frontispice

Atterrissage forcé
La circulation transnationale
et la territorialisation locale
du Transit-Oriented Development (TOD)

• Sommaire du no 6

Olivier Roy-Baillargeon University of Waterloo, Canada

Atterrissage forcé : la circulation transnationale et la territorialisation locale du Transit-Oriented Development (TOD), Riurba no 6, juillet 2018.
URL : https://www.riurba.review/article/06-modeles/tod/
Article publié le 1er juil. 2018

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Olivier Roy-Baillargeon
Article publié le 1er juil. 2018
  • Abstract
  • Résumé

Forced landing: The transnational propagation and local translation of Transit-Oriented Development (TOD)

This article illustrates how Transit-Oriented Development (TOD) has become a circulating and dominant model in urban planning and how its transnational propagation and its local translation influence (sub)urban planning and governance. Through an exhaustive literature review and a brief case study, it documents the tools and processes by which TOD “circulators” stage and market it, negotiate and adapt it, live and tell it, and finally attempt and share it. It offers a conceptual reflection on the tension between global standardisation and local differentiation exacerbated by the adoption and adaptation of circulating models.

Cet article illustre comment le Transit-Oriented Development (TOD) a acquis le statut de modèle circulant et dominant en urbanisme, puis comment sa propagation transnationale et sa territorialisation locale influencent la planification et la gouvernance (sub)urbaines. Par une recension exhaustive des écrits et une brève étude de cas, il documente les outils et les processus par lesquels les « circulateurs » du TOD le mettent en scène et le marchandisent, le négocient et l’adaptent, le vivent et le racontent, et enfin le tentent et le partagent. Il offre ainsi une réflexion conceptuelle sur la tension entre standardisation globale et différenciation locale qu’exacerbent l’adoption et l’adaptation des modèles circulants.

Cet encadré technique n’est affiché que pour les administrateurs
post->ID de l’article : 4058 • Résumé en_US : 4069 • Résumé fr_FR : 4066 •

Introduction

Tant en Amérique du Nord qu’en Europe, les autorités publiques peinent à surmonter les obstacles structurels à la mise en œuvre du développement durable sur leur territoire. Afin d’y parvenir, elles se tournent de plus en plus vers l’étranger pour identifier de bonnes pratiques urbanistiques à mettre au banc d’essai (Thomas et Bertolini, 2015[1]Thomas R, Bertolini L. (2015). « Policy transfer among planners in transit-oriented development », Town Planning Review, n° 86(5), p. 537-560.). Parmi ces pratiques, le concept de Transit-Oriented Development (TOD) domine aujourd’hui le radar des décideurs et des planificateurs d’un nombre sans cesse croissant de villes et d’agglomérations sur tous les continents. Il émane de l’édiction, par l’architecte et « nouvel » urbaniste états-unien Peter Calthorpe (1993[2]Calthorpe P. (1993). The next American metropolis: ecology, community and the American dream, New York, Princeton Architectural Press.), de principes d’aménagement de nouvelles banlieues plus denses, mixtes et axées sur le transport collectif.

La mise en œuvre du TOD requiert la coordination de parties prenantes de divers échelons, fonctions et juridictions au fil du temps long. Cette complexité inhérente limite la transférabilité tant de la théorie qui le sous-tend que des pratiques qu’il sous-entend (Thomas et al., 2018[3]Thomas R, Pojani D, Lenferink S et al. (2018). « Is transit-oriented development (TOD) an internationally transferable policy concept? », Regional Studies, n° 59(9), p. 1201-1213.). Comment le modèle du TOD circule-t-il à l’échelle planétaire ? Comment se territorialise-t-il à l’échelle locale ? Quels bienfaits et enjeux potentiels ces deux processus complémentaires présentent-ils pour la planification et la gouvernance (sub)urbaines ?

Cet article offre un éclairage théorique et empirique novateur sur deux dimensions de la circulation du TOD par l’entremise d’une réflexion critique sur le concept et d’une illustration empirique de sa contextualisation. Dans un premier temps, il recense les écrits récents sur la trajectoire du TOD au sein de la diffusion des pratiques urbanistiques à deux fins successives.

Il fait d’abord écho à l’enjeu épistémologique de déterminer ce qu’il convient de considérer comme un modèle aujourd’hui. Pour ce faire, il met en lumière comment le concept de TOD a acquis son statut de modèle circulant. Il offre ainsi une réflexion conceptuelle sur la tension entre adoption et adaptation des modèles étrangers.

Il fait ensuite écho à l’enjeu cognitif d’identifier les canaux de la circulation des modèles. Pour ce faire, il met en lumière les contextes depuis, entre et vers lesquels, ainsi que les acteurs, les outils et les processus par l’entremise desquels le TOD circule. Il offre ainsi une autre réflexion conceptuelle sur la tension entre standardisation globale et différenciation locale qu’exacerbe cette circulation.

Dans un deuxième temps, cet article détaille le processus par lequel les décideurs et les planificateurs suburbains du Grand Montréal se sont appropriés le concept de TOD pour infléchir les dynamiques de transport et d’aménagement de la région métropolitaine. Il offre pour ce faire une étude de cas mobilisant l’analyse thématique de cinq sources documentaires : (1) les documents de planification régionale adoptés entre 1973 et 2013 ; (2) les 359 avis et mémoires soumis en 2011 par des municipalités locales et régionales, des ministères, des organisations de la société civile et des citoyens en réaction à un projet de plan métropolitain dont le TOD constitue la pierre angulaire ; (3) les comptes-rendus d’observation directe de 80 heures d’audiences de consultation publique, de conférences de presse et de forums tenus en 2011 et 2012 entourant la conception, la mise en débat et l’adoption de ce plan ; (4) les 361 articles de journaux publiés en 2011 et 2012 relatant la position des parties prenantes de la région face à ce plan ; et (5) des entretiens semi-structurés réalisés en 2013 et 2014 avec 26 élus, planificateurs et promoteurs immobiliers associés à sa mise en œuvre.

Cette étude de cas analyse les outils et les processus par lesquels les « circulateurs » grand-montréalais ont mis en scène et marchandisé, puis négocié et adapté, ensuite vécu et raconté, et enfin tenté et partagé le TOD. Elle montre comment l’adaptation du concept au contexte suburbain du Grand Montréal a procédé par la négociation politique de sa définition, de ses objectifs, de sa portée, de ses modes d’application, de son potentiel de transformation des pratiques planificatrices et de l’ampleur de ses impacts escomptés sur le façonnement des environnements bâtis et des comportements de mobilité suburbains.

Pour remonter en généralités les leçons tirées de ce cas, cet article se conclut par une discussion de la signification des processus concomitants et complémentaires de circulation transnationale et d’adaptation locale de tels modèles pour l’avenir de la pratique de l’urbanisme et de la fabrique politique urbaine.

Le TOD, de concept à modèle

Calthorpe (1993[4]Op. cit.) définit l’incarnation du TOD comme un quartier aménagé dans un rayon moyen de 610 mètres autour d’un pôle commercial et d’une station de transport collectif. Au sein de ce quartier, les résidences, les commerces, les bureaux ainsi que les espaces ouverts et publics se côtoient dans un environnement propice à la marche. Cette compacité et cette mixité permettent aux résidents et aux employés de se déplacer facilement à pied, à vélo, en transport collectif ou en voiture.

Thomas et Bertolini (2014[5]Op. cit.) définissent quant à eux le concept dans une perspective axée sur le processus de planification du TOD plutôt que sur les environnements bâtis et les comportements de déplacement qu’il génère ou altère. Ils le conçoivent comme la mise en œuvre régionale d’un modèle de transport et d’aménagement qui maximise la commodité, la désirabilité et l’efficacité des transports actifs et collectifs, en concentrant le développement immobilier autour des stations.

Cet article adopte également cette conception pour deux raisons : d’abord, elle recadre le TOD comme un processus de planification dynamique, plutôt que comme un résultat statique ; ensuite, elle insiste sur sa caractérisation par des relations politiques. Il considère le concept comme un instrument de politique publique explicite, plutôt que comme un incitatif dépendant de la bonne volonté des élus et des urbanistes.

Cet article conçoit le TOD comme un programme régional, plutôt qu’une tentative locale, visant deux objectifs en cascade : (1) faire évoluer le façonnement des environnements bâtis et des comportements de déplacement vers la durabilité ; et (2) surmonter le modèle de développement régional dominant du suburbanisme dispersé, façonné par et pour la voiture à l’échelle des agglomérations.

Généralisation nord-américaine

Depuis le tournant de la Seconde Guerre mondiale, la conjonction de politiques publiques et d’interventions privées a fermement ancré le suburbanisme dispersé à la périphérie des agglomérations d’Amérique du Nord. Dans une dynamique de dépendance au sentier, les décisions à l’échelle macro, telles que les investissements publics massifs dans le développement autoroutier et l’assurance hypothécaire, ont créé un contexte pour les décisions subséquentes à l’échelle micro, telles que l’acquisition de voitures et de maisons unifamiliales en banlieue.

À leur tour, ces décisions à l’échelle micro constituent des décisions à l’échelle macro pour d’autres décisions à l’échelle micro en établissant leur trajectoire et en influençant fortement ce qui en découle — des décisions collectives, telles que l’aménagement et le développement du territoire basé sur l’accessibilité des banlieues en voiture, aux actions individuelles quotidiennes, telles que la consommation des biens ménagers et l’automobilité (Filion, 2014[6]Filion P. (2014). « The creation and perpetuation of an automobile-oriented urban form: Dispersed suburbanism in North America », dans Moraglio M, Kopper C (dir.), The organization of transport: a history of users, industry, and public policy, London, Routledge, p. 173-194.).

Chaque composante de cette dynamique circulaire contribue à écarter d’emblée toute possibilité d’y déroger. Élus et urbanistes contemporains doivent composer avec ce lourd héritage qui limite le succès de leurs tentatives de transformation durable de l’urbanisme et de la mobilité de leur ville ou de leur agglomération.

Depuis le tournant des années 2000, la plupart des agglomérations nord-américaines ont adopté des visions stratégiques imprégnées du discours mondial sur le développement et la mobilité durables. Ces déclarations fixent des objectifs aussi ambitieux que vagues, comme celui de devenir la ville la plus « verte » du pays ou même du monde, d’ici à 2040. Un écart de mise en œuvre croissant persiste entre les intentions de ces stratégies et l’évolution du transport et de l’aménagement dans ces régions. Depuis l’adoption de ces visions, la consommation d’espace et d’essence par habitant s’est plutôt accélérée (Filion, 2010[7]Filion P. (2010). « Reorienting Urban Development? Structural Obstruction to New Urban Forms », International Journal of Urban and Regional Research, n° 34(1), p. 1-19. ; Nazarnia, Schwick et Jaeger, 2016[8]Nazarnia N, Schwick C, Jaeger JA. (2016). « Accelerated urban sprawl in Montreal, Quebec City, and Zurich: Investigating the differences using time series 1951-2011 », Ecological Indicators, n° 60, January, p. 1229-1251.).

Ces visions ambitieuses traduites en instruments de politique publique et en règlements d’urbanisme inspirés des courants de la croissance intelligente et du nouvel urbanisme freinent très rarement le suburbanisme dispersé (Filion 2003[9]Filion P. (2003). « Towards smart growth? The difficult implementation of alternatives to urban dispersion », Canadian Journal of Urban Research/Revue canadienne de recherche urbaine, n° 12(1), p. 48-70.). Les villes limitent généralement la matérialisation de ces visions à la multiplication de projets locaux de densification de zones historiquement dispersées, qui sont habituellement contrecarrés par des résistances politiques et populaires (Filion et McSpurren, 2007[10]Filion P, McSpurren K. (2007). « Smart growth and development reality: The difficult co-ordination of land use and transport objectives », Urban Studies, n° 44(3), p. 501-523.). En vertu de leur formation à l’enseigne de la durabilité, les planificateurs acculturés à ces idéaux s’efforcent de leur donner vie dans le cadre de leurs fonctions mais se butent à des obstacles majeurs principalement liés à l’institutionnalisme et à la dépendance au sentier (Filion et al., 2015[11]Filion P, Lee M, Leanage N, Hakull K. (2015). « Planners’ perspectives on obstacles to sustainable urban development: Implications for transformative planning strategies », Planning Practice & Research, n° 30(2), p. 202-221.).

Vingt-cinq années de recherche révèlent à l’unisson que les tentatives de mise en œuvre de ces stratégies axées sur le TOD demeurent difficiles, fragmentaires, incohérentes, inaptes à accroître tant les densités que l’usage du transport collectif et incapables de freiner la dynamique dominante du suburbanisme dispersé (Curtis, 2012[12]Curtis C. (2012). « Delivering the “D” in transit-oriented development: Examining the town planning challenge », Journal of Transport and Land Use, n° 5(3), p. 83-99. ; Filion, 2012[13]Filion P. (2012). « Evolving suburban form: Dispersion or recentralization? », Urban Morphology, n° 16(2), p. 101-119. ; Switzer, Janssen-Jansen et Bertolini, 2013[14]Switzer A, Janssen-Jansen LB, Bertolini L. (2013). « Inter-actor trust in the planning process: The case of transit-oriented development », European Planning Studies, n° 21(8), p. 1153-1175.). L’augmentation des densités et celle de l’usage du transport collectif seraient même mutuellement exclusives (Cervero et Dai, 2014[15]Cervero R, Dai D. (2014). « BRT TOD: Leveraging transit oriented development with bus rapid transit investments », Transport Policy, n° 36, November, p. 127-138. ; Mees, 2014[16]Mees P. (2014). « TOD and Multi-modal Public Transport », Planning Practice & Research, n° 29(5), p. 461-470.).

Dans ce contexte, le caractère pragmatique du TOD apparaît salutaire. Le concept n’est en effet ni révolutionnaire ni même novateur. Calthorpe (1993[17]Op. cit.) admet d’emblée dans son manifeste que ses principes représentent simplement un retour aux objectifs intemporels de ce que l’urbanisme offre de meilleur à trois égards. En premier lieu, les abords des gares y sont sensiblement plus denses que la banlieue environnante. En deuxième lieu, ils offrent un accès facilité aux commerces, aux emplois et aux services de proximité. En troisième lieu, ils capitalisent sur la proximité du transport collectif pour en favoriser l’usage. Ce retour à l’idéal du passé est aussi caractéristique du modèle du « nouvel » urbanisme, duquel émerge le TOD. Il convient ainsi plutôt de qualifier ce mouvement de « néo-traditionnel », pour cette raison (Ouellet, 2006[18]Ouellet M. (2006). « Le smart growth et le nouvel urbanisme : synthèse de la littérature récente et regard sur la situation canadienne », Cahiers de géographie du Québec, n° 50(140), p. 175-193.).

Propagation transnationale

Les décideurs et les planificateurs nord-américains conçoivent le TOD comme un antidote pragmatique aux chimères du suburbanisme dispersé, et ils sont chaque année plus nombreux à s’en convaincre. Depuis son apparition sur leur radar en 1993, il est devenu l’un des concepts urbanistiques les plus largement vantés, diffusés, adoptés et étudiés à l’échelle planétaire. De San Diego à Perth et de Rotterdam à Taipei, d’innombrables villes articulent leurs plans de transport et d’aménagement autour du concept. La recentralisation et la densification axée sur les nœuds et les corridors de transport collectif constituent la pierre angulaire de presque toutes les stratégies régionales nord-américaines (Filion, Kramer et Sands, 2016[19]Filion P, Kramer A, Sands G. (2016). « Recentralization as an alternative to urban dispersion: Transformative planning in a neoliberal societal context », International Journal of Urban and Regional Research, n° 40(3), p. 658-678.).

Que le TOD domine l’urbanisme nord-américain contemporain n’a pas de quoi surprendre. Qu’un éventail de plus en plus vaste de métropoles européennes tente aujourd’hui de réorienter leur croissance (sub)urbaine en fonction de ce concept constitue toutefois une énigme, pour ne pas dire un paradoxe. Le TOD représente pour l’essentiel une actualisation nord-américanisée du modèle de développement urbain axé sur les transports collectifs conçu et appliqué en Europe de l’Ouest depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Dans les régions métropolitaines danoises et suédoises, le développement de l’habitat, du commerce et de l’emploi s’effectue autour de stations et le long de lignes de train régional et de métro depuis plusieurs décennies. En font par exemple foi le Fingerplanen adopté à Copenhague en 1947 et les villes-satellites de la région métropolitaine de Stockholm développés entre 1950 et 1968 (Bertolini, Curtis et Renne, 2012[20]Bertolini L, Curtis C, Renne J. (2012). « Station area projects in Europe and beyond: Towards transit oriented development? », Built Environment, n° 38(1), p. 31-50. ; Cervero, 1995[21]Cervero R. (1995). « Sustainable new towns: Stockholm’s rail-served satellites », Cities, n° 12(1), p. 41-51.). Vällingby, en banlieue de cette dernière, en constitue l’exemple le plus caractéristique et réussi (Mees, 2014[22]Op. cit.).

Les villes nouvelles de Grande-Bretagne et de la région parisienne ont également été conçues et aménagées afin de canaliser le développement suburbain le long de corridors de transport collectif. Les principes de la focalisation du développement urbain autour de stations de train et le long de corridors ferroviaires y étaient déjà bien établis dans les années 1920 (Haywood, 2005[23]Haywood R. (2005). « Co-ordinating urban development, stations and railway services as a component of urban sustainability: An achievable planning goal in Britain? », Planning Theory & Practice, n° 6(1), p. 71-97.). Des exemples de TOD peuvent être trouvés au Royaume-Uni (Manchester et Altrincham and South Junction Railway) et même aux États-Unis (autour du métro de New York) dès le milieu du XIXe siècle (Knowles, 2012[24]Knowles RD. (2012). « Transit oriented development in Copenhagen, Denmark: From the Finger Plan to Ørestad », Journal of Transport Geography, n° 22, May, p. 251-261.).

Des concepts alternatifs et préalables au TOD ont également été développés et appliqués en Europe de l’Ouest plusieurs décennies avant que Calthorpe popularise le concept. L’Allemagne et la Suisse métropolitaines constituent à plusieurs égards les produits de politiques nationales de « décentralisation concentrée » déployées dans les années 1970 et 1980. Ces politiques de la ville compacte et polynucléaire visaient à éviter l’hyperconcentration des activités au cœur des agglomérations ainsi que les problèmes de congestion routière et de saturation des transports collectifs qui y sont associés. Elles procédaient par la constitution ou la consolidation de pôles secondaires mixtes et compacts autour des nœuds principaux de transport collectif (Rey et Lufkin, 2015[25]Rey E, Lufkin S. (2015). Des friches urbaines aux quartiers durables, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes.).

Le concept de « décentralisation concentrée » a été proposé dès les années 1930 par l’architecte et homme politique suisse Armin Meili et officialisé à l’échelle de la Confédération helvétique dans son schéma directeur de 1973. Les autorités suisses entreprirent de développer et de connecter une armature de centres urbains secondaires afin d’éviter l’hyperconcentration démographique et économique dans les villes principales du pays (Salomon Cavin, 2004[26]Salomon Cavin S. (2004). « La Suisse urbaine : entre ubiquité et absence », EspacesTemps.net.). Ce concept constitue également le principe clé du Programme directeur de l’aménagement du territoire luxembourgeois, édicté en 2003 afin d’équilibrer le développement du pays en compensant la domination de la capitale aux mêmes chapitres (Chilla et Schulz, 2012[27]Chilla T, Schulz C. (2012). « L’aménagement du territoire au Luxembourg : défis, objectifs et instruments d’une politique émergente », Revue géographique de l’est, n° 52, p. 3-4.).

Par ailleurs, la propagation récente du TOD aux Pays-Bas (Bertolini, Curtis et Renne, 2012[28]Op. cit. ; Pojani et Stead, 2014[29]Pojani D, Stead D. (2014). « Dutch planning policy: The resurgence of TOD », Land Use Policy, n° 41, November, p. 357-367.) apparaît d’autant plus incongrue à deux égards. En premier lieu, l’aménagement du territoire y a aussi été guidé, de la fin des années 1970 au milieu des années 1980, par une politique de décentralisation concentrée vouée à orienter la suburbanisation vers des centres de croissance périphériques et secondaires (Schwanen, Dijst et Dieleman, 2004[30]Schwanen T, Dijst M, Dieleman FM. (2004). « Policies for urban form and their impact on travel: The Netherlands experience », Urban Studies, n° 41(3), p. 579-603.).

En second lieu, les autorités néerlandaises ont édicté, dès 1988, une politique nationale de localisation, dite « ABC », qui visait à réduire l’usage de la voiture et à accroître celui du transport collectif, de la marche et du vélo (Le Clerq et Bertolini, 2003[31]Le Clerq F, Bertolini L. (2003). « Achieving sustainable accessibility: An evaluation of policy measures in the Amsterdam area », Built Environment, n° 29(1), p. 36-47.). Son intention était de diriger les emplois et les services publics vers des sites de catégorie « A », localisés dans le centre des agglomérations et fortement accessibles en transport collectif dans de multiples directions, ou « B », localisés dans des pôles secondaires et raisonnablement accessibles tant en transport collectif qu’en voiture (Priemus 1998[32]Priemus H. (1998). « Contradictions between Dutch housing policy and spatial planning », Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie, n° 89(1), p. 31-43.).

La politique ABC, en vigueur jusqu’en 2001, exigeait de canaliser les entreprises vers des sites dont l’accessibilité en transport collectif et en voiture était proportionnelle au potentiel d’usage de ces réseaux tant par leurs employés et leurs clients que pour le déplacement de leurs marchandises (Boillat et Pini, 2005[33]Boillat P, Pini G. (2005). « De la mobilité à la mobilité durable : politiques de transport en milieu urbain », dans Da Cunha A, Knoepfel P, Leresche JP, Nahrath S (dir.), Enjeux du développement urbain durable : transformations urbaines, gestion des ressources et gouvernance, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, p. 77-102.). Elle a introduit aux Pays-Bas la notion de planification de l’accessibilité des territoires et des activités par la régulation de la localisation des nouvelles entreprises et de la disponibilité du stationnement à proximité des nœuds de transport collectif (Bertolini et Dijst, 2003[34]Bertolini L, Dijst M. (2003). « Mobility environments and network cities », Journal of Urban Design, n° 8(1), p. 27-43.).

À la lumière de ces précédents, aussi nombreux que profondéments enracinés dans les cultures urbanistiques nationales, force est d’admettre que l’enchâssement du TOD au cœur des plans et des politiques de transport et d’aménagement des métropoles européennes participe davantage d’un effet de contagion que d’un élan de renouvellement de la planification. En revanche, la prolifération récente du concept en Afrique, en Amérique latine et en Asie s’inscrit dans des contextes historiques et spatiaux peu marqués par l’aménagement du territoire à l’occidentale. Elle procède également d’une optique de résolution de problèmes criants qui appelle un éventail de solutions contextualisées.

Au cours des 25 dernières années, le suburbanisme dispersé s’est aussi propagé à la périphérie de mégapoles du Sud global, autrement denses et articulées à de vastes réseaux d’infrastructures urbaines et de transport collectif (Filion et Keil, 2017[35]Filion P, Keil R. (2017). « Contested infrastructures: Tension, inequity and innovation in the global suburb », Urban Policy and Research, n° 35(1), p. 7-19.). Cette propagation s’est accompagnée d’une généralisation des efforts d’endiguement de la suburbanisation galopante également focalisés sur le TOD.

Une myriade de chercheurs estiment les impacts de ces efforts. La recension sur laquelle s’appuie cette contribution a inventorié 104 articles publiés en anglais depuis 2010 présentant des études empiriques sur le concept dans 24 pays d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et d’Europe. Les indices de mesure du degré d’application ou du potentiel de mise en œuvre du concept et les propositions de modèles de TOD contextualisés dominent cette recherche émergente, qui croît extrêmement rapidement. L’annexe recense les cas, les références et les focales de ces articles.

La prolifération rapide de ces recherches accompagne et accélère l’intense circulation du concept de TOD entre les décideurs et les planificateurs. Les villes et les agglomérations de tous les continents s’imitent dans la conception de leurs stratégies de planification et de (ré)aménagement vouées à freiner le suburbanisme dispersé (Filion et Kramer, 2012[36]Filion P, Kramer A. (2012). « Transformative metropolitan development models in large Canadian urban areas: The predominance of nodes », Urban Studies, n° 49(10), p. 2237-2264.). Les plans, les politiques et les programmes de transport et d’aménagement se reproduisent rapidement et se ressemblent de plus en plus (Pojani et Stead, 2015[37]Pojani D, Stead D. (2015). « Going Dutch? The export of sustainable land-use and transport planning concepts from the Netherlands », Urban Studies, n° 52(9), p. 1558-1576. ; Thomas et Bertolini, 2015[38]Op. cit. ; Wood, 2015[39]Wood A. (2015). « The politics of policy circulation: Unpacking the relationship between South African and South American cities in the adoption of bus rapid transit », Antipode, n° 47(4), 1062-1079.). L’apparence d’universalité du TOD au sein des démarches planétaires de développement et de mobilité durables ne cesse d’accroître l’intérêt des décideurs et des planificateurs pour ce modèle.

L’accélération du partage d’information sur les vertus prétendues de tels concepts et politiques de transport et d’aménagement a considérablement intensifié leur circulation transnationale et l’apprentissage collectif entre les villes et les régions. Ce phénomène de circulation endémique alimente une vénération croissante des modèles et des « meilleures pratiques », l’apprentissage quasi continu entres parties prenantes aux conceptions similaires et idéologiquement alignées ainsi que l’effacement officieux des frontières juridictionnelles (Peck, 2011[40]Peck J. (2011). « Creative moments: Working culture, through municipal socialism and neoliberal urbanism », dans McCann E, Ward K (dir.), Mobile urbanism: cities and policymaking in the global age, Minneapolis, University of Minnesota Press, p. 41-70.).

Les principaux protagonistes de cette circulation sont les décideurs et les planificateurs, qui cherchent des occasions de reproduire de telles pratiques importées, dans le cadre de missions d’enquête et d’échange. Ils transposent ensuite chez eux des modèles étrangers empruntés pour offrir des solutions innovantes à leurs problèmes nationaux, avec ou sans adaptation préalable à leur contexte particulier (Wood, 2014b[41]Wood A. (2014b). « Moving policy: Global and local characters circulating bus rapid transit through South African cities », Urban Geography, n° 35(8), p. 1238-1254.).

Au sein de ce phénomène global, la circulation du modèle de TOD prend appui sur la rédaction de guides normatifs, l’organisation de voyages d’observation et la production de rapports décrivant des cas exemplaires et des meilleures pratiques de mise en œuvre. Les planificateurs et les associations de la société civile influentes pilotent ces exercices dans le but « d’éduquer » les politiciens quant aux vertus de telles pratiques et aux divers moyens pour appliquer des solutions reproduisant les politiques étrangères étudiées (Pojani et Stead, 201442[42]Op. cit.).

Cette forme de circulation invite les décideurs à visiter les cas exemplaires pour mesurer les bienfaits des concepts et des pratiques dont ils proviennent en rencontrant leurs instigateurs. Ces missions facilitent la transmission des informations essentielles à l’introduction de la pratique ou de la politique souhaitée dans le contexte importateur (Wood, 2014a[43]Wood A. (2014a). « Learning through policy tourism: Circulating bus rapid transit from South America to South Africa », Environment and Planning A, n° 46(11), p. 2654-2669.). Les participants à ces missions mobilisent également les connaissances qu’ils acquièrent à ces occasions sur les innovations qu’ils étudient pour légitimer leur institution, leur rôle, leurs intérêts et leurs décisions (Wood, 2014b[44]Op. cit.).

La prolifération de telles excursions renforce le désir d’un nombre croissant de décideurs de copier des expériences urbaines émanant d’autres contextes. Les planificateurs et des associations à l’origine de ces activités s’attendent à ce que les élus qui y prennent part en reviendront convaincus de la nécessité de reproduire chez eux ces meilleures pratiques.

L’amplification rapide de l’importance des cas exemplaires au sein de l’infrastructure planétaire de circulation des modèles sous-entend en effet une telle émulation. Ce réflexe mimétique inhibe en revanche la conception de solutions innovantes adaptées à des défis et à des contextes particuliers (Wood, 2015[45]Op. cit.). Cet enjeu met en évidence la tension inhérente entre adoption et adaptation des modèles circulants dans le cadre de leur traduction locale.

Traduction locale

La grande malléabilité conceptuelle du TOD facilite son interprétation idiosyncrasique par les acteurs locaux. Le concept constitue en effet une notion extensible, dont les décideurs et les planificateurs qui la mobilisent manipulent la définition et les objectifs pour les adapter à leur réalité politique, socioéconomique et territoriale (Pojani et Stead, 2014[46]Op. cit.).

La définition de Calthorpe (1993[47]Op. cit.) susmentionnée se cantonne à l’énumération de principes généraux ouverts à l’interprétation. Quelles conditions rendent les environnements bâtis « propices à la marche » et les déplacements en transport actif ou collectif « faciles » ? Quid de la densité de population ou d’emplois requise, du degré de mixité fonctionnelle optimal ou de la place de la voiture parmi les véhicules de transport collectif, les cyclistes et les piétons ? Ses lignes directrices suggèrent même que les aires de TOD peuvent, voire doivent — « ironiquement », précise-t-il — se constituer en l’absence de transport collectif[48]Ibid.. Cette précision contre-intuitive invite des manipulations conceptuelles additionnelles.

Deux situations apparemment contradictoires résultent de cette malléabilité. Elles représentent les deux faces d’une même médaille. D’une part, l’imprécision du TOD inhibe le développement de confiance et d’expertise quant aux moyens d’assurer sa mise en œuvre cohérente et efficace dans divers contextes. La plupart des efforts des planificateurs visent à résoudre ce problème subsidiaire (Hale, 2012[49]Hale C. (2012). « TOD Versus TAD: The Great Debate Resolved…. (?) », Planning Practice & Research, n° 29(5), p. 492-507.). D’autre part, le caractère vague du TOD favorise son adaptation aux conditions locales dans une perspective d’innovation urbaine. La recherche empirique africaine, asiatique, européenne et latino-américaine recensée en annexe souligne la prégnance de cette tendance et s’en inspire abondamment.

Cet article propose que ce sont précisément la malléabilité et l’instabilité du concept TOD ainsi que la variabilité de la signification que les décideurs et les planificateurs y accolent qui incitent autant de villes et d’agglomérations du monde entier à propager ce modèle, et ce même quand leurs conditions d’intervention ne s’y prêtent pas d’emblée. Des recherches récentes sur la Chine et la Grèce offrent des illustrations contrastées de cette épineuse adaptation contextuelle du TOD.

En Chine, les premières tentatives de mise en œuvre du TOD représentaient plutôt son opposé, le DOT, pour « Development-Oriented Transit » (Zhang, 2007[50]Zhang M. (2007). « Chinese edition of transit-oriented development », Transportation Research Record: Journal of the Transportation Research Board, n° 2038, p. 120-127.). Les urbanistes chinois appliquent le concept, selon leurs propres interprétations, uniformément à la planification des abords de toutes les stations de transport collectif (Pan, Shen et Liu, 2011[51]Pan H, Shen Q, Liu C. (2011). « Transit-oriented development at the urban periphery: Insights from a case study in Shanghai, China », Transportation Research Record: Journal of the Transportation Research Board, n° 2245, p. 95-102.). Les principes du TOD demeurent mal compris et sa mise en œuvre, fragmentaire, ce qui limite le concept à une étiquette (Doulet, Delpirou et Delaunay, 2017[52]Doulet JF, Delpirou A, Delaunay T. (2017). « Taking advantage of a historic opportunity? A critical review of the literature on TOD in China », Journal of Transport and Land Use, n° 10(1), p. 77-92.). Son application mur à mur occulte le raffinement nécessaire pour atteindre les résultats positifs pour lesquels les villes et les agglomérations focalisent leurs efforts de densification et de transfert modal sur le concept. Sa mise en œuvre cohérente et efficace reste improbable sans principes directeurs renouvelés et contextuellement adéquats.

L’étude du cas grec révèle que ce raffinement requiert une rupture majeure par rapport à la dynamique contemporaine du suburbanisme dispersé. La contextualisation du TOD en Grèce nécessite six ajustements majeurs aux conditions locales pour inverser les pathologies chroniques d’un paysage urbain alliant suburbanisation à l’occidentale et échecs de planification à la grecque : (1) l’augmentation significative des densités ; (2) le remplacement de la logique de dispersion linéaire par celle de la recentralisation et de la reconcentration de l’activité économique autour des stations de transport collectif ; (3) la refonte de la hiérarchie du réseau routier ; (4) le développement d’un réseau d’infrastructures cyclables exclusives et complémentaires au transport collectif ; (5) la restriction de l’accessibilité des autoroutes et des stationnements ; et (6) la création d’espaces publics de grande qualité autour des gares et des stations (Milakis et Vafeiadis, 2014[53]Milakis D, Vafeiadis E. (2014). « Ado. (a)pting the transit-oriented development model in the Greek urban and transport contexts », Planning Practice & Research, n° 29(5), p. 471-491.). L’inversion de ces dynamiques par la mise en œuvre du TOD dans le contexte suburbain dispersé grec appelle une navigation adroite et délicate entre les écueils de l’appropriation locale d’un modèle circulant.

Translation de l’abstrait au concret

Pour être consensuels et opérationnels, les concepts, les documents, les exercices, les modèles, les pratiques et les produits de planification doivent pouvoir être vendus à leurs parties prenantes et à leurs ultimes bénéficiaires. Or le TOD s’inscrit à tous égards dans cette perspective de marketing territorial.

Si le concept de TOD est vague et malléable (Hale, 2012[54]Op. cit. ; Pojani et Stead, 2014[55]Op. cit.), les environnements bâtis générés depuis 25 ans dans les villes d’Amérique du Nord et d’Europe par son application sont aussi concrets qu’abondamment documentés. En font foi les nombreuses publications vantant la qualité des aménagements dans le corridor Rosslyn-Ballston, à Arlington, en Virginie ; autour d’Orenco Station et dans le Pearl District, à Portland, en Oregon ; dans les écoquartiers Vauban et Rieselfeld, à Freiburg-im-Breisgau, en Allemagne, ainsi que Hammarby sjöstad, à Stockholm, en Suède ; etc.

Alors que « le » TOD est abstrait, ce que les élus, les planificateurs, les groupes d’intérêt et les chercheurs d’un peu partout sur la planète appellent (à tort) « les » TOD est au contraire parfaitement tangible et, dès lors, beaucoup plus facile à expliquer et à vendre. Cette translation de l’abstrait au concret participe d’une vaste offensive de mise en scène et de marchandisation nord-américaine et transnationale, pilotée par un influent trio d’organisations états-uniennes.

Le joueur de centre de ce trio est le Center for TOD. Ce consortium réunit, depuis 2004, le Center for Neighborhood Technology, Reconnecting America et Strategic Economics, des figures de proue du nouvel urbanisme. Il se voue à la « TODucation » publique et à la « fertilisation croisée » du TOD par l’entremise de quatre vecteurs de diffusion : (1) des séminaires en ligne ; (2) l’assistance technique à la mise en œuvre et au développement de politiques ; (3) la publication de rapports thématiques et d’un guide de réalisation de projets inclusifs ; et (4) l’alimentation d’un répertoire national de meilleures pratiques et d’une base de données détaillant le profil socio-économique des abords des 6 000 stations de transport collectif en site propre existantes et proposées aux États-Unis.

Son ailier gauche est l’Institute for Transportation & Development Policy. Son comité, composé notamment de chercheurs de renom et d’employés de la Banque mondiale, a conçu en 2013 un système de classification des projets de TOD (or, argent ou bronze) : le TOD Standard. Sa troisième itération repose sur huit principes d’aménagement et de conception regroupant 14 objectifs stratégiques déclinés en 25 indicateurs de performance des projets. Ce système vise à maximiser la convivialité et la connectivité des réseaux piétonniers et cyclables, l’accessibilité du transport collectif, la mixité fonctionnelle et sociale, les densités résidentielle et d’emplois, ainsi que la compacité des aménagements tout en minimisant l’occupation du sol à des fins de circulation et de stationnement de voitures.

Son ailier droit est le Transit Oriented Development Institute. Ce projet de la US High Speed Rail Association est piloté par des experts du transport collectif, de la conception urbaine, du développement durable et de la promotion immobilière. Il vise à publiciser les succès et à propulser les prochaines générations d’efforts en matière de TOD, principalement par l’entremise d’une conférence annuelle et d’une démarche de certification de projets.

L’appropriation grand-montréalaise du TOD

La coordination du transport et de l’aménagement constitue un objectif stratégique de tous les documents de planification supramunicipale du Grand Montréal depuis le début des années 1970, mais elle demeure hors d’atteinte. Pendant ce temps, plusieurs (non-)décisions politiques — réduisant le financement du transport collectif, abolissant les péages routiers, imposant par réglementation l’offre de stationnement excédentaire et maintenant les municipalités dépendantes de la taxation foncière — ont enraciné le suburbanisme dispersé (Filion, 2015[56]Filion P. (2015). « Suburban inertia: The entrenchment of dispersed suburbanism », International Journal of Urban and Regional Research, n° 39(3), p. 633-640.). En 40 ans, l’étalement suburbain s’est multiplié par 26 dans la région métropolitaine, et cette tendance s’accélère depuis 1986 sans ralentissement en vue (Nazarnia, Schwick et Jaeger, 2016[57]Op. cit.).

Pour tenter de résoudre ce problème persistant, le gouvernement du Québec a enjoint aux maires des 82 villes du Grand Montréal d’adopter un Plan Métropolitain d’Aménagement et de Développement (PMAD) pour traduire ses orientations générales dans la planification locale. Adopté en décembre 2011 à la suite de débats houleux sur l’autonomie locale et l’existence d’un prétendu droit à la suburbanisation, ce plan propose la prolongation des tendances récentes de transport et d’aménagement à l’horizon 2031. Il vise ainsi à concentrer 40 % de la croissance démographique prévue dans 155 aires de TOD et à faire augmenter la part modale du transport collectif en pointe matinale de 25 % à 35 %.

Cette étude de cas relate l’appropriation du TOD par les décideurs et les planificateurs du Grand Montréal en suivant les quatre étapes clés du processus cyclique de circulation du TOD. La première est la mise en scène et la marchandisation de ses incarnations exemplaires par la documentation et la publicisation des meilleures pratiques de planification qui y mènent. La deuxième est l’enchâssement de ses principes dans les documents de planification par la négociation et l’adaptation à/de sa définition, ses objectifs, sa portée et son application. La troisième est la visite et la découverte des matérialisations du TOD par les délégations de « touristes de politiques », suivies du récit des expériences tirées de ces activités dans des discours, des forums, des guides normatifs et des rapports de mission. La quatrième, enfin, est l’entreprise de projets de démonstration voués à tirer de nouvelles leçons sur la mise en œuvre et les impacts du TOD pour les partager à grande échelle, relançant ainsi le cycle.

Mettre en scène et marchandiser

Fortement influencée par les préceptes du trio d’apôtres du TOD susmentionné, la Communauté Métropolitaine de Montréal (CMM) a articulé son projet de PMAD autour du concept, au printemps 2011, pour respecter l’orientation du gouvernement québécois en matière de planification intégrée du territoire et du transport collectif. Elle a ensuite consulté les maires et les urbanistes, à l’été, sur leurs préoccupations quant au transport collectif et à l’aménagement en général, et au TOD en particulier. Les maires de banlieue interviewés dans le cadre de cette recherche admettent qu’ils ont choisi de faire du concept la pierre angulaire du PMAD puisqu’il préserve des perspectives de développement immobilier essentiel à la viabilité fiscale de leurs municipalités dépendantes de l’impôt foncier.

La dernière étape préparatoire de l’appropriation grand-montréalaise du TOD s’est complétée à l’automne, pendant que se tenait la consultation publique sur le projet de PMAD. L’agence d’urbanisme montréalaise AECOM, mandatée par la CMM, a publié un guide faisant explicitement écho aux écrits du trio susmentionné. Ce guide est voué à intégrer les principes d’aménagement des aires de TOD aux outils de planification régionaux et municipaux dans le respect des particularités locales. Il illustre une typologie de huit futures aires-types et les balises pour leur aménagement. Il a servi de cadre de référence et de base de négociation pour la mise en œuvre.

Négocier et (s’)adapter

La circulation transnationale du TOD se traduit dans les villes et les agglomérations par une adaptation locale axée sur la négociation politique entre parties prenantes urbaines et suburbaines du transport et de l’aménagement. Les échanges entre les décideurs et les planificateurs des différents paliers autour de ce guide ont permis de traduire l’idéal théorique du TOD en termes concrets en adaptant ce modèle malléable au contexte suburbain dispersé du Grand Montréal. Leur adaptation réciproque du et au TOD a procédé par des négociations de sa définition, ses objectifs, sa portée et ses modes d’application.

Dans son PMAD, la CMM définit le TOD comme « un développement immobilier de moyenne à haute densité structuré autour d’une station de transport en commun à haute capacité, comme une gare de train, une station de métro, une station de [Système Léger sur Rail] SLR ou un arrêt de bus (axes de rabattement ou Service Rapide par Bus [SRB]). Situé à distance de marche d’un point d’accès important du réseau de transport collectif, le TOD offre des opportunités [sic] de logement, d’emploi et de commerce et n’exclut pas l’automobile. Le TOD peut être un nouveau projet ou un redéveloppement [sic] selon une conception facilitant l’usage des transports collectifs et actifs ».

Cette définition résulte d’une atténuation de l’ambition des objectifs explicités dans les définitions issues des écrits tant des groupes d’intérêt susmentionnés que des chercheurs étatsuniens, et ce, à trois égards : (1) quant aux infrastructures concernées (incluant les arrêts de bus) ; (2) quant au transfert modal (non mentionné) ; et, surtout, (3) quant à la place de l’automobile (explicitement défendue).

L’objectif principal du PMAD est de canaliser dans des aires de TOD 40 % des 320 000 ménages qui devraient s’installer dans la région d’ici à 2031. Il suggère également, sans toutefois l’exiger, la densification graduelle des couronnes suburbaines à raison de deux logements additionnels par hectare net par période quinquennale. Or ces cibles ne font que poursuivre les tendances en vigueur au moment de son adoption.

Le PMAD vise enfin à ce que la part modale du transport collectif augmente de 10 points de pourcentage en 20 ans. Or tandis que la stratégie régionale de déploiement du TOD se concentre presque exclusivement autour des stations de métro et des gares de train de banlieue, les dirigeants de la CMM interviewés concèdent que ces deux fins appellent en fait différents moyens : « Le train pourra éventuellement contribuer un peu, mais l’augmentation de l’achalandage en transport en commun va se faire beaucoup par les réseaux d’autobus », qui ne concernent directement que 9 des 155 aires de TOD prévues.

À l’instar des circulateurs transnationaux du TOD, ses circulateurs grand-montréalais mobilisent le concept dans une perspective pédagogique et heuristique. Les délicates négociations entre les élites politiques et techniques du Grand Montréal qui ont dominé l’appropriation locale du TOD ont surtout concerné sa portée.

Malgré l’imprécision et le pragmatisme intrinsèques du TOD, les élus et certains planificateurs suburbains résistent à la densification souhaitée par sa mise en œuvre, craignant que leur municipalité s’hyperurbanise et hérite de problèmes de circulation et de stationnement. Les élites régionales ont fait du TOD le slogan de leur campagne prudente de promotion du transport collectif et de la densité à l’attention des acteurs des milieux suburbains dispersés, traditionnellement réfractaires à ces deux vecteurs d’urbanité.

La mairesse d’une ville de troisième couronne, interviewée dans le cadre de cette recherche, affirme que le PMAD se concentre sur le TOD d’abord pour encourager l’appropriation par ses collègues des idéaux de compacité et de mobilité durable. Elle précise toutefois que la plupart d’entre eux ne parviennent pas à saisir ces idéaux et que certains s’y opposent encore. Le fait que le concept ne vise pas la réforme en profondeur des dynamiques régionales de transport, d’aménagement et de distribution des activités a facilité son acceptation par ces élus.

Le caractère malléable du TOD constitue une force tout aussi importante du concept pour les décideurs du Grand Montréal. Ils en ont profité pour se l’approprier librement quant à son échelle spatiale (d’une seule intersection à l’ensemble de la région) et aux effets qu’ils souhaitent avoir (sur la conception de l’espace public, la forme urbaine, la structure régionale, la mobilité métropolitaine, la protection de l’environnement et la promotion de l’équité sociale).

Un conseiller politique des maires de banlieue, interviewé dans le cadre de cette recherche, se réjouit que la stratégie régionale résultant de ces négociations soit suffisamment flexible pour offrir aux villes de faire du TOD « partout, sur tous les territoires », où deux lignes d’autobus se croisent « à des endroits où les terrains valent plus cher que les bâtiments qui sont construits dessus ».

Sa stratégie à cet effet a été principalement pédagogique: « On a fait une journée de formation pour dire aux maires : “Ici, vous avez déjà deux lignes d’autobus pour lesquelles vous payez. Vous pourriez faire un mini TOD ! Vous n’avez qu’à détruire ce qu’il y a sur le terrain et à monter en hauteur pour créer un petit TOD et aller chercher plus de revenus” », conclut-il. Son approche met en lumière la facilité d’adaptation du concept au langage, aux intérêts, aux besoins et aux contraintes des parties prenantes locales.

D’une part, ce processus d’adaptation des modèles circulants rehausse l’adéquation contextuelle des stratégies régionales au sein desquelles ils sont enchâssés. D’autre part, en revanche, les négociations qui dominent cette adaptation entravent l’atteinte des objectifs de développement et de mobilité durables de ces stratégies.

Conformément à la « realpolitik » régionale, le PMAD reflète les limites du volontarisme des élites suburbaines. Il est parallèle à un programme de développement autoroutier, cantonné à une perspective incitative et dépourvu de cibles de mixité fonctionnelle. Il contrevient ainsi tant aux fondements du concept énoncés précédemment qu’aux orientations du gouvernement en matière d’aménagement.

En vertu des balises qu’ils ont négociées pour guider la mise en œuvre du TOD, les élus des banlieues l’utilisent pour contrer les mobilisations citoyennes de type « pas-dans-ma-cour ». Ils cantonnent ainsi la densification aux abords de stations de trois types, dont les caractéristiques tant fonctionnelles que morphologiques ne s’y prêtent particulièrement pas. Leurs premières tentatives ont ainsi visé des stations coincées entre des autoroutes et des magasins-entrepôts ou entourées de terres agricoles protégées, ainsi que les abords de gares de train de banlieue ou de terrains de stationnement incitatif existants, planifiés ou même seulement demandés.

Les élites suburbaines du Grand Montréal ont manipulé le TOD pour en faire un vecteur de poursuite de leur programme de croissance. En échange, elles ont convenu d’adopter le plan de la CMM, une institution métropolitaine à laquelle ils s’étaient vigoureusement opposés pendant les dix années précédentes.

La malléabilité du concept de TOD a permis aux parties prenantes grand-montréalaises d’en faire un instrument de construction d’une capacité de planification et de gouvernance longtemps attendue. En négociant leur propre stratégie, les décideurs et les planificateurs de la région ont appris à se connaître. Ce faisant, les acteurs urbains et suburbains ont pacifié leurs relations jusqu’alors conflictuelles et ont élaboré conjointement un programme régional de collaboration entre secteurs, échelles, territoires et idéologies nécessaire pour mettre en œuvre le TOD.

Vivre et raconter

Quelques semaines après l’entrée en vigueur du PMAD, en 2012, un groupe de fonctionnaires, de maires et d’administrateurs municipaux a entrepris une mission de tourisme de politiques pour aller observer et étudier les aires de TOD dans la région métropolitaine de Washington. La CMM a organisé cette visite avec l’organisation de la société civile Vivre en Ville, qui vise à sensibiliser les planificateurs et les décideurs au développement urbain durable. Elle souhaitait ainsi leur permettre de tirer des leçons de ces meilleures pratiques afin de guider leurs tentatives de mise en œuvre du TOD.

Ce dispositif de circulation du modèle a eu sur les élus suburbains un effet heuristique et légitimant saisissant. Ils s’étaient opposés avec véhémence, à peine un an plus tôt, à ce que le TOD force la densification et l’usage du transport collectif sur leur territoire. Ils ont été enchantés par le TOD à la sauce Arlington, louant ses vertus. À leur retour, les élus présidant la CMM et la mission ont produit un rapport résumant leurs découvertes sur les meilleures pratiques de planification et de conception des aires de TOD. Avec leurs partenaires du milieu universitaire, ils ont organisé en octobre 2012 un forum pour présenter leur rapport et s’engager à réaliser des projets-pilotes autour de leur gare de train de banlieue respective.

Tenter et partager

Les tentatives de mise en œuvre du TOD par les planificateurs du Grand Montréal ont débuté par l’entreprise de sept projets pilotes de démonstration. Dits « novateurs », ces premiers projets sont voués à servir d’exemples pour la planification des 148 suivants. Les administrateurs de la CMM les ont sélectionnés par l’entremise de discussions avec les élus intéressés, dont la plupart avait pris part à la mission dans le Grand Washington.

Les urbanistes interviewés dans le cadre de cette recherche ont appris qu’un projet-pilote se réaliserait dans leur municipalité seulement après la conclusion d’un accord entre leur maire et la CMM. Les planificateurs des transports interviewés doutent que ces projets puissent canaliser 40 % de la croissance des ménages dans les aires de TOD, comme le prévoit le PMAD. Ils précisent que « leur potentiel est plus théorique que réel ».

Les administrateurs de la CMM et les maires concernés par ces projets ont justement choisi de commencer par les plus épineux pour en tirer des leçons sur les obstacles à la mise en œuvre du TOD. Ils s’attendent tant à des succès qu’à des échecs retentissants et souhaitent en faire autant d’occasions d’apprentissage collectif.

Des ententes ont été conclues pour que la CMM et le gouvernement versent aux municipalités visées par ces projets pilotes une subvention de 100 000 dollars pour la réalisation d’une planification détaillée. Cet exercice doit être guidé par le critère 1.1.3 du PMAD, qui balise l’aménagement des aires de TOD. Il doit produire une vision d’ensemble, un plan directeur, un échéancier de réalisation et une évaluation des coûts.

La démarche de planification de ces projets prend appui sur une concertation renforcée. Pour ce faire, chaque ville a mis sur pied un comité de partenaires réunissant sa municipalité régionale d’appartenance, la CMM, l’Agence métropolitaine de transport, les ministères québécois concernés et toute autre partie prenante pertinente (grands employeurs, services publics, commissions scolaires, etc.).

Les villes ont tenu des consultations publiques sur leur planification détaillée respective, en 2016 et 2017. Ces exercices ont joué un rôle clé dans la dynamique d’apprentissage collectif impulsée par la CMM. Ils ont permis aux citoyens et aux groupes d’intérêt locaux de prendre connaissance de la nature et de l’ampleur du développement prévu dans leur ville ou leur quartier. En réciproque, ils ont permis à la société civile de sensibiliser les autorités municipales à l’égard des impacts potentiels de ces projets sur la qualité de vie des riverains.

La CMM aide maintenant d’autres municipalités à coordonner une deuxième génération de projets pilotes par l’entremise du même programme de subvention et d’assistance technique à la réalisation de planifications détaillées pour 18 nouveaux quartiers de gares ou de stations.

Discussion

Cette juxtaposition de la circulation transnationale et de la traduction locale du TOD soulève plusieurs questions importantes pour la prise de décisions et la pratique de la planification. Cette discussion propose une interprétation de ces questions à travers le prisme de la tension entre standardisation et différenciation, associée à l’adoption ou l’adaptation des modèles circulants.

Un concept à la fois robuste et malléable

La conjonction du caractère abstrait de la définition du TOD et du caractère concret de ses matérialisations abondamment documentées confère au concept sa capacité à évoquer un vaste champ de possibles urbains. Ces matérialisations maintiennent son identité reconnaissable d’un contexte à un autre et procurent au modèle sa structure. Sa propriété à la fois robuste et malléable encourage l’adaptation des plans et des politiques aux besoins et aux contraintes des parties prenantes assemblées par ce processus de négociation. Sa formulation en termes abstraits, généraux et conventionnels invite sa manipulation afin qu’il corresponde à des définitions et qu’il serve à poursuivre des objectifs variables selon les contextes.

Le TOD articule adroitement les préoccupations des élus pour le développement économique et celles des planificateurs pour l’accessibilité, la densité, la mixité et la durabilité. Il peut être mis en œuvre aussi bien en intervenant sur le transport collectif pour transformer l’environnement bâti qu’inversement, soit en densifiant l’urbanisation pour infléchir les parts modales. Cette réciprocité promeut la reconnaissance du concept par les acteurs tant du transport que de l’aménagement, et sa traduction dans leur langage respectif.

La malléabilité conceptuelle du TOD explique en bonne partie sa fulgurante propagation transnationale des dernières décennies. Au contraire, le nouvel urbanisme (new urbanism), son cousin focalisé sur la conception physique, prend racine dans une charte normative et exhaustive qui prescrit l’application stricte de ses principes. La rigidité de ces principes limite le potentiel d’interprétation et d’adaptation du modèle en fonction de préférences individuelles et de particularités contextuelles.

Le discours urbanistique nord-américain associé au mouvement du nouvel urbanisme infuse plusieurs stratégies urbaines d’Asie et d’Europe. Certaines réfèrent même explicitement à ses principes sans toutefois se conformer officiellement à sa charte, contrairement à de nombreuses villes et agglomérations étatsuniennes.

Cet article argue que si le TOD était aussi formalisé et inflexible que le nouvel urbanisme, il ne constituerait pas la pierre angulaire d’autant de plans et de politiques de transport et d’aménagement sur tous les continents. En ce sens, loin d’en dissuader l’appropriation, le caractère vague du concept et l’absence de consensus quant à sa signification exacerbent plutôt sa propagation transnationale et sa traduction locale.

Un modèle simple et pragmatique

Les stratégies régionales associées au mouvement de la croissance intelligente (smart growth) préconisent l’établissement de périmètres d’urbanisation pour freiner la dispersion suburbaine, limiter la dépendance automobile et consolider les centres-villes. Contrairement à cette approche contraignante et volontariste, le TOD n’impose pas de perturber les modèles de développement régional au-delà de l’abord des stations de transport collectif. Il vise simplement à offrir une plus grande concentration d’origines et de destinations dans des cadres bâtis plus conviviaux pour les piétons, les cyclistes, les usagers du transport collectif et même les automobilistes.

Toujours dans une approche coercitive, les politiques de mobilité urbaine asiatiques et européennes reposent sur la tarification de la congestion et de l’immatriculation des véhicules pour dissuader l’usage de la voiture, financer le développement du transport collectif et accroître le transfert modal. Le TOD n’impose pas non plus de perturber les habitudes de déplacement au-delà de l’abord des stations. Il vise simplement à offrir à un plus grand nombre de résidents, de travailleurs et de visiteurs des options supplémentaires pour leurs déplacements quotidiens et occasionnels.

Très peu de villes et d’agglomérations nord-américaines dotées d’une stratégie axée sur le TOD disposent d’un consensus politique régional sur des mesures concrètes pour traduire leurs ambitieuses visions de durabilité à long terme en interventions locales. De même, aucune ne bénéficie de la configuration politico-économique nécessaire pour renverser ou à tout le moins freiner le suburbanisme dispersé.

À cette enseigne, le TOD présente un attrait particulier pour les décideurs nord-américains. Il offre un ensemble simple de solutions locales et pragmatiques sans pour autant exiger une révision complète des plans et des politiques de transport et d’aménagement ou une reconfiguration des institutions compétentes en ces domaines.

Cet article postule que si le TOD poursuivait de tels objectifs et nécessitait de telles mesures, il ne permettrait pas d’obtenir le consensus métropolitain sur le transport et l’aménagement dans un aussi grand nombre de villes et d’agglomérations. En ce sens, loin d’en dissuader l’appropriation, le caractère timide du concept et le faible volontarisme de son approche exacerbent plutôt sa propagation transnationale et sa traduction locale.

Un vecteur tant de standardisation
que de différenciation

Le phénomène global de circulation des modèles renferme plusieurs contradictions inhérentes. D’une part, dans le cas du TOD, quel que soit le contexte, les élus locaux, les professionnels des transports et de l’aménagement, les promoteurs immobiliers et les représentants de groupes d’intérêts en constituent toujours les principales parties prenantes : « les circulateurs de modèles ». Les missions d’observation de cas exemplaires et de meilleures pratiques dominent leur processus d’apprentissage collectif, que leur intention soit de s’en inspirer ou de les répliquer.

De façon paradoxale, les villes et les agglomérations qui conçoivent leurs stratégies urbaines par ces méthodes et les font reposer sur le TOD se font concurrence par mimétisme. Elles innovent pour se distinguer en imitant les succès d’autrui pour profiter de recettes gagnantes importées.

D’autre part, en revanche, le TOD constitue un modèle sans méthode, un outil sans mode d’emploi, un « principe normatif sans norme » (Theys 2000, p. 242[58]Theys J. (2000). « Un nouveau principe d’action pour l’aménagement du territoire ? Le développement durable et la confusion des (bons) sentiments », dans Wachter S, Bourdin A, Lévy J et al. (dir.), Repenser le territoire : un dictionnaire critique, La Tour-d’Aigues, DATAR/Éditions de l’Aube, p. 225-259.). Il se reproduit et se territorialise par l’assemblage d’acteurs, d’artefacts, d’opérations, de référentiels et de scènes propres à chaque contexte importateur.

Cette contradiction apparente prend tout son sens à la lumière de la tension intrinsèque entre standardisation et différenciation. Pinson et Reigner (2012[59]Pinson G, Reigner H. (2012). « Différenciation et standardisation dans la(es) politique(s) urbaine(s) », dans Douillet AC, Faure A, Halpern C, Leresche JP (dir.), L’action publique locale dans tous ses états : différenciation et standardisation, Paris, L’Harmattan, p. 163-177.) définissent la première comme la tendance à l’alignement, voire à l’homogénéisation, du contenu des politiques publiques et des modes de gouvernance territoriale. Cette standardisation participe d’une conjonction de la professionnalisation des milieux décisionnels locaux et de la circulation des savoirs. Par la seconde, au contraire, ils entendent la variation du contenu des politiques publiques, des mobilisations politiques et des rapports de force au sein de la gouvernance territoriale[60]Ibid..

Selon eux, ces deux tendances ont toujours coexisté, mais la première a dominé jusqu’aux années 1980, et la seconde domine depuis. Cet article montre en effet que l’analyse de la territorialisation suburbaine du TOD dans le Grand Montréal met en lumière leur cooccurrence et, par corollaire, leur persistance. Il argue même que ces deux tendances s’alimentent réciproquement.

D’une part, l’épisode du PMAD s’inscrit dans une perspective de standardisation. Il a été le théâtre de l’institution des maires suburbains en nouveaux entrepreneurs de l’urbanisme métropolitain. Il a également orchestré leur ralliement autour d’une planification territoriale stratégique axée sur la compétitivité et inspirée par les tendances internationales en matière de transport et d’aménagement.

Le gouvernement québécois exige la mise en concordance des dispositions de mise en œuvre du TOD dans les schémas régionaux d’aménagement puis dans les plans et les règlements locaux d’urbanisme. La CMM pilote cet exercice, arbitré au besoin par le ministère des Affaires municipales. Cette cascade descendante demeure un exercice technocratique, contraignant et à visée uniformisante.

De même, la mise en œuvre de 155 aires de TOD autour de chaque station de la région constitue une collection de démarches inscrites dans une perspective généralisante. Qui plus est, ces démarches sont impulsées par une injonction à reproduire une prétendue « meilleure pratique » étrangère.

En revanche, cet épisode s’inscrit également dans une perspective de différenciation. Il procède par la territorialisation concrète des orientations du PMAD dans chaque municipalité. Cette traduction locale s’appuie sur des configurations d’instruments, de parties prenantes et de processus propres à chaque contexte local.

Les municipalités mettent en œuvre leur projet-pilote en définissant leurs propres critères de conception et d’aménagement à l’attention des promoteurs immobiliers. Elles composent leur table de partenaires selon leurs propres impératifs. Elles déterminent la portée et le déroulement des exercices de participation publique entourant la planification détaillée de leurs aires de TOD en fonction de leur tradition politique particulière.

De même, ces planifications détaillées sont financées par appel à projets. La CMM assiste leur conception plutôt que de les guider ou de les piloter directement. Ces deux dimensions participent d’une nouvelle approche face aux rapports entre l’État central, le monde municipal et les milieux associatif et privé. Cette approche est désormais axée sur l’accompagnement et l’institutionnalisation relative des mobilisations territoriales, que Pinson et Reigner (2012[61]Op. cit.) associent à la différenciation.

Conclusion

Cet article a révélé que standardisation et différenciation continuent de coexister et demeurent en tension, dans le contexte de traduction locale d’un modèle circulant. Cette dynamique trouve son illustration la plus probante dans le fait que les projets-pilotes d’aires de TOD du Grand Montréal constituent des incubateurs d’innovation et, par corollaire, de différenciation. Ils sont voués au partage d’expérience entre municipalités pour identifier des meilleures pratiques. Ces pratiques, cette fois endogènes, sont publicisées afin d’être reproduites à l’échelle métropolitaine — renvoyant dès lors à la standardisation…

Dans ces circonstances, la science politique urbaine fournit une autre clé d’interprétation de cette dialectique digne de mention. Les objectifs et les critères du PMAD en général et la stratégie TOD de la CMM en particulier constituent un amalgame. D’une part, ils traduisent sur le territoire grand-montréalais des objectifs et des exigences formulés dans les orientations du gouvernement en matière d’aménagement. D’autre part, ils y traduisent également des cibles et des orientations que les élus municipaux ont fixées et adoptées de leur propre initiative.

Il s’agit ainsi de politiques tant territoriales que territorialisées. Les premières émanent de l’État et sont adaptées de manière différenciée selon les situations. Les secondes entraînent une mutation de la régulation territoriale par l’affirmation d’une logique ascendante œuvrant au décloisonnement et à la « désectorialisation » de l’action publique (Béhar, 2000[62]Béhar D. (2000). « Les nouveaux territoires de l’action publique », dans Pagès D, Pélissier N, Territoires sous influence, Paris, L’Harmattan, p. 83-92.).

La mise en œuvre du TOD impose un quintuple défi de coordonner le transport et l’aménagement (1) entre les échelles, (2) entre les secteurs, (3) au fil du temps, (4) au-delà des frontières juridictionnelles et (5) dans le respect des particularités territoriales. Ce défi illustre avec éloquence la co-occurrence de ces deux tendances.

Comment ces tensions, ces dialectiques et ces tendances affectent-elles la capacité opérationnelle et transformatrice de la planification spatiale et de l’urbanisme? Ici encore, un paradoxe émerge. D’une part, le phénomène global de circulation transnationale et de traduction locale de modèles urbanistiques participe d’une tendance naturelle de dépendance au sentier (Filion et al., 2015[63]Op. cit.).

Pendant plus d’un siècle, la politique et la planification urbaines ont été pilotées par leur inclination à (re)produire des modèles dominants. Le modèle des cités-jardins a dominé le tournant des années 1900. Celui du City Beautiful, les années 1910 et 1920. L’utilisation des ceintures vertes comme périmètres d’urbanisation ainsi que la dispersion suburbaine et la ségrégation fonctionnelle axées sur la voiture futuriste héritées de la Charte d’Athènes ont marqué les années 1930, 1940 et 1950. La rénovation urbaine, les années 1960. Le brutalisme, les bungalows et les autoroutes, les années 1970 et 1980. Le nouvel urbanisme et la croissance intelligente ont défini les années 1990. Les villes pour la dite « classe créative » de Florida ont marqué le tournant des années 2000. Le TOD jouit depuis du statut de modèle dominant.

Cet article postule que si le TOD représentait une innovation contextualisée plutôt qu’une prétendue meilleure pratique autoconfigurable, il ne ferait pas l’objet d’une telle circulation. En ce sens, loin d’en dissuader l’appropriation, le caractère théorique et schématique du concept, et la propension séculaire de l’urbanisme à la (re)production de tels modèles, exacerbent plutôt sa propagation transnationale et sa traduction locale.

En revanche, la contextualisation locale et la mise en œuvre du TOD requièrent l’assemblage de parties prenantes de différents horizons idéologiques et professionnels. Cet assemblage vise à trouver un terrain d’entente sur des enjeux et une solution durable à des conflits persistants à l’échelle régionale en matière de planification et de développement.

La documentation abondante des cas exemplaires et des meilleures pratiques de matérialisation du TOD fournissent à ces parties prenantes des points de référence communs. Ces repères guident l’élaboration de leur vision partagée, la définition de leurs outils d’intervention et la traduction de leurs orientations en projets concrets qui stimulent la coordination de l’action et l’apprentissage collectif.

Or la coordination interscalaire de la planification constitue une composante essentielle de son opérationnalité. L’urbanisme ne peut représenter une force transformatrice véritable que lorsqu’il joue le rôle de principe organisateur pour les autres sphères d’intervention sur l’urbain (Filion et Kramer, 2012[64]Op. cit.).

Le TOD fournira-t-il à l’urbanisme un levier additionnel pour ce faire ? Poursuivre l’analyse de son atterrissage en contexte local sera riche en enseignements à cet égard.


[1] Thomas R, Bertolini L. (2015). « Policy transfer among planners in transit-oriented development », Town Planning Review, n° 86(5), p. 537-560.

[2] Calthorpe P. (1993). The next American metropolis: ecology, community and the American dream, New York, Princeton Architectural Press.

[3] Thomas R, Pojani D, Lenferink S et al. (2018). « Is transit-oriented development (TOD) an internationally transferable policy concept? », Regional Studies, n° 59(9), p. 1201-1213.

[4] Op. cit.

[5] Op. cit.

[6] Filion P. (2014). « The creation and perpetuation of an automobile-oriented urban form: Dispersed suburbanism in North America », dans Moraglio M, Kopper C (dir.), The organization of transport: a history of users, industry, and public policy, London, Routledge, p. 173-194.

[7] Filion P. (2010). « Reorienting Urban Development? Structural Obstruction to New Urban Forms », International Journal of Urban and Regional Research, n° 34(1), p. 1-19.

[8] Nazarnia N, Schwick C, Jaeger JA. (2016). « Accelerated urban sprawl in Montreal, Quebec City, and Zurich: Investigating the differences using time series 1951-2011 », Ecological Indicators, n° 60, January, p. 1229-1251.

[9] Filion P. (2003). « Towards smart growth? The difficult implementation of alternatives to urban dispersion », Canadian Journal of Urban Research/Revue canadienne de recherche urbaine, n° 12(1), p. 48-70.

[10] Filion P, McSpurren K. (2007). « Smart growth and development reality: The difficult co-ordination of land use and transport objectives », Urban Studies, n° 44(3), p. 501-523.

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[13] Filion P. (2012). « Evolving suburban form: Dispersion or recentralization? », Urban Morphology, n° 16(2), p. 101-119.

[14] Switzer A, Janssen-Jansen LB, Bertolini L. (2013). « Inter-actor trust in the planning process: The case of transit-oriented development », European Planning Studies, n° 21(8), p. 1153-1175.

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[17] Op. cit.

[18] Ouellet M. (2006). « Le smart growth et le nouvel urbanisme : synthèse de la littérature récente et regard sur la situation canadienne », Cahiers de géographie du Québec, n° 50(140), p. 175-193.

[19] Filion P, Kramer A, Sands G. (2016). « Recentralization as an alternative to urban dispersion: Transformative planning in a neoliberal societal context », International Journal of Urban and Regional Research, n° 40(3), p. 658-678.

[20] Bertolini L, Curtis C, Renne J. (2012). « Station area projects in Europe and beyond: Towards transit oriented development? », Built Environment, n° 38(1), p. 31-50.

[21] Cervero R. (1995). « Sustainable new towns: Stockholm’s rail-served satellites », Cities, n° 12(1), p. 41-51.

[22] Op. cit.

[23] Haywood R. (2005). « Co-ordinating urban development, stations and railway services as a component of urban sustainability: An achievable planning goal in Britain? », Planning Theory & Practice, n° 6(1), p. 71-97.

[24] Knowles RD. (2012). « Transit oriented development in Copenhagen, Denmark: From the Finger Plan to Ørestad », Journal of Transport Geography, n° 22, May, p. 251-261.

[25] Rey E, Lufkin S. (2015). Des friches urbaines aux quartiers durables, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes.

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[27] Chilla T, Schulz C. (2012). « L’aménagement du territoire au Luxembourg : défis, objectifs et instruments d’une politique émergente », Revue géographique de l’est, n° 52, p. 3-4.

[28] Op. cit.

[29] Pojani D, Stead D. (2014). « Dutch planning policy: The resurgence of TOD », Land Use Policy, n° 41, November, p. 357-367.

[30] Schwanen T, Dijst M, Dieleman FM. (2004). « Policies for urban form and their impact on travel: The Netherlands experience », Urban Studies, n° 41(3), p. 579-603.

[31] Le Clerq F, Bertolini L. (2003). « Achieving sustainable accessibility: An evaluation of policy measures in the Amsterdam area », Built Environment, n° 29(1), p. 36-47.

[32] Priemus H. (1998). « Contradictions between Dutch housing policy and spatial planning », Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie, n° 89(1), p. 31-43.

[33] Boillat P, Pini G. (2005). « De la mobilité à la mobilité durable : politiques de transport en milieu urbain », dans Da Cunha A, Knoepfel P, Leresche JP, Nahrath S (dir.), Enjeux du développement urbain durable : transformations urbaines, gestion des ressources et gouvernance, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, p. 77-102.

[34] Bertolini L, Dijst M. (2003). « Mobility environments and network cities », Journal of Urban Design, n° 8(1), p. 27-43.

[35] Filion P, Keil R. (2017). « Contested infrastructures: Tension, inequity and innovation in the global suburb », Urban Policy and Research, n° 35(1), p. 7-19.

[36] Filion P, Kramer A. (2012). « Transformative metropolitan development models in large Canadian urban areas: The predominance of nodes », Urban Studies, n° 49(10), p. 2237-2264.

[37] Pojani D, Stead D. (2015). « Going Dutch? The export of sustainable land-use and transport planning concepts from the Netherlands », Urban Studies, n° 52(9), p. 1558-1576.

[38] Op. cit.

[39] Wood A. (2015). « The politics of policy circulation: Unpacking the relationship between South African and South American cities in the adoption of bus rapid transit », Antipode, n° 47(4), 1062-1079.

[40] Peck J. (2011). « Creative moments: Working culture, through municipal socialism and neoliberal urbanism », dans McCann E, Ward K (dir.), Mobile urbanism: cities and policymaking in the global age, Minneapolis, University of Minnesota Press, p. 41-70.

[41] Wood A. (2014b). « Moving policy: Global and local characters circulating bus rapid transit through South African cities », Urban Geography, n° 35(8), p. 1238-1254.

[42] Op. cit.

[43] Wood A. (2014a). « Learning through policy tourism: Circulating bus rapid transit from South America to South Africa », Environment and Planning A, n° 46(11), p. 2654-2669.

[44] Op. cit.

[45] Op. cit.

[46] Op. cit.

[47] Op. cit.

[48] Ibid.

[49] Hale C. (2012). « TOD Versus TAD: The Great Debate Resolved…. (?) », Planning Practice & Research, n° 29(5), p. 492-507.

[50] Zhang M. (2007). « Chinese edition of transit-oriented development », Transportation Research Record: Journal of the Transportation Research Board, n° 2038, p. 120-127.

[51] Pan H, Shen Q, Liu C. (2011). « Transit-oriented development at the urban periphery: Insights from a case study in Shanghai, China », Transportation Research Record: Journal of the Transportation Research Board, n° 2245, p. 95-102.

[52] Doulet JF, Delpirou A, Delaunay T. (2017). « Taking advantage of a historic opportunity? A critical review of the literature on TOD in China », Journal of Transport and Land Use, n° 10(1), p. 77-92.

[53] Milakis D, Vafeiadis E. (2014). « Ado. (a)pting the transit-oriented development model in the Greek urban and transport contexts », Planning Practice & Research, n° 29(5), p. 471-491.

[54] Op. cit.

[55] Op. cit.

[56] Filion P. (2015). « Suburban inertia: The entrenchment of dispersed suburbanism », International Journal of Urban and Regional Research, n° 39(3), p. 633-640.

[57] Op. cit.

[58] Theys J. (2000). « Un nouveau principe d’action pour l’aménagement du territoire ? Le développement durable et la confusion des (bons) sentiments », dans Wachter S, Bourdin A, Lévy J et al. (dir.), Repenser le territoire : un dictionnaire critique, La Tour-d’Aigues, DATAR/Éditions de l’Aube, p. 225-259.

[59] Pinson G, Reigner H. (2012). « Différenciation et standardisation dans la(es) politique(s) urbaine(s) », dans Douillet AC, Faure A, Halpern C, Leresche JP (dir.), L’action publique locale dans tous ses états : différenciation et standardisation, Paris, L’Harmattan, p. 163-177.

[60] Ibid.

[61] Op. cit.

[62] Béhar D. (2000). « Les nouveaux territoires de l’action publique », dans Pagès D, Pélissier N, Territoires sous influence, Paris, L’Harmattan, p. 83-92.

[63] Op. cit.

[64] Op. cit.