frontispice

Quelle activité de conception
dans les séquences aval
des projets d’aménagement ?
Apprentissages et négociations
dans l’encadrement des opérations immobilières
à Bordeaux Euratlantique et Arras-Europe

• Sommaire du no 3

Guilhem Blanchard LATTS – École d’urbanisme de Paris/Université Paris-Est Yoan Miot LATTS – École d’urbanisme de Paris/Université Paris-Est

Quelle activité de conception dans les séquences aval des projets d’aménagement ? Apprentissages et négociations dans l’encadrement des opérations immobilières à Bordeaux Euratlantique et Arras-Europe, Riurba no 3, janvier 2017.
URL : https://www.riurba.review/article/03-conception/sequences/
Article publié le 1er janv. 2017

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Guilhem Blanchard, Yoan Miot
Article publié le 1er janv. 2017
  • Abstract
  • Résumé

What design activity during downstream sequences of urban development projects? Learning dynamics and negotiations for the supervision of real estate operations in Bordeaux Euratlantique and Lille-Arras-Europe (France)

This paper provides insights into the design activity of urban developers and their partners during urban development projects. Focusing on the supervision of real estate operations within two urban projects in Bordeaux and Lille areas (France), we show that important design processes occur during these downstream sequences, thus questioning the classic model of project management which distinguishes upstream design from downstream implementation. In fact, what is at stake here is the enforcement of upstream urban orientations during property production processes. The paper shows how interactions between urban developers, property developers and their respective partners bring into play learning dynamics and negotiations that contribute to the specification of building projects and other urban components.

Cet article documente l’activité de conception opérée par les aménageurs et leurs partenaires dans les projets d’aménagement, en se focalisant plus précisément sur le travail d’encadrement des opérations immobilières dans deux projets des agglomérations bordelaise et lilloise. Par rapport à une conception linéaire du projet qui distingue une phase amont de conception et une phase aval de réalisation, nous montrons que les séquences aval sont également des moments importants de conception. Cette activité de conception met en jeu des dynamiques d’apprentissages et de négociations qui contribuent à mettre à l’épreuve de la production immobilière les orientations définies en séquence amont. Elle est donc tendue entre deux pôles : le « définir » et le « faire advenir ». Constitutive des mutations des positions des aménageurs vers la maîtrise d’ouvrage urbaine, elle est cependant fragile et questionne les modèles d’affaires de la fabrique urbaine française.

Cet encadré technique n’est affiché que pour les administrateurs
post->ID de l’article : 4471 • Résumé en_US : 4713 • Résumé fr_FR : 4710 •

Introduction

Les travaux sur les projets d’aménagement français ont montré que l’activité de conception en aménagement ne recouvrait pas uniquement le travail des « concepteurs » traditionnels que sont les architectes et les urbanistes, mais aussi les processus d’élaboration et d’assemblage de l’ensemble des choix d’aménagement, tels que la programmation et le phasage du projet, son financement, la définition des infrastructures et des exigences techniques et esthétiques à mettre en place, ou encore la construction du cadre organisationnel et juridique de sa réalisation (voir, par exemple, Bourdin, 1996[1]Bourdin A. (1996). « L’émergence d’une nouvelle figure de l’aménageur », dans Club des maîtres d’ouvrage d’opérations complexes, L’aménageur urbain face à la crise de la ville, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 254 p. ; Prost, 2003[2]Prost R (dir.). (2003). Projets architecturaux et urbains : mutation des savoirs dans la phase amont, Paris, Éditions du PUCA, 174 p. ; Arab, 2004[3]Arab N. (2004). L’activité de projet dans l’aménagement urbain. Processus d’élaboration et modes de pilotage. Les cas de la ligne B du tramway strasbourgeois et d’Odysseum à Montpellier, Marne-la-Vallée, École nationale des ponts et chaussées, 509 p. ; Devisme, 2009[4]Devisme L (dir.). (2009). Nantes, petite et grande fabrique urbaine, Marseille, Parenthèses, 267 p.). Si l’on définit la conception comme l’activité intentionnelle de spécification d’un objet en satisfaisant un ensemble d’exigences et en étant soumis à un ensemble de contraintes (voir Ralph et Wand, 2009[5]Ralph P, Wand Y. (2009). A Proposal for a Formal Definition of the Design Concept, dans Lyytinen K, Loucopoulos P, Mylopoulos J, Robinson B (dir.), Design Requirements Engineering: A Ten-Year Perspective, Berlin, Springer, p. 103-136., pour une discussion détaillée de cette définition), les processus cités ci-avant participent en effet à la spécification des caractéristiques du morceau de ville à produire et de son mode de production.

Cet article alimente donc la connaissance sur cette activité de conception opérée par les aménageurs et leurs partenaires, en se focalisant plus précisément sur le travail mené dans les séquences aval des projets. En effet, dans les travaux s’intéressant aux processus d’élaboration des projets d’aménagement, le cadre théorique de la conception est principalement mobilisé pour analyser la « phase amont » (Prost, 2003), qui va de l’énonciation d’une intention politique jusqu’à la validation d’un plan directeur de l’aménagement. Cette concentration sur l’amont résulte tant d’une convention méthodologique pour conduire l’analyse (Arab, 2004) que d’une reprise de la division du processus de projet faite par les milieux professionnels de l’aménagement, qui distinguent les phases d’élaboration des phases de réalisation dites opérationnelles (Gateau-Leblanc, 2012[6]Gateau-Leblanc N. (2012). Montage d’opérations d’aménagement, Paris, EFE, 160 p.).

Or le recours aux modèles formels du projet présente le risque de restreindre le périmètre d’analyse et de laisser ainsi dans l’ombre certains pans de l’activité de conception en urbanisme. Déjà, l’idée d’une phase amont avait été introduite au début des années 2000 pour se défaire de la division entre programmation et conception, telle qu’elle est formalisée par la loi MOP : en effet, les observations convergeaient alors pour constater une superposition des périmètres d’action de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre, qui sont en interaction continue pour construire simultanément la « commande » de conception et sa solution (Prost, 2003 ; Terrin, 2005[7]Terrin JJ (dir.). (2005). Maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et entreprises. De nouveaux enjeux pour les pratiques de projet, Paris, Eyrolles/PUCA, 198 p.). De la même façon, plusieurs travaux ont montré combien la distinction entre les activités de conception et de réalisation est délicate dans des projets structurés par une tension constante entre le définir et le faire advenir (Boutinet, 1990[8]Boutinet J-P. (1990). Anthropologie du projet, Paris, PUF, 300 p.). L’étude de projets d’aménagement, en particulier, montre que l’élaboration et la réalisation ne se succèdent pas de manière linéaire mais cohabitent tout au long du projet, une partie des conditions de réalisation étant incorporée dans le travail d’élaboration amont des projets (Arab, 2004), et ce travail d’élaboration se poursuivant lors d’étapes avancées des phases dites de réalisation (Idt, 2009[9]Idt J. (2009). Le pilotage des projets d’aménagement urbain : entre technique et politique, Marne-la-Vallée, université Paris VIII, 558 p.).

Dès lors, il nous semble qu’il faut questionner l’appréhension linéaire du processus de projet où se succèderaient une phase amont de conception et une phase aval de réalisation. Cela ne revient pas pour autant à exclure tout découpage du processus de projet, puisque le temps continue de s’écouler linéairement, et puisque les professionnels de l’aménagement distinguent différentes étapes dans l’organisation du projet. Plutôt que de recourir à la notion de « phase », nous privilégierons donc l’idée de « séquences » d’action : l’enchaînement des séquences propose une ponctuation de l’action, qui permet de la décrire et de l’organiser, mais il ne préjuge pas de la nature de l’activité qui se déroule dans chacune d’entre elles. L’idée de séquence s’inscrit d’ailleurs dans la continuité des travaux de N. Arab (2007[10]Arab, N. (2007). Activité de projet et aménagement urbain : les sciences de gestion à l’épreuve de l’urbanisme, Management & Avenir, vol. 2, n° 12, p. 147‑164.), qui montre qu’au sein d’un projet d’aménagement, un ensemble de tâches de conception, de programmation et de réalisation peuvent être menées parallèlement.

C’est donc à l’activité de conception opérée lors des séquences aval que nous nous intéresserons ici. Nous définissons ces dernières comme celles qui se déroulent depuis les principales autorisations administratives arrêtant les principaux choix d’aménagement (projet architectural et urbain, exigences techniques, programme, financement, montage juridique et mode de pilotage), jusqu’à la livraison des dernières constructions (ouvrages, équipements ou bâtiments) inscrites dans le programme du projet relevant de la responsabilité de l’aménageur. Il s’agit donc de faire advenir les ambitions initiales en définissant précisément les caractéristiques techniques et esthétiques des différents ouvrages composant le projet, puis en les réalisant. Si le périmètre temporel de ces séquences correspond à la phase dite de réalisation opérationnelle dans le référentiel du milieu de l’aménagement, nous nous proposons d’interroger ici les contenus de ces séquences et leurs rapports avec le processus de conception du projet dans son ensemble, en posant la question suivante : dans quelle mesure l’activité de projet opérée au cours des séquences aval relève-t-elle également d’une activité de conception au sens où elle contribue à spécifier les objets urbains à produire ?

Notre propos s’appuie sur deux opérations de recherche récentes menées séparément par les deux auteurs :

– L’une, qui fait l’objet d’un travail doctoral, porte sur l’élaboration et l’assemblage des choix énergétiques par la maîtrise d’ouvrage urbaine dans le cadre des projets d’aménagement. Cette recherche, qui s’appuie sur une analyse des processus de projets de l’Opération d’Intérêt National (OIN) Bordeaux Euratlantique, a pour objectifs de documenter et de caractériser l’activité de conception opérée par la maîtrise d’ouvrage urbaine dans l’ensemble des séquences des projets. Dans le cadre de cet article, nous nous concentrerons sur les actions menées par l’aménageur dans les séquences aval pour traduire sa stratégie énergétique dans des opérations immobilières économiquement viables, qualitatives en termes de confort d’habiter, et performantes du point de vue environnemental.

– L’autre opération porte sur le dispositif des ateliers d’urbanisme négocié et mis en place sur la ZAC Arras-Europe, qui constitue l’une des opérations du projet de rénovation urbaine multi-sites de Lille. Face à la diffusion et à la structuration progressive de ce type de démarche, qui a émergé dans des projets nantais (Barthel et Dèbre, 2010[11]Barthel PA, Debre C. (2010). Dans la « cuisine » de la mixité : retour sur les expérimentations nantaises, Espace et Sociétés, n° 140-141, p. 75-91.), bordelais (Christy, 2016[12]Christy H. (2016). L’urbanisme négocié. Bordeaux, les Bassins à flot, Paris, La Découverte, 112 p.) ou encore parisiens (de Gravelaine, 2015[13]De Gravelaine F. (2015). L’atelier des Batignolles : une nouvelle fabrique de la ville, Paris, Alternatives, 144 p.), l’objectif est de comprendre à quels besoins ces nouveaux dispositifs répondent, ce qu’ils recouvrent exactement, et dans quelle mesure ils transforment les pratiques de projet dans les séquences aval de commercialisation de l’opération d’aménagement et de conception architecturale des opérations immobilières.

Ces deux recherches abordent ainsi l’activité de projet en aménagement de manière différente : l’une est monothématique (elle se focalise sur les choix énergétiques) et diachronique (elle intègre l’ensemble des séquences d’action dans l’analyse) ; l’autre est multithématique et synchronique. Cependant, elles partagent un même objectif général — éclairer la boîte noire de la fabrique du projet urbain en action — et un même cadre méthodologique — nous nous sommes tous deux attachés à analyser finement les processus et les pratiques de projet en mobilisant des sources empiriques riches et variées articulant entretiens semi-directifs (une cinquantaine pour Bordeaux, une dizaine pour Lille), documentation de projet (y compris dans ses versions techniques et intermédiaires) et observation de réunions de travail entre l’aménageur et ses partenaires. En discutant de nos travaux, nous avons donc constaté qu’une mise en commun de nos observations nous permettait de mieux documenter l’activité de conception opérée dans les séquences aval des projets d’aménagement correspondant à l’encadrement des opérations immobilières.

Afin donc de proposer un ensemble d’éléments sur l’activité de conception dans ces séquences, l’article est structuré en trois temps. Le premier cherche à expliquer l’intérêt pour les aménageurs pour suivre, animer et contrôler la production des opérations immobilières. Le second caractérise l’activité de conception au cours de ces séquences. Le troisième, à vocation conclusive, synthétise l’argument de l’article et interroge la place de l’activité de conception « aval » dans les modèles d’affaires de l’aménagement.

Les aménageurs face aux séquences aval : un intérêt croissant

Des mutations de l’aménagement
qui conduisent à un nouveau positionnement des acteurs
dans les séquences aval

L’évolution de l’aménagement urbain français vers le projet, depuis les années 1990, a été relativement bien documentée. Ont été analysées les conséquences induites sur les gouvernements urbains (Pinson, 2009[14]Pinson G. (2009). Gouverner la ville par le projet, Paris, Presses de Sciences Po, 424 p. ; Dormois, 2006[15]Dormois R. (2006). Structurer une capacité politique à l’échelle urbaine. Les dynamiques de planification à Nantes et à Rennes (1977-2001), Revue française de science politique, vol. 56, n° 5, p. 837‑867.), sur l’organisation du pilotage technique et politique des opérations (Frébault, 2005[16]Frebault J (dir.). (2005). La maîtrise d’ouvrage urbaine, Paris, Le Moniteur, 147 p. ; Idt, 2009[17]Op. cit.) et sur l’activité des aménageurs (Bourdin, 1996[18]Op. cit. ; 2001[19]Bourdin A (dir.). (2001). Projet urbain, maîtrise d’ouvrage, commande, Espaces et sociétés, n° 105-106, 284 p. ; Arab, 2004[20]Op. cit.). Si les prismes de ces recherches sont variés, un certain nombre de convergences peuvent être mises à jour. En particulier, l’émergence du projet se traduit par :

– une modification du positionnement des acteurs du fait de la multiplication des parties prenantes et de la distribution des capacités d’actions qui appellent à plus de partenariat ;

– un changement des modes de production, du fait d’un accroissement des incertitudes et d’une complexification des thématiques à prendre en compte, qui supposent des processus plus itératifs.

Autrement dit, le passage au projet transforme l’organisation et les manières de faire de l’aménagement urbain. Ces mutations ont été relativement bien étudiées sur l’amont des projets d’aménagement. Nous faisons ici l’hypothèse qu’elles ont induit des conséquences sur leurs séquences aval. En particulier, le basculement d’un aménageur centré sur l’activité de viabilisation du foncier et sur la réalisation des ouvrages et des équipements vers la figure de l’ensemblier « maître d’ouvrage urbain » a modifié les processus de production des opérations immobilières. Les aménageurs ont désormais pour mission, dans l’activité de pilotage technique des projets, de « [les] faire exécuter par les différents opérateurs dans le respect des objectifs. À l’articulation entre le politique et les opérateurs de la réalisation, cette fonction assez nouvelle dans le processus de l’aménagement constitue un enjeu de plus en plus important » (Janvier in Frébault, 2005[21]Op. cit., p. 20.).

Concrètement, les observations du programme POPSU de Nantes ont montré comment, dans les projets de l’Ile de Nantes et de Bottière-Chênaie, s’organisait le pilotage de la conception et de la réalisation des opérations immobilières à travers le choix des opérateurs et des maîtres d’œuvre, et la négociation des choix techniques et architecturaux à partir des cahiers de prescriptions architecturales et urbaines (Devisme, 2009[22]Op. cit.). Au-delà de Nantes, les observations convergent pour attribuer à la maîtrise d’ouvrage urbaine un rôle de plus en plus « prescriptif et intégrateur » face aux maîtrises d’ouvrage et aux maîtrises d’œuvre des bâtiments, notamment pour décliner les exigences environnementales dans les opérations immobilières (Terrin, dans Bonnet, 2005[23]Bonnet M (dir.). (2005). La conduite des projets architecturaux et urbains : tendances d’évolution, Paris, La Documentation française, p. 102.).

L’exemple de l’Ile de Nantes a par ailleurs montré que, parallèlement au changement de mode de pilotage des opérations immobilières, la place de la maîtrise d’œuvre dans le projet d’aménagement s’est transformée. L’architecte-urbaniste devient maître d’œuvre urbain, chargé de la formulation initiale du projet mais aussi de son actualisation à travers la réalisation des espaces publics et l’encadrement des opérations immobilières. Ces nouvelles missions se traduisent par le passage du plan-programme au plan-guide et par la constitution formelle d’instances de négociation autour de la commercialisation du foncier et du permis de construire. Le cas nantais confirme ainsi les observations réalisées sur des ZAC parisiennes (Chadoin, 2000[24]Chadoin O. (2000). L’architecte coordonnateur entre originalité et ordre, Annales de la Recherche Urbaine, n° 88, p. 63-72.) et bordelaises (Godier, 2004[25]Godier P. (2004). Du projet à la coordination : parcours d’un architecte-urbaniste « coordonnateur », dans Chadoin O, Evette T (dir.), Activités d’architectes en Europe: nouvelles pratiques, Paris, Éditions de la Villette, p. 89-98.) des années 1990, où s’affirme progressivement la figure de l’architecte-coordonnateur de l’opération d’aménagement.

Ces quelques exemples esquissent la mutation de la position de l’aménageur dans la conduite des séquences aval du projet d’aménagement correspondant à l’encadrement des opérations immobilières. Nos études de cas prolongent ces constats et mettent en évidence l’intérêt croissant des aménageurs pour ces temps du projet qui semblent permettre l’atteinte des objectifs de qualité urbaine, architecturale et environnementale définis au cours des séquences amont.

Un engagement dans les séquences aval
selon des enjeux contextuels et stratégiques
qui s’expriment en termes de qualité

Si les aménageurs et leurs maîtrises d’œuvre développent une ingénierie de projet de plus en plus lourde pour animer, suivre et contrôler l’exécution des séquences aval, c’est sans doute parce que ces dernières constituent des temps de concrétisation et de mise à l’épreuve des ambitions initiales, y compris les plus stratégiques. En particulier, dans nos cas, la question de la qualité est fondamentale, et c’est à travers ce prisme que se comprend l’intervention de l’aménageur dans la production immobilière.

Dans le cas du projet lillois, la qualité urbaine et architecturale des opérations est structurante en raison de la situation urbaine du projet. Inscrit dans un projet de rénovation urbaine multi-sites, l’opération Arras-Europe a en effet pour objectifs » de réaliser un quartier urbain de référence en matière d’urbanisme, d’architecture et de paysage [… et] d’assigner à l’opération d’aménagement une réelle ambition de mixité sociale, qui se traduit par une réflexion sur les nouveaux modes d’habiter, susceptible de favoriser les parcours résidentiels pour les habitants du quartier et d’attirer de nouveaux ménages, de classe moyenne et jeunes cadres, notamment » (Lille Métropole, Communauté Urbaine, 2008[26]Lille Métropole Communauté Urbaine. (2008). Traité de concession d’aménagement de la ZAC Arras-Europe, p. 5.).

Ici, l’atteinte des objectifs de qualité architecturale et urbaine est stratégique car elle est déterminante pour réussir l’objectif de mixité sociale qui structure le programme de la ZAC. En effet, le projet se situe dans un marché immobilier fragile, où la production neuve a été exclusivement en logement social pendant de nombreuses années. Or la programmation de l’opération consiste à produire 1 000 logements, dont 700 logements neufs en accession libre et sociale, dont les acquéreurs sont pensés comme plus aisés que les habitants du quartier. Face à cette situation de projet, le choix de formes urbaines qualitatives et attractives ainsi que la qualité de la production architecturale des bâtiments et des espaces publics apparaissent comme des enjeux majeurs. La commercialisation auprès d’opérateurs privés pour de nouveaux accédants est par conséquent absolument nécessaire pour que l’objectif premier du projet, la diversification sociale de l’habitat, soit atteint.

Dans le cas de l’OIN bordelaise, l’un des objectifs du projet est de profiter de son envergure (plus de 2 millions de m² construits), de son attractivité (une situation en cœur d’agglomération à proximité immédiate de la gare TGV), ainsi que de l’ingénierie disponible (avec en particulier la mise en place d’un établissement public d’État chargé de l’aménagement), pour décliner de façon exemplaire les orientations du Grenelle de l’Environnement et du Plan Climat de l’agglomération. Suite aux réflexions menées dans la phase amont pour élaborer la stratégie énergétique et la charte de développement durable de l’OIN, l’une des orientations choisies a été de privilégier la bonne réalisation effective des performances réglementaires (Réglementation Thermique, RT, de 2012) et le confort d’habiter, plutôt que d’exiger des surperformances théoriques du type « RT moins 30 % » ou « Bâtiments à énergie positive ».

Ici, la qualité technique et architecturale du bâti est donc stratégique à deux titres. D’une part, dans un contexte marqué par des retours d’expérience mitigés quant à la mise en œuvre des labels énergétiques de type « bâtiments basse consommation » ayant précédé la RT2012 (Carassus et al., 2013[27]Carassus J, Laumonier C, Sesolis B et al. (2013). Vivre dans un logement basse consommation d’énergie, une approche socio-éco-technique. Retour d’expérience de six résidences labellisées BBC Effinergie, Paris, Cerqual, 41 p. ; Agence Qualité Construction, 2014[28]Agence Qualité Construction. (2014). Retours d’expériences (REX) – Bâtiments performants & Risques, Paris, Règles de l’Art Grenelle Environnement 2012, 163 p.), les choix de conception et de réalisation du bâti sont considérés comme structurants pour assurer une réelle performance énergétique et environnementale. D’autre part, dans une agglomération bordelaise caractérisée par une forte prégnance de l’habitat individuel, le confort offert par les appartements produits en centre-ville est considéré comme un facteur majeur d’attractivité vis-à-vis des ménages et notamment des cadres, dont on souhaite qu’ils réintègrent les cœurs d’agglomération plutôt que de participer à l’extension périurbaine. Dans ce contexte, certains indicateurs de qualité énergétique et environnementale des logements qui se jouent à travers la conception architecturale (confort lumineux, confort d’été, etc.) sont donc appréhendés comme des contributions au maintien d’une dynamique positive des marchés immobiliers de l’habitat en centre-ville.

Dans les deux cas, cette attention à la qualité urbaine, architecturale et environnementale s’est traduite par le développement de dispositifs d’encadrement et de suivi des opérations immobilières mobilisant de manière régulière un grand nombre d’acteurs du projet :

– À Lille, à la suite d’une première phase de commercialisation fondée sur des concours auprès d’équipes de promoteurs et d’architectes dont les résultats ont été jugés insatisfaisants, des ateliers d’urbanisme négocié mensuels, voire bihebdomadaires, ont été mis en place. Il s’agit d’une instance qui réunit régulièrement, autour de chaque opération immobilière, l’aménageur et sa maîtrise d’œuvre urbaine, les services de l’urbanisme et de l’habitat de la Ville de Lille, et l’opérateur immobilier et sa maîtrise d’œuvre. Le temps de l’atelier consiste à étudier et valider des propositions de choix architecturaux avancées par la maîtrise d’œuvre du promoteur, dans l’objectif de déposer un permis de construire. Ces choix de conception peuvent aller, au fur et à mesure de l’avancement du projet, de l’implantation des bâtiments aux modalités de mise en œuvre des matériaux de façade.

– À Bordeaux, le suivi des choix de conception des bâtiments impactant leurs performances environnementales se fait à travers un certain nombre d’études de maîtrise d’œuvre, dont le rendu est mentionné comme obligatoire dans les fiches de lots annexées aux cahiers des charges de cession des terrains (figure 1). Il ne s’agit pas de modifier le déroulement classique du projet immobilier, mais d’imposer contractuellement aux opérateurs et à leur maîtrise d’œuvre la production d’études qui ne sont pas imposées par la réglementation, le partage d’informations sur les caractéristiques du bâtiment projeté, et la participation régulière à des réunions avec l’aménageur et ses conseils pour valider ou au contraire remettre en cause les choix techniques et architecturaux.

L’ingénierie mobilisée et l’organisation de projet adoptée témoignent donc du caractère stratégique de ces séquences pour le projet d’aménagement. L’activité qui s’y déroule relève-t-elle pour autant de la conception ? Et si oui, quelles sont ses caractéristiques ?

Quelle caractérisation de l’activité de conception dans les séquences aval ?

Une activité cognitive : enrichir la situation
de conception des projets immobiliers
et redéfinir le monde des possibles

Depuis les travaux précurseurs d’Herbert Simon (1947[29]Simon HA. (1947). Administrative behavior: a study of decision-making processes in administrative organization, New York, Macmillan.), les aspects cognitifs ont été largement mis en avant par les travaux sur la conception. D’abord considérée comme une activité de résolution de problèmes mal structurés (Simon, 1973[30]Simon HA. (1973). The Structure of Ill Structured Problems, Artificial Intelligence, vol. 4, p. 181‑201.) voire pernicieux (Rittel et Webber 1973[31]Rittel HW, Webber MM. (1973). Dilemmas in a General Theory of Planning, Policy Sciences, vol. 4, p. 155‑169. ; Goel et Pirolli, 1992[32]Goel V, Pirolli P. (1992). The Structure of Design Problem Spaces, Cognitive Science, vol. 16, p. 395‑429.), la conception a progressivement été appréhendée comme la construction itérative, dans une « conversation avec la situation » (Schön, 1992[33]Schön D. (1992). Designing as Reflective Conversation with the Materials of a Design Situation, Research in Engineering Design, vol. 3, p. 131‑147. ; Midler, 2003[34]Midler C. (2003). L’apprentissage organisationnel : une dynamique entre cohérence et pertinence des règles ?, dans De Terssac G (dir.), La théorie de la régulation sociale de Jean-Daniel Reynaud. Débats et prolongements, Paris, La Découverte, p. 279‑288.), d’un projet englobant simultanément une vision du monde, un problème à résoudre, des solutions à ce problème et des critères d’évaluation de ces solutions (Bucciarelli, 1994[35]Bucciarelli LL. (1994). Designing engineers, Cambridge, MIT Press, 220 p.). Cette construction cognitive est opérée par des collectifs puisque « la conception de nouveaux produits ou de nouveaux services est un domaine d’action dans lequel la coopération est indispensable : d’abord parce que le nombre d’informations et de connaissances à manipuler est très grand. Ensuite parce qu’il y a une interdépendance cognitive des individus entre eux : les savoirs détenus sont répartis entre plusieurs individus. Enfin, parce que le résultat de la conception est incertain et le chemin qu’il faut suivre pour y arriver est peu connu, voire inconnu » (de Terssac, 1996[36]De Terssac G. (1996). Le travail de conception : de quoi parle-t-on ?, dans De Terssac G, Friedberg E (dir.), Coopération et Conception, Toulouse, Octarès Éditions, p. 1‑22, p. 2.).

En nous penchant sur l’exemple bordelais, on observe que l’encadrement de la conception énergétique et environnementale des opérations immobilières relève de cette activité de construction cognitive. Comme évoqué précédemment, la négociation et le suivi des performances environnementales des opérations immobilières s’appuient sur la remise d’études de maîtrise d’œuvre lors des étapes successives qui ponctuent le projet immobilier. Chacune de ces étapes est l’occasion de réunions entre le chargé de projet et la chargée de mission « développement durable » de l’aménageur d’un côté, parfois assistés des assistants à maîtrise d’ouvrage énergie et/ou environnement, et de l’autre, le promoteur accompagné de son architecte et bien souvent d’un bureau d’études environnemental. Comment sont donc mobilisées ces études et ces réunions, et dans quelle mesure sont-elles le support de cet apprentissage collectif ?

En premier lieu, le dispositif mis en place par l’aménageur a pour rôle d’intégrer un certain nombre de problématiques dans le travail de conception du projet immobilier. Ainsi, les simulations thermiques dynamiques doivent permettre d’estimer la prise en compte du confort thermique des futurs occupants, aussi bien lors des grands froids de l’hiver que lors des journées chaudes en été. Les études d’ensoleillement, quant à elles, sont associées à la prise en compte du confort visuel, tandis que les analyses du cycle de vie permettent de formaliser le travail sur les qualités environnementales des matériaux employés. Si certaines de ces études sont devenues des classiques de la conception technique et architecturale des bâtiments, elles ne sont pas toutes systématiquement mises en œuvre par les promoteurs et leurs équipes de maîtrise d’œuvre : en réclamant le partage de rendus, l’aménageur s’assure donc de cette mise en œuvre systématique, et favorise à travers cela l’intégration d’expertises énergétiques et environnementales dans les équipes de maîtrise d’œuvre. « [A propos du dispositif mis en place par l’aménageur], c’est très bien, on l’a pas senti du tout comme une contrainte, de toute façon c’est un travail qu’on fait si on essaie d’être un petit peu consciencieux. Après il y en a peut-être aujourd’hui qui font des projets sans faire de simulations thermodynamiques, sans faire 4, 5, 6 calculs thermiques et autres, nous non, on les fait au quotidien de façon systématique. Donc on n’a pas fait de choses en plus, enfin si, on a fait deux trois trucs […] C’est un peu comme nous, on est certifiés, c’est forcément une petite contrainte, mais ça permet de faire un roadbook avec des échéances, et puis c’est pas mal parce que quelqu’un d’autre qui la regarde, ça permet de voir si on a laissé passer quelque chose » (responsable de programmes, groupe national de promotion immobilière, mai 2016).

Au-delà de cette prise en compte « forcée » de certains aspects dans la conception des bâtiments, les réunions de partage des études de maîtrise d’œuvre sont également des espaces de mise en commun et de confrontation des savoirs sur la production immobilière. Les promoteurs et leurs équipes de maîtrise d’œuvre sont ainsi amenés à discuter des exigences portées par les aménageurs, en les confrontant à leurs propres retours d’expérience, ce qui amène à trouver de nouveaux compromis plus acceptables. « On a, par exemple, discuté des facteurs lumière jour que nous imposait l’EPA, parce que je savais très bien que j’allais avoir un hôtel, avec un label, et que dans le cadre du label, on aurait des valeurs de lumière spécifiques. Donc on savait très bien qu’en fonction du produit, on aurait des exigences de l’aménageur qui ne fonctionneraient pas ; donc on n’a pas dit ‘ça ne fonctionnera pas’, on a discuté des valeurs au regard de l’implantation du bâtiment, du programme immobilier, on a échangé sur des expériences avec de la [norme] NF, et on est arrivés à un compromis qui était satisfaisant pour l’aménageur comme pour moi » (ibid.)

Inversement, l’aménageur et ses bureaux d’études peuvent être amenés à proposer des pistes de conception à l’opérateur immobilier et à son architecte, qui restent seuls responsables de l’élaboration détaillée du projet immobilier. « On nous a suggéré de mettre des GTB, on nous a suggéré de regarder la conception de nos façades, de faire de la surventilation, mais on ne nous a rien imposé. Pour le froid, pour limiter les apports du groupe PAC, l’EPA nous avait dit de regarder les solutions de surventilation nocturne, et on est partis dans des solutions comme ça » (ibid.)

In fine, les discussions respectives sur les choix de conception des bâtiments entre l’aménageur, les promoteurs et leurs prestataires sont donc des espaces qui permettent, d’une part, d’enrichir la situation de conception des bâtiments en imposant des études qui intègrent certaines problématiques à la réflexion, et d’autre part, des espaces de confrontation des savoirs des uns et des autres qui permettent de redéfinir collectivement le champ du possible voire du souhaitable en matière de production immobilière. S’y joue donc pour partie la spécification des opérations immobilières, composantes essentielles du morceau de ville à aménager.

Au-delà du projet immobilier, cette spécification concerne aussi les choix de conception d’autres composantes du projet d’aménagement. Ainsi, à Bordeaux toujours, le développement d’un réseau de froid urbain a conduit l’aménageur et la collectivité à intégrer dans les discussions avec les opérateurs immobiliers la question du raccordement des bâtiments à ce réseau. Cette négociation a non seulement conduit les maîtrises d’ouvrage et les maîtrises d’œuvre des opérations immobilières à reconsidérer les choix techniques et architecturaux impactant le besoin en froid des bâtiments projetés, mais l’échange d’informations sur le dimensionnement des installations de distribution de froid a également conduit la collectivité et l’opérateur de réseau à revoir le périmètre géographique de l’infrastructure et le modèle tarifaire du service.

Ainsi, nous retrouvons dans cette analyse des séquences aval la même dynamique reliant connaissance et capacité d’action sur le projet que celle mise en exergue par N. Arab (2007[37]Op. cit.) concernant le projet montpelliérain d’Odysseum. Contrairement aux modèles de conception des projets industriels caractérisés par l’irréversibilité (Midler, 1993[38]Midler C. (1993). L’auto qui n’existait pas. Management des projets et transformation de l’entreprise, Paris, InterEditions, 215 p.), le développement des connaissances augmente ici la capacité d’action sur le projet, au moins temporairement, pour remettre à jour des éléments programmatiques. Des choix effectués au cours des séquences amont sont redéfinis, transformés, alors même que la réalisation effective est commencée. De ce fait, le plan directeur d’aménagement n’est pas tant élaboré au cours des séquences amont que tout au long de la conception de chacune des opérations immobilières donnant corps, ajustement après ajustement, modification après modification, à celui-ci : si « phase de définition » il y avait, elle ne se terminerait donc qu’une fois la dernière opération immobilière livrée, plusieurs décennies après les premières études.

En somme, les séquences aval constituent bien, aux côtés des séquences amont, un moment dans l’élaboration du projet d’aménagement. Elles forment en effet un temps d’enrichissement des situations de conception et de redéfinition du monde des possibles et des souhaitables, tant pour les opérations immobilières que pour les autres composantes du projet d’aménagement. Mais cet enrichissement cognitif n’est pas la seule modalité de conception de ces séquences aval, où se jouent également des négociations pour faire advenir les orientations d’aménagement.

Une activité négociée : sous le discours de la coconception,
la restructuration des rapports de force

« Le compromis, il n’est pas tombé du ciel. Ce n’est pas l’atelier qui a permis d’arriver au compromis, l’atelier a permis d’arriver au conflit » (chargé d’opération, SEM d’aménagement, juillet 2015).

Si la dimension collective de la conception tient notamment aux dynamiques d’apprentissage collectif et de synchronisation cognitive, elle doit également s’appréhender au prisme des dynamiques d’enrôlement (Callon, 1986[39]Callon M. (1986). Éléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc, L’Année Sociologique, vol. 36, p. 169‑208. ; Latour, 1992[40]Latour B. (1992). Aramis, ou l’amour des techniques, Paris, La Découverte, 241 p.) et de négociation (Crozier et Friedberg, 1977[41]Crozier M, Friedberg E. (1977). L’acteur et le système : les contraintes de l’action collective, Paris, Seuil, 504 p.). En effet, l’activité de conception comporte une dimension productive irréductible qui met à jour une tension entre le « définir » et le « faire advenir » : puisqu’on conçoit un objet afin de le réaliser, la mise en place des conditions de réalisation de l’objet fait partie intégrante du travail de conception. Cette activité est d’autant plus importante que les situations de projet sont souvent caractérisées par une distribution des capacités d’action entre différents acteurs aux intérêts partiellement contradictoires, ce qui signifie que la constitution d’une capacité et d’une volonté d’action collective est loin d’être acquise. En d’autres termes, « ce qui importe [pour la maîtrise d’ouvrage urbaine] c’est la capacité à faire, à passer à l’acte » (Bérard in Frébault, 2005[42]Op. cit., p. 6.).

De ce point de vue, l’encadrement de la production des opérations immobilières constitue un moment stratégique pour négocier le passage à l’acte. En effet, le permis de construire, obtenu suite aux discussions entre les acteurs du projet d’aménagement et ceux du projet immobilier dans les séquences aval, conditionne le transfert des charges foncières et formalise un certain nombre de choix architecturaux et techniques. Il structure ainsi largement la répartition du risque et de la valeur : pour l’aménageur et le concédant, la vente du foncier et la délivrance du permis lèvent un certain nombre de risques de non-effectivité du projet d’aménagement, tant sur le plan du rythme et du financement de la production que sur celui de la qualité des produits ; quant à l’opérateur immobilier, les données du permis se traduisent dans des coûts de construction, un prix d’achat du foncier, une surface constructible ou encore des caractéristiques de produit impactant la commercialisation à venir. Dès lors, les séquences aval des projets d’aménagement sont des espaces de négociation de compromis de coexistence entre des acteurs qui ont chacun un fort intérêt à ce que le projet voie le jour, mais qui possèdent aussi un pouvoir de blocage si la répartition du risque et de la valeur ne leur convient pas.

Nos observations nous révèlent ainsi que l’atelier d’urbanisme négocié lillois n’est en fait pas une instance de coconception au sens des cognitivistes, mais plutôt un espace de restructuration des rapports de pouvoir entre les parties prenantes de la production urbaine et immobilière (figure 2). Les approches cognitives de la conception distinguent en effet deux formes de conception collaborative (Darses, 2009[43]Darses F. (2009). Résolution collective des problèmes de conception, Le travail humain, vol. 72, n° 1, p. 43-59.) : avec la coconception, les partenaires se rassemblent pour résoudre conjointement un problème ; la conception distribuée, quant à elle, consiste à coordonner des activités d’élaboration de solutions interdépendantes, mais opérées séparément.

À Arras-Europe, l’observation des réunions ne montre pas de travail de co-élaboration de solutions à partir des perspectives et des plans proposés par l’architecte de l’opération immobilière, mais une discussion de ces documents en vue d’une modification a posteriori par la maîtrise d’œuvre. Le travail de conception de l’opération immobilière continue donc à se produire dans l’atelier de l’architecte, qui construit un ensemble de solutions qu’il soumet à son maître d’ouvrage, ce dernier les validant ou non avant présentation à l’atelier d’urbanisme négocié. Par ailleurs, le compte-rendu de l’atelier peut être discuté et amendé par la Ville, l’aménageur et la maîtrise d’œuvre urbaine, y compris sur des points non-abordés pendant l’atelier, sans que l’architecte ou le promoteur n’ait son mot à dire.

En fait, il est apparu au cours des entretiens qu’aussi bien pour la Ville que l’aménageur, les ateliers visent à contrôler étroitement l’action des opérateurs immobiliers (promoteurs privés et bailleurs sociaux) afin que ceux-ci ne puissent plus « déshabiller » le projet au cours de la phase de travaux. Dans le cadre de ce projet d’aménagement, les promoteurs semblent avoir perdu une grande partie de leurs marges de manœuvre : ils achètent une charge foncière à prix faiblement négociable, s’engagent sur un prix de construction des logements et peuvent s’engager, dans le cas de produits d’accession sociale et maîtrisée, à respecter des prix de vente. Ainsi, l’aménageur et la Ville contrôlent la plupart des paramètres économiques des opérations immobilières.

Cependant, au cours de la première phase de l’opération, la Ville et l’aménageur ont constaté un processus d’appauvrissement architectural des bâtiments, via un choix de matériaux de mauvaise qualité et/ou une mauvaise exécution des travaux. Ce retour d’expériences sur la première phase de l’opération et la livraison de l’îlot-test les amènent à vouloir porter une plus grande attention à la qualité architecturale des opérations. En s’engageant dans l’atelier d’urbanisme négocié, il s’agit de sélectionner, avec les promoteurs, les équipes de maîtrise d’œuvre des opérations immobilières, en imposant, autant que faire se peut, une mission complète ; de contrôler le processus du dépôt du permis de construire afin que celui-ci soit le plus détaillé possible ; de suivre les travaux jusqu’aux levées des dernières réserves. De ce fait, les promoteurs rencontrés expriment cette restructuration des rapports de pouvoir et la perte de leurs marges de manœuvre : « D’une relation à deux [avec l’architecte], on était plus sur une relation tripartite [avec la Ville], voire quadri avec l’aménageur dans le cas de validation par ce dernier. Ces réunions tripartites, normalement, vous êtes donneur d’ordres, mais on sent bien que certaines contraintes sont rédhibitoires. Comme je vous le disais, il faut intégrer les souhaits des gens dans le projet, mais ça peut être au détriment d’autres comme l’économie du projet. À la fin, on se résout à dire il faut faire comme ils le demandent. On est un peu dépouillés de notre substance de création. Même si c’est l’architecte qui crée, on est dans un dialogue avec eux pour trouver le bon équilibre de l’opération […] Mais on perd du pouvoir autour de la table » (responsable de programme, groupe national de promotion immobilière, octobre 2015).

Au-delà de ces objectifs communs à la ville et l’aménageur, chacun des acteurs rencontrés poursuit des intérêts propres dans les ateliers :

– L’aménageur considère que les ateliers d’urbanisme négocié sont, pour lui, un moyen de contrôler l’action des services habitat et urbanisme de la Ville de Lille, en vue de mieux organiser l’avancement de l’opération d’aménagement. En effet, en tant que concessionnaire d’une opération d’aménagement avec la seule Métropole Européenne de Lille, il souhaite que la place centrale des services de la Ville de Lille dans le processus de commercialisation des charges foncières, en raison de sa compétence en matière de délivrance des permis de construire, ne se fasse pas au détriment du planning de réalisation des ouvrages et de commercialisation et du bilan de l’opération, éléments contractuels de la concession d’aménagement : « L’idée était vraiment d’arrêter la folie des services et de raisonner tout le monde, de revenir à une discussion plus calme et de respecter les phases, étape par étape, à savoir : esquisse, avant-projet etc. […] ce qui s’est appelé plus tard atelier, était au départ une nouvelle forme de réunion pour arrêter l’intrusion permanente et déraisonnable des services de la Ville » (chargé d’opération, SEM d’aménagement, juillet 2015).

– La maîtrise d’œuvre urbaine vise à contrôler les choix architecturaux en pesant sur les choix des équipes de maîtrise d’œuvre des opérations immobilières, parce que cette sélection joue un rôle central dans l’image du projet d’aménagement qu’elle produit et donc sur la réputation de l’agence : « La ville se fait avec différents acteurs, et on n’est pas là pour tout prendre. Mais c’est une question de cohérence [architecturale] » (chef de projet, équipe de maîtrise d’œuvre urbaine, juillet 2015).

– Les services urbanisme et habitat de la Ville de Lille souhaitent conserver leur monopole d’accès aux élus, en acceptant de jouer le jeu de l’atelier si les instances de coordination technique et politique propres à la Ville ne sont pas remises en cause par l’atelier. En cela, ils souhaitent conforter leur place centrale conquise dans le projet et conférée par la compétence de délivrance des permis de construire. Ainsi, au regard du modèle défendu par l’Agence Nicolas Michelin et Associés, l’atelier d’urbanisme négocié n’intègre pas d’élus, sauf au moment du lancement de l’atelier. Le permis de construire est toujours instruit et validé selon les circuits décisionnels propres à la Ville : « En face, on a des représentants de la Ville, et après il y a une validation par les élus, et en fait, les élus, il y a une sorte de couperet qui tombe et qui dit oui ou non, et face à ces élus-là, nous, on n’a aucune prise. C’est cela qui est assez compliqué. Les représentants de la Ville que l’on a en face de nous anticipent les remarques des élus et, nous, on ne peut rien faire » (responsable d’agence, agence d’architecture, juillet 2015).

– L’architecte de l’opération immobilière s’engage dans l’atelier d’autant plus volontiers qu’il trouve face à lui des alliés pour porter des solutions architecturales qu’il considère comme ambitieuses, et ce parfois contre son maître d’ouvrage : « Ce que je trouve le plus intéressant dans le souci du détail apporté dans les ateliers, c’est leur rapport à la matérialité, sur le type de briques, comme ça, ils [Ville de Lille, aménageur, maîtrise d’œuvre urbaine] apportent une exigence que, nous [architecte de l’opération], on aurait du mal à tenir face à la promotion privée » (Responsable d’agence, agence d’architecture, juillet 2015).

Finalement, contrairement à ce qui est décrit dans la littérature professionnelle (de Gravelaine, 2015[44]Op. cit. ; Christy, 2016[45]Op. cit.), l’atelier d’urbanisme négocié ne constitue pas dans le cas étudié une instance de coconception mais s’apparente plus aux réunions de préinstruction des permis de construire développées dans nombre de collectivités. Pour autant, il s’agit bien d’espaces de conception, dans la mesure où les rapports de force qui s’y actualisent et les compromis qui s’y construisent participent à s’assurer de la tenue dans le temps des spécifications élaborées pour les opérations immobilières. L’atelier d’urbanisme négocié formalise donc des séquences de négociation intrinsèques aux processus de conception, dans des situations où les capacités d’action sont partagées et où l’enjeu du faire advenir conduit à redéfinir ce qui a été préalablement élaboré. Dans le cas d’espèce, ce dispositif permet aux acteurs publics ayant conçu les orientations d’aménagement (Ville, aménageur et ses conseils) de réduire les marges de manœuvre des acteurs privés rejoignant le collectif de conception.

Conclusion :
une activité stratégique, insuffisamment documentée… et fragile

Nos observations empiriques ont donc montré que les séquences aval des projets d’aménagement constituent bien des moments structurants pour la conception des projets. L’analyse des séquences d’encadrement des opérations immobilières fait en effet émerger deux formes d’activité de conception :

– D’une part, les interactions cognitives entre le couple maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’œuvre urbaines d’un côté, et les couples maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’œuvre des opérations immobilières d’un autre côté, contribuent à construire de la connaissance collective sur différents aspects des projets urbains et immobiliers. Ce faisant, elles redéfinissent le monde des possibles et des souhaitables par rapport aux orientations construites dans les séquences amont.

– D’autre part, les négociations qui se déroulent dans ces séquences aval participent à la construction des arbitrages qui permettent le passage à l’acte. Les négociations aboutissent en effet à des compromis de coexistence entre des acteurs aux intérêts parfois divergents, qui ont tous la volonté de faire aboutir le projet d’aménagement, mais qui ont aussi un pouvoir de blocage si les modalités de répartition du risque et de la valeur dans la production urbaine et immobilière ne leur conviennent pas.

Autrement dit, dans ces séquences se poursuit le travail collectif d’apprentissage et de négociation qui permet de mettre à l’épreuve les choix opérés en amont dans le cadre de leur concrétisation par la production immobilière, ce qui conduit d’ailleurs parfois à revoir largement les exigences préalablement élaborées. Si cette activité de « conception aval » est peu visible, au point qu’on peut avoir l’impression qu’une fois la programmation actée le projet peut se dérouler sans problèmes (voir, par exemple, Verhage et Linossier in Boino, 2009[46]Boino P (dir.). (2009). Lyon : la production de la ville, Marseille, Parenthèses, p. 167.), elle n’en reste pas moins stratégique. Ceci explique pourquoi on observe non seulement une remontée des acteurs de la « réalisation » dans les séquences amont des projets (Arab, 2004[47]Op. cit.), mais aussi une immixtion toujours plus poussée des aménageurs dans la production des différentes composantes lors des séquences aval.

Cet article propose un premier aperçu de cette activité de conception opérée dans les séquences aval des projets d’aménagement, mais celle-ci mériterait d’être plus amplement documentée, que ce soit par la littérature académique ou par le monde professionnel de l’aménagement. Il s’agit en effet de mieux comprendre le déroulement des projets d’aménagement et l’organisation de la conception en urbanisme, notamment en déconstruisant un certain nombre de dispositifs émergents dans ces séquences aval : nous avons ici abordé la régulation des études de maîtrise d’œuvre et les ateliers d’urbanisme négocié, mais d’autres objets comme les macro-lots paraissent tout aussi intéressants.

Au-delà, il s’agit également de s’interroger sur l’organisation générale de la fabrique urbaine. Par exemple, dans des mondes de l’aménagement et du bâtiment traditionnellement structurés autour d’une distribution des activités de conception et de maîtrise d’ouvrage, le travail d’encadrement de la production immobilière — dont les professionnels s’accordent à dire qu’il est indispensable — est pourtant marqué par un certain nombre de fragilités. Sans aller jusqu’à parler d’ingénierie concourante (Ben-Mahmoud Jouini et Midler, 1996[48]Ben-Mahmoud Jouini S, Midler C. (1996). L’ingénierie concourante dans le bâtiment, Paris, GREMAP/PUCA, 230 p.), cette activité d’encadrement nécessite en effet de mettre en place une ingénierie chronophage et coûteuse, qui pose la question des modèles d’affaire de l’aménagement.

On peut ainsi rappeler que les dispositifs d’encadrement réunissent un grand nombre de parties prenantes de manière régulière : dans le cas de l’atelier d’urbanisme négocié, par exemple, ce sont 7 à 12 personnes qui sont mobilisées tous les mois, voire tous les quinze jours en fonction de l’état d’avancement des projets, et ce y compris en phase chantier. Ce caractère chronophage est d’ailleurs reconnu par les acteurs, aussi bien dans la presse professionnelle (Cadre de Ville, 2016[49]Cadre de ville. (2016). « Les ateliers d’Arras-Europe : des conclaves de l’urbanisme négocié à la lilloise », 15 juin 2016.) que lors des entretiens : « La fiche du lot N a été envoyée en mars 2013. Le concours architecte a été fait il y a deux ans jour pour jour, pour une signature septembre 2013. Il y a donc deux ans, plus la purge du permis, cela fait 2 ans et 6 mois pour démarrer, et encore, on a anticipé et on a mis en commercialisation alors qu’il y a des promoteurs qui attendent que le permis soit obtenu […]. Aujourd’hui on voit que c’est cumulatif, on fait du participatif et collaboratif, mais l’on a encore un délai à rallonge sur l’instruction » (responsable de programmes, groupe national de promotion immobilière, juillet 2015).

Les opérateurs immobiliers ne sont d’ailleurs pas les seuls à s’inquiéter de ces délais et des surcoûts associés, puisque l’encadrement de la conception des opérations immobilières n’est pas formellement prévu dans l’activité de l’aménageur. S’il est bien du ressort de l’aménageur de commercialiser l’opération en respectant ses objectifs généraux, on constate que cette organisation et ce suivi dépassent largement ce qui est inscrit dans la concession d’aménagement (Lille Métropole Communauté Urbaine, 2008[50]Op. cit.). De ce fait, cette activité chronophage pour l’aménageur est peu rémunérée, d’autant plus que la rémunération est majoritairement tirée des recettes de commercialisation, qui sont décalées dans le temps par le processus d’encadrement de la conception des opérations immobilières. Ainsi, dans le cas mentionné précédemment, la réitération de l’acte permettant le versement du montant des charges foncières n’intervient qu’après la purge du permis de construire et la levée des conditions de précommercialisation, soit plus de 30 mois après la mise en étude du projet. On retrouve ainsi les difficultés de rémunération de cette activité de pilotage technique du projet, déjà mises en avant par le club ville-aménagement à l’occasion de ses réflexions sur l’aménageur-ensemblier (Vilmin, dans Frébault, 2005[51]Op. cit., p. 54.).

À Bordeaux Euratlantique, ce coût associé à l’encadrement des opérations immobilières a d’ailleurs conduit l’aménageur, en quête de gains de productivité, à abandonner le dispositif de suivi des études de maîtrise d’œuvre mis en place initialement, au profit d’une organisation de la production immobilière articulant recours aux certifications et travail par macro-lots. Dans le cas des certifications, le suivi des opérations immobilières est externalisé auprès d’autorités de certification rémunérées directement par les promoteurs immobiliers, ce qui permet de réduire les coûts pour l’aménageur en lui évitant de se doter d’assistances à maîtrise d’ouvrage. Dans le cas des macro-lots, le travail d’encadrement des projets immobiliers se fait à l’échelle de l’îlot plutôt qu’à celle de la parcelle, ce qui permet de réduire le nombre d’opérations à suivre simultanément et donc le besoin en ressources humaines.

Dans un contexte d’austérité budgétaire et de faible rémunération de l’activité d’aménagement, les dispositifs d’encadrement de la production immobilière sont donc extrêmement fragiles. Alors que le nombre de thématiques à prendre en compte tant dans les projets d’aménagement que dans les projets d’édifices augmente d’année en année, ces éléments posent la question de la capacité des maîtrises d’ouvrage publiques et du modèle d’affaires associé à prendre en charge de façon satisfaisante cette activité stratégique que constitue la « conception aval » en aménagement. Les premiers éléments empiriques proposés ici invitent finalement à poursuivre la réflexion sur l’organisation globale de la fabrique urbaine à la française.


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[17] Op. cit.

[18] Op. cit.

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[20] Op. cit.

[21] Op. cit., p. 20.

[22] Op. cit.

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[35] Bucciarelli LL. (1994). Designing engineers, Cambridge, MIT Press, 220 p.

[36] De Terssac G. (1996). Le travail de conception : de quoi parle-t-on ?, dans De Terssac G, Friedberg E (dir.), Coopération et Conception, Toulouse, Octarès Éditions, p. 1‑22, p. 2.

[37] Op. cit.

[38] Midler C. (1993). L’auto qui n’existait pas. Management des projets et transformation de l’entreprise, Paris, InterEditions, 215 p.

[39] Callon M. (1986). Éléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc, L’Année Sociologique, vol. 36, p. 169‑208.

[40] Latour B. (1992). Aramis, ou l’amour des techniques, Paris, La Découverte, 241 p.

[41] Crozier M, Friedberg E. (1977). L’acteur et le système : les contraintes de l’action collective, Paris, Seuil, 504 p.

[42] Op. cit., p. 6.

[43] Darses F. (2009). Résolution collective des problèmes de conception, Le travail humain, vol. 72, n° 1, p. 43-59.

[44] Op. cit.

[45] Op. cit.

[46] Boino P (dir.). (2009). Lyon : la production de la ville, Marseille, Parenthèses, p. 167.

[47] Op. cit.

[48] Ben-Mahmoud Jouini S, Midler C. (1996). L’ingénierie concourante dans le bâtiment, Paris, GREMAP/PUCA, 230 p.

[49] Cadre de ville. (2016). « Les ateliers d’Arras-Europe : des conclaves de l’urbanisme négocié à la lilloise », 15 juin 2016.

[50] Op. cit.

[51] Op. cit., p. 54.