans un contexte de diminution ou de stabilisation des dépenses publiques.. La non-réaction de ces instances à l’absence d’envoi des bilans réglementaires par Nantes Métropole témoigne de ces difficultés : les instances n’ont pas les moyens de leur contrôle. Cette limite fragilise l’existence des dispositifs de surveillance mis en œuvre, en particulier dans l’agglomération nantaise[70]Voir aussi Ollagnon (2012, op. cit.)..

Conclusion : deux pistes pour améliorer
la banalisation des nouveaux objets de l’urbain

Nos études de cas montrent que la qualité intrinsèque des objets (qui est acquise pour les objets étudiés au moment de l’enquête) et un cadre réglementaire contraignant ne suffisent pas à la banalisation des objets et aux changements de pratiques. Pour leur diffusion, les techniques alternatives s’appuient sur des collectivités territoriales, les espaces publics urbains, leur organisation et leurs règles d’usage ainsi que sur le réseau d’assainissement et son organisation. Nous pouvons également ajouter, parmi leurs soutiens, des chercheurs, des laboratoires de recherche, des associations, les agences de l’eau, des entreprises et des bureaux d’études techniques. De cette manière, ces techniques s’intègrent dans des organisations, des activités sociales, des régimes axiologiques, des normes techniques, des marchés et d’autres objets, qui forment leur milieu associé et contribuent à des encastrements participant de la morphologie sociale. Ce faisant, les techniques alternatives se diffusent. Plus ces intégrations seront robustes, plus le milieu associé sera à même d’assurer leurs moyens d’existence, plus leur banalisation sera effective. L’étude sur les dispositifs de surveillance des réseaux souligne plus particulièrement le rôle des apprentissages pour développer des dispositions somato-cognitives pour manier et utiliser à bon escient ces dispositifs – dispositions qui participent aussi au milieu associé.

Si ces études de cas portent sur deux objets de spécialistes (peu connus en dehors des acteurs de l’assainissement urbain), elles permettent de réexaminer les difficultés de banalisation soulevées par de nouveaux objets à l’aune de leur rapport à la morphologie sociale existante et à ses encastrements. Il s’agit alors d’envisager des solutions pour remédier à ces difficultés dans les projets d’aménagement qui ne relèveraient pas d’un cadre contraignant, ni du déploiement de moyens de coercition. Pour cela, nous esquissons deux pistes : la première concerne les objets de l’urbain comme moyens d’action ; la seconde les conditions de l’action.

1) Le rôle des nouveaux objets dans l’action pourrait être mieux anticipé dans les projets. Les objets, actuels et futurs, seraient à évaluer au regard de leur offre en pratiques sociales, notamment les possibilités d’action qu’ils ouvrent ou ferment et des services qu’ils rendent ou ne peuvent pas rendre. Le problème à résoudre serait celui de l’appropriation des nouveaux objets aux activités quotidiennes : de quelles manières ces objets peuvent-ils remplacer les anciens dans ces activités – par exemple les techniques alternatives paysagées vs les espaces publics urbains ordinaires, les techniques alternatives vs le réseau d’assainissement ? Quels objets sont plus performants ?

2) En complément, les modes d’existence des nouveaux objets (conception, mise en œuvre, usage, destruction, etc.) pourraient être analysés de manière systématique afin de prendre en compte tous les encastrements impliqués (les organisations sociales, économiques et spatiales, les régimes de normes sociales et techniques, les autres objets, etc.). Il s’agirait d’anticiper la constitution d’un milieu associé approprié et donc les conditions d’une banalisation rapide des nouveaux objets et des changements urbains qui vont avec : par exemple, évolution des organisations, des régimes axiologiques et normatifs ou du nouvel objet, et moyens à mettre en œuvre pour ces évolutions.

Ces deux pistes d’action s’inscrivent dans des calendriers différents. La première piste se limite aux modes d’élaboration des objets et apparaît plus simple à mettre en œuvre. Elle pourrait s’appuyer sur une formation des acteurs de l’urbain à une meilleure prise en compte de l’offre en pratiques sociales contenue dans les objets (Toussaint et Vareilles, 2018[71]Toussaint JY, Vareilles S. (2018). « Enseigner l’urbanisme par les objets. Retour sur une expérience en école d’ingénieurs et à l’université », Territoire en mouvement, n° 39-40. [En ligne]. Disponible sur : http://journals.openedition.org/tem/4720). La seconde piste embrasse la totalité des encastrements mobilisés par ces objets et se révèle plus compliquée et plus longue à réaliser. Cependant, en raison de l’étendue et de la nature des crises en cours (environnementales, sociales, économiques, urbaines et politiques – voir entre autres Gemenne et Rankovic, 2019[72]Op. cit.), elle apparaît indispensable pour favoriser de nouveaux objets capables de prendre en charge ces crises. Elle impliquera sans doute des changements importants, voire radicaux, et concernera les systèmes de production, les organisations spatiales, le marché du foncier, les organisations du travail, celles de la famille, etc. (Flipo, 2014[73]Flipo F. (2014). Nature et politique. Contribution à une anthropologie de la modernité et de la globalisation, Paris, Éditions Amsterdam, 438 p.).

En les remettant au centre des projets d’aménagement urbain, ces pistes visent à réinterroger plus largement nos rapports aux objets et notre capacité à agir à travers eux : à quoi les objets servent-ils ? Pour qui sont-ils fabriqués ? Qui les utilise ? Quelles capacités d’action autorisent-ils ? À qui profitent-ils ? Pour quoi faire ? Contre qui ? Ce questionnement ouvre sur une approche critique et pratique de la technique et des objets. Il engage à reconsidérer les moyens d’émancipation, d’autonomie et de contrôle contenus dans les objets. Repris par les publics, il pourrait participer d’une réappropriation collective des objets (de leur fabrication et de leur usage) en faveur du plus grand nombre[74]Par exemple, sur le modèle des « objets conviviaux » d’I. Illich ((1973). La convivialité, Paris, Seuil, 158 p.). et contribuer à des sociétés potentiellement plus justes, non seulement sur le plan environnemental mais aussi sur les plans social, économique et politique.

Remerciements

Cet article reprend des recherches menées dans le cadre de trois programmes : ANR PRECODD 2008 « Systèmes extensifs pour la gestion et le traitement des eaux urbaines par temps de pluie (SEGTEUP) » (ANR-08-ECOT-Oox) ; « PREPARED Enabling Change », FP7 thème « ENV.2009.3.1.1.1 Adaptation of water supply and sanitation systems to cope with climate change », Work Area 6 « Towards an Adaptive Water Sensitive City Future » ; ANR-ECOTECH 2011 « Méthodologie et outils opérationnels de conception et de qualification de sites de mesures en réseau d’assainissement (MENTOR) ».


[1] Meadows DH, Meadows DL, Randers JB, William W. (1972). The limits to growth: a report for the Club of Rome’s projet on the predicament of mankind, New York, Universe Books, 205 p.

[2] Commission mondiale des Nations Unies sur l’environnement et le développement. (1987). Notre avenir à tous, Montréal, Les Éditions du fleuve, 438 p.

[3] Lorrain D, Halpern C, Chevauche C (dir.). (2018). Villes sobres. Nouveaux modèles de gestion des ressources, Paris, Les Presses de SciencesPo, 358 p.

[4] Frotey J, Castex E. (2018). « La transition énergétique par le véhicule électrique : analyse de deux modèles de gouvernance de projets d’électromobilité en Hauts-de-France. Le cas des ex-régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie (France) », Riurba, n° 5.

[5] Renauld V. (2012). « Fabrication et usage des écoquartiers français.Éléments d’analyse à partir des quartiers De Bonne (Grenoble), Ginko (Bordeaux) et Bottière-Chénaie (Nantes) », rapport de thèse de doctorat, INSA Lyon, 460 p.

[6] Flipo F. (2018). « Bientôt il sera trop tard. L’évolution de la pensée écologique des années 1980 à nos jours », Écologie & politique, n° 56, p. 119-132.

[7] Gemenne F, Rankovic A. (2019). Atlas de l’anthropocène, Paris, Les presses de Sciences Po, 158 p.

[8] Voir, par exemple, les expériences rapportées dans : Lorrain, Halpern, Chevauché, 2018 (op. cit.) ; Toussaint JY, Vareilles S, Baati S. (2016). « Analyse des conditions d’adoption d’une instrumentation intégrée. Le cas des collectivités territoriales Métropole de Lyon et Nantes Métropole », rapport de recherche pour le compte du programme de recherche ANR-ECOTECH 2011 « Méthodologie et outils opérationnels de conception et de qualification de sites de mesures en réseau d’assainissement (MENTOR) », 74 p. ; Raineau L. (2011). « Vers une transition énergétique ? », Natures Sciences Sociétés, n° 19, p. 133-143.

[9] Kopp A. (1975). Changer la vie, changer la ville, Paris, Union Générale d’Éditions, 502 p.

[10] Op. cit.

[11] Voir notamment l’histoire du « tout-à-l’égout » (Dupuy et Knaebel, 1992, op. cit. ; Guerrand RH. (1992). Mœurs citadines. Histoire de la culture urbaine xixe-xxe siècles, Paris, Quai Voltaire, 240 p.).

[12] Les pratiques désignent les modalités par lesquelles s’effectuent les activités sociales (travailler, se déplacer, éduquer, habiter, etc.) ; elles sont réglées par les usages, qui définissent ce qui est convenable et inconvenant de faire dans une situation donnée (au travail, à la maison, dans l’espace public urbain, etc.). Si les activités sociales évoluent peu, les pratiques varient dans le temps et selon les sociétés, les groupes et les classes sociales.

[13] Mauss M. (2001) [1904-1905]. « Essai sur les variations saisonnières des sociétés eskimos. Étude morphologie sociale », dans Sociologie et Anthropologie, Paris, PUF, p. 389-477.

[14] Simondon G. (1989) [1958]. Du monde d’existence des objets techniques, Paris, Aubier, 333 p.

[15] Gorz A. (1973). « L’idéologie sociale de la bagnole », Le Sauvage, n° septembre-octobre [En ligne].

[16] Latour B. (1992). Aramis ou l’amour des techniques, Paris, La Découverte, 241 p.

[17] Akrich M. (1987). « Comment décrire les objets techniques ? », Techniques & Culture, n° 9, p. 49-64.

[18] Rabardel P. (1995). Les hommes et les technologies. Approches cognitives des instruments contemporains, Paris, Armand Colin, 239 p.

[19] Guillerme A. (1983). Les temps de l’eau. La cité, l’eau et les techniques. Nord de la France. Fin iiie -début xixe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 259 p.

[20] Ainsi, un caillou choisi pour faire des ricochets dans l’eau relève de cette catégorie.

[21] Voir aussi les travaux de Lehec É. (2019). « Vers un service composite de gestion du métabolisme urbain. Ce que compostage industriel et compostage en pied d’immeuble ont en partage », Flux, n° 116-117, p. 95-111.

[22] Op. cit.

[23] Une société peut relever de plusieurs morphologies sociales, comme la société inuite étudiée par M. Mauss.

[24] Dupuy G. (1978). Urbanisme et technique. Chronique d’un mariage de raison, Paris, Centre de recherche d’urbanisme, 420 p.

[25] La notion d’encastrement est reprise des travaux de K. Polanyi ((1983), [1944]. La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 419 p.) sur les rapports entre société et économie.

[26] Op. cit.

[27] Voir, par exemple, Gorz (1973, op. cit.) pour l’objet « automobile ».

[28] Cette approche rejoint en partie la démarche holiste défendue par A. Morel-Brochet et N. Otar ((2014). « Introduction. Les modes d’habiter à l’épreuve de la durabilité », Norois, n° 231, p. 7-12) pour analyser la mise en œuvre du développement durable.

[29] Sigaut F. (2012). Comment Homo devint faber. Comment l’outil fit l’homme, Paris, CNRS Éditions, 236 p.

[30] Toussaint JY. (2009). « Usages et techniques », dans Stebe JM, Marchal H (dir.), Traité sur la ville, Paris, PUF, p. 461-512.

[31] Toussaint JY, Vareilles S. (2010). « Handicap et reconquête de l’autonomie. Réflexions autour du rapport entre convivialité des objets et autonomie des individus. Le cas des dispositifs techniques et spatiaux de l’urbain », Geographica Helvetica, n° 65, p. 249-256.

[32] Op. cit.

[33] Op. cit.

[34] Gibson JJ. (2014) [1979]. Approche écologique de la perception visuelle, Bellevaux, Dehors, 528 p.

[35] Norman DA. (1999). « Affordances, Conventions and Design », Interactions, n° 16, p. 38-42.

[36] Op. cit.

[37] Léger JM. (2006). Yves Lion. Logements avec architecte, Grâne, Creaphis, 269 p.

[38] Op. cit.

[39] Pour une description plus complète de ces objets, voir ci-dessousle chapitre « Mise en œuvre des techniques alternatives et des dispositifs de surveillance des réseaux dans les agglomérations lyonnaise et nantaise ».

[40] Barroca B, Serre D, Diab Y et al. (2010) « Comment la forme urbaine peut-elle compléter le réseau d’assainissement pluvial ? De la maîtrise des écoulements lors des évènements exceptionnels à la gestion des pollutions », 7e Conférence Novatech, Lyon, 27 juin-1er juillet 2010 [En ligne].

[41] GRAIE. (2016). Guide sur l’autosurveillance des réseaux d’assainissement. Recueil des outils et recommandations produits par le groupe de travail régional, 122 p [En ligne].

[42] Ollagnon B. (2012). « Autosurveillance des réseaux d’assainissement sur le bassin Loire-Bretagne. Bilan des 10 années d’accompagnement des projets », TSM, n° 1/2, p. 30-34.

[43] Toussaint JY, Vareilles S. (2013). « Les conditions de réception des systèmes extensifs de gestion des eaux urbaines. L’exemple des pilotes de Craponne et du prototype de Marcy-l’Étoile. 1 : cadre d’analyse et premières enquêtes (2009-2011) », rapport de recherche pour le compte du programme ANR PRECODD 2008 « Systèmes extensifs pour la gestion et le traitement des eaux urbaines par temps de pluie (SEGTEUP) », EVS-INSA de Lyon, 37 p. ; Ah Leung S, Toussaint JY, Vareilles S. (2013). « Les conditions de réception des systèmes extensifs de gestion des eaux urbaines. L’exemple des pilotes de Craponne et du prototype de Marcy-l’Étoile. 2 : Les études de cas (2011-2013) », rapport de recherche pour le compte du programme ANR PRECODD 2008 « Systèmes extensifs pour la gestion et le traitement des eaux urbaines par temps de pluie (SEGTEUP) », EVS-INSA de Lyon, 41 p. ; Patouillard C, Toussaint JY, Vareilles S. (2014). « Climate Changes and Resistance to Change.Initial Considerations Based on a Study of the Diffusion of Stormwater Drainage “Alternative Techniques” and Sustainable Urban Drainage Systems – 1970-2010. The Cases of the Lyon Conurbation and Wales », rapport final pour le compte du programme « PREPARED Enabling Change », FP7 thème « ENV.2009.3.1.1.1 Adaptation of water supply and sanitation systems to cope with climate change », Work Area 6 « Towards an Adaptive Water Sensitive City Future », EVS-INSA Lyon, 63 p. ; Toussaint JY, Vareilles S, Baati S. (2016). « Analyse des conditions d’adoption d’une instrumentation intégrée. Le cas des collectivités territoriales Métropole de Lyon et Nantes Métropole », rapport de recherche pour le compte du programme de recherche ANR-ECOTECH 2011 « Méthodologie et outils opérationnels de conception et de qualification de sites de mesures en réseau d’assainissement (MENTOR) », EVS-INSA de Lyon, 74 p.

[44] Que ces activités relèvent de la fabrication ou de l’usage du service d’assainissement.

[45] Si les consortiums de recherche différaient entre les programmes, les questions qui nous étaient posées étaient assez semblables, et le rapprochement de ces enquêtes est apparu pertinent.

[46] Par publics, nous entendons l’ensemble des individus qui mobilisent les espaces publics urbains pour leurs activités sociales : piétons, automobilistes, commerçants, habitants, citoyens, salariés, agents des collectivités territoriales, aménageurs, élus, etc. – selon leur emploi du temps, les individus passent d’un groupe à l’autre (Toussaint JY, Vareilles S, Zimmermann M. (2007). « Objets et usages de l’espace public dans les pratiques de concertation », dans Tsiomis Y, Ziegler V (dir.), Anatomie des projets urbains. Bordeaux, Lyon, Rennes, Strasbourg, Paris, Éditions de la Villette, p. 133-144 ; Lahire B. (2001) [1998]. L’homme pluriel. Les ressorts de l’action, Paris, Nathan, 271 p.). Par commodité, nous regroupons l’ensemble des individus qui participent à la fabrication des espaces publics et de la ville sous le vocable « fabricants ».

[47] Outre le parc Jacob Kaplan et celui de Porte des Alpes, le parc Bourlione à Corbas et les chemins de la Beffe et du Godefroy à Dardilly.

[48] Dupuy G, Knaebel G. (1982). Assainir la ville hier et aujourd’hui, Paris, Dunod, 92 p.

[49] Chatzis K. (2000). La pluie, le métro et l’ingénieur. Contribution à l’histoire de l’assainissement et des transports urbains (XIXe-XXe siècles), Paris, L’Harmattan, 216 p.

[50] En effet, par temps de pluie, si les flux transitant par les réseaux d’assainissement dépassent la capacité des canalisations, les eaux surnuméraires sont rejetées, sans traitement, dans les milieux récepteurs, via des déversoirs d’orage.

[51] Sur le déploiement des techniques alternatives, voir aussi Barles S, Thebault E. (2018). « Des réseaux aux écosystèmes : mutation contemporaine des infrastructures urbaines de l’eau en France », Tracés. Revue de Sciences humaines, n° 35 [En ligne].

[52] La Métropole de Lyon récupère sur son territoire les compétences du conseil général du Rhône et du Grand Lyon. Ce changement institutionnel n’a pas eu, pour l’instant, d’effet sur la doctrine en assainissement pluvial, ni sur l’organisation du service.

[53] Grand Lyon. (2012). « Règlement d’assainissement du service public adopté par le conseil de communauté le 18 octobre 2004 (et révisé partiellement les 14 novembre 2005, 15 décembre 2008 et 19 mars 2012) », document technique.

[54] GRAIE. (2018). Observatoire Auvergne-Rhône-Alpes. Opérations exemplaires pour la gestion des eaux pluviales, version 5, octobre 2018, fiches techniques, GRAIE-Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse, Région Auvergne-Rhône-Alpes [En ligne].

[55] Op. cit.

[56] Les eaux ménagères usées, le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles ou des eaux de ruissellement (art. 2 de la directive 92/271/CEE).

[57] Par exemple, points de confluence de réseaux et tronçons à débordement fréquent.

[58] Qui ne sont pas gérés par l’équipe Métrologie réseau.

[59] Chaque collectivité territoriale définit sa grille d’évaluation. Ces qualifications, propres à la Métropole de Lyon, dépendent de seuils établis pour chaque ouvrage. Elles sont différentes de celles utilisées par Nantes Métropole.

[60] Les moyens de l’agence se concentrent sur l’analyse des données issues des stations d’épuration des eaux usées.

[61] Les données « non représentatives » correspondent aux périodes d’intervention des agents dans le réseau d’assainissement.

[62] La situation des techniques alternatives non paysagées est autre : ces techniques sont très souvent clôturées et apparaissent aux publics comme des délaissés ou des installations techniques : de cette façon, elles appellent, parmi ces publics, peu de pratiques, excepté celles relevant de la gestion du service d’assainissement ou des pratiques de rejets (ordures, encombrants).

[63] Op. cit.

[64] Agence De L’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC). (2014). « Gestion des eaux pluviales. Osons désimperméabiliser les sols ! », plaquette Journée technique organisée par l’Agence de l’Eau RMC, 20 mai, Lyon.

[65] L’expérience lyonnaise des espaces publics urbains des années 1990 et 2000 (Toussaint JY, Zimmermann M (dir.). (2001). User, observer, programmer et fabriquer l’espace public, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 290 p.) montre que ces difficultés ne sont pas insurmontables. Au début des années 1990, à l’initiative des élus, un service en charge de la requalification des espaces publics urbains a été créé au sein de la communauté urbaine de Lyon ; il récupérait le temps du projet l’ensemble des compétences relatives à l’aménagement des espaces publics (espaces verts, voirie, éclairage, eau, etc.).

[66] Un chef d’équipe lyonnais consigne ces connaissances empiriques et la documentation sur les outils dans un cahier.

[67] En l’occurrence, la réalisation des armoires électriques.

[68] Voir aussi GRAIE, 2016 (op. cit.) ; Agence de l’eau Loire-Bretagne. (2015). « Mise en œuvre de l’autosurveillance des systèmes d’assainissement des collectivités et des industries. Équipements et contrôles », Orléans, Ed. Agence de l’Eau Loire-Bretagne, 101 p [En ligne].

[69] Affectation qui dépend elle-même des moyens disponibles dans ces organisations dans un contexte de diminution ou de stabilisation des dépenses publiques.

[70] Voir aussi Ollagnon (2012, op. cit.).

[71] Toussaint JY, Vareilles S. (2018). « Enseigner l’urbanisme par les objets. Retour sur une expérience en école d’ingénieurs et à l’université », Territoire en mouvement, n° 39-40. [En ligne]. Disponible sur : http://journals.openedition.org/tem/4720

[72] Op. cit.

[73] Flipo F. (2014). Nature et politique. Contribution à une anthropologie de la modernité et de la globalisation, Paris, Éditions Amsterdam, 438 p.

[74] Par exemple, sur le modèle des « objets conviviaux » d’I. Illich ((1973). La convivialité, Paris, Seuil, 158 p.).