LE BLOG DE LA RIURBA

Cet espace d’informations et de débats complète la RIURBA. C’est un espace ouvert aux professionnels de l’urbanisme, aux acteurs de la ville et aux chercheurs. Il accueille des billets (formats courts) sur l’actualité, des prises de position et organise des débats autour de questions qui traversent aujourd’hui le champ de l’urbanisme.

Tout texte présenté ici est signé et n’engage que son signataire.

 

La ville de demain, Philippe Panerai, PUF, 2022, 137 p.

Un compte-rendu d’ouvrage par Daniel Pinson

Philippe Panerai a récemment publié aux PUF (Presses Universitaires de France) un petit ouvrage sur le thème audacieux de la « La ville de demain ». La photo de couverture (empruntée au Getty), si elle s’accorde avec l’hommage appuyé au pavillon et avec l’appel aux vertus de l’eau, étonne (détonne?). La maladie qu’a surmontée Panerai, en l’occurence le Covid-19, est à l’origine, dit-il, de son besoin de réfléchir aux lieux où nous vivrons à l’avenir. Sa réflexion, partant du constant de la fuite des villes par de nombreux habitants, du double fait du confinement et du télétravail, est largement embrayée sur la question du chez soi, du logement ou de la maison, qui se doivent d’être, selon lui, appropriables. 

Le début du livre revient sur le débat autour de cette question, en mai 1968, au sein de la défunte section architecture de l’École des beaux-arts. Panerai rappelle les bouleversements qui s’en sont suivis, et l’oreille attentive qu’a été la sienne à la parole du sociologue Henri Lefebvre. Alors enseignant à Nanterre, ce dernier dénonce la pratique capitaliste de l’urbanisme et proclame Le Droit à la ville dans un ouvrage éponyme paru en mars 1968. 

À la suite de cette courte première partie, Panerai se demande, dans une seconde qui contient l’essentiel de son propos, ce qu’il en est aujourd’hui du droit à la ville. Il aborde la question à travers quatre chapitres qui lui permettent de passer de l’échelle du chez soi, appropriable, à celle des « tissus urbains », à rassembler dans leur diversité, puis celle de la ville, à réunifier par « un jeu de centralités », enfin à la question de l’eau dont il pense qu’elle peut jouer un rôle positif « pour accorder la ville et le territoire ».

Dans son chapitre sur le logement, tout en partant d’une critique nuancée des grands ensembles, il se déclare partisan, dans la foulée de bien d’autres architectes, de l’augmentation de la surface du logement, à concevoir traversant et non mono-orienté. Un second objectif est celui d’un espace extérieur d’au moins 15 m² et un troisième celui de l’évolutivité du logement. A l’appui de son argumentation, il propose au lecteur une « visite guidée », celle de l’appartement témoin de A. Perret au Havre. Panerai se lance ensuite dans un « Éloge des pavillons », suivant en ce sens, dans la foulée de ce qu‘avait pu en dire l’école de Lefebvre, les habitants plutôt que les urbanistes (et l’État) qui s ‘alarment à juste titre de l’étalement urbain. Sans entrer dans une distinction entre maison et pavillon, qu’il ne fait pas, bien qu’il souligne son estime pour les maisons en rangées  londoniennes (terraces) – il aurait pu aussi mentionner la tradition néerlandaise -, Panerai se montre critique à l’égard du « lotissement trop lâche ». Sans mentionner l’expérience Bimby, reproduction d’une tendance déjà spontanément en œuvre, il se déclare partisan d’évolutions modérées des tissus pavillonnaires, en leur gardant les « qualités d’usage recherchées par leurs habitants tout en permettant des densifications partielles ». 

L’échelle « supérieure », celle des « tissus urbains », est ensuite abordée, en premier lieu à travers la question du foncier, de ses effets délétères en France à la différence des pratiques vertueuses des Pays-Bas, puis à cette évolution de la trame urbaine qui efface les découpages parcellaires fins au profit des macro-lots. Ces derniers, à la faveur de programmes qui sont censés favoriser la mixité, entraînent beaucoup de confusion dans les gestions des copropriétés. Après avoir noté ce que la Gated Community doit au sentiment d’insécurité et donne d’enfermement consenti, comble de la séparation, Panerai se livre à une réflexion sur le concept de tissu urbain : il a sa préférence sur celui de forme urbaine. Il permet notamment de comprendre les relations entre « les espaces publics, les découpages fonciers, et l’ensemble du bâti ». Il est à la fois un concept opératoire, pour lire la ville, mais aussi un concept opérationnel, pour la fabriquer.

Au chapitre qui suit, puisant ses références dans l’école de Annales, dans l’apport de la sociologie urbaine inspirée par Lefebvre et celui de Muratori à propos de Venise, Panerai nous parle du plan de la ville dont il nous dit qu’il « est d’abord celui de ses espaces publics ». Il précise en quoi la ville désigne aujourd’hui une agglomération avec une diffusion qui ne concerne pas seulement les métropoles. Cet étalement urbain, engendré par la motorisation automobile, conduit à une imbrication de la ville et de la campagne, mais aussi à « un entrelacs » (variante plurielle et logique de « entrelac ») de voiries déconcertant. Il propose par conséquent de « redonner aux voiries un caractère d’espaces publics », ce qui rejoint les thèses du Danois Jan Gehl sur la ville à taille humaine. Ainsi l’ urbain « globalisé » doit associer différents modes de transports, « à commencer par la marche du piéton ». En conclusion de ce chapitre, Panerai estime que l’on doit penser la ville, grande ou petite, à partir des centralités multiples qui la caractérise aujourd’hui, tout en veillant à « apprivoiser » des confins mal intégrés et valorisés. Ainsi l’image de la constellation, l’idée d’un polycentralisme hiérarchisé, seraient les caractéristiques les plus  appropriées, selon Panerai, pour qualifier la ville contemporaine. 

En fin d’ouvrage, Panerai se saisit d’un aspect particulier de la nature, aujourd’hui plébiscitée pour son retour en ville, dans son plaidoyer pour la ville de demain : les « chemins de l’eau ». Partant, pour ce qu’il le concerne, de son expérience professionnelle récente, il renoue avec ce qui  a inspiré la géographie de Reclus et sa fameuse coupe sur la vallée, reprise aussi bien par Geddes au début du XXe que par les rebelles du Team Ten. Les comblements, canalisations ou autres enterrements de l’eau, nous ont en effet éloignés de ce qui fondait aux origines la formation des villes, leur relation à la mer, au fleuve ou à la rivière. Bien des villes étaient en effet d’autres Venise, comme Nantes était celle de l’Ouest. Panerai dit ainsi en quoi l’attention à l’eau est une limite à l’imperméabilisation et, par voie de conséquence, une ouverture à la biodiversité. Comme les grandes voies, d’ailleurs souvent elles-mêmes déterminées par les replis des vallées, « les chemins de l’eau forment système », ils façonnent les territoires. Penser la ville de demain, conclut Panerai, consiste aujourd’hui à « assembler les fragments d’une urbanisation qui juxtapose des tissus hétérogènes ».

L’ouvrage est très bien écrit ; il tire profit de la riche expérience de son auteur, professeur et chercheur pionnier dans la réflexion sur la ville contemporaine, avant son retour à une  pratique professionnelle enrichie par la précédente. L’ouvrage s’appuie par ailleurs tant sur les leçons de cette pratique que de multiples lectures et observations sur de nombreux terrains de par le monde. Sans dogmatisme, l’auteur défend des thèses dont certaines se prêtent au débat, comme son « hommage au pavillon ». Mais beaucoup d’autres, en particulier celles relatives au « chez soi », aux « tissus urbain » et aux « chemins de l’eau », témoignent d’une pensée socio-écologique qui n’a pas enfermé l’architecture dans un autisme encore trop répandu dans cette discipline.

Blanche Lemco van Ginkel, grande figure de l’aménagement

Disparition de Blanche Lemco van Ginkel, ancienne doyenne de la Faculté d’Architecture, de paysage et de Design de Toronto et Doctor Honoris Causa de l’Université d’Aix-Marseille.

Architecte-urbaniste canadienne, Blanche Lemco van Ginkel est décédée le 20 octobre 2022 à l’âge de 98 ans. Assez peu connue en France, elle symbolise une démarche tout à fait exemplaire mise en évidence lorsque fut préparé, en 2003, par l’IAR, en association avec l’École d’Architecture de Marseille et l’Université de Provence et dans le cadre de la MMSH, un séminaire international  revenant, un demi-siècle plus tard, sur le 9e congrès des CIAM (1953) (voir :  https://amubox.univ-amu.fr/s/m6Cn6QgnxHXQrCb ). 
Jeune architecte sortie de Mc Gill, Blanche Lemco faisait partie de l’un des deux groupes représentant les Américains à Aix. Elle avait 30 ans et sa participation à ce Congès lui permettait aussi de visiter la Cité Radieuse de Le Corbusier, tout juste sortie de terre, et sur laquelle elle avait travaillé, lors d’un stage dans l’atelier de Le Corbusier. 

Par la suite elle a joué, avec son mari, le néerlandais Sandy Van Ginkel, un rôle essentiel dans la préservation du Vieux Montréal, puis dans la direction de la Faculté d’Architecture, de Paysage et de Design de Toronto et plus tard encore dans l’évaluation des formations d’aménagement en Amérique du Nord. 
Cette notice de la faculté donne une bonne idée de son brillant parcours : http://www.daniels.utoronto.ca/news/fri-oct-21-2022-all-day/memoriam-former-dean-blanche-van-ginkel-1923-2022.
Le regroupement en faculté de l’architecture, de l’urbanisme, du paysage et du Design est assez répandu, en Amérique du Nord, et au Québec en particulier, dans le domaine académique de l’aménagement. 
La journée mondiale de l’urbanisme du 8 novembre 2005 et un colloque franco-canadien dont organisé par le laboratoire de l’IAR (voir : https://amubox.univ-amu.fr/s/HzJKjTzqzZ8N5Ts) créèrent l’opportunité de proposer la Pr Blanche Lemco Van Ginkel à la distinction de Docteur Honoris Causa de l’Université Aix Marseille III (Université Paul Cézanne). Elle avait alors 82 ans. La cérémonie se tint le 10 novembre et donna lieu, comme c’est la tardition universitaire, à cet éloge de la Pr Blanche Lemco van Ginkel : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01573433/document .
Ce fut un moment important de la vie de l’IAR. Jusqu’alors, la Faculté de droit d’Aix interdisait à l’IAR de se réclamer de l’urbanisme et s’en réservait le monopole au titre du Code dont elle « gardait » les lois. La suite infirma cette prétention, lorsque l’IAR (Institut d’Aménagement Régional) devint l’IUAR (Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional). 
Depuis, témoignant de collaborations renforcées en matière de formation, les choses ont encore progressé, puisque les efforts entrepris pour associer l’architecture, l’urbanisme et le paysage dans une même composante ont abouti : l’IMVT (Institut Méditerranéen de la Ville et des Territoires) (voir : https://imvt.fr/ ) constitue désormais une réalité non seulement institutionnelle, mais également concrète, physique, donnant vie, en ce moment même et en ce lieu emblématique qu’est, à Marseille, la porte d’Aix, à la construction du bâtiment qui accueillera l’IMVT en 2023.
Avec la disparition de Blanche Lemco van Ginkel, l’architecture, l’urbanisme et le paysage perdent une grande figure féminine, dont il est important de rappeler le rôle, trop méconnu en Europe, dans le domaine de l’aménagement.

Wuhan et la Chine, les conditions d’un développement territorial harmonieux à l’échelle mondiale

Le texte que nous publions ci-dessous n’engage que son auteur, comme tous les ceux que nous publions sur ce blog. C’est le point de vue engagé d’un professionnel de l’urbanisme qui connaît bien la Chine. Nous espérons que ce texte ouvrira un débat.

Résumé

Grâce à la gestion centralisée de son économie, la Chine, en dépit de sa fragilité, peut tirer parti des connaissances scientifiques et techniques récentes pour se développer de façon harmonieuse et devenir une grande puissance mondiale, positivement influente. Si elle adopte une stratégie territoriale fondée sur le concept de « banquette arrière », elle pourrait avoir l’occasion, unique dans l’histoire du monde, de promouvoir un nouveau modèle de développement de la mobilité illustrant ce qui doit être fait pour l’humanité. Mais à l’inverse, en imitant abusivement l’Occident, la Chine risque de rater l’émergence de ce nouveau modèle qui aurait pu conduire à un urbanisme de qualité. Des erreurs existent déjà dans les grandes métropoles chinoises, pour lesquelles l’urbanisme et le transport devraient être conçus pour un confort optimum de ses usagers, mais ce n’est pas le cas. Le territoire pourrait être planifié pour résorber la pauvreté qui se développe sous la poussée des migrations vers les villes. Malheureusement, Wuhan a inventé un urbanisme d’actifs financiers qui se répand sur terre comme un virus. Les récents gains de productivité résultant notamment de l’informatique ne sont pas mis à profit pour le plus grand nombre : l’argument humaniste pour une planification efficace du territoire visant notamment le confort des usagers dans les transports et un bien-être urbain est contrecarré par la financiarisation du monde, une financiarisation des constructions qui sapent les potentialités du pays. La Chine reste en position privilégiée pour améliorer le bien-être du monde.

Abstract

The assumption of the back seat – the need for a good level of comfort – inherent in the Chinese tradition allows to state another pattern of development of China, so that it becomes a model for urban planning and transport on a global scale.

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Appel pour le prix de l’article scientifique APERAU 2021

La treizième édition du prix de l’article scientifique en aménagement de l’espace et urbanisme est lancée par l’Association internationale pour la promotion de l’enseignement et de la recherche en aménagement et en urbanisme, avec le soutien de la Caisse des dépôts.

Les articles publiés en 2020 peuvent être adressés au jury international jusqu’au 5 avril 2021. 

Le prix sera décerné lors des Rencontres internationales en urbanisme qui se tiendront du 7 au 10 juin prochains. 

Tous les détails ici

Dans la bibliothèque de la RIURBA… “Planification urbaine. La ville en devenir”

Un compte rendu d’ouvrage par Didier Paris


Référence complète : Xavier Desjardins (2020), Planification urbaine. La ville en devenir, Paris, Armand Colin, 234p. ISBN 978-2-200-62467-5

Avec Planification urbaine. La ville en devenir, Xavier Desjardins propose un nouvel ouvrage de référence en matière d’urbanisme et d’aménagement des villes, servi par un style clair et efficace. Organisée en quatre parties et douze chapitres, la démonstration s’appuie, au départ, sur le paradoxe inhérent à la planification, fut-elle urbaine : « que valent les plans face à la transformation du monde ? » ; « est-il possible d’imaginer une maîtrise collective du devenir des villes ? », mais aussi « comment organiser le développement des sociétés urbaines sans être prisonnier des urgences de l’immédiateté ? ». Si « la ville ne se pilote pas avec un plan », « la planification urbaine est l’un des outils mis à disposition des citoyens pour mieux maîtriser le devenir des villes ». L’objectif de l’ouvrage est ainsi posé : ne pas défendre la planification, mais « éclairer, critiquer et proposer ».

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Dans la bibliothèque de la RIURBA… “Anachronismes urbains”

Un compte rendu d’ouvrage par Alain Bourdin


Référence complète : Jean-Marc Offner (2020), Anachronismes urbains, Paris Presses de science Po, 208p.

Jean-Marc Offner fait le ménage. Dans un livre court, vif, très clair, agréable à lire, il met à la question quelques unes des croyances qui gouvernent l’action et le discours officiels des producteurs de politiques urbaines. Le primat des transports collectifs, la propriété pour tous, le la lutte contre l’étalement urbain, la mixité résidentielle, la proximité comme clé du lien social, le changement nécessaire des périmètres territoriaux, la primauté de l’architecture dans l’urbanisme sont autant de dogmes révoqués en doute, quitte à montrer que, considérés de manière relative et avec souplesse, certains d’entre eux ne sont pas complètement dénués de sens. « Cet ouvrage, dit Offner (p.18), en appelle à une refondation cognitive de l’action publique territoriale, face à une pensée urbaine en panne ». Il s’agit bien de changer de paradigme  (au sens que Thomas Kuhn[1] donne à ce terme) c’est à dire de cadre de raisonnement et pour cela il faut en particulier remettre en cause les méthodologies utilisées aussi bien dans la production de connaissance que dans l’action.

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Villes Post Covid-19 : Quatre Pistes de Réflexion

Par Sami Ibrahim*, le 10 mai 2020

Si le Covid-19 est considéré comme une « nouvelle » menace, détrompez-vous, car les villes et les pandémies partagent une longue histoire.

Comme le raconte Brian Melican, une seule erreur a coûté cinquante mille morts sur quatre-vingt mille habitants à la ville de Marseille. Se préparant pour sa foire d’été en 1720, un navire chargé de soie et de cendres, nécessaire à la production du célèbre savon Marseillais, a été autorisé à décharger sa cargaison dans le port de la ville malgré plusieurs morts suspectées de peste à bord, entraînant l’épidémie dans la ville pendant deux ans, qui a fait des milliers de morts. Les priorités marchandes devançant les précautions établies, et les responsables de la ville craignant les effets de la déclaration d’un état de quarantaine, ont permis le déclenchement de la peste.

Pourtant Marseille avait réussi à empêcher la peste de l’atteindre pendant plus de trois cent ans grâce à un réseau de renseignement, construit autour de consuls basés dans les différentes villes autour de la Méditerranée, qui compilaient des listes d’épidémies dans ces villes et les transmettaient au bureau d’assainissement de la ville. À cela s’ajoute un système de barrières, deux géographiques et une temporelle.

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Coronavirus : ce que la crise nous apprend ne doit pas conduire à abandonner la proie pour l’ombre

En quelques semaines à peine, la pandémie du covid19 est devenue un choc mondial sans précédent. Alors que les  drames humains se nouent par dizaines de milliers dans les hôpitaux, les dispensaires et même au cœur des foyers, la vague de contamination provoque dans son sillage l’arrêt brutal d’une grande partie des activités et le confinement forcé des populations, quel que soit leur condition et leur cadre de vie ordinaire. À la menace de la maladie, s’ajoutent, pour plusieurs milliards de personnes, les craintes liées aux pertes de ressources et au retour de la pauvreté. Les États ont mis en œuvre, quand et comme ils pouvaient, de premières mesures d’accompagnement pour éviter le pire. Et déjà, ils doivent anticiper les conditions d’une sortie de crise et les leçons à tirer. Dès maintenant, il faut réfléchir aux politiques à mener après la catastrophe, aux conditions à réunir, aux modalités de leurs réalisations, sans renoncer à l’essentiel : l’intégrité et la dignité des personnes, les principes de nos systèmes démocratiques qui doivent rester inaliénables. Mais la vigilance s’impose pour maîtriser l’ensemble des problèmes du monde et ne pas céder à une double illusion : prétendre que la crise sanitaire du covid-19 est le seul problème du moment ; attendre le salut des seules initiatives des nations au motif que la mobilisation des populations et des villes se réduiraient à supporter avec patience les conditions du confinement et les restrictions portées aux libertés. Bien qu’indispensable, l’intervention globale des États, aux échelles internationale et nationale, n’y suffira pas si elle ne trouve pas son prolongement dans la vie quotidienne à l’échelle des espaces urbanisés, donc des villes et des populations. La justification de cette hypothèse s’appuie sur la conviction que le coronavirus aura un impact sans doute comparable au moins à la crise de 1929. Dès lors, les interventions à mener ne sauraient agir sur plusieurs dimensions en même temps.

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Dans la bibliothèque de la RIURBA…”De Gafsa à Shanghaï”

Un compte rendu d’ouvrage par Daniel Pinson, Professeur émérite, Aix-Marseille Université

Référence complète : Christian Bouchaud, Lucien Godin, Hugues Leroux (2019). De Gafsa à Shanghaï, Aménager villes et territoires. Paris : L’Harmattan (Collection Histoire de vie et formation). 244p.

L’ouvrage rend compte de l’activité d’un bureau d’étude privé d’urbanisme et d’aménagement du territoire, le Groupe Huit, fondé par les trois auteurs du livre. Condisciples de la section architecture de l’Ecole Nationale des Beaux Arts de Paris pour les deux premiers, sorti de l’Ecole Polytechnique pour le troisième, tous trois de Nantes, ils en ont constitué le noyau durant 45 ans.

Le livre se lit comme les épisodes successifs d’un groupe d’ « aventuriers », qui deviendront bientôt des praticiens et des experts reconnus dans le monde entier, alors que, sortant de leurs études à la fin de la décolonisation, ils se donnaient comme objectif d’apporter des solutions à l’aménagement des pays qu’on allait bientôt appeler « en développement ».

L’ouvrage est dédié à l’un deux, Lucien Godin, décédé avant son achèvement (2016).

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Le financement de la recherche par projet. Ce que nous apprend le présupposé « modèle américain » à travers l’exemple de l’émergence du champ des urban studies dans les années 50 et 60.

Le rapport du groupe de travail n°1 préparatif à la LPPR sur le « Financement de la recherche » met nettement l’accent sur le financement par projet.  A propos de ce dernier est souvent cité un supposé « modèle américain » qu’il s’agirait de reproduire. Mais souvent le discours sur ce « modèle américain » manque d’une véritable connaissance approfondie de son fonctionnement. Or, l’analyse de l’émergence du champ des urban studies aux Etats Unis au sein des universités par exemple permet de profondément relativiser le rôle du financement par projet dans le financement de la recherche.

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La ville malade du coronavirus 2

Il faut lire la tribune de Pierre Veltz1« Covid 19 Même en temps de crise un peu de recul ne nuit pas » https://www.telos-eu.com/fr/societe/covid-19-meme-en-temps-de-crise-un-peu-de-recul-ne.html. Pour « cadrer » la situation présente, celui-ci nous propose d’abord quelques ordres de grandeur sur la pandémie, en utilisant notamment les statistiques de surmortalité et non celles de l’épidémie qui sont effrayantes mais moins significatives. Puis il revient sur quelques épisodes  récents et terriblement mortifères : la grippe asiatique de 1957 et la grippe de Hong Kong (1969-70) qui n’avaient pourtant pas provoqué de ripostes aussi intenses.

Il propose alors une série d’analyses sous formes de propositions. D’abord le triomphe du refus de la mort évitable, avec le risque que l’on oublie que toute mort n’est pas évitable. Ensuite l’erreur qu’il y a à comparer la situation actuelle avec des évènements historiques anciens tels que la peste noire qui a tué un tiers des européens. Puis le fait que le système sanitaire doit faire face à ce que les entreprises industrielles (et j’aouterai celles de transports en commun) connaissent bien : un phénomène de pic que l’on gère en trouvant les moyens de limiter ces pics. Cela ne signifie ni que notre appareil hospitalier est presque mort, ni qu’il n’a pas besoins de sérieuses réformes, portées par la conviction que « la santé n’est pas une charge à supporter par le système « productif », mais un élément essentiel de création de valeur, sociale mais aussi économique – une composante centrale, avec l’éducation, de cette économie humano-centrée qui émerge sous nos yeux et dont il faut hâter la naissance». Enfin il souligne les inégalités sociales à l’intérieur de la France et entre pays du monde, qui risquent de devenir particulièrement redoutables dans « l’énorme crise économique qui se profile »

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Notes   [ + ]

1. « Covid 19 Même en temps de crise un peu de recul ne nuit pas » https://www.telos-eu.com/fr/societe/covid-19-meme-en-temps-de-crise-un-peu-de-recul-ne.html

Bibliographie   [ + ]

Notes   [ + ]

1. « Covid 19 Même en temps de crise un peu de recul ne nuit pas » https://www.telos-eu.com/fr/societe/covid-19-meme-en-temps-de-crise-un-peu-de-recul-ne.html

Les Pays-Bas et le prix de l’excellence

Il y a 13 universités aux Pays-Bas.[1] Toutes se parent d’excellence. Les métriques de l’excellence académique confirment. Toutes se positionnent dans le top 2% des classements des 17 000 universités de par le monde (QS[2], THE[3], CWTS[4]) et toutes sauf une dans le classement de Shanghai (ARWU[5]). Sept sont classées dans le top 100 mondial du THE Rankings, quatre dans le top 100 des Shanghai Rankings et deux dans le top 100 de QS World University. [6] Pour 2020, mon université – l’Université d’Amsterdam – était classée 64ème (QS) 62ème (THE) et 101ème (Shanghai)[7].

J’y suis (r)attachée depuis les années quatre-vingt, c’est-à-dire avant que les rankings prennent l’importance qu’ils ont aujourd’hui. Avant aussi que l’excellence soit inscrite explicitement comme objectif dans la politique de la recherche et de l’enseignement supérieur du gouvernement.[8]. Depuis 1989, l’excellence est devenue « le superlatif de qualité ». Excellence et compétition avec le top mondial de la recherche (Harvard et Princeton aux Etats-Unis et Cambridge et Oxford au Royaume-Uni) sont les priorités de la politique de la recherche néerlandaise. Un phénomène et une rhétorique dans lesquels s’inscrivent de nombreux pays européens mais aussi la politique de recherche européenne, notamment à travers les bourses ERC.[9] L’ université managériale date de 1997 avec la réforme des universités qui signifia la fin de l’influence des enseignant·es-chercheur·ses et des étudiant·es dans la gestion des universités.[10]

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Implications of turning UK Higher Education Institutions into profit-oriented Enterprises

These are some personal observations from my work experience in a UK university. I started working in a UK research-focused university in 2000. Since then – and even before, gradual changes to funding for the sector and a host of associated developments such as New Public Management and the introduction of performance measures in HE have significantly changed working conditions in this and practically all other higher education (HE) institutions throughout the UK (see e.g., Teichler and Höhle, 2013). This applies for academics involved in teaching and research as well as those involved primarily in research.

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